Section thématique 16

Science politique et sexualités en francophonie: un état des lieux

f Responsables

Bruno Perreau (Sciences Po Paris/Institute for Advanced Study, Princeton) bruno.perreau@sciences-po.fr
David Paternotte (FNRS/Université libre de Bruxelles) david.paternotte@ulb.ac.be

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Au cours des trois dernières décennies, les enjeux politiques et sociaux liés aux sexualités ont acquis une visibilité sans précédent dans l’espace francophone. De nombreuses disciplines universitaires s’intéressent désormais à ces questions : les sexualités sont devenues un objet légitime en sciences sociales.

La science politique a été toutefois plus réticente à l’égard des sexualités que d’autres sciences sociales, par exemple l’anthropologie et la sociologie. Ces disciplines disposent en effet de traditions de recherche plus anciennes sur ces questions et leurs organisations professionnelles comprennent aujourd’hui des groupes de travail spécifiques sur le thème des sexualités. À l’inverse, politologues et politistes se sont longtemps abrités derrière la distinction entre espaces public et privé pour écarter cet objet de leurs études. Or, cette posture ne résiste pas à l’analyse socio-historique : comme l’ont également montré les travaux sur le genre, les questions sexuelles sont non seulement traversées de rapports de pouvoir et soumises à l’emprise étatique, mais elles concourent également, par l’imaginaire qu’elles véhiculent, à la légitimation même du pouvoir politique.

Par ailleurs, les politologues et les politistes de langue française se sont moins saisis de cet objet ou de façon plus discrète que leurs confrères issus d’autres contextes culturels. Les Pays-Bas ont ainsi développé de nombreux travaux sur les sexualités et l’American Political Science Association dispose depuis plusieurs années d’un caucus gay, lesbien, bi et transsexuel qui contribue à rendre visible cette question au sein de la discipline.

Cette section thématique consacrée à l’étude des sexualités en science politique francophone se propose de faire l’inventaire des recherches achevées et en cours et d’en dégager les grandes orientations. La section s’inscrit ainsi dans le thème général choisi pour le congrès tout en proposant une démarche d’échange à notre connaissance inédite en francophonie. Elle porte en outre un regard neuf sur la thématique « genre et politique », comme l’atteste la présence de deux des responsables des groupes de travail nationaux sur ces problématiques. Cette section thématique souhaite enfin rassembler à la fois des chercheurs confirmés et de jeunes chercheurs (doctorants, postdoctorants, etc.) provenant des différentes sous-disciplines de la science politique et des quatre pays organisateurs de ce congrès.

Nous proposons de diviser cette section thématique en deux séances, qui correspondent aux principaux champs dans lesquels des travaux sur les sexualités ont vu le jour dans les pays francophones. La première s’intéressera principalement à l’action de l’État comme source de répression et d’émancipation. Les contributions sélectionnées exploreront tant les politiques qui ciblent explicitement la sexualité (filiation, contraception, lutte contre les discriminations en matière d’orientation sexuelle, etc.) que celles qui véhiculent une dimension sexuelle plus ou moins implicite (foulard, mémoire et décolonisation, bioéthique, etc.). La deuxième séance portera sur les mobilisations individuelles et collectives en matière de sexualités. Elle tentera d’identifier leurs principales revendications et leurs répertoires d’action, et comment ceux-ci interrogent théories de la citoyenneté. Il s’agira de mettre en perspective les luttes pour la reconnaissance de la diversité sexuelle et le rôle de l’État en la matière. Cette séance tentera ainsi de saisir les implications normatives des mobilisations en faveur de la reconnaissance des sexualités et d’interroger, à l’instar des travaux sur le genre, les définitions classiques de la citoyenneté.

Research on Sexuality in the Francophone Political Science. A State of the Art

Over the course of the past three decades, political and social issues related to sexuality have attained unprecedented visibility in the Francophone realm. As numerous academic disciplines begin to consider these issues, it is evident that sexuality has finally become a legitimate object of study in the social sciences.

Political science has generally been more guarded where sexuality is concerned than other social sciences, for example anthropology or sociology. The latter disciplines have an older tradition of research into questions of sexuality, and their professional organizations include specific working groups on the subject. In contrast, political scholars and analysts have long hidden behind the distinction between public and private spheres to avoid discussing sexuality in their studies. This approach is challenged by sociological and historical analysis: as research on gender has previously shown, questions of sexuality are not only informed by power relations and subject to the influence of the state, but also contribute to the legitimization of political power.

French political scientists seem less taken with the question of sexuality, or less vocally so, than their counterparts from other cultural backgrounds. The Netherlands has developed numerous studies on sexuality while the American Political Science Association has for several years relied on a gay, lesbian, bisexual and transgender caucus to draw attention to the topic of sexuality within the field of political science.

This section, devoted to the study of sexuality in Francophone political science, aims to document completed and ongoing research studies in this area and to identify their major trends. It hopes to bring together veteran researchers and young researchers (doctoral, postdoctoral) from different sub-disciplines of political science and from all four of the countries organizing this conference.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Session 6 : 9 septembre 2009 14h-16h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (Amphi B)


f Programme

Axe 1

Présidence : Bruno Perreau (Sciences Po Paris)

Axe 2

Présidence : David Paternotte (FNRS, Université libre de Bruxelles)

Discutants :
Daniel Borrillo (CNRS, Paris X – Nanterre)
Olivier Fillieule (Université de Lausanne, CNRS, Paris I - Sorbonne)
Janine Mossuz-Lavau (CNRS, Sciences Po Paris)
Lorena Parini (Université de Genève)


f Résumés des contributions

Axe 1

Mainsant Gwénaëlle (IRIS-EHESS, Centre Marc Bloch)

Le genre d’une politique sexuelle : le contrôle policier de la prostitution

A partir d’enquêtes ethnographiques conduites au sein de services de police spécialisés dans la répression du proxénétisme et du racolage, cette communication analyse la manière dont le genre conditionne le registre qu’empruntent les « relations bureaucratiques » entre policier-e-s et populations cibles (proxénètes et prostitué-e-s) et ses effets sur les activités policières. Elle montre comment ces interactions bureaucratiques reposent sur des configurations hétérosexuées de travail émotionnel (de policiers à destination de proxénètes de genre masculin et de prostituées) qui tendent à exclure ceux qui ne s’inscrivent pas dans cette configuration « normale » : prostitués, proxénètes femmes et policières. Ces configurations conditionnent directement l’action policière puisque les enquêtes seront conduites là où les policiers ont des informateurs (plus rarement sous contrainte hiérarchique ou à la suite de plaintes). Les relations bureaucratiques suivent ainsi des registres genrés qui restreignent les possibilités d’interactions et d’investigations et induisent une focalisation des investigations policières sur des fragments spécifiques du proxénétisme alors même que la proportion des hommes et transgenres/transsexuels parmi les populations prostituées augmente. Le cas du contrôle policier de la prostitution permet donc de montrer la dimension genrée de l’action publique lorsqu’elle est étudiée au niveau des agents subalternes.

A gendered policy: the control of prostitution by the police

My presentation analyses how gender patterns bureaucratic interactions between police agents and their target populations (pimps and prostitutes) and how gender frames police activities. Though French jurisdiction tolerates prostitution, it condemns its procurement and publicity. The action of the police refers to these two offences. According to observations I made during my fieldworks, police agents interact with target populations on diverse purposes: embodying law, arresting a culprit, getting a confession, recruiting an informant... These interactions can be colloquial (from seduction to paternalism) or confrontational (from a tough arrest to a tense examination) but are rarely dispassionate. In any case, the routinised patterns of these interactions are intertwined with heterosexual configurations, which lead to gendered effects of exclusion. Indeed police agents are mostly men, whereas most of the prostitutes have a female gender (which includes transgender and transsexual). This face-to-face of policemen and female prostitutes has become a normal configuration, and excludes therefore policewomen and male prostitutes. As a matter of fact police officers do not investigate in environments in which they do not have informants. Investigations remain thus focused on female prostitution despite the increase of male, transgender and transsexual prostitution. The control of prostitution illustrates the gendering of a policy in the making when considered from the point of view of the street-level bureaucrats.

Mottier Véronique (Jesus College Cambridge & IAS/Université de Lausanne)

Sexualité, politique et Etat: analyses comparatives de politiques publiques eugénistes

Cette contribution se concentre sur un domaine spécifique de politiques publiques en matière de sexualité: les politiques publiques eugénistes qu’ont adoptées plusieurs pays européens au cours de la période 1920-1970. Plus précisément, la discussion de politiques eugénistes servira de base pour une réflexion théorique sur le rôle de l’Etat dans la régulation et la surveillance de la sexualité reproductive, des pratiques sexuelles et des identités sexuelles de ses citoyen/nes. L’analyse des liens entre la sexualité, la sphère politique et l’Etat m’amènera ensuite à problématiser la notion d’Etat. En effet, l’analyse comparative de pratiques eugénistes concrètes révèle que, premièrement, l’action étatique dans ce domaine n’a pas toujours été cohérente, ni homogène, mais s’est caractérisée au contraire par des interventions non-systématiques et parfois contradictoires. Deuxièmement, des acteurs para-étatiques comme des cliniques psychiatriques universitaires ou des autorités politiques locales ont joué un rôle clé dans la régulation eugéniste de la sexualité. J’argumenterai que saisir la complexité de ce type de mécanismes nécessite l’examen des manières dont les politiques sociales et les systèmes étatiques sont à leur tour structurés par des rapports de pouvoir autour de la sexualité, ainsi qu’autour d’autres marqueurs identitaires comme le genre, la ‘race’, les classes sociales et les handicaps physiques et mentaux.

Sexuality, Politics and the State: A Comparative Analysis of Eugenic Policy-Making

This paper focuses on a specific area of public policy-making in the area of sexuality: eugenic policy-making in various European countries (1920s-1970s). More precisely, a historical analysis of eugenic policy-making will serve as a basis for theorising the role of the state in regulating and policing the reproductive sexualities, sexual practices, and sexual identities of its citizens, as well as examining the complex relations of power around sexuality, gender, ‘race’, and the state. Exploring the links between sexuality, politics and the state will lead me to argue that the notion of the state itself needs unpacking. Indeed, a closer, comparative look at concrete eugenic practices will demonstrate, firstly, that states have not always acted in coherent, homogeneous ways, but in ways which have at times been non-systematic and contradictory and, secondly, that para-state actors such as psychiatric clinics or local authorities have often played key roles in the eugenic regulation of sexuality. In order to fully grasp the complexity of such mechanisms, it is necessary to examine the ways in which welfare policies and state systems have in turn been structured by wider social relations of power around sexualities, as well as around other identity markers such as gender, ‘race’, social class and disabilities.

Roca i Escoda Marta (Université de Genève/Université Libre de Bruxelles), Engeli Isabelle (European University Institute)

Le mariage à l’épreuve : entre remise en cause et préservation de l’ordre hétérosexuel. Une analyse des politiques suisses en matière de partenariat et de procréation médicalement assistée

Afin de rendre compte des luttes définitionnelles qui visent à transformer ou à préserver le sens du mariage en tant qu’institution de l’hétérosexualité, nous nous pencherons sur deux débats législatifs-clef qui ont récemment mis à l’épreuve l’institution du mariage en Suisse : l’institutionnalisation juridique des couples de même sexe à travers la loi fédérale sur le partenariat et la préservation du schéma familial hétérosexuel à travers la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée. Ces deux processus législatifs sont au cœur du processus de reconnaissance des couples de même sexe et permettent de mieux saisir les luttes de sens actuelles autour de l’institution du mariage. L’enjeu est donc de montrer que pour saisir l’évolution en cours du sens politique accordé au mariage et à la famille, il convient d’étudier le processus d’institutionnalisation des couples homosexuels dans une temporalité longue prenant place dans différentes scènes législatives. Si notre entreprise vise à décrire ce processus, elle a, toutefois, une visée critique. En effet, nous nous attacherons à montrer de quelle manière les acteurs impliqués se sont entendus pour restreindre l’espace des possibles en tenant à distance l’ouverture du mariage aux personnes homosexuelles et en restreignant le potentiel de nouvelles formes de parentalité offert par le développement de la procréation médicalement assistée, tout en ignorant, dans une large mesure, les critiques visant le caractère discriminatoire et hétérosexué de l’institution du mariage.

The institution of marriage under challenge: Between call into question and preservation of the heterosexual social order. An analysis of the policies on same-sex marriage and on assisted reproductive technologies

In order to understand better the ongoing social struggle over the transformation of marriage as a heterosexual institution, we analyze two parliamentary debates which have recently called into question the social institution of marriage in Switzerland: the legalization of same-sex couples and the ban of assisted reproductive technologies for same-sex couples.
These two parliamentary debates are at the heart of the ongoing process of social legitimization of same-sex couples. Our main goal is to demonstrate the worth of analyzing this legitimization process, across time and issues, in order to fully map the ongoing transformation of marriage and of family. We show how the legalization of same-sex couples has been constrained by, on one hand, the legal distinction between same-sex partnership and heterosexual marriage, and on the other hand, by the ban on same-sex couples’ access to assisted reproductive technologies and parenthood, and has resulted in failure to question the discriminatory and hetero-normative aspects of the institution of marriage.

Herbrand Cathy (Fonds national de la Recherche scientifique/Université libre de Bruxelles)

La sexualité à l’épreuve de la présomption de « paternité » des couples de même sexe en Belgique et au Québec

Ces dernières années, la Belgique et le Québec ont connu des changements législatifs importants concernant l’établissement de la filiation à l’égard de couples homosexuels. Ces lois, qui ont, dans les deux pays, mis la différence de sexe au centre des débats, n’ont pourtant pas abordé la question de la sexualité de la même manière, en particulier par rapport au principe de « présomption de paternité ». Ainsi, lorsque l’adoption fut ouverte aux couples de même sexe en 2006 en Belgique, au nom, entre autres, de la lutte contre les discriminations, le législateur a pourtant maintenu une différence concernant la « présomption de paternité », laquelle ne s’applique toujours qu’aux couples hétérosexuels. Par bien des aspects, ces débats ont divergé de ceux qui se sont tenus au Québec durant l’année 2002 où, à l’occasion de la création de l’Union civile, les règles de filiation ont été revues, entre-autres en instaurant une « présomption de maternité » à la faveur des couples de lesbiennes, à condition toutefois que l’enfant n’ait pas été conçu lors d’une relation sexuelle entre ses géniteurs. En prenant appui sur les débats qui se sont tenus aux Parlements belge et québécois, cette communication visera à comprendre les raisons de ces différentes approches de la sexualité au sein de politiques publiques semblables et à en examiner les implications en termes de représentation de la sexualité dans les matières familiales, ainsi que les enjeux concrets sur l’établissement de la filiation.

Sexuality through the same-sex couples’ “marital paternity presumption” in Belgium and in Québec

Over the last years, Belgium and Quebec have undergone profound changes with respect to the legal recognition of same-sex families. In both cases, “sex difference” was at the centre of the debates but the issue of sexuality was not considered in the same way, in particular, the “marital paternity presumption” was neglected in the debates. In Belgium, such a presumption was not extended to same-sex couples, a remaining legal discrimination. Meanwhile, the Quebec legislator had adopted a “maternity presumption” as a way to establish the child filiation to a mother’s female partner. However, it only applied to children not conceived by the means of a sexual relationship with a man. This presentation, based on the Belgian and Quebec parliamentary discussions, aims at understanding the reasons why two a priori similar legislative changes in favor of same-sex families have ended up developing different approaches of sexuality. The presentation also contains an analysis of the implications of those laws regarding social representations of sexuality in family issues and the practical aspects on the establishment of legal filiation.

Tremblay Manon (Université d’Ottawa)

La représentation politique des femmes. Les trans comme révélateurs d’un projet hétéronormatif.

Les parcours troubles d’Adélaïde Herculine/Abel Barbin et de Sandor/Sarolta Vay au 19e siècle, de Brenda/David Reimer au 20e siècle, ou encore les résistances aux unions de personnes de même sexe, et même de personnes de sexe opposé mais au genre commun, laissent soupçonner que l’interprétation du corps, dans sa mouture anatomique et sociale, joue un rôle d’avant-scène dans la légitimité de l’existence et, surtout, de l’action qui lui est intrinsèque. J’ai moi-même été assaillie par des questionnements de cet ordre lorsqu’en 2004, dans le cadre d’une recherche sur la conception que les femmes parlementaires avaient de leurs rôles de représentation des femmes, j’interrogeais Georgina Beyer (transsexuelle, femme), alors représentante au Parlement de la Nouvelle-Zélande. Je me suis alors demandée si une transsexuelle (ou une transgenre, que je traite ici ensemble en raison de leur statut commun de migrants identitaires) pouvait représenter les femmes ? Je me suis aussi demandée pourquoi ce questionnement s’était posé à moi.L’objectif de cette communication est de mettre au jour les fondements essentialistes d’un projet féministe de représentation politique des femmes. L’idée maîtresse qui l’anime veut que le plaidoyer féministe dominant en faveur d’une représentation politique des femmes promeut une vision « hétéronormative » des sexualités—nommément, qui définit les femmes comme des citoyennes hétérosexuelles, une orientation posée comme un fait de nature et ce qu’elle implique en termes de diktats à la binarité. En effet, alors même que le féminisme s’est appliqué à pourchasser le patriarcat dans ses diverses manifestations, il a été aveugle aux postulats hétéronormatifs de la citoyenneté. Au plan théorique, l’exploration de cette problématique puisera aux réflexions d’auteures telles Judith Butler, Adrienne Rich, Ève Kosofsky Sedgwick et Monique Wittig. Par ailleurs, deux personnages fictifs—Sylviane (une transsexuelle) et Géraldine (une transgenre), toutes deux élues en politique—seront mis à contribution afin de donner une résonance empirique à certains questionnements quant aux rôles des « trans » dans la représentation des femmes. Au total, il ressortira que le projet féministe de représentation politique des femmes est prisonnier d’une conception limitative des femmes en tant qu’identité stable et cohérente (nommément, hétérosexuelle), une conception qu’il gagnerait à dépasser au profit d’une interprétation plus fluide, hétéroclite et inclusive des sexualités et de la citoyenneté.

The political representation of women. Trans people revealing a hetero-normative project

The disturbing stories of Adélaïde Herculine/Abel Barbin and Sandor/Sarolta Vay in the nineteenth century, and of Brenda/David Reimer in the twentieth century, the resistance to same-sex unions, and even unions of people of opposing sexes but a common gender, lead to the suspicion that the interpretation of the body, in its anatomical and social form, plays a featured role in the legitimacy of its intrinsic existence and, especially, its action. I was plagued with questions of this type when, in 2004, in the course of research on how women political representatives thought of their roles as representatives of women, interviewed Georgina Beyer (transsexual, woman), then a Member of Parliament in New Zealand. I wondered if transsexuals (or transgender people, who I am including here because of their common status as identitary migrants) could represent women. I also wondered why I had raisedthis question. The objective of this presentation is to bring into light the essentialist foundations of a feminist project of political representation of women. The guiding idea is that the dominant feminist advocacy for political representation of women promotes a “hetero-normative” vision of sexualities – that is, it defines women as heterosexual citizens, an orientation posed as a fact of nature and what it implies in terms of diktats of binarism. Indeed, even while feminists have applied themselves to hunting down patriarchy in all its various manifestations, they have been blind to the hetero-normative postulates of citizenship. On the theoretical level, the exploration of this issue will draw on the reflections of authors such as Judith Butler, Adrienne Rich, Ève Kosofsky Sedgwick, and Monique Wittig. In addition two fictional characters – Sylviane (a transsexual woman) and Géraldine (a transgender person), both elected politicians – will be used to give an empirical resonance to certain questions regarding the role of the “trans” in the representation of women. On the whole, it will emerge that the feminist project of political representation of women is prisoner to the limiting concept of women as having a stable and coherent identity (that is, heterosexual) – a concept that it would be good to surpass in order to find a more fluid, heterogeneous, and inclusive interpretation of sexualities and citizenship.

Axe 2

Broqua Christophe (IRD – URCIM)

Approche translocale des mobilisations homosexuelles en Afrique francophone

Depuis quelques années, l’existence des pratiques homosexuelles en Afrique se fait plus visible, en dépit de l’assertion courante selon laquelle il ne s’en trouve guère sur ce continent. Ce déni fut si prégnant que, pendant plus de vingt ans après l’apparition du sida, l’hypothèse de la transmission homosexuelle du VIH en Afrique ne fut pas formulée. Depuis le début des années 2000, dans divers pays africains, une conjonction de facteurs – qu’il s’agira d’éclairer – a concouru à la prise en considération de ce risque sanitaire et, à travers lui, à la visibilisation de la question homosexuelle. Dans ce contexte de reconnaissance nouvelle du risque de transmission homosexuelle du sida, des mobilisations émergent autour de la population des hommes ayant des pratiques homosexuelles, dont le principe même ébranle la règle jusqu’alors fondamentale selon laquelle ces pratiques sont possibles à condition que le silence soit maintenu sur leur existence, en particulier dans des pays où la loi les condamne. À partir d’un travail de terrain ethnographique en cours dans trois contextes urbains contrastés (Abidjan, Bamako, Dakar), accordant une attention particulière au rôle central des échanges translocaux, j’examinerai les conditions de possibilité et les logiques des mobilisations homosexuelles naissantes dans différents pays d’Afrique francophone.

Homosexual mobilization in French-speaking Africa : a translocal approach

In recent years, the existence of same-sex behavior in Africa has become more visible, despite the common assertion that it does not exist on this continent. This denial was so pervasive that for more than twenty years after the onset of AIDS, the hypothesis of homosexual transmission of HIV in Africa was not formulated. Since the early 2000s, in various African countries, a combination of differents factors – that will be analysed – has contributed to the consideration of this health risk and, through him, the existence of homosexuality has been taken into account. In this new context of recognition of the risk of homosexual transmission of AIDS, social movements are emerging around the population of men who have sex with men, which undermine the fundamental rule that these practices are possible when the silence is maintained on their existence, especially in countries where they are legally condemned. From an ethnographic fieldwork in three contrasting urban contexts (Abidjan, Bamako, Dakar), paying particular attention to the central role of translocal ties, I propose to analyse the conditions of possibility and the logics of the emerging homosexual mobilization in several countries of French-speaking Africa.

Chartrain Cécile (Université de Rennes 1)

Mobilisation dans la lutte contre le sida et mutations contemporaines du militantisme : l'exemple de Solidarité Sida.

L’arrivée des trithérapies, tout en constituant un progrès essentiel pour les personnes atteintes, a marqué un point de rupture dans l’histoire des mobilisations contre le sida. Ainsi, à partir de 1995-1996, dans un contexte où le sida s’apparente de plus en plus à une maladie chronique et se banalise, l’attention des médias et de l’Etat retombe et les associations peinent de plus en plus à recruter de nouveaux membres comme à conserver les anciens. S’inscrivant largement à contre-courant de cette tendance, l’association Solidarité Sida se distingue à la fois par sa croissance quasi-ininterrompue, par ses modes d’intervention (privilégiant l’évènementiel), par le public qu’elle vise (les jeunes en priorité) et par le rapport relativement distancié que ses membres entretiennent vis-à-vis de la maladie et de l’homosexualité. Mes travaux, qui s’appuient sur une approche méthodologique mixte (questionnaire, observation et entretiens), permettent d’apporter un éclairage sur les formes et les logiques de l’engagement au sein d’une telle association. Le cas de Solidarité Sida semble renvoyer à un ensemble de mutations contemporaines débordant largement du cadre du militantisme antisida.

Mobilization against AIDS and contemporary transformations of activism: the case of Solidarité Sida

The arrival of highly active antiretroviral therapies (HAART) has been a major breakthrough for people living with HIV, but has also accounted for a turning point in the history of mobilizations against AIDS: from 1995-1996, as AIDS has increasingly come to resemble to an ordinary chronic disease, mass media and authorities have started losing interest in the epidemic and organizations have been struggling to recruit new members or to keep the existing ones. In contrast to this trend, Solidarité Sida distinguishes itself by its almost uninterrupted growth, but also its approach (centred on events), its public (mostly youngsters) and the somewhat distant relation that its volunteers have towards the illness and homosexuality. The aim of my work, based on a combined methodology (questionnaires, observation and interviews), is to shed some light on the forms and logics of commitment within such an organization. The case of Solidarité Sida seems to echo some wider contemporary transformations of activism, far beyond the scope of anti-AIDS mobilization.

Gaissad Laurent (Université libre de Bruxelles)

« Ils font ça dans le noir ? » La dangerosité sexuelle des hommes entre eux

Cette communication revient sur l’éradication des lieux de drague sexuels dans l’espace public en France (1995-2005), et insiste sur leur résistance, tant aux politiques urbaines qu’à leur réduction au « milieu » gay. Il s’agit avant tout de montrer que l’examen d’une sexualité entre hommes dans l’espace public se doit de considérer la double acception de cette notion : elle renvoie à la fois à un espace d’opinions, de représentations, voire de définitions concurrentes et à un espace de pratiques sociales, en l’occurrence, sexuelles en des lieux partagés, et parfois seulement bataillés (Gaissad, Deschamps, 2007). Au lieu d’une équivalence stratégique, on dira ici l’antagonisme de leur publicité. On verra par exemple comment la volonté d’expliquer la « dispersion » persistante des conduites homosexuelles a pu mobiliser des registres moraux (souvent psychologiques), suscitant à la fois une nouvelle épidémiologie sociale – surtout aux USA - et un tournant judiciaire dans la gestion de l’intime : au débat sur la criminalisation des personnes séropositives, réintroduite en d’Europe, fait écho l’alarmisme comportemental fixé sur le bareback (avoir volontairement des rapports non-protégés) des enquêtes en cours sur la santé sexuelle des gais. Au passage, l’expérience sexuelle « précaire » à même la rue devient « détournement » - à des fins privées - de l’espace public, et les projets associatifs contre le sida en « milieu ouvert » empruntent leurs termes au travail social et à l’action éducative.

Heart of dark sex : the construction of men-to-men sexual dangers

This paper describes how public places dedicated to cruising and sex were eradicated in France, and underlines their resistance both to urban policies and to their reduction to the gay “scene”. It shows that analysing men-to-men sex in public space involves considering this notion’s double significance: political space for concurrent opinions, representations or even definitions and space for social / sexual practices in sometimes battled for, yet mostly shared locations (Gaissad, Deschamps, 2007). Rather than preaching strategic equivalence, the antagonist acceptations of publicity itself need to be debated. For example, it will be recalled how explaining the persistence of homosexual “dispersion” has involved moral (often psychological) interpretations likely to generate not only new forms of social epidemiology – especially in the USA - but a judiciary shift in the regulation of intimacy: criminalizing HIV+ partners is once again being discussed in Europe while behavioural alerts focus on bareback (voluntary unprotected sex) in current surveys on gay sexual health. Simultaneously, sexual experience in the street is stigmatised as a precarious experience “hijacking” – or privatising – public space, and AIDS NGOs actions in the open air is somehow converted into social work and education.

Darley Mathilde (Centre Marc Bloch Berlin)

Prostitution à la frontière tchéco-allemande : entre déviance sexuelle et marginalité géographique, quelle mise en mots locale et nationale ?

Il s’agit de réfléchir ici à la question des sexualités perçues comme déviantes ou marginales et de leur mise en mots (ou en politique) à travers le cas particulier de la prostitution à la frontière tchéco-allemande. Apparue dans les régions frontalières de la Tchéquie peu après la chute du communisme et l’ouverture des frontières du pays, la prostitution frontalière est à l’évidence le produit d’un différentiel économique : entre la Tchéquie et l’Allemagne d’une part, d’où est originaire la grande majorité des clients, et entre la Tchéquie et les ex-Républiques socialistes est-européennes d’autre part, d’où sont issues nombre de femmes se prostituant à la frontière. Cette réalité prostitutionnelle semble être à l’origine de la construction, par les populations comme par les acteurs politiques locaux et nationaux, de la prostitution frontalière comme un phénomène doublement liminaire, en raison de sa situation géographique marginale (aux confins du territoire) mais aussi de l’implication d’acteurs majoritairement étrangers à la Tchéquie. A partir d’observations et d’entretiens conduits auprès des prostituées, des clients et des habitants des régions frontalières, nous questionnerons les effets particuliers de cette double marginalité sur les politiques publiques locales, nationales et transfrontalières visant la prostitution frontalière.

Prostitution at the Czech-German border: between sexual deviance and geographical marginality, which local and national policies?

In this communication I propose to think about sexualities perceived as deviant or marginal and their translation into words and/or policies by examining the particular case of prostitution at the Czech-German border. Border prostitution appeared in the border regions of the Czech Republic shortly after the fall of communism and the opening of the country’s national borders and has been the result of economic discrepancies since then: on one hand between the Czech Republic and Germany, where a great majority of clients come from, and on the other hand between the Czech Republic and the former socialist Republics further East, where most of the women prostituting themselves at the border originate from. This particular situation seems to have led to the construction of border prostitution as a liminal phenomenon by the local population and local and national political actors, resulting from its geographical location (at the margins of the national territory) as well as of the involvement of mainly foreign actors into the prostitution milieu. Relying on observations and interviews conducted with prostitutes, clients and habitants of border regions, I propose to question here the particular effects of this double marginality on local, national and cross-border policies aimed at regulating (or not regulating) prostitution.


f Participants

Borrillo Daniel borrillo@u-paris10.fr
Broqua Christophe broquachristophe@yahoo.fr
Chartrain Cécile c_chartrain@yahoo.fr
Darley Mathilde mathilde.darley@gmail.com
Engeli Isabelle isabelle.engeli@eui.eu
Fillieule Olivier olivier.fillieule@unil.ch
Gaissad Laurent lgaissad@ulb.ac.be
Herbrand Cathy cathy.herbrand@ulb.ac.be
Mainsant Gwenaëlle Gwenaelle.Mainsant@ens.fr
Mossuz-Lavau Janine janine.mossuzlavau@sciences-po.fr
Mottier Véronique veronique.mottier@unil.ch
Parini Lorena lorena.parini@unige.ch
Paternotte David david.paternotte@ulb.ac.be
Perreau Bruno bruno.perreau@sciences-po.fr
Roca Marta marta.roca@unige.ch
Tremblay Manon mtrembla@uottawa.ca