Section thématique 15

Genre et politiques publiques : de la découverte mutuelle au dialogue

f Responsables

Isabelle Engeli (European University Institute) isabelle.engeli@eui.eu
Pierre Muller (CNRS-CEE) pierre.muller@sciences-po.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Cette section thématique part d’un double constat. D’un côté, les études de genre font encore relativement peu appel aux concepts issus de la boite à outil de l’analyse des politiques publiques, alors même qu’il est de plus en plus difficile de comprendre les transformations des rapports sociaux de sexe sans s’interroger sur les effets des politiques publiques dans ces domaines. En effet, il n’est pas possible aujourd’hui de comprendre la transformation des rapports sociaux de sexe sans prendre en compte le rôle et l’impact des « politiques du genre ». Ces politique qui sont souvent des politiques de l’intime constituent un lieu d’observation privilégié pour l’étude de la société du point de vue de l’évolution des rapports sociaux de sexe, parce qu’elle désignent la façon dont, à un moment donné, les questions liées aux rapports de genre sont formulées sous la forme de programmes d’action publique.

D’un autre côté, il est de plus en plus difficile de nier que l’action publique renvoie à une dimension genrée, même si cette dernière relève souvent de l’invisible ou du non-dit : les instruments autour desquels se définissent les politiques publiques et qu’elles mettent en oeuvre reposent sur une définition des problèmes à résoudre, des diagnostics et des solutions qui intègrent implicitement une représentation des rapports sociaux de sexe dans la société. Notre ambition est donc de montrer de quelle façon l’analyse des politiques publiques mainstream peut bénéficier de l’apport de la dimension de genre et que, réciproquement, les études de genre doivent bénéficier de l’entrée par les politiques publiques. En effet, l’intégration de la dimension de genre à l’analyse des politiques publiques permet d’apporter un nouvel éclairage à la recherche sur l’action publique à plusieurs niveaux. Plus fondamentalement, l’intégration de la dimension genre conduit à observer de manière différente les mécanismes de définition du contenu des programmes d’action publique en mettant en évidence des formes de « choix implicite » et de « décision invisible » qui pèsent pourtant lourdement sur la définition des problèmes et des solutions. On sait maintenant que de nombreuses politiques publiques peuvent être observées à travers la lunette du genre parce qu’elles produisent des effets sur les rapports sociaux de sexe, même si les acteurs/actrices n’en ont pas toujours conscience.

Etudes de genre et analyse des politiques publiques entretiennent donc des relations symétriques, chacune permettant en quelque sorte d’élucider les points aveugles de l’autre.

La section thématique sera organisée en deux sessions qui permettront de nourrir ce dialogue mutuel entre deux champs de recherches qui s’ignorent encore trop souvent.

Gender and Public Policy : From discovery to dialogue

The main aim of the panel is to further develop the dialogue between gender and public policy studies. On one hand, gender studies haven’t yet fully exploited the concepts and theories developed by public policy studies, which have proved to be very useful as analytical tools striving to better measure the ongoing transformation in gender roles. The so-called politics of gender, which often regulate the intimate sphere, constitute a promising opportunity to better understand why and how the gender relations are regulated at a certain point of time. On the other hand, the gender dimension of public policy-making is more and more acknowledged. Despite the fact that it is often hidden behind rationalization, the choice of policy instruments is based on a definition of the problem to be solved and on the determination of its causes and solutions, which integrate specific social representation of gender roles and definition of women and men’s identity

The twofold purpose of the panel is thus to clarify (1) how mainstream research on public policy benefits from the integration of a gender perspective and reciprocally, (2) how concepts issued from the public policy literature may foster gender studies. The analysis of gender policy dynamics sheds a different but innovative light on the mechanisms which sustain the public policy-making process and, moreover, allows us to better understand the implicit choices and the “invisible” decisions that have an impact on the definition of the policy problem and the elaboration of its solution. In a nutshell, joining together gender and policy studies will therefore provide valuable insights on each current’s blind angle.

Accordingly, the panel is divided into two sessions in order bring together gender studies and policy studies and to further develop dialogue between these two currents of research that too often ignore each other.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 9)


f Programme

Introduction générale de la section thématique : Isabelle Engeli (European University Studies)

Axe 1
Les apports de l’analyse des politiques à la question du genre

Introduction de la session : Pierre Muller (CNRS-CEE)

Discutante : Amy Mazur (Washington State University)

L’objectif de cette session est de montrer comment la prise en compte des outils de l’analyse des politiques publiques permet de mieux saisir les enjeux de la régulation des rapports sociaux de sexe. On abordera notamment la question de l’action publique en matière de prostitution et de violence conjugale, les politiques concernant l’homosexualité ainsi que les politiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

Axe 2
Le genre des politiques publiques

Introduction de la session : Isabelle Engeli (European University Studies)

Discutant : Yves Surel (Université Paris 2)

Cette séance sera consacrée à la fois à une ouverture théorique sur l’apport de la dimension de genre à l’analyse des politiques publiques dans la perspective évoquée plus haut et à des communications portant sur des cas à partir de recherches empiriques. L’objectif est de prendre la mesure des difficultés, des méthodes et des apports des approches en termes de gendering des politiques. La question posée ici est celle d’une forme de « normalisation » des études genre à travers l’intégration de concepts plus généralistes. Les cas étudiés porteront sur les politiques sociales, les politiques d’égalité des chances et l’évaluation des politiques publiques.

Conclusion générale de la section thématique : Pierre Muller (CNRS-CEE)


f Résumés des contributions

Axe 1

Maugère Amélie (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / CARPO)

Action publique et prostitution à l’époque contemporaine en France : le passage d’un référentiel humanitaire à un référentiel sécuritaire. Une politique publique entre mutation et permanence.

Le courant abolitionniste, qui est né dans le dernier tiers du 19e siècle, a eu pour projet de désengager l’Etat de l’organisation de la débauche vénale, lequel orchestrait alors une politique dite « réglementariste ». Les médiateurs abolitionnistes ont profondément enraciné la question prostitutionnelle dans un registre moral de discours. Si les autorités publiques se sont d’abord montré hostiles à intégrer ce répertoire discursif, l’acte qui a consisté à fermer les maisons closes (1946) et celui qui a abouti à la suppression du fichier sanitaire et social recensant les prostituées (1960) attestent en partie du renouvellement des fondements à agir. La valeur « dignité humaine » a été le point d’appui de ce nouvel argumentaire politique. Depuis une dizaine d’années, la question prostitutionnelle est également associée à un registre sécuritaire de lutte contre le crime organisé. Cependant celui-là ne vient pas supplanter la rhétorique symbolique « dignité », mais plutôt se substituer à un répertoire social d’actions et vient ainsi valider l’hypothèse qu’un référentiel de marché induit la diminution des dispositifs de protection sociale. Pour l’autorité publique et les médiateurs, les enjeux de la régulation de la prostitution oscillent de manière complexe entre un pôle pragmatique de protection de l’ordre, de la santé publics et de protection sociale et un pôle symbolique de délimitation des pratiques sexuelles légitimes.

The French contemporary public action as regards prostitution : a study of the evolution from humanitarian to safety references. A Public policy between change and permanence

The abolitionist trend that appeared in the late Nineteenth Century aimed at freeing the State from the responsability of organization venal debauchery.The State then used to practise a policy of so called “regulatory system”. The abolitionist mediators deeply rooted the problem of prostitution into a moral trend of discourse. Even though the public authorities first appeared unwilling to comply with such a trend of discourse, the fact of closing brothels (1946) together with the cancellation of the health and social inventory of prostitutes (1960), partly testify the quite different grounding of the new policy. That new political argumentation was founded on the values of “human dignity”. In the last decade, the problem of prostitution has also been linked to a safety concern of struggle against organized criminality.Yet, that concern has not cancelled the references to “dignity” but rather has replaced a social repertory of actions thus supporting the hypothesis that the norms of the global market entail a decrease of the social protection. In the minds of the Public Authorities and of the mediators what is at stake in the ruling of prostitution complexly fluctuates between a pragmatic concern to ensure good order, public health and social protection and a symbolic concern to define legitimate sexual practices.

Risse David (Université Laval)

L'internationalisation d'un levier démocratique: le volet « jeunes » des politiques homosexuelles québécoises

Autant les effets de vérité d’études genrées sur les politiques publiques sont notables, autant la politisation de l’homosexualité à l’école reste un défi d’action publique. Certains pays, dont la société québécoise, parviennent néanmoins à se démarquer par leurs politiques homosexuelles scolaires. La longue implantation de programmes de sensibilisation à l’homosexualité et à l’homophobie au secondaire québécois constitue-t-elle pour autant un modèle exportable et un levier démocratique de politique genrée internationalisable? L’observatoire onusien de la CGLQ pourrait-il favoriser le développement d’une convention ou, mieux, d’une Charte internationale protégeant les jeunes de violences scolaires homophobes? Si les jeunes victimes d’homopohobie au Québec sont majoritairement des cégepiens, définis comme hétérosexuels, mais restant perçus comme étant différents de la norme, puisqu’il en faut peu pour raviver les blessures homophobes du secondaire, c’est d’abord à ce niveau scolaire qu’il faut travailler pour contrer cette violence persistante et ainsi renforcer la persévérance et la réussite scolaires de ces jeunes. À partir de recommandations d’études de groupes régionaux d’intervention sociale québécois, nous verrons si ces politiques scolaires québécoises peuvent rejoindre d’autres politiques préventives de santé et d’action publiques. Une dernière question visant à mobiliser participants, contacts et ressources pour enfin mettre en place ce projet de Charte.

Even if the conclusions of gendered studies on public policies sound true, yet the politization of homosexuality at school remains a challenge for public intervention. A few countries, and Québec in particular, have taken the lead by their school policies on homosexuality. Nevertheless, does the Québec school system model of implementation in the school curriculum of material on homosexuality and homophobia at high school level constitute an exportable model and could it constitute a democratic lever for gendered policies at the international level? Could the UN observatory of the CGLQ enable the development of a convention, or better still, of an international charter, protecting youth against homphobic violence at school? Even if the majority of the young victims of homophobia in Québec are college students, presenting themselves as heterosexual, but nonetheless perceived as outside the norm, as it doesn't need a lot to bring to memory the wounds inflicted at high school by homphobic behaviour, it would seem that this level should be targeted in order to counter homophobic violence and ensure school perseverance and better school results for the students. Using recommandations from studies published by some Québec regional social intervention groups, we will try to see whether Québec's social and health policies have any impact with school policies created to counter homophobia. Lastly, we will examine how best to mobilize participants, contacts and resources in order to bring about the adoption of the aforementioned charter.

Smedslund Katja (Université Sorbonne Nouvelle)

Les politiques européennes de lutte contre les violences conjugales envers les femmes dans une perspective de la prise en compte de la dimension du genre.

Les violences conjugales à l’égard des femmes représentent un fléau de grande ampleur en Europe. Il devient de plus en plus habituel de faire usage de la terminologie de « violence de genre », d’une violence s’insérant dans les rapports sociaux de sexe. Un problème de violence structurelle relève de solutions structurelles.
Les politiques européennes vont se fonder sur cette compréhension qui nécessitera la mise en place de politiques multidimensionnelles. Le Conseil de l’Europe préconisera cette solution à travers de nombreux rapports sur des questions très diversifiées insistant sur la nécessité d’un changement de mentalités à long terme. Un des outils les plus importants mis en œuvre au niveau de l’Union européenne en 1997, le programme Daphné, fait également état d’une approche pluridisciplinaire dans une perspective européenne.
A partir du début du 21ème siècle, les Etats collaborent de plus en plus dans la mise en place de politiques. L’Espagne est régulièrement citée comme exemple à suivre avec la loi-cadre se fondant explicitement sur la violence de genre.
Mais il y a encore de nombreuses difficultés à dépasser dans la plupart des Etats européens et le problème n’est toujours pas pris en compte avec le sérieux nécessaire et une compréhension adaptée face à un problème complexe et de grande ampleur.

Intimate partnership violence against women represents a huge scourge in Europe. It becomes more and more usual to speak about “gender violence”, a kind of violence integrated in the gender relations. A problem of structural violence needs to be treated with structural solutions.
The European policies are based on this comprehension and try to implement a multi-field approach. The European Council clearly advocates this solution through many reports concerning different ways of treatment because of the necessity of the change of mentalities. One of the most important tools of European Union in 1997, the program Daphne, clearly states of a multi-field approach in a European perspective.
From the beginning of the 21st century, the states collaborate in implementing policies. Spain is often cited as an example with its organic law in 2004 explicitly based on gender violence. But there are still lots of difficulties to overcome in many European states and the problem is still not taken into account seriously and with adapted comprehension facing a major and complex problem.

Perrier Gwenaëlle (IEP de Paris – Centre d’Etudes de l’Emploi)

La difficile intégration de l’objectif de promotion de l’égalité entre hommes et femmes dans la mise en œuvre des politiques de l’emploi

Depuis la fin des années 90, les politiques publiques de l’emploi françaises et allemandes sont marquées par une relative institutionnalisation de l’objectif d’égalité entre les sexes, notamment sous l’impulsion des injonctions communautaires.
Toutefois, l’analyse de la mise en œuvre de ces politiques à Berlin et en Ile-de-France révèle la difficile prise en compte concrète de cet objectif.
Les raisons de cette faible opérationnalisation sont diverses. Celle-ci apparaît comme un révélateur des tensions entre les différents niveaux d’action publique (avec notamment un relatif désengagement de l’Etat pas nécessairement relayé par les collectivités territoriales) et entre les différents objectifs des politiques de l’emploi (en raison de la multiplication des publics cibles, et d’une approche très quantitative du traitement du chômage combinée à l’insertion d’objectifs qualitatifs). Elle s’explique également par les contraintes spécifiques (poids de l’urgence sociale notamment) qui pèsent sur les agent-e-s de la mise en œuvre et par les confrontations de priorités auxquels ceux-ci sont soumis.
A l’instar de l’approche prônée par Margaret Maruani en sociologie de l’emploi, nous mettrons donc en évidence la valeur heuristique d’une lecture sexuée des politiques de l’emploi. L’approche par le genre, plutôt que d’être spécifique, est révélatrice de nombreuses caractéristiques et évolutions des politiques de l’emploi.

Promoting gender equality in the implementation of employment public policies: a difficult integration

Since the end of the 90s, French and German employment public policies have been characterized by a certain degree of institutionalization of the objective of gender equality, particularly thanks to the injunctions of the European Union.
However, the analysis of these policies in Berlin and in the Ile-de-France region reveals how difficult this goal is to implement.
There are several reasons for this: tensions between the different levels of public action (especially because of the fact that the state gives less subsidies that are not always compensated by regional and local authorities), tensions between the different objectives of employment policies (because of the multiplication of potential beneficiaries, and the fact that unemployment is dealt with in a quantitative way whilst qualitative dimensions are being added). Because they have to deal with specific constraints (especially urgent social issues) and because they are exposed to conflicting priorities, those in charge of implementing employment policies don’t take much into consideration the aim of gender equality.
Following the approach proposed by Margaret Maruani in sociology, we’ll show the heuristic value of a gendered analysis of employment policies. The gender approach isn’t specific. On the contrary, it reveals many characteristics and evolutions of employment policies.

Axe 2

Boussaguet Laurie (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Centre d’études européennes de Sciences Po), Jacquot Sophie (Centre d’études européennes de Sciences Po)

Intégrer le genre dans l’analyse des politiques publiques : vers une normalisation ?

La science politique en général, et l’analyse des politiques publiques plus particulièrement, en France, ont tardé à s’intéresser à la question du genre. L’objectif de cette contribution est, dans un premier temps, d’adopter une perspective diachronique afin de retracer les relations complexes entre cette discipline et cet objet d’étude particulier. Trois « âges du genre » seront ainsi distingués : le temps de « l’exploration » ; celui de « l’institutionnalisation » ; et enfin celui que nous proposons d’appeler de « normalisation ». Nous nous inscrivons pleinement dans ce dernier moment, qui consiste à traiter le genre avec les outils classiques de la science politique. La deuxième partie de notre texte sera d’ailleurs consacrée à une mise en pratique de cette perspective de recherche, en croisant certains concepts clés de l’analyse des politiques publiques (tels que la mise à l’agenda ou la mise en œuvre) avec des cas d’études considérés, et la plupart du temps analysés, comme genrés ou féministes.

Mainstreaming Gender in Policy Analysis: Towards Normalization?

French political science, and more precisely French policy analysis, has only lately dealt with gender. The aim of this contribution is, firstly, to adopt a diachronic perspective in order to analyze the complex relationships between gender and political science. Thus, three “ages of gender” will be distinguished: the “age of exploration”; the “age of institutionalisation”; and finally, what we propose to call the “age of normalisation”. We intend to participate fully to this third age, which consists in analysing gender using the classical tools of political science. Besides, the second part of our contribution will be dedicated to applying this specific research approach. In that view, we will articulate some of the key concepts of policy analysis (i.e. agenda setting or implementation) with case studies, which are generally considered as gendered or feminist, and most of the time analysed as such.

Ledoux Clémence (Sciences Po /CEVIPOF)

Rapports de genre et analyse des politiques publiques : le cas des activités exercées dans la sphère privée en France et en République Fédérale d’Allemagne

Tandis que le genre a été progressivement normalisé dans l’étude des politiques publiques, quel bilan théorique peut-on tirer de l’introduction de cette catégorie d’analyse? Nous appuyant sur le cas des règles concernant les métiers occupés à 99% par des femmes dans l’espace privé –comme ceux d’assistante maternelle, aide à domicile-, nous montrerons que les outils classiques d’analyse des politiques publiques contribuent à rendre compte des processus à l’œuvre dans ce domaine. Mais nous soulignerons en même temps que l’attention au genre permet d’enrichir les théories du changement et de poser des questions qui sont moins souvent adressées dans la policy analysis.
En premier lieu, nous montrerons que les analyses ayant le genre comme objet peuvent permettre de saisir une mise en cohérence globale du réel dans les politiques publiques, qui va au-delà de ce que le « référentiel modernisateur » englobe. Cette mise en cohérence permet d’identifier des « régimes de care », véhiculés par des institutions et des instruments. Dans la seconde partie, nous soulignerons cependant que le rapport entre discours et instruments peut être différent dans le cas des politiques publiques concernant la sphère privée par rapport aux exemples classiques des réformes économiques : le privé est aussi le support d’une tension entre discours et instruments, qui rend en même temps le changement plus réversible et peu visible. Enfin, nous montrerons comment la prise en compte du genre dans notre cas d’étude permet d’étudier cette tension entre instruments et discours, donnant lieu à des changements de policies invisibles dans l’espace public et dont les mécanismes peuvent alors se distinguer de ceux des approches traditionnelles.

Gender and public policy analysis: the case of activities in the private sphere in France and the Federal Republic of Germany

While gender has gradually been normalized in the study of public policy, what can be theoretically learned from the introduction of this category of analysis? Relying on the case of rules concerning jobs occupied to 99% by women in the private space –such as home based care providers for children and for elderly people, this paper shows that the classical tools of public policy analysis contribute to explain the processes at stake in this policy domain. But taking gender into account can also enrich theories of change and ask questions that are less often raised in policy analysis.
First, it will be shown that gender as an object of analysis makes it possible to see how reality can be made coherent in public policies and express a référentiel that is beyond the référentiel modernisateur described by Bruno Jobert and Pierre Muller. Taking into account this coherence allows one to identify "care systems", carried by institutions and instruments. Nevertheless, the second part emphasizes that the relationship between discourses and instruments may be different in the case of public policies concerning gender from classic examples of economic reform: privacy is the support of tension between both discourses and instruments, which together make the change of public policies become more reversible and less visible. Finally, it will be argued that studying gender enables one to study this tension which can lead to changes of public policies that are invisible in public space, having mechanisms that can be distinguished from those of traditional approaches.

Cecchini Isabelle (HEC- Ulg - Ecole de Gestion de l’Université de Liège), Fallon Catherine (Département de Sciences politiques, Université de Liège)

Le genre dans l’évaluation des politiques publiques : opportunités et limites

Tous les domaines d’action publique sont de façon directe ou indirecte affectés par des constructions socio-culturelles de genre. Une démarche évaluative de qualité gagne à intégrer cette dimension pour améliorer l’efficacité et l’efficience des politiques publiques par une meilleure prise en compte des réalités socio-économiques des hommes et des femmes, une utilisation optimale des ressources publiques et la rencontre des besoins de chacun. Elle permet une meilleure mobilisation des compétences grâce à une pluralité des perspectives et contribue in fine à une meilleure gouvernance.
Nous présentons les potentialités de deux instruments d’analyse des politiques publiques, le gender mainstreaming et le gender budgeting qui ont été utilisés en Belgique. Ces expériences ont montré l’importance d’intégrer des outils au sein des dispositifs et des instruments de réformes administratives existants pour optimiser les processus d’apprentissage. Il s’agit de mobiliser des dynamiques d’intéressement entre les différents acteurs (fonctionnaires, mandataires, partenaires sociaux, associations) engagés dans le régime politique considéré et de créer des outils pour améliorer l’appropriation et renforcer l’efficacité de cette démarche innovante au quotidien. Cette dynamique est indispensable pour créer les conditions de possibilité d’une intégration du genre dans les politiques publiques qui tienne ses promesses en terme de qualité de l’action publique sans en ralentir la mise en œuvre.

Gender in public policy evaluation : opportunities and limits

Most public actions are somehow affected by gender constructions and these should be taken into consideration when organising their evaluation. Gender integration in evaluation will foster efficacy and efficiency of public actions thanks to better attention to socio-economic discrepancies between men and women, an optimisation in the use of resources through differentiation and an increased sensibility to different modalities of dependency. It will support an increase in efficiency through better mobilisation of competencies and a pluralistic approach contributing in fine to better governance.
Among newly developed instruments, we will present and discuss two which were recently implemented in Belgium, gender mainstreaming and gender budgeting. Those experiences have shown how important it is to integrate such tools in existing instruments and to link them to the main protocols of public administration reforms, to optimise learning processes. The main issue is to mobilise cooperation processes favouring integration of new logics by the stakeholders (public servants, elected politicians, social partners, NGO’s) to foster full appropriation of those new management tools related to gender mainstreaming and reinforce the effectiveness of this innovation in public action. This process of coordinated learning is necessary to achieve better public action through gender mainstreaming while not overloading and slowing down the dynamics of public action with cumbersome procedures

Roca i Escoda Marta (Université de Genève / Université Libre de Bruxelles)

L’action publique sous la loupe du genre. Réflexions épistémologiques et méthodologiques

Cette communication souhaite réfléchir aux problèmes qu’une analyse de genre de l’action publique peut rencontrer. Nos réflexions sont relatives aux diverses positions épistémologiques qui se proposent au chercheur et aux démarches méthodologiques qui en découlent. Bien que l’on puisse affirmer que les politiques publiques visent à apporter des réponses à des problèmes publics constitués et que ceux-ci « intègrent implicitement une représentation des rapports sociaux de sexe dans la société », il est attendu qu’une analyse en termes de genre ne devrait pas seulement cautionner cette « représentation implicite », puisqu’elle devrait également expliquer les processus complexes qui donnent lieu à un « ordre de genre ». Il convient donc de s’attacher à une démarche qui prend le parti de renoncer à devoir affirmer une position politique en l’habillant trop vite d’une autorité (et d’une objectivité) scientifique.
Afin de documenter et de donner corps à notre propos, nous allons axer notre regard vers la production scientifique s’attachant aux politiques publiques concernant l’homosexualité en France. Plus spécifiquement, nous prendrons pour objet les publications et les enquêtes relatives au Pacs. Nos analyses s’appuieront sur les choix épistémologiques et méthodologiques qui conduisent nos recherches sur les politiques publiques impliquant l’homosexualité en Suisse, en Belgique et en Espagne.

A gender perspective on public action. Epistemological and methodological thoughts

The present communication aims to elaborate the problems a gender perspective on public action may encounter. Our concerns relate to a range of epistemological positions available to researchers and to the resulting methodological actions that may be undertaken. While one could state that public policies intend to provide answers to all ready constituted issues “which implicitly include a representation of gender social relationships within society”, a gender analysis should not merely support this “implicit representation” but it should also explain the complex processes contributing to a “gender order”. We need therefore to make every effort to prevent claiming political positions that are too quickly framed by a scientific authority (or objectivity).
In order to document and to give corps to our point of view, we will focus on the scientific production about public policies regarding homosexuality in France. More specifically, we will examine publications and surveys relative to the PACS. Our analysis will rely on the epistemological and methodological choices leading our previous research about public policies on homosexuality in Switzerland, Belgium, and Spain.

Le Bras-Chopard Armelle (Université de Versailles/St.Quentin-en-Yvelines)

La « Convention pour l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif »: une politique publique interministérielle en faveur de l’égalité des sexes

Cette convention signée par une dizaine de ministères français constitue un bon exemple de l’interaction entre recherches sur le genre et politique publique d’égalité des chances dans un secteur particulier mais très vaste : le système éducatif (non seulement Education nationale mais lycées agricoles, écoles d’architecture, de la magistrature, des travaux publics, etc.) Le texte trouve son origine dans les travaux sur le genre qui ont entraîné à un moment politique favorable (2000) une prise de conscience des inégalités entre les deux sexes tant dans le contenu de l’éducation, le choix des filières que la carrière des enseignants. Cette prise de conscience a été le point de départ d’une volonté politique de résorber le gender gap grâce à des instruments appropriés. La conjonction entre chercheurs et politiques s’est effectuée physiquement dans la composition même du comité de pilotage qui réunissait universitaires et décideurs issus des ministères signataires. Le diagnostic établi par les scientifiques a permis de cibler des actions qui ont elles-même été soumises à des évaluations, accompagnées de préconisations ouvrant de nouvelles pistes pour le travail à mener. Si les travaux scientifiques, parfois commandés par les institutions (rapports, colloques, publications), ont été abondants, leur prise en compte dans la mise en œuvre de cette convention reste toutefois modeste, faute de moyens suffisants alloués au comité de pilotage, le dernier mot restant aux politiques.

The “Convention for gender equality, between girls and boys, women and men in the system of education”: an interministerial state policy for gender equality

This convention signed by about ten French ministries is a good example of interaction between researches in gender issues and state policy regarding gender equality in a particular but large field: the system of education (not only state education but agricultural high schools, schools of architecture, law, public works…) This text is rooted in gender studies which raised an awareness regarding the existence of gender inequalities in the course contents, selection of disciplines, as well as in the career of teachers. This awareness was the first step in a political will to put an end to the gender gap with adequate means. The collaboration between researchers and politicians was materialized by the composition of a committee in charge of framing which gathered members of universities and ministerial authorities. The state of affairs established by scientists made it possible to target actions which were themselves submitted to assessments, accompanied by advice opening up new outlooks for future works. While scientific works – sometimes ordered by institutions (reports, colloquiums, publications) – have been abundant, they have not necessarily been taken into account in the application which remains modest owing to the lack of means given to the committee; the decisive factor being political will.


f Participants

Boussaguet Laurie laurie.boussaguet@sciences-po.org
Cecchini Isabelle Isabelle.Cecchini@ulg.ac.be
Engeli Isabelle isabelle.engeli@eui.eu
Fallon Catherine Catherine.Fallon@ulg.ac.be
Jacquot Sophie sophie.jacquot@sciences-po.fr
Le Bras-Chopard Armelle armelle.chopard@wanadoo.fr
Ledoux Clémence clemence.ledoux@sciences-po.org
Maugere Amelie ameliemaugere@yahoo.fr
Mazur Amy mazur@wsu.edu
Muller Pierre pierre.muller@sciences-po.fr
Perrier Gwenaëlle perriergwen@yahoo.fr
Risse David david_risse@hotmail.com
Roca Marta Marta.Roca@ses.unige.ch
Smedslund Katia katiasmedslund@yahoo.fr
Surel Yves yves.surel@aliceadsl.fr