Section thématique 19

La Présidence du Conseil de l’Union européenne dans tous ses Etats.

f Responsables

Ana Mar Fernández Pasarín (Centre d’Etudes Européennes de Sciences Po Paris, Université Autonome de Barcelone - UAB) anamar.fernandez@sciences-po.fr ou ana.fernandez.pasarin@uab.es
Michel Mangenot (Université de Strasbourg - Institut d’études politiques-URS, Groupe de sociologie politique européenne PRISME UMR 7012) michel.mangenot@misha.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Les travaux en science politique sur la construction européenne ont la particularité d’obéir à un certain découpage institutionnel des questionnements. Pour une présentation de l’Europe bureaucratique, les regards se portent sur la Commission; pour une approche formelle ou juridique, il s’agit de s’intéresser à la Cour de justice; et, si l’on entend traiter de la question de la représentation démocratique, l’institution de prédilection est alors le Parlement. Dans cette répartition, une institution, pourtant au cœur du processus de décision européen -le Conseil de l’Union Européenne- est nettement moins étudiée, constituant ainsi un point aveugle des études européennes. Cette proposition entend combler cette lacune à partir de l’étude de la Présidence de cette institution, cœur du pouvoir et des intérêts des Etats au sein du système communautaire.

La Présidence du Conseil de l’Union Européenne représente un moment particulièrement important dans la vie communautaire des États membres. Pendant six mois, un gouvernement national se retrouve aux commandes du centre décisionnel de l’Union. Cette responsabilité, administrative et politique, incarne à elle toute seule les difficultés inhérentes au caractère hybride de la construction européenne et, en particulier, de son système politique, basé sur une légitimité partagée entre les États membres et les institutions communautaires. L’exercice de la présidence suppose, en quelque sorte, de concilier des intérêts et, surtout, des identités contradictoires. Pendant six mois, l’Etat en charge de la présidence doit mettre son administration au service de l’Union et démontrer sa capacité et sa fiabilité en européenne.

Les changements apportés au système de rotation depuis la fin des années 1990 contribuent, néanmoins, à revoir la portée de cette fonction. Originellement, la Présidence du Conseil se base sur trois principes de fonctionnement : la représentativité, l’égalité et l’unicité. Les deux premiers, qui datent de 1951, sont politiques et de charge symbolique importante. Tout d’abord, la Présidence doit être assurée par les États membres eux-mêmes et non pas par un représentant collectif, du type Secrétaire Général. En deuxième lieu, chaque État, indépendamment de sa taille démographique et de son poids économique ou politique, exerce la présidence par rotation périodique. En 1953, un troisième principe, d’ordre fonctionnel celui-là est venu se greffer sur ce système, l’application du système de rotation en aval du Conseil, et plus précisément, aux organes auxiliaires créés à l’époque pour l’assister dans l’exercice de ses fonctions: la Commission de Coordination –ancêtre du Comité des Représentants Permanents- et les Groupes de travail.

Depuis la relance communautaire des années 1980, cette situation s’est, néanmoins, modifiée. La présidence, expression, parmi d’autres, de la volonté des Etats membres de recomposer l’exercice de la souveraineté nationale au niveau européen, s’est, en effet, progressivement transformée en une action collective aux teintes de plus en plus supranationales. Cette reconceptualisation du rôle de la présidence, amorcée avec la signature de l’Acte Unique Européen en 1986 et développée substantiellement au cours des dernières années sous l’effet de phénomènes tel que le cinquième élargissement de l’Union Européenne, se traduit en termes fonctionnels par la mise en place de formules novatrices telles que les présidences stables, super partes ou encore la programmation collective des activités du Conseil.

À l’heure actuelle, il ne reste qu’une version édulcorée du système de rotation unique tel que conçu aux origines de la construction européenne. Celui-ci s’est vu peu à peu remplacé par un système à géométrie variable; un modèle nouveau, caractérisé par la juxtaposition de plusieurs systèmes présidentiels qui agissent en parallèle, tout en étant régulés par des normes de fonctionnement distinctes. Pour comprendre l’enjeu de la Présidence du Conseil en termes de responsabilité et d’opportunité politiques il faut, aujourd’hui, analyser les conditions et les formes de ses transformations. L’heure est aujourd’hui à l’autonomisation différentielle. L’intérêt d’étudier cette évolution intra-institutionnelle réside dans le fait que ce sont, finalement, les Etats eux-mêmes qui ont accepté de revoir les règles du jeu. Ce faisant, ils ont modifié leur propre système de représentation en Europe.

De nombreux travaux ont été consacrés à l’évaluation de présidences particulières. En revanche, il n’existe pas d’interrogation d’envergure sur les dynamiques qui sous-tendent le fonctionnement de l’institution en tant que telle. Les deux responsables de cette proposition ont consacré des travaux récents dans cette perspective, respectivement sur l’évolution institutionnelle de la fonction et sur le « duo » formé entre la Présidence et le Secrétariat général du Conseil. Il s’agira pour cette ST de dresser un bilan des travaux existants, de faire dialoguer des chercheurs francophones ayant abordé cet objet dans le cadre d’autres terrains et de présenter de nouvelles études au moment où la Présidence du Conseil est au cœur des projets de réforme institutionnelle. Si depuis la fin des années 1980, elle a fait l’objet d’une conversion institutionnelle et, plus particulièrement d’une progressive communautarisation, cette institution au centre de gravité du système politique européen, subit désormais une logique de multiplication ou de démultiplication : équipes présidentielles formées par trois pays, présidences stables de formations spécifiques comme l’Euro-groupe, présidences de groupes de travail confiées au Secrétariat Général du Conseil et, avec le traité de Lisbonne, la création d’une Présidence stable au niveau du Conseil Européen et du Conseil Relex.

La Présidence, figure peu étudiée par les néo-institutionnalistes, qui se sont portés principalement vers la Commission et la Cour mais aussi, plus curieusement, par les intergouvernementalistes, permet alors de contribuer à un renouvellement théorique des études sur le système politique européen. Au moyen de travaux et études de cas empiriques, cette ST sera organisée en cinq temps. Le premier, introductif, consistera en un état des lieux des travaux sur la Présidence et la présentation d’une perspective d’ensemble visant à replacer la Présidence au sein du gouvernement de l’Union. Huit mois après, il s’agira de présenter ensuite une première analyse institutionnelle de la Présidence française. Comment une présidence peut-elle affecter voire modifier les routines et les équilibres institutionnels. L’évolution de la Présidence du Conseil européen constituera ensuite le troisième temps. Les débats sur sa présidence stable seront ici mis en regard avec l’histoire de cette institution. Les modalités concrètes d’exercice de la Présidence et de sa « neutralité », dans le contexte particulier du deuxième pilier, formeront ensuite le quatrième temps. Enfin, un regard extérieur entre analyse et pratique, s’interrogera sur la phase décisive de la préparation de la Présidence. Après la discussion des papiers par les deux responsables de la ST, suivra un débat général.

Research in political science has followed a certain institutional division depending on the topics studied. Analysis of the European bureaucracy revolves around the Commission; a formal or legal approach will be centred on the European Court of Justice; and a study of the issue of representation is likely to focus on the Parliament. Falling somewhere between these academic divisions, one institution at the core of the European decision-making process, the Council of the European Union, is neglected and appears to be a blind spot in European studies. This contribution aims to fill this gap in research by studying the Presidency of this institution, at the core of the power and interests of the member states within the communitarian system.

The Presidency of the Council is a significant example of the difficulties linked to the hybrid character of European construction and in particular of its political system, based on a legitimacy shared between Member States and Community institutions.

The Presidency of the Council has historically relied on three principles for its functioning: representativeness, equality, and unicity. Since the 1980s, this has, however, changed: the Presidency has progressively transformed into a collective action with increasingly supranational aspects. This reconceptualisation of the Presidency’s role is expressed in functional terms by the implementation of new types of organisation such as stable presidencies, “super partes” or the collective planning of the Council’s activities.

Only a watered-down version of the original rotation system currently remains. In order to understand the importance of the Presidency of the Council in terms of political responsibility and opportunities, the conditions and the forms of its transformations should be analysed. Differential autonomisation is the current agenda.

Numerous studies have been devoted to specific presidencies. But as of yet, there has been no large-scale research on the dynamics underlying in the functioning of the institution itself. The two authors have recently worked in this perspective, respectively on the institutional evolution of the function and on the “couple” formed by the Presidency and the General Secretariat of the Council.

This focus on the Presidency, which has been studied very little by neo-institutionalists (working mainly on the Commission and the Court), and, more strangely, by intergovernmentalists, contributes to a theoretical renewal of studies on the European political system.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 6 : 9 septembre 2009 14h-16h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 12)


f Programme

14h-14h55 : Présentation des papiers

14h45-15h35 : Discussion papier par papier : M. Mangenot de H. Drake, Y. Buchet de Neuilly de Y.-S. Rittelmeyer, Y.-S. Rittelmeyer de Y. Buchet de Neuilly

15h35-16h20 : Discussion générale animée par Ana Mar Fernández Pasarín et Michel Mangenot


f Résumés des contributions

Fernández Pasarín Ana Mar (Université Autonome de Barcelone, Centre d’Études Européennes de Sciences Po Paris) et Mangenot Michel (Université de Strasbourg (IEP), Groupe de sociologie politique européenne PRISME UMR 7012)

Etat des lieux

Les travaux en science politique sur la construction européenne ont la particularité d’obéir à un certain découpage institutionnel des questionnements. Dans cette répartition, une institution, pourtant au cœur du processus de décision européen -le Conseil de l’Union européenne- est nettement moins étudiée, constituant ainsi un point aveugle des études européennes. Cette Section entend combler cette lacune à partir de l’étude de la Présidence de cette institution, cœur du pouvoir et des intérêts des Etats. La Présidence du Conseil incarne à elle toute seule les difficultés inhérentes au caractère hybride de la construction européenne et, en particulier, de son système politique, basé sur une légitimité partagée entre les États membres et les institutions communautaires. Originellement, la Présidence du Conseil se base sur trois principes de fonctionnement : la représentativité, l’égalité et l’unicité. Depuis la relance communautaire des années 1980, cette situation s’est, néanmoins, modifiée. La présidence, s’est, en effet, progressivement transformée en une action collective aux teintes de plus en plus supranationales. De nombreux travaux ont été consacrés à l’évaluation de présidences particulières. En revanche, il n’existe pas d’interrogation d’envergure sur les dynamiques qui sous-tendent le fonctionnement de l’institution en tant que telle. La Présidence permet alors de contribuer à un renouvellement théorique des études sur le système politique européen.

State of the Art

Research in political science has followed a certain institutional division depending on the topics studied. Falling somewhere between these academic divisions, one institution at the core of the European decision-making process, the Council of the European Union, is neglected and appears to be a blind spot in European studies. This Section aims to fill this gap in research by studying the Presidency of this institution, at the core of the power and interests of the member states within the communitarian system. The Presidency of the Council is a significant example of the difficulties linked to the hybrid character of European construction and in particular of its political system, based on a legitimacy shared between Member States and Community institutions. The Presidency of the Council has historically relied on three principles for its functioning: representativeness, equality, and unicity. Since the 1980s, this has, however, changed: the Presidency has progressively transformed into a collective action with increasingly supranational aspects. Numerous studies have been devoted to specific presidencies. But as of yet, there has been no large-scale research on the dynamics underlying in the functioning of the institution itself. This focus on the Presidency, contributes to a theoretical renewal of studies on the European political system.

Drake Helen (University of Loughborough)

La France dans tous ses états ? Retour sur l’exercice français de la Présidence. Juillet-décembre 2008

La France exerçait entre le 1er juillet 2008 et le 31 décembre 2008 la présidence du Conseil l’Union européenne pour une seconde fois en moins d’une décennie. En 2008, rarement un défi sur le plan européen aura été tant anticipé à Paris, afin de « tourner » la page du 29 mai 2005 en matière de rapports entre la France et l’Europe. Rarement, pourtant, l’exercice d’une présidence de l’UE aura été tant influencé par les événements extérieurs entamés avant même le début de la Présidence le 1er juillet 2008. Cette communication entend répondre aux questions suivantes. Premièrement, la PFUE08 a-t-elle facilité le « retour » de la France en Europe annoncé par le Président Sarkozy le soir de sa victoire électorale ? La Présidence du Conseil permet-elle à ses Etat membres d’expérimenter de nouvelles routines et discours diplomatiques ? Cette fonction est-elle « transformative » des normes et pratiques au niveau national, un cas d’étude d’européanisation à l’œuvre ? Deuxièmement, dans quelle mesure la PFUE08 a-t-elle mis à l’épreuve l’ensemble des équilibres et routines institutionnels qui permettent à l’UE de remplir une fonction de leader sur le plan international ? Nous verrons, enfin, comment la PFUE08 a modifié les équilibres et incertitudes au sein de la présidence du Conseil elle-même dans la perspective –proche ou lointaine – d’une présidence quasi-permanente de l’UE.

Perspectives on the French EU Council Presidency, July-December 2008: Time for Change?

From July-December 2008 and for the second time in a decade, France held the Council Presidency of the European Union. Expectations for FPEU08 were uncommonly high, especially as seen from Paris: this was an opportunity to turn the page on the referendum of 29 May 2005. The presidency was rocked by a sequence of serious external shocks. Given this context, this paper reflects on FPEU08 with the following questions in mind. First, what opportunities did FPEU08 afford the French executive to try out new diplomatic routines and discourse in line with President Sarkozy’s declared intention on the night of his electoral victory, to take France back into Europe? This perspective allows us to examine the EU Council presidency function as a form of Europeanisation of the norms and practices of its member states. Second, what lessons can be drawn from FPEU08 with regard to the EU’s leadership capacity and functions? FPE08 in this regard offers intriguing insights into the institutional fluidity of the ‘leaderless pluralism’ that characterises the EU. Finally, and in summary, we ask to what extent FPEU08 – which seemed to strengthen the case for a permanent EU presidency function - has modified or altered the many balancing acts that constitute the EU Council presidency function.

Rittelmeyer Yann-Sven (F.R.S.-FNRS, Institut d’études européennes - Université Libre de Bruxelles, CEVIPOL)

L’évolution de la Présidence du Conseil européen. Une analyse par les acteurs du changement institutionnel

Le traité de Lisbonne, reprenant une décision entérinée lors de la Convention sur l’avenir de l’Europe, prévoit la création d’un poste de Président stable du Conseil européen. Ce changement institutionnel devrait accroître la personnalisation de la fonction et la communautariser en la dissociant de son lien étatique. Souvent présentée comme une innovation majeure, cette transformation doit être considérée d’après les dynamiques d’institutionnalisation qui ont façonné l’histoire de cette institution. Dans quelle mesure les dirigeants étatiques ont-ils déterminé les changements institutionnels inhérents à ce poste de Président du Conseil européen ? La forte dimension personnelle attachée à l’exercice de cette fonction est en mesure d’expliquer des évolutions structurelles. Cette présentation s’appuiera sur l’étude empirique de cas représentatifs choisis à partir de variables liées à la fois au contexte, au dirigeant étatique concerné, et à l’Etat qu’il représente. Elle décryptera les traits propres à ces acteurs, leurs conceptions de leur rôle de Président du Conseil européen, leur manière de l’exercer, leurs impulsions. Elle s’attachera aussi aux interactions entre le Président et les autres membres du Conseil européen, ainsi qu’avec le système politique européen dans son ensemble.

The evolution of the Presidency of the European Council. An analysis through the actors of institutional change

The Lisbon Treaty following up a decision adopted during the Convention on the Future of Europe plans the creation of the post of a stable President of the European Council. This institutional change should increase the personalization of the function and 'communautarise' it by removing its national dimension. Often presented as a 'huge' innovation this possible evolution should be studied through the dynamics of institutionalization which have build up the history of this institution. To what extent have the states leaders determined the changes related to this post of President of the European Council? Considering the strong personal dimension attached to this position the way heads of state or government exercised it is able to explain some of its structural evolutions. This paper would be grounded on the empirical study of several representative cases, chosen on the basis of variables related to the context, to the leader itself and the state he stands for. This analysis will decode the actions of these actors by observing their distinctiveness, their conceptions of their role as President of the European council, their way to exercise it and their impulses. Moreover it will also deal with the interactions between the President and the other members of the European Council, as well as with the European political system as a whole.

Buchet de Neuilly Yves (Université Lille 2 – CERAPS)

Heures et malheurs de la Présidence. Ce que ne pas abuser d’une position dominante veut dire

A partir d’une série d’entretiens menés principalement avec des diplomates français et des membres du Secrétariat général du Conseil, cette contribution a pour objectif de comparer l’investissement de diplomates dans le rôle de présidence, dans plusieurs groupes de travail (du pilier I et du pilier II), afin notamment de reposer le problème de la « neutralité » de la présidence dans des termes analytiquement plus satisfaisants que ceux généralement employés. Nous montrerons ainsi qu’il est essentiel de rompre avec une conception monolithique de l’Etat, pour saisir les circonstances variables dans lesquelles ses représentants qui accèdent à la présidence dans les groupes de travail du Conseil peuvent user des ressources extra-ordinaires dont ils sont alors structurellement pourvus. Nous montrerons également l’incidence de ces nouvelles opportunités et contraintes de coordination sur la possibilité pour ces diplomates de préserver la compatibilité entre les attentes de leur capitale et les attentes de leurs collègues bruxellois.

Time for Presidency: Limits of a leading position

This contribution aims to compare how diplomats invest the role of EU presidency, in several working groups (from pillar one and two) and to question the problem of neutrality in a new way. We will show that it is crucial not to consider states as monolith in order to understand the specific frameworks within which states representatives are using their new negotiation’s capabilities. We will also show the impact of those new opportunities and coordination constraints on the way diplomats could manage new expectations from their colleagues in Brussels and from their capital.


f Participants

Buchet de Neuilly Yves yves.buchetdeneuilly@univ-lille2.fr
Drake Helen h.p.drake@lboro.ac.uk
Fernández Pasarín Ana Mar ana.fernandez.pasarin@uab.es
Mangenot Michel michel.mangenot@misha.fr
Rittelmeyer Yann-Sven Yann-Sven.Rittelmeyer@ulb.ac.be