Section thématique 10

Chronologie, périodisation, temporalités.

f Responsable

Guillaume Mouralis (ISP-Nanterre) g.mouralis@free.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Les historiens accordent traditionnellement une place importante au découpage chronologique de leur objet, à l’opération qui consiste à « périodiser ». Les hypothèses de travail, le questionnement et la méthodologie retenue jouent un rôle important dans cette opération, tant la périodisation est souvent au cœur de la démonstration. Cependant, cette opération ne s’effectue pas ex nihilo : le chercheur travaille à partir de chronologies explicites ou implicites, qu’elles soient « politiques » (au sens par exemple de la succession des régimes politiques) ou encore socio-économiques (au sens par ex. des « cycles » économiques). Ces chronologies relèvent soit d’une conception linéaire et orientée du temps historique (elles ont alors des « bornes » de début / de fin et sont rythmées par des « événements » marquants) ; soit d’une conception plus complexe de ce temps (cycles, temporalités différentielles suivant le type de phénomène envisagé). A cette question s’est ajoutée (et peut-être parfois un peu vite substituée) celle des « régimes d’historicité » (Hartog), soit l’expérience du temps faite par les individus/groupes sociaux dans tel ou tel contexte (réflexion inspirée surtout par les travaux de Koselleck sur la fin du 18e siècle).

Ces questions ont été fréquemment et depuis longtemps abordées par les historiens dans leurs œuvres réflexives. Qu’en est-il en sociologie et science politique ? Le découpage chronologique de l’objet a longtemps paru avoir dans ces disciplines moins de pertinence que d’autres modes de découpage. Ceci s’explique par l’inscription plus fréquente des objets de recherche dans le présent, un temps présent peu défini. En sociologie, le recours à l’observation directe (plutôt qu’à la connaissance indirecte, par traces, à distance) favorise cette tendance ; en science politique, le primat traditionnel d’une histoire politique, institutionnelle, stratégique, qui renaît périodiquement sous des habits apparemment neufs, n’incite pas au questionnement des chronologies. L’institutionnalisation et la différenciation des disciplines des sciences sociales à la fin du XIXe et au début du XXe siècles a sans doute joué un rôle dans cette division traditionnelle du travail scientifique.

Le retour de l’histoire dans les sciences sociales a, depuis une vingtaine d’années, sensiblement changé la donne. Cependant, on peut se demander si historiens et politistes périodisent de la même manière, si le découpage chronologique joue le même rôle dans leurs démonstrations respectives, si la réflexion en termes de temporalités différentielles et/ou de « régimes d’historicité » occupe la même place dans les deux disciplines.

Nous prévoyons deux sessions qui porteront sur les thèmes suivants :

1ère session : découper les objets de recherche dans le temps.

Cette session portera d’abord sur la « périodisation » conçue comme opération analytique. Elle se penchera aussi sur l’obstacle que constituent, pour le chercheur, les chronologies préexistantes, naturalisées (parfois durcies sous forme de « chrononymes »). Les contributions de cette session envisageront enfin les pratiques sociales comme étant au croisement de diverses temporalités (d’ordre politique, social, juridique, etc.).

2e session : prendre la mesure des expériences sociales du temps.

La deuxième session de la ST portera sur le temps tel qu’il est éprouvé et vécu par les acteurs. Dans le prolongement de la réflexion précédente sur les temporalités différentielles des pratiques sociales (session 1), il s’agira notamment de réfléchir à la manière dont s’articulent, pour les groupes sociaux, un «espace d’expérience » et un « horizon d’attente » partagés.

Cette réflexion permettra, éventuellement, de poser la question plus générale des régimes d’historicité.

Historians traditionally accorded an important place in chronological cutting of their research topic, the operation of "periodization". The assumptions, the questioning and the methodology play an important role in this operation, for the periodization is often at the heart of the demonstration
These issues have been long and frequently discussed by historians in their reflexive works. What about sociology and political science? The chronological cutting of the research topic have long seemed less relevant in these disciplines than other ways of cutting.

The return of history in the social sciences, for about twenty years, had significantly changed the situation. However, one wonders if historians and political “periodize” in the same way, if the chronological division plays the same role in their respective demonstrations, if the thinking in terms of time-differential and / or " historicity regimes" have the same place in both disciplines.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 2)


f Programme

Présentation de la section thématique (Guillaume Mouralis, CNRS, ISP - Nanterre)

Axe 1
Découper les objets de recherche dans le temps

Discutant : Michel Offerlé (ENS Paris)

Axe 2
Prendre la mesure des expériences sociales du temps

Discutant : Jean-Charles Szurek (CNRS, ISP - Nanterre)


f Résumés des contributions

Axe 1

Tanguy Gildas (CRPS, Université Paris 1)

Plaidoyer pour une déchronologisation partielle de l’histoire administrative à partir de l’exemple de l’institution préfectorale

L’histoire de l’administration est toujours définie – ou presque – selon des scansions chronologiques précises. Le bornage peut suivre des ruptures historiques canonisées (régimes politiques, guerres…) ou, plus spécifiquement, des scansions propres à l’institution étudiée (naissance du corps, épuration…). Pour l’institution préfectorale, les deux approches ont jusqu’ici conjointement balisé les travaux. L’article met en lumière les limites du découpage chronologique à partir d’une recherche socio-historique concrète. Cette posture ne consiste pas pour autant à se faire le chantre d’une histoire globale ou globalisante qui ferait fi de toute contextualisation périodique. Elle permet d’observer l’histoire du corps sous un prisme différent en privilégiant notamment les sites à la temporalité. La déchronologisation invite ainsi à déplacer le regard d’une institutionnalisation du corps (approche linéaire ou diachronique) vers « les institutionnalisations » de l’administration préfectorale (approche a-chronique). L’analyse présentée dans cet article s’emploie à montrer – à partir de plusieurs exemples concrets – que la déchronologisation permet de porter une attention aux structures internes du corps qui apparaissent – au même titre que la périodisation – capables de produire une explication du changement.

Advocacy for a partial déchronologisation of administrative history from the example of the prefectoral institution

The history of the administration is always defined – or almost – according to precise chronological scansions. Boundary marking can follow historical canonized breaks (political systems, wars…) or, more specifically, of clean scansions in the studied institution (birth of the body, purgation…). For the prefectoral institution, both approaches marked out up to here collectively the works. The article brings to light of chronological cutting up from a concrete socio-historical research. This posture does not for all that consist in being made the cantor of a global or all-embracing history which would treat with disdain of any periodical contextualisation. She allows observing the history of the body under a different prism notably by favouring sites to temporality. The déchronologisation so invites to move the glance of an institutionalization of the body (linear or diachronic approach) towards “the institutionalizations” of the prefectoral administration (approach a-chronique). This article aims to unveil – from several concrete examples – that the déchronologisation allows turning an attention in internal structures of the body which appear – in the same way as the periodisation – able of producing an explanation of change.

Bacot Paul (Université de Lyon, Institut d’études politiques, UMR 5206 Triangle)

La dénomination des périodes historiques, ses acteurs et ses enjeux. Entre singularisation et catégorisation

Les historiens – mais aussi les journalistes, les politiciens, et finalement tout un chacun – sélectionnent certaines portions du passé et les dénomment. Le choix du nom utilisé est alors lié à celui du découpage de la période, mais aussi à l’image que l’on entend donner d’elle – ou que l’on accepte plus ou moins consciemment d’en donner. L’attribution d’un nom propre contribue à singulariser la tranche de temps ainsi sélectionnée, à la présenter comme unique dans l’histoire. Mais parce qu’il est presque toujours construit avec des mots du lexique courant, le chrononyme catégorise la réalité qu’il désigne et, partant, porte un certain regard sur elle. Dès lors, les enjeux de l’acte dénominateur peuvent être considérables, ce qui explique qu’il s’accomplisse dans la concurrence des mots et des locuteurs. Une approche d’onomastique politique s’avère donc nécessaire pour conduire l’analyse des processus de politisation, i.e. de construction et d’usage des représentations élargies de la conflictualité sociale.

Denominating historical periods : actors and issues. Between Singularisation and Categorisation

Historians, but also journalists, politicians and in fact every one of us, select certain segments of the past and name them. The choice of that name is therefore linked to the decision as to how the period is selected, but also to the image that we seek to, or more or less consciously accept to, present of that period. The attribution of a name helps specify the period of time that is thus selected and to present it as unique in history. However, because it is almost always constructed with words from everyday language, the chrononym categorises the reality that it refers to and carries a certain vision of it. Thus, the stakes in denomination may be high, which explains why it takes place amid competition both between words and those articulating them. It is thus necessary to approach this from the perspective of political onomastics, in order to fully analyse the processes of politicisation, ie. of construction and utilisation of the broad representations of social conflict.

Clément Pierre (CURAPP/UPJV), Gantois Maïlys (CRPS/Paris I)

Les usages des méthodes et du raisonnement historiques dans la construction d’un objet politique – présentation de deux enquêtes sur terrains passés

Cette communication s’appuie sur deux enquêtes portant sur la reconstitution du processus de négociation du protocole d’accord de 2003 sur l’assurance chômage des intermittents du spectacle et sur la genèse du socle commun de connaissances et de compétences. Face à l’impossibilité d’avoir recours à une observation directe, le sociologue est contraint de mobiliser les méthodes et le raisonnement historiques pour construire son objet. En présentant les opérations de périodisation mobilisées, leurs usages et leur utilisation en relation avec les entretiens et l’observation, cette communication se propose de réfléchir à ce qu’apporte le découpage chronologique à la construction d’un objet de sociologie politique. Le temps présent, celui de l’enquête, étant saturé de références à des temps plus ou moins lointains, nous avons eu recours à une périodisation à trois niveaux. Ancrer l’objet au sein de ces temporalités apporte trois éléments nécessaires à l’analyse du terrain : établir une chronologie fine permet de reconstituer l’espace des possibles parfois « évincé » ; connaître les faits marquants donne un accès aux compétences nécessaires pour « faire face » aux imposants dans les entretiens ; adopter une démarche historique enrichit l’analyse de l’objet de perspectives inhérentes à l’observation du terrain mais invisibles sans la reconstitution temporelle.

The uses of historical reasoning and methods in the construction of a political object – a presentation of two surveys on past fields

This communication is based on two surveys. The first one deals with the reconstruction of a 2003 negotiation process that leads to a new agreement on the unemployment insurance for performers and entertainment industry workers on short-term contracts. The other one studies the 2006 curriculum reform which determines the skills and competences to be acquired by all the pupils at the end of the compulsory academic cycle. In both cases, due to his inability to use participant observation, the social scientist has to use historical reasoning and methods to build his own object. By presenting the different kinds of periodization we resorted to, as well as their use in relation with interviews and observation, this communication aims at discussing what historical analytical tool brings to the construction of the object in political science. The present, which is the time of investigation, being saturated with references to more or less far times, we used a three-level periodization. Fixing the object inside these temporalities brings three elements which are necessary to analyze the field: setting a precise chronology enables to reconstruct the sometimes evicted “space of possibles”; knowing the outstanding facts gives access to the skills necessary to face dominants during interviews; adopting a historical approach enriches the analysis of the object with prospects which are inherent to ground observation, but remain invisible without temporal reconstruction.

Fortané Nicolas (Triangle – UMR 5206 Université Lyon 2)

« Périodisation » et construction de l’objet : comment délimiter les processus historiques ? Réflexions à partir de l’institutionnalisation de l’addictologie en France

« Périodiser » consiste à opérer une délimitation temporelle des processus sociaux qui constituent notre objet d’étude. Mais l’institutionnalisation de l’addictologie en France ne se prête a priori pas aisément à cet exercice dans la mesure où celle-ci est encore inachevée. L’addictologie est en effet encore tiraillée à la fois par certaines potentialités qui lui sont structurellement inhérentes et par les forces (d’attraction ou de répulsion) de certains objets ou processus sociaux historiquement concomitants et parfois concurrents.
Malgré le flou qui caractérise à première vue les contours de l’institution, le chercheur se doit de circonscrire son investigation dans le temps et dans l’espace. La « périodisation » répond à la première de ces exigences. Mais le cas étudié ici a la particularité d’être un phénomène extrêmement récent (entre 10 et 20 ans). Il est donc difficile de l’observer avec un surplomb historique suffisant pour en dégager certains moments ou étapes de construction. Au contraire, il serait plus aisé de décrire les multiples et infimes transformations qui jalonnent sa courte histoire que de repérer des régularités durables dans son fonctionnement.
C’est pourtant ce que nous nous efforcerons de faire en montrant que les premières traces de l’institutionnalisation de l’addictologie sont repérables dès le début des années 1980 et qu’une phase significative de ce processus se clôt au mois de juin 1999 par l’achèvement d’un travail d’objectivation juridique.

Periodization and object construction: how mark the boundaries of historical processes? Thinking from the institutionalization of addictology in France

To “periodize” means marking the temporal boundaries of the social processes that constitute our object of study. But the institutionalization of addictology in France is not so easy to define because it is not achieved yet. This process is indeed still affected in the same time by some inherent structural potentialities and by some attractive and/or repellent social forces that are historically concomitant or even rival.
Despite the vagueness that characterizes addictology boundaries, the researcher has to circumscribe its survey in time and space. To “periodize” is precisely a way to fulfill the first of these necessities. But the case that is studied here is a very recent phenomenon (between 10 or 20 years). So it is difficult to analyze it with a sufficient historical overview that enables us to define some construction steps or phases. On the contrary, it would be easier to look for the multiple and tiny transformations of its short history than to search for some regularities in its performance.
This is however what we will try to do by showing that the first signs of addictology institutionalization are visible from the beginning of the 1980’s and that a significant step of this process ends in June 1999 with the achievement of its juridical objectification.

Axe 2

Richard Hélène (Institut d'Etudes Politiques de Lyon)

Des transitions à l’Est aux transformations post-soviétiques : retour sur un article à la lumière des nouveaux travaux

La chute du régime soviétique a suscité une inflation éphémère de travaux renouvelant l’étude des « transitions » démocratiques et économiques. Cependant, le concept de transition utilisé pour désigner la démocratisation des pays d'Amérique du Sud a été disqualifé pour son biais téléologique. Sous l'influence de la théorie de la path dependency, l'intérêt pour le rôle des héritages socialistes et pour la diversité des sorties du communisme a été grandissant. Le mot de « transformations postsocialistes » a alors été préféré à celui de « transition ». Un article de Michel Dobry paru en 2000 dans la Revue Française de Science Politique a marqué une synthèse critique de cette nouvelle « transitologie ». Son but est de dégager les réelles avancées dans la compréhension des sociétés postsocialistes des simples effets de vocabulaire. Il pointait les défauts d'une approche macroéconomique et macrosociale du postsocialisme, des questionnements trop souvent normatifs ainsi que la pauvreté du matériel empirique. L’article proposait alors un chantier épistémologique sur lequel il convient de revenir au vu de nouveaux travaux parus à la fin des années 2000. A nos yeux, ils démontrent qu'étudier un objet qui n'est pas la transition en elle-même permet d'en parler de manière détournée mais beaucoup plus fructueuse.

From Eastern Republics Transitions to Post-Soviet Transformations: Reassessing Dobry’s Synthesis in the Light of new works

The fall of the Soviet regime gave way to a sudden yet short-lived inflation of scholarly works on economic and democratic transitions. Used to describe the democratization process underwent by South American countries, the very concept of transition nonetheless fell out of favor because of its teleological bias. By difference, researchers equipped with path dependency theories showed a great interest in the various legacy of socialism in these countries, and paid an increased attention to the various ways out of socialism. As a concept, “postsocialist transformation” was preferred to that of “transition”. In a landmark article published in 2000, French political scientist Michel Dobry offered a critical synthesis on this emerging “transitology.” His first goal was to distinguish the real insights from the mere rhetorical moves. By doing so, he adressed the limitations of a macroeconomic or macrosocial approach to postsocialism and of a normative reasoning. In the end, the article laid the epistemological ground of a research program. Now has come the time to return to this seminal article, in the light of recent works published in the last decade. They demonstrate that focusing on an object which is not the “transition” still allows the scholar to talk about it. More: it proves that it can be a productive detour.

Oeser Alexandra (ETT-CMH, EHESS-ENS et LaSSP, IEP Toulouse)

De la RDA à l’Allemagne réunifiée : temporalités plurielles et domination

La « rupture » de 1989 influence les trajectoires des enseignants d’histoire de la RDA. La temporalité linéaire, marquée par un « événement » permet d’appréhender des pratiques d’enseignement. Mais la réflexion en termes de linéarité et de « rupture » n’est qu’une partie de l’expérience du temps des enquêtés. Le recours à l’analyse en termes de « génération » ouvrira d’autres perspectives. Enfin, les transmissions familiales influencent également les expériences du temps. Quelle influence ces temporalités différentielles ont-elles sur les résultats de l’enquête ? Quelle perception les enquêtés ont-ils de l’enquête, de sa temporalité et de l’enquêtrice, elle même inscrite dans le temps (appartenance à une génération) et dans l’espace (appartenance à une unité territoriale et à un régime politique, la RFA) ? La périodisation et les régimes d’historicité interagissent avec l’espace, politique et géographique. L’étude des différentes formes de temporalité nécessite une analyse des relations de hiérarchie et de pouvoir : au niveau « macro » - institutions étatiques, RFA et RDA – mais aussi au niveau « micro », à l’intérieur de la famille, de l’école ou des administrations. Il existe ainsi des périodisations et des régimes d’historicités imposées (par la RFA à l’ex-RDA, mais aussi par certains membres d’une famille à d’autres). Ces temporalités peuvent être contestés, ils sont négociés au quotidien et réappropriés en permanence selon les contextes politiques, familiaux, amicaux.

From the GDR to reunited Germany : the power to impose time

The “break” of 1989 influences trajectories of history teachers in the GDR. Linear temporality, interrupted by an “event”, allows the analysis of teaching practices. But a reflection in terms of linearity and events is only a small part of the experience of time by the interviewees. An analysis in terms of generation will open up new perspectives, just as the study of family transmissions, which also influence time experiences. Which role do these different time experiences play in the research results? Which perception the interviewees do they have of the research, its temporalities, and of the researcher, who is herself part of a generation and a political regime, the GFR? Time, but also regimes of historicity interact with political and geographic territories. The study of different forms of temporality needs to include an analysis of power-relationships: on a “macro”-level (institutions of the GDR and GFR) but also on a “micro”-level: inside the family, the school, administrations. There are imposed times and regimes of historicity (by the GFR onto the GDR but also by certain family members onto others). These temporalities can be contested; they are negotiated and reappropriated permanently according to different political contexts, but also according to family or peer-group configurations.

Codaccioni Vanessa (CRPS-Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

L’impossible périodisation des « affaires »? Temporalités multiples, chronologisation artificielle et caractère infini des procès politiques

L’historien Ernest Lavisse écrivait, à propos de l’affaire Dreyfus : « L’affaire est au procès comme la mer au navire. Elle le déborde à l’infini » . Ces propos, qui attirent l’attention du chercheur sur les multiples temporalités de l’affaire, témoignent des difficultés auxquelles nous avons été confrontés, dans le cadre d’une thèse encore en cours, pour délimiter notre objet de recherche portant sur les grandes affaires du Parti communiste français du début de la guerre froide à la fin de la guerre d’Algérie. Notre proposition se voudra donc un questionnement et une réflexion sur les apports de la sociologie, de l’histoire et de la science politique pour dénouer le fil des temporalités multiples des évènements judiciaires. En particulier, il s’agira d’interroger les possibilités de prise en compte des différents temps des phénomènes juridiques auxquels est confronté le politiste plongé dans les archives d’une institution comme celles du ministère de la justice. Nous verrons aussi que l’analyse qualitative, et en particulier le recours aux entretiens biographiques, renvoie là encore à des problèmes méthodologiques particuliers. Autrement dit, comment prendre en compte « l’affaire » et ses multiples temporalités (procédure judiciaire, médiatisation et mouvement de soutien) sans pour autant mettre sous silence les périodisations véhiculées et suscitées par les enquêtés?

Is determining time periods for judiciary affairs impossible ? Multiple temporalities, artificial chronologies and infinite timings of political trials

When refering to the Dreyfus affair, the French historian Ernest Lavisse was writing : « L’affaire est au procès comme la mer au navire. Elle le déborde à l’infini » . This assertion, which is drawing the researcher’s attention about the multiple temporalities that took place during this judiciary affair, help understand the difficulties we were faced with when working on a thesis that focuses on the great judiciary affairs of the French Communist Party that took place from the beginning of the Cold War to the end of the War between France and Algeria. Our proposal will then be a questioning and thoughts about the contribution brought by sociology, history and political science to give answer about the multiple temporalities that occur during judiciary events. What is particularly at stake here is to question the possibilities for the political scientist to take into account the different time periods of the judiciary events he is confronted with, when studying the public records of institutions, like the Ministry of Justice. We will also see that making an analysis on a qualitative point of view, and in particular when resorting to biographical interviews, also raises particular method problems. The question is thus to know how to take the judiciary affair into account, as well as its multiple temporalities (judiciary procedure, use of the media, collective action), without forgetting to study and mention as well the time periods that are created by the investigation.


f Participants

Bacot Paul paul.bacot@univ-lyon2.fr
Clément Pierre pierclement@gmail.com
Codaccioni Vanessa codaccioni.vanessa@gmail.com
Fortane Nicolas n.fortane@wanadoo.fr
Gantois Maïlys mailysgantois@yahoo.fr
Mouralis Guillaume g.mouralis@free.fr
Oeser Alexandra alexandra.oeser@ens.fr
Offerlé Michel offerle@ens.fr
Richard Hélène hln_richard@yahoo.fr
Szurek Jean-Charles jcszurek@gmail.com
Tanguy Gildas gildasfy.tanguy@wanadoo.fr