Section thématique 18

L’académie européenne : experts, savoirs et savants dans le gouvernement de l’Union européenne

f Responsables

Cécile Robert (Sciences Po Lyon, Triangle) cecile.robert@univ-lyon2.fr
Antoine Vauchez (Institut Universitaire Européen de Florence, CNRS) antoine.vauchez@eui.eu

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Depuis leurs origines, les Communautés européennes sont portées et façonnées par un ensemble concurrentiel d’acteurs issus du monde académique occupant, pour un temps plus ou moins long, des positions d’experts (juristes, économistes, hauts fonctionnaires, etc.), ainsi que de savoirs (droit, économie, science politique, histoire notamment), et de théories (du « marché commun », de « l’intégration par le droit », parmi d’autres) qui ont construit les cadres d’appréhension et de légitimation de cette polity d’un type nouveau. A telle enseigne qu’il est difficile de comprendre les transformations des institutions et politiques européennes, et notamment certains « chantiers » politiques et institutionnels – comme ceux de la « gouvernance », de la Constitution européenne, de la « méthode ouverte de coordination », ou encore du « modèle social européen » [1] – sans rendre compte des contributions des acteurs et espaces académiques à ces entreprises réformatrices. La remise en cause des modèles politiques et professionnels classiques (nationaux) que supposaient ces réformes est fréquemment passée par l’investissement et l’enrôlement du monde académique dans leur formulation et leur légitimation.

En retour, la construction européenne a transformé les savoirs qui ont tenté de l’appréhender. Parce que plusieurs sciences sociales et humaines en revendiquent la « juridiction », les investissements savants sur l’Europe ont pu participer à la redéfinition des frontières disciplinaires, voire la constitution de nouvelles communautés scientifiques qui en ont fait leur raison d’être. A travers leurs politiques scientifiques et leurs commandes d’expertise, les institutions européennes ont en outre joué un rôle actif dans ces recompositions. Entre autres acteurs, la Commission européenne a tenté depuis ses origines de favoriser l’émergence d’une communauté savante spécialisée capable de pourvoir l’Europe en théories et en horizons réformateurs. De même, la notion « d’expertise » sort transformée par les usages multiples qu’en fait l’administration européenne dans la construction de ses politiques[2]. L’espace européen constitue dès lors un véritable laboratoire où se testent et s’étalonnent les prétentions concurrentes des différents savoirs universitaires à orienter les « décideurs politiques » (internationaux, européens ou nationaux). A travers cette compétition européenne des savoirs et des communautés scientifiques, se transforment tout ensemble les modèles d’analyse et les conceptions – disciplinairement et nationalement différenciées – du travail scientifique et de son rapport au politique.

L’objet de cette section thématique est de réunir un ensemble de contributions centrées sur l’articulation entre monde académique, instances d’expertises, et institutions communautaires. Il s’agira d’une manière générale d’analyser la co-construction des catégories d’analyse – académique – et des catégories de l’action – institutionnelle et politique – dans le cas particulier de l’intégration européenne. Deux axes sont privilégiés :

1-Une sociologie des « études européennes » qui pourra réunir des contributions consacrées à l’analyse de la genèse et des transformations de ce champ d’étude, aux conditions de formation des théories académiques sur l’Europe et l’européanisation. Il s’agira notamment de mettre l’accent sur la contribution des institutions communautaires (et d’autres acteurs tels que les mouvements paneuropéens) à la structuration de ces univers académiques spécialisés. D’une manière plus générale, on s’intéressera aux transformations dont ces mêmes savoirs ont fait l’objet sous l’effet de leur « rencontre » avec l’objet européen (comme objet de recherche mais aussi comme pourvoyeur de financements et de positions d’expertise) – redéfinition des frontières disciplinaires, constitutions de nouvelles communautés scientifiques, évolutions paradigmatiques, théoriques, méthodologiques, nouvelles formes de capitaux et d’investissements (positions d’expertise, de conseil, etc.). Symétriquement, les communications se pencheront sur les conditions dans lesquelles ces savoirs ont pu, à travers la production de théories et concepts, informer les représentations et les pratiques des agents impliqués, à différents titres, dans la construction européenne.

2-D’autres communications s’intéresseront à la manière dont se structure un monde de l’expertise dans et autour des institutions européennes. La sociologie de ces différents espaces d’expertises –« groupes d’expert » travaillant auprès des différentes DG, think tanks européens, ou colloques – visera notamment à identifier leurs modes de structuration. Il s’agira, à travers l’analyse des profils et des carrières d’experts, de mieux appréhender les conditions concrètes, et les modalités (fonction des disciplines, éventuellement des nationalités) de la circulation des savoirs entre les espaces scientifiques, administratifs et politiques. Dans la continuité de l’intérêt pour la place occupée par les « académiques », les contributions pourront s’interroger plus généralement sur le rôle des lieux proprement académiques, par comparaison avec ceux joués par les cabinets de conseil, les administrations nationales, les think tanks. A quels types d’« ancrages » - disciplinaires, sectoriels, ou encore professionnels - se réfèrent ces savoirs experts ? Concernant les savoirs (et notamment les savoirs de sciences sociales qui sont plus spécifiquement visés par la ST) mobilisés par le biais du recours à l’expertise, les communications apporteront des éléments tant sur leurs usages politiques et administratifs que sur les espaces sociaux dont ils émanent.

[1] Georgakakis D., de Lasalle M. (dir) (2007), La « nouvelle gouvernance européenne ». Genèses et usages politiques d'une livre blanc, PUS, Collection Sociologie politique européenne ; Cohen A., Vauchez A., (dir.) (2007), La Constitution européenne. Elites, mobilisations, votes, Presses de l’Université libre de Bruxelles.
[2] Robert C. (2003), « L’expertise comme mode d’administration communautaire. Entre logiques technocratiques et stratégies d’alliance », Politique européenne, 11.

The European Academy. Experts, Scholars and Academic Knowledge in the Government of the European Union

Since their outset, the European Communities have been shaped by a complex set of knowledge, particularly academic knowledges (law, economics, political science, history, etc…), scholars, experts (high civil servants, economists, legal advisers…) and theories (integration-through-law, monetary union, governance, etc…) which have framed our understanding of what Europe is and should be about. The purpose of this workshop is to gather a number of papers studying these connections between the academic world, the expertise arenas and EC institutions. Two major axes have been chosen :

1-A sociology of « European studies ». Paper presenters will particularly focus on the genesis and consolidation of a community of EC-implicated scholars and of specific academic theories of Europeanization. A stress will be put on the role of EC institutions in promoting (together with paneuropean mouvements) structuring this social scientific field of study.

2-Another group of papers will concentrate on the community of experts that is now organized around and within the EC institutions. The sociology of these various arenas of expertise –from the Commission’s committees to think tanks or working groups- will enable to identify the (decreasing ?) role of academics and of academic knowledge in these specific settings. A particular emphasis will be put on the social and professional characteristics of these experts and on how specific ideas and projects circulate from one (political, bureaucratic or expert) arena to another.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 12)


f Programme

Axe 1
Savoirs académiques et constructions européennes

Axe 2
Les mondes de l’expertise communautaire


f Résumés des contributions

Cohen Antonin (Univ. de Picardie, CURAPP), Guilhot Nicolas (Social Science Research Council, New York University)

“Je suis en cheville avec la Fondation Rockefeller”. Aux origines des relations internationales et des études européennes

Cette proposition de communication se propose de revenir aux origines des « études européennes », aux Etats-Unis et en Europe, en explorant plus particulièrement le cas de la France. Elle a pour ambition de comprendre la genèse d’un corps de connaissances hétérogène, les études européennes, dans le contexte plus général de formation d’une discipline académique, les relations internationales, toutes deux situées à l’intersection du droit international, de l’histoire diplomatique, de l’économie politique et de la science politique. Il s’agit en particulier de rendre compte des conditions intellectuelles et sociales de la production d’un savoir savant sur les relations internationales et sur les intégrations régionales, en explorant le rôle des institutions et des entrepreneurs politiques et académiques dans le financement et la refondation des sciences sociales au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Mais il s’agit plus généralement de rendre compte du contexte académique et politique qui va de l’entre-deux-guerres, avec l’émigration aux Etats-Unis d’une partie importante des élites académiques européennes et en particulier allemandes, à la Guerre froide, avec l’intervention croissante des Etats-Unis dans les entreprises politiques de construction européenne, en explorant le rôle des ces élites européennes au service (et dans les services) du renseignement et de la propagande civile et militaire américains et dans la formation d’un savoir expert sur les pays européens et leur intégration. Ces deux dimensions constituent en effet la toile de fond au travail de reformulation théorique des formes traditionnelles de connaissance sur les relations interétatiques, en particulier issues du droit international, et aux stratégies d’import-export de nouvelles formes de divisions du travail scientifique et de découpages de la réalité, comme les « aera studies » ou la « politique étrangère ». Cette communication vise donc à retracer le rôle de la Fondation Rockefeller et de la Fondation Ford, du Council on Foreign Relations et de l’American Committee on United Europe dans la genèse des « relations internationales » et des « études européennes », et partant, celui des pères fondateurs de ces deux domaines d’études, Morgenthau, Kennan, Niebhur ou Lippman, Friedrich, Zurcher, Diebold ou Haas. Dans le cas particulier de la France, elle vise aussi à cerner l’influence de Jean-Baptiste Duroselle aux origines du Centre d’études des relations internationales, à l’intersection de plusieurs réseaux sociaux, ceux de la Fondation Rockfeller et de la Fondation nationale des sciences politiques, de plusieurs institutions d’enseignement, de la Sorbonne à l’Institut d’études politiques, et partant de plusieurs disciplines académiques, de l’histoire diplomatique à la science politique. Cette communication s’appuie sur le dépouillement de plusieurs fonds d’archives (Fondation Rockefeller, Fondation Ford, Fondation nationale des sciences politiques, Mouvement Européen) et sur l’analyse de plusieurs types de productions intellectuelles (colloques, articles, livres).

“Je suis en cheville avec la Fondation Rockefeller”. The origins of European Studies and International Relations

This paper examines the origins of “European Studies” in the United States and in Europe, with a particular focus on the French case. It resituates the emergence of this heterogeneous body of knowledge in the context of the rise of an academic discipline – international relations (IR). Both European Studies and IR are located at the intersection of international law, diplomatic history and political economy. The paper seeks to understand the production of this learned expertise by exploring the role of political and academic institutions and entrepreneurs in the financing and the reconstruction of the social sciences after the Second World War. As the interwar years saw the migration of an important fraction of the European (and in particular German) academic elites to the US, the paper aims at outlining their involvement in the development of expert knowledges on European countries and their integration during the Cold War era, when the US intervened increasingly in the political projects of European integration. It describes the role of the Rockefeller and Ford foundations, the Council on Foreign Relations and the American Committee on United Europe in the emergence of “international relations” and “European studies.” In the French case, it relates this role to the influence of Jean-Baptiste Duroselle and the creation of the Centre d’études des relations internationales as the main hub of these two sub-disciplines.

Bailleux Julie (Université Paris I, CRPS)

Le congrès international d’études de la CECA de 1957 ou les origines impures du droit communautaire

Cette contribution propose de questionner la « naturalité » du droit communautaire comme cadre juridique d’appréhension et de légitimation de l’intégration européenne en revenant sur la période où ce langage, dans lequel se dit et se (re)construit aujourd’hui la spécificité et l’autonomie de l’ordre politique européen, était en train de s’inventer. A travers l’analyse du premier congrès international d’études de la CECA qui s’est tenu à Stresa en 1957, nous entendons, d’une part, mettre en lumière le rôle qu’ont tenu les institutions politiques européennes dans le processus de construction d’une doctrine communautaire ; et, d’autre part, donner à voir les limites auxquelles se heurte toute entreprise de mobilisation du droit au service d’un projet politique. Si le droit est bien un des terrains essentiels sur lesquels la construction d’une Europe politique doit chercher à construire sa légitimité, il n’en constitue pas pour autant une ressource « à disposition » pour les acteurs politiques. Les échanges entre acteurs politiques et professeurs de droit auxquels l’organisation de ce congrès a donné lieu, offrent ainsi un terrain privilégié pour observer les négociations, les résistances et les ajustements, que requièrent la fabrication d’un nouveau droit : tout à la fois la nécessité de rester un droit au service du projet de construction d’une Europe supranationale, et la nécessité d’acquérir la reconnaissance de ceux qui font alors autorité en matière de science des relations inter-étatiques : la doctrine internationaliste.

The European Coal and Steel Community’s International Studies Conference of 1957: the impure origins of European community law

The aim of this contribution is to question whether European Community law, as the legal frame to apprehend and legitimate European integration, is “natural”, by examining the period when the language employed today to express and (re)built the specificity and the autonomy of the European political order, was first being invented. Through the analysis of the first international studies conference dedicated to the ECSC in 1957, I will brought to light, on the one hand, the role of the European political institutions in the process of constructing a properly autonomous European juridical doctrine, and on the other hand, I will highlight the limits encountered by any mobilization of law when resorted to a political project. If law is a crucial field for a political Europe to be constructed and legitimated, it does not necessarily constitute a resource “available” to the political actors. The exchanges that occurred between political actors and law academics during the setup of this congress allow to closely observe the negotiations, oppositions and adjustments required to the making of a new law. They show that the necessity for a proper European community law to remain a law that serves the construction of a supranational Europe conflict with its necessity to be recognized by those who are authorities in inter-state sciences : the internationalist doctrine.

Aldrin Philippe (Univ. de Strasbourg, GSPE)

L’invention de l’« opinion publique européenne ». Une genèse politique et intellectuelle du programme Eurobaromètre

Le programme de sondages Eurobaromètre est des principaux instruments de mesure et de gestion de l’opinion publique de la Commission européenne. Dès sa fondation, au début des années 1970, cet instrument institutionnel a bénéficié d’une expertise scientifique externe amenée par des chercheurs versés dans la survey research et désireux de développer celle-ci en Europe. Au cours des années 1970-1980, l’investissement de J. Stoetzel, H. Riffault ou R. Inglehart marque d’ailleurs fortement la façon de bâtir les questionnaires et d’interpréter les données sur l’« opinion publique européenne ». La nature des questions, l’inventivité des indicateurs et la réflexivité méthodologique témoignent alors de l’ouverture de l’instrument aux savoirs universitaires. Mais, au-delà de cette période originelle, les liens entre les hauts fonctionnaires responsables des études d’opinion et des milieux académiques spécialisés se sont institutionnalisés en même temps que le programme Eurobaromètre, intégrant toujours plus les professionnels des instituts de sondages. Ce monde des sondages d’opinion européens, d’abord fondé sur une collaboration technique, s’est aussi et surtout structuré autour d’échanges institutionnels, intellectuels et humains. Cette contribution se propose d’explorer l’histoire de ces relations afin d’étudier l’installation précoce et durable de modalités de coproduction des rapports Eurobaromètre. Ce faisant, elle visera à mettre au jour les jeux d’une légitimation croisée entremêlant acteurs de l’UE et milieux scientifiques.

The invention of “European public opinion”. Political and intellectual genesis of the Eurobarometer programme

The Eurobarometer survey programme is one of the main instruments for measuring and managing public opinion on the European Commission. Since its inception in the early 1970s, this institutional instrument has benefited from external scientific expertise brought by researchers eager to develop survey research in Europe. During the 1970s-1980s, J. Stoetzel, H. Riffault or R. Inglehart were major influences on the conception of the surveys and the interpretation of data on ‘European public opinion’. The nature of the questions, the inventiveness of the indicators and the reflexivity of the methodology then showed how open to academic input the instrument was. But after this initial period, the relationships between the high officials in charge of the surveys and specialised academic circles became institutionalized, as did the Eurobarometer programme, increasingly integrating professionals from polling institutes. This universe of the European opinion polls, first based on a technical collaboration, was also and especially structured around institutional, intellectual and human exchanges. This contribution will explore the history of these relationships in order to study the precocious and long-lasting introduction of modalities of coproduction of Eurobarometer reports. In the process, I will shed light on the games of crossed legitimacy in which EU actors and scientific milieus are intertwined.

Taugourdeau Emmanuelle (CNRS, Paris School of Economics), Vincensini Caroline (ENS Cachan, IDHE Cachan)

La justification économique de l’Union Economique et monétaire : ex ante, ex post ou pas du tout ?

L’analyse économique justifiait-elle par des arguments ex ante la décision de faire l’Union économique et monétaire européenne (UEM) et la manière de la faire ? En nous appuyant sur les grandes contributions théoriques et sur les textes officiels européens, nous montrerons que la réponse n’est pas sans équivoque. D’abord, l’analyse économique est loin de proposer une justification complète de l’UEM, qu’il s’agisse de la théorie des zones monétaires optimales, plus connue des décideurs européens, que des approches post-keynésiennes, moins connues. De plus, l’UEM soulève également la question des conditions de coordination des politiques budgétaires nationales avec la politique monétaire unique (fédéralisme fiscal). Or les analyses disponibles étaient d’une pertinence relative pour l’UEM. La seconde partie montrera alors que la justification historique de l’UEM et de l’organisation de son policy mix s’appuient sur des analyses plus pragmatiques, plus appliquées, à l’exception du choix de l’indépendance de la banque centrale, justifié en théorie. Enfin, la réalisation de l’UEM a impulsé des approfondissements analytiques, tant de la théorie des zones monétaires optimales, désormais mieux en mesure d’expliquer les avantages de l’UEM, que de la théorie du fédéralisme fiscal. Nous esquisserons pour terminer le rôle de l’intégration européenne dans la structuration d’une « science économique européenne ».

The economic justification of European monetary integration: ex ante, ex post or not at all?

Did economic analysis offer ex ante arguments to justify the decision to create an European monetary union (EMU) and the way to create it? By looking at the main theoretical contributions and at official European publications, we show that the answer is not so simple. First, economic analysis, whether it took the form of the optimal currency area theory, well-known of European decision-makers, or of post-keynesian theories less well known, was far from offering a complete justification of EMU. Furthermore, EMU also raises the issue of the conditions of coordination of national fiscal policies with the unique monetary policy (fiscal federalism). But the available analyses were not always relevant for the European experience. The second part shall show therefore that the historical justification of EMU and of the organisation of its policy mix rests rather on more pragmatic and more applied analyses, except for the choice of an independent central bank, justified in theory. Finally, the realisation of EMU has fostered theoretical developments in the realm of optimal currency area theory, now better able to explain the benefits of EMU, and of fiscal federalism. We shall also sketch how the European integration process has played a role in structuring an “European economics” discipline.

Le Boulay Morgane (Centre Marc Bloc ; Université Paris-Dauphine/IRISSO ; HU Berlin/Institut für Geschichtswissenschaften)

Investir l'arène européenne de la recherche. Mobilisations de réseaux d'historiens auprès des institutions communautaires

Le développement, ces dernières décennies, de l’activité historienne autour de la question européenne (essor des publications historiques sur l’Europe, constitution de lieux de recherche dédiés à l’histoire de l’Europe, lancement de projets « européens »…) est souvent pensé comme le résultat d’une politique de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe. Le phénomène est pourtant bien plus complexe. Les recommandations européennes ne visent pas la discipline historique avant la fin des années 1990, et les financements européens restent longtemps très peu accessibles la science historique. Ce sont surtout l’essor de l’enjeu européen dans les débats politiques et scientifiques et l’émergence d’un espace d’expertise européen (dans lequel la place des historiens est loin d’être évidente) qui semblent jouer un rôle clef dans le développement d’un champ d’étude sur l’Europe au sein de la science historique. Il convient alors de s’interroger sur les interactions entre certains réseaux européens d’historiens (notamment le Groupe de liaison des professeurs d’histoire contemporaine auprès de la Commission des Communautés européennes ou l’Institut Georg Eckert spécialisé dans la recherche international sur les manuels scolaires) et les institutions européennes, afin de comprendre comment un petit nombre d’historiens participent activement à la définition d’un « besoin » européen d’histoire et à la définition des politiques historiques européennes.

Entering the European Research Arena. Historian Networks’ Mobilizations beside the Community Institutions

The expansion of the historian activities about the European question in the last decades (boom of the historical publications about Europe, creation of research institutes destined for the history of Europe, launching of European research plans…) is often thought as the result of a European Union’s or Council of Europe’s policy. The phenomenon is nevertheless much complex. The European recommendations were not directed to the historical discipline until the end of the 1990’s, and the European subsidies stayed a long time hardly accessible to the historical science. The expansion of the European question in the political and scientific debates and the emergence of a European experts area (where the place of historians isn’t obvious) seem above all to play a role in the development of a research field about Europe within the historical science. We should then examine the interactions between some historians’ networks (like the European Liaison Committee of Historians or the Georg Eckert Institute for International Textbook Research) and the European institutions, in order to understand how a small number of historians take actively part to the definition of a European « need » of history and to the European historical policies.

Axe 2

Neumayer Laure (Universtié Paris I)

Produire et diffuser des savoirs sur l’Europe : les études européennes en République tchèque

Cette communication portera sur la constitution du champ disciplinaire des études européennes dans un nouvel Etat membre de l’UE, la République tchèque. On cherchera à rendre compte des logiques de création d’un savoir endogène sur l’intégration européenne à travers l’analyse des lieux de production que sont les centres de recherche et les think tanks. L’émergence de ces structures situées au croisement de trois espaces sociaux – bureaucratiques, associatifs et universitaires, sera replacée dans le cadre d’une européanisation du monde académique marquée par la redéfinition des savoirs légitimes et l’insertion dans les réseaux scientifiques paneuropéens. Un groupe restreint d’acteurs a réalisé une conjonction étroite entre militantisme et carrière professionnelle, en multipliant les positions dans les espaces académiques et associatifs et en tissant des liens avec le pouvoir politique. On a ainsi assisté, dans le champ de l'expertise comme dans l’espace académique, à une redistribution des rôles en faveur de nouvelles élites intellectuelles ou sociales, qu’elles soient issues (selon les générations) de l’exil, des anciens mouvements dissidents ou des nouveaux lieux de formation universitaire aux questions européennes. Une analyse typologique de quelques figures centrales des études européennes tchèques permettra de souligner la variété de leurs trajectoires, reposant sur l’acquisition de ressources valorisées au niveau européen et/ou la reconversion de capitaux hérités de la période socialiste.

Producing knowledge on Europe in a new EU member state : European studies in the Czech Republic

This paper deals with the emergence of European studies as a new academic field in the Czech Republic. An analysis of research centers and think tanks will shed light on the creation of a domestic knowledge on European integration after 1989. These structures, located at the insersection of various social spaces – bureaucraties, NGOs and academia – have been created in a context of Europeanisation of the academic field based on a redefinition of legitimate knowledge and an insertion in pan-European scientific networks. A small group of people have combined volunteering and professional activities, thus monopolising positions in the non-profit and the academic fields, while establishing close links with the political structures in charge of preparation to EU accession. These new social or intellectual elites – be they former exilees, former dissidents or alumni of the newly created university departments specialising on “European studies”, are now at the top of academic communities. A taxinomic analysis of a few figures of Czech European studies will show the diversity of their trajectories, based on the possession of resources valued at the European level and/or the reconversion of capitals inherited from the socialist period.

Rowell Jay (Université de Strasbourg, GSPE)

Savoirs experts et biens d’équipement cognitifs dans l’émergence d’une politique européenne de l’handicap

La contribution part d’une interrogation sur les formes du savoir qui ont contribué à l’institutionnalisation d’une politique européenne de l’handicap. Si la nouveauté de cette question sur l’agenda européen, la diversité du traitement de l’handicap dans les pays-membres et la multidimensionnalité de l’handicap permettent d’expliquer la multiplication des propositions européennes en la matière, on focalisera l’analyse sur la concurrence encore peu stabilisée sur les formes d’expertise et des instruments d’objectivation. Tous les acteurs impliqués revendiquent une forme de savoir spécialisé, mais le jeu concurrence/reconnaissance joue sur la pertinence du savoir et son intégration dans une causal story, produisant tendanciellement un espace hiérarchisé qui valorise des savoirs de type économiques/économétriques ou centrés sur la maîtrise des applications des technologies nouvelles et marginalise des savoirs s’adossant sur le savoir médical, la santé publique ou la mobilisation de savoirs pratiques. C’est en étudiant les propriétés sociales et parcours institutionnels des fonctionnaires européens spécialisées que la contribution cherchera à identifier les mécanismes de mobilisation sélective des savoirs académiques en mettant en discussion des facteurs liés à la demande d’expertise (sélection, cooptation de formes de savoirs académiques réputés « utiles » ou à plus grande solidité scientifique, logiques de traduction) et les facteurs liés à l’offre d’expertise (trajectoires de carrière, reconversion de ressources académiques en ressources d’expertise).

Expert Knowledge and cognitive instruments in the emergence of a European policy on handicap

The paper seeks to specify the contribution of specific forms of knowledge in the institutionalization of a European policy on handicap. If the novelty of this question on the European agenda, the diversity of national political cultures and the multidimensionality of handicap as a social and political problem explains the heterogeneity of the European approach, the analysis presented here will focus on the relatively open competition on the appropriate forms of knowledge and cognitive instruments. All actors in the field claim some form of specialisation, but the game of competition/recognition revolves around claims to produce pertinent knowledge and integrate it into a convincing causal story. The paper will seek to understand why econometric and knowledge based on new technologies (assistive devices) has tended to marginalize medical based expertise or expertise based on practice. It is by studying the social properties and institutional logics of European civil servants that the contribution will seek to understand the mechanisms leading to the selective mobilization of academic knowledge by integrating both “pull” factors (selection and cooptation of knowledge reputed to be useful or having a superior scientific validity) and “push” factors (career paths between academia and expert circles, formatting knowledge in a form recognizable to policy makers…)

Bourblanc Magalie (Centre A.Koyré, Paris)

Les modes d'imposition d'une expertise scientifique sous influence politique. Le cas de la directive cadre sur l'eau et des définitions du "bon état écologique" des eaux dans l'Union européenne

La directive cadre sur l’eau (DCE) est une directive européenne adoptée en 2000 par les pays membres de l’Union, qu’on peut rapprocher des nouveaux modes de la gouvernance européenne. En tant que dispositif de « soft law », elle se contente de mentionner un objectif de résultat dit de « bon état écologique des eaux », notion vague à laquelle les Etats membres devront se conformer à l’horizon 2015. Pas de normes précises à respecter, mais des exercices d’inter-étalonnage entre les Etats-membres réunis au niveau européen pour comparer, classer et harmoniser, les différentes références utilisées par chaque pays. Les scientifiques sont ainsi mis en demeure d’éclairer la décision publique alors que l’état de leur savoir ne leur permet pas encore de préciser ce que recouvre ce « bon état » encore moins de le décliner en termes d’indicateurs par rapport à un « état de référence» lui-même indéterminé. Ici, le temps politique semble bousculer le temps scientifique. Cette communication sera l’occasion d’interroger la spécificité des échanges noués entre science et politique plus particulièrement lors de la mise en œuvre de la DCE pour les eaux littorales. Dans ce contexte en effet, la constitution d’un domaine d’expertise offre la possibilité d’analyser des arènes où acteurs scientifiques et politiques (nationaux et européens) sont en tension eu égard aux enjeux cruciaux que soulève la définition du « bon état » notamment pour la poursuite des activités agricoles de certaines régions.

How scientific expertise imposes itself in conditions of political pressure. The Water Framework Directive’s case and its definitions of "good ecological status" of water resources in the EU

The Water Framework Directive (WFD) is a European directive passed in 2000 which is constitutive of the new modes of governance in the EU. As a « soft law » device, it only sets a very vague objective of result for the Member-States to reach by 2015, i.e. water’s “good ecological status”. No precise norms to respect but some benchmarking exercises for the Member-States to undertake at the European level to compare, rank and harmonize the references used in the different countries.
In addition, scientists are supposed to enlighten public decision whilst their knowledge about water « good status », its indicators and « reference state » is still to be established. Here political time and its out-of-the-blue categories rushes science time. This presentation aims at investigating the specificity of the exchanges between science and policy in the WFD implementation, more especially in the case of coastal waters. We have chosen to discuss cases like Breton coastal waters for instance, where the future of agricultural activities is at stake with the one definition of “good status” that will be eventually adopted among the different propositions. Thus, these political contexts allow us to analyse scientific expertise as a work in progress under the potential influence of political actors.

Healy Aisling (Université Aix-Marseille II, LEST), Russeil Sarah (Triangle)

Circulation de savoirs entre villes et sélection d’une expertise de l’urbain : la place des mondes académiques au sein des Eurocités

Eurocités, réseau européen créé au milieu des années 1980 par des villes dites de second rang, se présente comme une plate-forme visant la circulation de savoirs, l’échange d’expériences et, ainsi, la production de solutions « innovantes » aux problèmes que rencontrent les villes européennes. Ce réseau cherche, grâce à la production d’une série d’expertises relatives à l’urbain, à faciliter le développement des rayonnements européen et international des villes qui en sont membres. Deux usages de ces expertises (rapports, ouvrages, discours ou encore colloques) peuvent être distingués et étudiés. Le premier est directement lié à l’activité de lobbying menée par Eurocités auprès des institutions européennes : les savoirs produits alimentent certaines réflexions de ces institutions. Le second tend à développer une européanisation horizontale des politiques urbaines : les savoirs produits sont alors transmis d’un gouvernement municipal à l’autre de manière à nourrir les stratégies des acteurs urbains. En identifiant et en caractérisant les types de savoirs et les profils d’experts alors mobilisés, nous saisirons in fine ce qui fait de l’expertise progressivement sélectionnée au sein d’Eurocités une ressource pour les villes membres du réseau et, éventuellement, pour les institutions européennes. Nous aborderons ainsi la question des liens entre ces expertises et la définition des politiques européennes et/ou locales relatives aux villes pour lesquelles Eurocités a émis des avis.

The diffusion of knowledge between cities and the choice of expert advice in urban development: the place of the academic research and actors within Eurocities

Eurocities, a European city-network which emerged in the mid 1980’s under the initiative of some “second” cities, is officially presented as a platform aiming at the diffusion of knowledge, at the sharing of experience and, thus, at the production of “innovative” solutions to the main problems which European cities have to face today. Thanks to the production or to the application of knew knowledge and approaches concerning urban questions, this network seeks to develop the increase the European and international prestige of its city-members.
Two ways of mobilising these “expert knowledge” (reports, publications, speeches or even conferences) may be distinguished and thus analysed. The first one is directly linked to Eurocities’ lobbying of different European institutions: the knowledge produced has already influenced some of the policy orientations these institutions. The second one encourages a horizontal Europeanisation of urban public policies: the knowledge produced circulates among different municipal authorities and helps urban actors build their action strategies for the future.
We will identify and qualify the different types of knowledge thus mobilised in order to understand how it is progressively selected within Eurocities and how it becomes a resource both for its city-members and eventually for the European institutions. By so doing we will explore the question of the links between these research findings and reports and the definition of both European and local public policies dedicated to cities about which Eurocities was asked to comment.


f Participants

Aldrin Philippe philippe.aldrin@misha.fr
Bailleux Julie juliebailleux@gmail.com
Bourblanc Magalie magalie.bourblanc@damesme.cnrs.fr
Cohen Antonin antonincohen@aol.com
Guilhot Nicolas guilhot@ssrc.org
Healy Aisling aisling.healy@univmed.fr
Le Boulay Morgane MorganeLeBoulay@yahoo.fr
Neumayer Laure laure.neumayer@univ-paris1.fr
Robert Cécile cecilerobert2@yahoo.com
Rowell Jay jay.rowell@misha.fr
Russeil Sarah sarah.russeil@free.fr
Taugourdeau Emmanuelle emmanuelle.taugourdeau@ens-cachan.fr
Vauchez Antoine antoine.vauchez@eui.eu
Vincensini Caroline caroline.vincensini@ens-cachan.fr