Section thématique 23

Les politiques sociales : mutations, enjeux, théories 

f Responsables

Monika STEFFEN (CNRS, Pacte, IEP de Grenoble) Monika.Steffen@iep-grenoble.fr
François-Xavier MERRIEN (Université de Lausanne, Suisse) FrancoisXavier.Merrien@unil.ch

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L'analyse des politiques sociales a rarement été abordée dans le cadre des congrès français de la science poitique, d'où l'intérêt de la présente Section Thématique. Le constat est en effet contradictoire : alors que les politiques sociales constituent un élément central du contrat social et que la demande de protection ne cesse de croître, elles demeurent un champ marginal et peu structuré dans la science politique francophone.

Depuis la première analyse synthétique portant sur « Les politiques sociales et sanitaires », élaborée par B. Jobert dans le Traité de Science politique (Grawitz et Leca, 1985), le paysage empirique et scientifique a radicalement changé. Alors qu'Hatzfeld (1971) assimilait la protection sociale à la « sécurité dans l’existence », aujourd’hui le concept « d’insécurité sociale » (Castel, 2003) s’est imposé, pour rendre compte des craintes collectives face à la précarisation des emplois, aux nouvelles formes de pauvreté et aux inégalités d’accès aux droits sociaux et aux services de santé. Dans le même temps alors que la production scientifique des années 1970 et 1980 demeure pour l’essentiel centrée sur la France, les travaux contemporains s’inscrivent de plus en plus dans une perspective internationale. La trajectoire théorique montre trois étapes :

- La première correspond aux années 1970 et s’achève vers le milieu des années 1980. La majorité des travaux français sont alors marqués par des approches formulées en termes de domination, au sens marxiste ou foucaultien. Dans cette perspective, « la crise de l’État-providence », concept déjà utilisé, appelle à un rôle actif des usagers, à l’action politique locale et à la participation directe. En revanche, les premières recherches comparatives, sur l’origine et le fonctionnement de l’État-providence établissent qu’il s’agit d’un compromis social majeur (ni reproduction de la force de travail, ni conquête ouvrière). L’explication des politiques sociales relève, dès lors, des facteurs d’ordre politique.

- La deuxième étape s’étend du milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990. Elle correspond au développement international des travaux comparatifs sur l’État-providence et à leur importation en France, grâce notamment au soutien de la Mire. L’introduction de la typologie des régimes d’État-providence de Gösta Esping-Andersen (1990, 1e trad. française, 1999) stimule les comparaisons internationales portant sur les modèles anglo-saxons, les modèles continentaux, le modèle nordique et le modèle méditerranéen. Sans être exclusif, le débat international stimule la réflexion sur les spécificités du modèle français d’État-providence.

- La troisième étape débute à la fin des années 1990. Dans le contexte de la globalisation, une part importante des travaux internationaux concentrent leurs efforts à l’étude comparative des réformes conduites durant les années 1980 et 90. Un débat majeur porte sur l’importance relative des mécanismes de « path dependency » versus capacités d’innovations nationales ; un autre débat porte sur les capacités des différentes formes d’État-providence à faire face aux défis de la société postindustrielle. Un troisième débat s’intéresse aux différences de trajectoires selon les secteurs de politiques sociales. Durant cette dernière période, certains travaux commencent à prendre pour objet les politiques sociales dans les pays du sud ou en transition et à analyser l’influence des organisations internationales sur l’agenda et le contenu des réformes.

Aujourd’hui, les politiques sociales mettent en œuvre un grand nombre de programmes, dont beaucoup se situent en dehors des institutions classiques de la protection sociale. Le néolibéralisme et les nouvelles théories du management public exercent une forte influence sur les régimes de protection sociale. Dans de nombreux pays, l’objectif d’universalité et de la protection est désormais poursuivi par des mesures et des plans fragmentés, accentuant ainsi le caractère déjà hybride des systèmes. Les nouvelles priorités : formation, chômeurs, femmes, personnes dépendantes, ont pour objectif de rendre les personnes autonomes et d’augmenter ainsi le rendement des dépenses sociales. Leur mise en œuvre signifie un changement profond de la protection sociale : elle passe par de nouvelles agences, de nouveaux services, des aides à domicile, de nouvelles organisations et méthodes de travail ; elle exige, de la part des individus bénéficiaires, une participation active, souvent assortie de contrôle. La restructuration des politiques sociales modifie ainsi le rapport entre les individus et l’État et le rapport entre les systèmes d’aides publique et privée.

Au cadre national et aux tentatives européennes visant à coordonner les politiques sociales des Etats membres s’ajoutent les recettes, arbitrages et recommandations d’un nombre croissant d’organisations internationales. À ce niveau, le consensus s’est fait autour du nouveau paradigme de « l’efficacité ». L’échec du néolibéralisme, centré sur le marché et le retrait de l’État, partout où ces politiques ont été mises en œuvre a laissé place à la nouvelle gestion publique. Le nouveau paradigme international d’une « nouvelle gouvernance sociale » appelle à un retour du politique.

Dans les pays du sud, les régimes de politiques sociales sont remodelés de manière plus ou moins profonde sous la double influence des mutations économiques et des nouvelles idées propagées par les communautés épistémiques internationales. L’universalisation de la protection sociale retrouve une légitimité perdue durant la période des plans d’ajustements structurels, mais dans un cadre analytique profondément renouvelé.

La Section Thématique n°23 vise ces nouvelles dimensions et directions. Elle analysera de manière plus fine les processus d’infléchissement des politiques sociales, en prenant en considération aussi bien les inflexions dans un sens libéral (individualisation, privatisation, activation) que des réorientations plus universalistes. Elle cherche à renouveler l’étude du poids des structures, des institutions et des « cultures nationales » et ainsi poser de manière nouvelle les questions de la dépendance aux sentiers et de la capacité des États à s’en évader, pour s’adapter aux « nouveaux défis ». Ce faisant la session examine la construction difficile de l’Europe sociale.

Elle accordeune place important aux pays du sud et aux rôles des grandes organisations internationales et transnationales dans les orientations des politiques sociales, en prenant en considération les luttes et compromis entre organisations sur les options légitimes de politiques sociales. Elle tente ainsi d’évaluer l’influence réelle des différentes organisations sur les choix dans les différents pays et aires géographiques. La Section Thématique vise ainsi à tirer les leçons théoriques d’un important champ de recherches comparatives, pour enrichir l’étude des politiques publiques et la science politique en général.

Les trois séances sont consacrées : 1) à la question de la valeur heuristique des modèles théoriques généralistes confrontés aux cultures politiques nationales ; 2) à l’analyse comparative de la restructuration des politiques sociales dans un cadre principalement européen ; 3) aux mutations des politiques sociales dans les pays du sud et aux rôles des organisations internationales.

Éléments bibliographiques

BARBIER Jean-Claude, 2008, La longue marche vers l’Europe sociale, Paris, PUF, 2008.
CASTEL Robert, 1995, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard.
CASTELS Francis G., 2004, The future of the Welfare State. Crisis Myths and Crisis Realities, Oxford University Press.
CATRICE-LOREY A. and STEFFEN M., 2006, « La mise en œuvre des réformes des systèmes de santé bismarckiens : des capacités inégales », Revue française des affaires sociales, n° 2-3, 171-189.
DEACON Bob, 1997, Global social policy, London: Sage.
Destremau Blandine et Lautier Bruno (eds.), 2003, Providence ou prévoyance ? La protection sociale, dossier de la Revue Tiers Monde, PUF.
ESPING-ANDERSEN G., 2007, Les trois mondes de l’Etat-providence, avec une préface de F.-X. MERRIEN, Paris, PUF (1990).
ESPING-ANDERSEN Gøsta et PALIER Bruno, 2008, Trois leçons sur l’État-providence, Paris : Seuil.
FERRERA Maurizio et RHODES, Martin, 2000, Recasting the European Welfare States, London : Frank Cass.
GOUGH Ian and WOOD Geof (eds), 2004, Insecurity and welfare regimes in Asia, Africa and latin America : Social policy in development contexts, Cambridge, : Cambridge University Press.
GRAWITZ Madeleine et LECA Jean, 1985, Traité de Science Politique, Tome 4 « Les politiques publiques ».
GUILLEMARD A-M., 2008 (dir.), Où va la protection sociale ? Paris : Presses Universitaires de France.
HATZFELD Henri, 1971, Du paupérisme à la Sécurité Sociale, Paris : Armand Colin (3è édition, 2004, Presses Universitaires de Nancy).
JOBERT Bruno, 1985, « Les politiques sociales et sanitaires », Traité de Science Politique, T. 4 : « Les politiques publiques », Presses Universitaires de France, pp 301-342.
KUHNLE Stein, (ed), 2001, Survival of the European Welfare State, London : Routledge.
MERRIEN F.X., PARCHET R. et KERNEN A., 2005, L’État social. Une perspective internationale, Paris : A. Colin, coll. U.
MERRIEN FX., 2002, 2ème édition, L’État-providence, Paris : Presses Universitaires de France.
MKANDIWARE Tandika (ed), 2004, Social Policy in a Development Context, Geneva: UNRISD/Sage.
PALIER Bruno, 2002, Gouverner la Sécurité Sociale. Les réformes du système français de la protection sociale depuis 1945, Paris : Presses Universitaires de France.
PAUGAM Serge (dir.), Les devenirs de la solidarité sociale, Paris, PUF, 2007.
PIERSON Paul, 2001 (ed.), The new politics of the Welfare state, Cambridge University Press.
SCHARPF Fritz. and SCHMIDT Vivien (eds), 2000, Welfare and work in the open economy, From vulnerability to competitiveness, Oxford : Oxford University Press .
STEFFEN Monika, 2005 (ed.), Health governance in Europe. Issues, challenges and theories, Oxon, New York: Routledge.
THERET Bruno, 2002, Protection Sociale et Fédéralisme : L’Europe dans le miroir de l’Amérique du Nord, Montréal : P.I.M. Peter Lang/Presses de l’Université de Montréal.

Social Policies: Changes, Challenges, Theories

In the last quarter of the twentieth century, comparative analysis and international studies on social policies revolved around four main themes: (1) the characterisation of welfare state regimes and their capacity for resilience in the face of globalisation, (2) the interpretation and analysis of on-going reforms, (3) the capacity of European social security systems to face the “new challenges” originating from the post-industrial society, and (4) the recurring legitimisation crisis at European level concerning the co-ordination of social policies. So far, most analyses have focused on the developed countries. The main thrust of analysis has been path-dependency mechanisms versus the capacity of the various countries to face change, the role of ideas, and the explanatory power of critical historical periods. While maintaining this line of ideas, this session introduces new complementary dimensions. First, it aims at a deeper understanding of the reorientation processes in social policies. It will consider the more liberal frameworks (individualisation, privatisation, and activation) as well as the renewed universalistic orientations and the emergence of new types of public or private services. In doing so, the session seeks to renew the historical heritage analysis, by examining the importance of structure, institutions, “national cultures”, and the capacity to depart from path-dependency. Second and consequently, the session will compare reform policies and politics internationally, mainly in the (un)employment sector and the healthcare sector, with special attention to the complex interplay between the European Union and Member States. Third, the session seeks to analyse geographical areas other than the well-studied North. It will therefore lay much emphasis on the changes in social policy orientation in Eastern Europe, Latin America and the Middle East, and on the role of international and transnational organisations. In doing so, the session aims at evaluating the real influence of different international organisations on the policy choices in various countries, and the balance of power and compromises between international organisations competing over legitimate options in the field of social policy.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 3)


f Programme

Axe 1
Modèles théoriques généralistes et cultures politiques nationale : quelle valeur heuristique ?

Discutante : Monika Steffen (CNRS, Pacte, IEP de Grenoble)
Président : François-Xavier Merrien (Université de Lausanne, Suisse)

Axe 2
Les politiques de réformes : comparaisons européennes et internationales

Discutant : Jean-Claude Barbier (CNRS, Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
Présidente : Anne-Marie Guillemard (Université Paris Descartes CEMS/EHESS)

Axe 3
Mutations des politiques sociales dans les pays du sud et rôle des organisations internationales.

Discutant : François-Xavier Merrien (Université de Lausanne, Suisse)
Présidente : Monika Steffen (CNRS, Pacte, IEP de Grenoble)


f Résumés des contributions

Axe 1

Aucante Yohann (EHESS, Centre de sociologie du travail et des arts, Paris)

A thousand worlds of welfare” ? Sur quelques paradoxes des analyses de l’État social en Scandinavie

Les pays scandinaves (Danemark, Suède, Norvège) sont devenus des objets canoniques de la recherche sur les régimes de protection sociale, notamment à la suite des travaux de Walter Korpi et Gøsta Esping-Andersen. La grande majorité de ces analyses, d’inspiration macrosociale ont porté sur l’État et les assurances sociales, délaissant paradoxalement des dimensions essentielles des systèmes scandinaves, à savoir l’importance historique décisive des gouvernements locaux et des services sociaux. Le constat pourrait être étendu à d’autres pays mais il prend un relief particulier dans ce contexte. L’objectif de cette présentation est de revenir sur ces paradoxes en proposant de réfléchir à la fois aux raisons de cette orientation dominante des recherches et à l’intérêt autant qu’aux difficultés de restaurer dans l’analyse des régimes la grande complexité de la gouvernance « local » (entendu comme une association de niveaux et d’acteurs) de la protection sociale. En parallèle, la question de la valorisation des services sociaux et de l’assistance comme éléments-clés de ce niveau de gouvernement sera également prise au sérieux, en lien avec un schéma d’analyse un temps proposé par Jens Alber.

A thousand worlds of welfare” ? About some paradoxes of welfare research in the case of Scandinavia

The Scandinavian countries (Denmark, Sweden, Norway) have become the darlings of researchers dealing with social policy regimes, thanks to the work of Korpi and Esping-Andersen among others. The great majority of this line of research has been macrosocial and heavily biased toward studies of spending and social insurance at the state level, thus paradoxically leaving aside essential dimensions of the Scandinavian systems of social provision : their historical reliance on local government as major providers of social services and welfare. This bias is not limited to Scandinavia but it is all the more interesting in this region associated with sophisticated welfare states. This paper offers to reflect on these paradoxes, the reasons why a certain type of research has been so dominant while oblivious of other important dimensions of the problem, and to make the case that it may be important (and difficult) to restore the role of local welfare governance in the analysis of social policy regimes. Moreover, this level of analysis invites to recast the key role of social services (and assistance) and their territorial organization, something that Jens Alber once stressed as undervalued.

Barbier Jean-Claude (CNRS, Centre d’économie de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

Workfare, « flexicurité », réflexions sur le voyage international des idées politiques dans les politiques sociales

En 2009, on dispose de plus de 20 ans de recul pour examiner jusqu’à quel point le workfare a été une « inflexion dans le sens plus libéral » des politiques sociales en Europe et aux États-Unis. Une idée commune générale semble courir du workfare, ou du « welfare-to-work », ou, à « l’activation des chômeurs », voire à leur « insertion sociale et professionnelle ».
La notion de flexicurité, ou « flexi-sécurité » ou encore flexicurity en anglais, porte à des conclusions homologues. L’idée générale capturée par cette combinaison (la réconciliation des intérêts et exigences du travail et du capital), est tout aussi frappante et expressive que celle de la combinaison d’un welfare basé sur le travail (work), ou les « droits et obligations » doivent, moralement, s’équilibrer et les « incitations » de tous ordres (carottes et bâton) sont censées provoquer des « comportements » attendus. Dans les deux cas, une catégorie, un mot du discours politique, ayant une origine identifiable et précise, circule facilement, pendant que d’autres restent plus spécifiques à certaines cultures politiques nationales. La communication se fonde sur une enquête empirique de plusieurs années sur les programmes sociaux créés dans plusieurs pays. L’interprétation en a été présentée dans J.-C. Barbier, La longue marche vers l’Europe sociale, Paris, PUF, 2008.

Workfare, “flexicurity”, when political notions travel successfully in social policy

With the hindsight of more than 20 years, we are able in 2009 to examine whether the introduction of workfare programmes has eventually led to a convergent transformation of social policy across Europe and the United States, in a more “liberal” direction. At face value, it is true that a common idea seems to inform “welfare-to-work”, “insertion”, “activation policies” everywhere. With regard to “flexicurity”, things appear very similar. In both cases, a political notion the origins of which can be precisely found in such and such a country and at an identified moment, starts to travel abroad. For “flexicurity”, it is the marriage of the contradictory terms flexibility and security that bears with it undeniable appeal. With respect to “workfare”, it is the mingling of work and welfare. Why do such words eventually turn into slogans, and buzzwords? Why are they sometimes so successful as to be used by scholars as well as politicians? This is what fieldwork in many countries in Europe allows understanding (see J.-C. Barbier, La longue marche vers l’Europe sociale, Paris, PUF, 2008).

Catrice-Lorey Antoinette (CNRS, Université Paris XI)

Politiques de régulation de la protection-santé en France : les handicaps d’origine

Les politiques de régulation des dépenses de santé en France sont marquées par le retard et l’insuccès. La recherche développe l’idée de handicap d’origine, autour de deux pôles spécifiques de path-dependency. Le premier, d’ordre structurel, met en cause l’institutionnalisation de l’assurance maladie et ses modes de gouvernance. Transcrit par un Etat central, le modèle bismarckien adopté est devenu dysfonctionnel. Trois thèmes sont traités à l’appui de la thèse : construction de la démocratie sociale, configuration du système d’administration, structuration de la négociation avec un corps médical peu coopérant. Le second facteur de dépendance est d’ordre culturel ; il désigne le niveau d’idéologie à l’œuvre dans la société et dans le champ santé, prolongeant le temps des controverses, accroissant les résistances au changement. Les réformes structurelles engagées en 2004 et 2009 inaugurent un nouvel âge de gouvernance. Les changements introduits manifestent une emprise plus large et plus efficiente du pouvoir étatique ; l’assurance maladie perd ses dimensions de démocratie sociale et prend figure de partenaire technique. La cible des réformes est l’offre de soins et son pilotage territorial. L’étude évoque pour terminer la faible progression d’autres chantiers de régulation plus directement soumis à des freins culturels, l’évaluation des pratiques médicales, la révision du panier des soins remboursables.

Health regulation policies in France: handicaps from the past

The regulation of healthcare in France is characterised by delays and failure. Research on the subject shows handicaps dating from the origins of the healthcare system, around two specific path-dependencies. The first, of a structural nature, concerns the institutionalisation of health insurance and its governance. Implemented by a central state, the Bismarckian model initially adopted has become dysfunctional. This paper examines three themes to support the argument: construction of a social democracy; configuration of the administrative system; and negotiation patterns with a largely uncooperative medical corps. The second dependency factor is cultural. It relates to the ideology in society and in the health field, which causes controversies and increases resistance to change. The reforms in 2004 and 2009 have inaugurated a new age of governance, the changes introduced attest to broader and more efficient state control. Health insurance is thus losing its social democracy dimensions and becoming a technical partner. The target of reforms is the healthcare offer and its territorial management. Finally, this study considers the slow progress of regulatory projects more directly hampered by cultural factors, the evaluation of medical practices, and the revision of the basket of refundable healthcare.

Colomb Fabrice (CES-Matisse Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Les politiques de l’emploi en France dans les années 90 : entre transformation des élites et résistance du référentiel

Ce texte vise à analyser l'évolution du référentiel des politiques de l’emploi en France durant la décennie 1990. Deux thèmes nous servent d'étude de cas: "la réduction du coût du travail" et "rendre le travail payant". Cette décennie a donné lieu à des modifications profondes des profils des élites administratives en charge de la conception des politiques de l'emploi. Les économistes de l'INSEE et universitaires occupent des places clés au sein des scènes d'élaboration de la politique. Leur discours est en relative contradiction avec celui des acteurs des années précédentes. En quoi ces contradictions modifient-elles le référentiel originel des politiques de l'emploi fondé sur l'image de "chômeur victime" et des valeurs de solidarité. Se met effectivement en place un référentiel d'incitation. Toutefois, celui-ci ne remplace pas le référentiel précédent. Nous assistons plus à une fragmentation des logiques qu'à un basculement radical du référentiel vers des principes libéraux.

Employment policies in France : between changing elites and resistence to change

What we aim at is analyzing the evolution of the “cognitive framework” (“référentiel”) of French employment polices during the 90's. We focus on two main themes: "labour cost decrease" and "making work pay" strategies. During this decade, the professional pattern of administrative elites in the French employment administration shifted significantly. Statisticians and academic economists became more present. Their discourse was in contradiction with the one prevalent in the 70's or 80's. To what extent this contradiction changed the original cognitive framework based on the image of "an unemployed victim" and on the value of "solidarity". Indeed, “référentiel” based on incentives for the unemployed was implemented. However, this one has not replaced the former framework. Rather than a radical shift toward liberal principles, what we can observe is fragmentation.

Morel Nathalie ( Institute for Futures Studies, Stockholm, Suède)

Comprendre les ressorts de la légitimité et de la pérennité de l’Etat-providence universel suédois

Cette contribution vise à mettre en lumière et à analyser les mécanismes institutionnels et politiques qui permettent de comprendre la forte légitimité et la pérennité de l’Etat-providence suédois. Les institutions sur lesquelles repose l’Etat-providence sont au cœur de notre analyse. Nous les considérons comme des variables intermédiaires permettant d’analyser, d’un côté, les facteurs qui expliquent la forme spécifique que revêtent ces institutions et de l’autre l’impact de ces institutions sur un certain nombre de résultats sociaux et politiques. Nous arguons que les prises de positions idéologiques, mais aussi stratégiques, des sociaux-démocrates – au pouvoir pendant la majeure partie du 20e siècle - ont joué un rôle décisif dans la mise en place d’un Etat-providence universel des plus hauts standards. A travers l’analyse du développement et des réformes successives de l’Etat-providence nous montrons comment sont liés ces principes universalistes à une stratégie politique particulière qui vise à attacher l’ensemble des classes moyennes à l’Etat-providence, mais aussi au parti qui l’établit, le parti social-démocrate. Nous montrons ensuite comment les institutions mises en place ont contribué à former les normes et valeurs dans la société, contribuant ainsi à la légitimité et à la pérennité de l’Etat-providence. Nous abordons en conclusion les défis actuels auxquels sont confrontés tant l’Etat-providence que le parti social-démocrate.

Understanding the legitimacy and the resilience of the Swedish universal welfare state

This paper aims to highlight and to analyse the institutional and political mechanisms that help explain the strong legitimacy and resilience of the Swedish welfare state. The institutions on which the welfare state rests are at the heart of our analysis. We consider them as intermediate variables that allow for an analysis of, on the one side, the factors explaining the specific shape of these institutions and, on the other, the impact of these institutions on a number of social and political outcomes. We argue that the ideological, but also strategic, positions of the social-democrats – in power during most of the 20th century – have played a decisive role in the development of a high standard universal welfare state targeted towards the middle classes. Through the analysis of the development and successive reforms of the welfare state we show how these universalist principles are linked to a specific political strategy which aims to attach the middle classes to the welfare state but also to the party that has established it, namely the social-democratic party. We then show how the type of institutions that have been set up have contributed to shaping the norms and values in society, thus contributing to the legitimacy and resilience of the welfare state. By way of conclusion, we address some of the challenges that both the welfare state and the social-democratic party presently face.

Axe 2

Conter Bernard (IWEPS, Namur, Belgique)

Les arbitrages politiques de la mise en œuvre de la stratégie européenne pour l’emploi en Wallonie

Le propos de cette communication sera d’étudier l’évolution de deux politiques dites « passives » en Belgique qui ont fait l’objet de critiques récurrentes de la part de l’U.E. dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi. La première concerne l’indemnisation du chômage qui n’est pas limitée dans le temps et la seconde, le système de préretraite (« prépension ») dans un pays où le taux d’emploi des plus de 50 ans est parmi les plus bas d’Europe.
Ces politiques ont fait l’objet de réformes récentes mais leurs principes généraux sont restés inchangés. Nous examinerons ces changements à la lumière de l’approche de Peter Hall sur l’apprentissage politique et le changement institutionnel. Nous soulignerons qu’une succession de changements d’instruments ou de niveau d’application de ceux-ci (changements dits de premier et de deuxième ordre d’après la classification de Hall) peuvent changer profondément les conditions d’exercice d’une politique même si celle-ci conserve ses objectifs initiaux.

Political arrangements linking the implementation of the European Employment Strategy in Wallonia

The aim of this paper is to examine the development of two Belgian “passive policies” criticised by the EU in the framework of the European Employment Strategy. The first one concerns the employment benefits witch are timely unlimited in Belgium. The second one relates to the early retirement system whereas Belgium has one of the lowest employment rates of the more than 50 years old in Europe.
Those policies where reformed several times in the last years but their main goals remained unchanged. Peter Hall’s approach on social learning and institutional change will be useful to analyse those recent changes. We will point out that some changes in the level of the basic instruments of in the instrument themselves (called first order and second order changes by Hall) can lead to fundamental changes in the implementation and in the impact of the policies, even if their overall goals remain officially unchanged.

Giraud Olivier (CNRS, Centre Marc Bloch, Berlin, Allemagne) et Lechevalier Arnaud (Université Paris 1)

Dynamique des régimes d’emploi en France et en Allemagne : comment interpréter les nouvelles politiques de l’emploi ?

Cette contribution a pour objet l’analyse des transformations des régimes d’emploi en Allemagne et en France sous l’effet des politiques de l’emploi conduites dans les deux pays depuis une quinzaine d’années. Elle s’attachera à comprendre le contenu de ces réformes à partir de la manière dont les interactions entre les acteurs, les institutions et les formes de l’expertise structurent dans chaque pays les perceptions des changements socio-économiques en cours et contribuent à la mise en place de nouveaux référentiels et de nouvelles normes d’emplois.
Dans le cadre de notre analyse, les régimes d’emploi sont formés autour de trois éléments principaux :a) le système d’emploi permet l’analyse des liens majeurs entre le système productif et le système du marché du travail ; b) le régime de gouvernance de l’emploi permet l’analyse de la répartition du pouvoir en ce domaine entre acteurs, mais aussi l’analyse du rôle des institutions les plus importantes ; dans ce contexte, outre les capacités à décider, ou à mettre en œuvre des décisions politiques (dimensions traditionnelles de la régulation), on s’attache particulièrement à l’organisation du pouvoir d’expertise ou à imposer une vision du problème public ; c) enfin, les normes d’emploi renvoient à la fois à la définition dominante, acceptée ou contestée, des formes de l’emploi dans la société (niveau de rémunération, choix et contraintes, niveau des protections, etc).

Our paper analyses, in a comparative manner, the influence employment policies have had in the last 15 years on the transformation of employment regimes in France and Germany. We will try to capture the reforms’ contents focusing on the interactions between actors, institutions and the forms of expertise. Those interactions frame the way socio-economic change is perceived and consequently influences policy ideas about employment and employment norms.
In the realm of our analytical grid, employment regimes are made up of the three following notions:
• the employment system focuses on the relationship between production systems and labour market structures;
• employment governance systems analyses power allocation among actors, but also the role of the most influent institutions. Decision-making capacities, and implementation capacities (the traditional dimension of regulation) should be complemented here by a specific focus on expertise and the actors’ capacity to influence the perception of a public problem (capacity of voice);
• finally, employment norms concern themselves with the prevailing definition, accepted and contested, of employment forms in society (remuneration level, capacities of choices and constraints, level and quality of protections, etc.).

Palier Bruno (CNRS, CEVIPOF, Paris)

Comment comprendre l’adhésion des systèmes bismarckiens de protection sociale à la nouvelle orthodoxie économique ?

Alors qu’ils étaient censés ne pas pouvoir se réformer, les systèmes continentaux de protection sociale ont connu de profondes réformes au cours des années 2000, prouvant par là les limites des théories uniquement centrées sur les phénomènes d’inertie institutionnelle et de path dependence. Activation des chômeurs, introduction de nouveaux piliers de retraites financés en capitalisation, développement de la concurrence et privatisation rampante dans la santé, ces réformes majeures, qui introduisent de nouvelles logiques au sein des systèmes « bismarckiens » de protection sociale, doivent être expliquées.
Ce papier fera le point sur la méthode et les résultats obtenus dans un projet collectif de recherche qui a eu pour but d’analyser les trajectoires de réformes des systèmes bismarckiens de protection sociale au cour des trente dernières années. Cette méthode, fondée sur le « procès tracing », cherche à retrouver les mécanismes institutionnels, intellectuels et stratégiques (les trois « i ») qui ont caractérisés la plupart des réformes des systèmes de protection sociale d’Europe continentale. Elle cherche à distinguer différentes séquences des trajectoires de réformes, et identifie cinq dimensions (contexte, diagnostic, contenu des réformes, politics, conséquences) pour chacune de ces séquences afin de les comparer les unes avec les autres.

How can We understand the adoption of the new Economic orthodoxy by Continental European Welfare systems?

Continental European Welfare systems were supposed to be not able to re-structure because of path dependency. However, since the early 2000s, they have known deep structural reforms : Activation of employment policies, mutlipillarisation of pensions, increasing competition within Health care systems, one has to understand these changes.
The paper will present the method and the main result of a collective research that has compared the reform trajectories in most Continental European countries. The method, based on "process tracing", tries to highlight the institutional, intellectual and strategic mechanisms through that have characterised the main reforms. It distinguishes between different sequences of reform, and identifies five main dimensions of them: context, diagnosis, Policy content, ,politics, consequences; so that they become comparable.

Spieser Catherine (GSPE, IEP de Strasbourg)

La réformes des retraites et des politiques de l'emploi en Pologne: acteurs et compromis autour de l'individualisation des risques sociaux

L'étude comparée des réformes dans le domaine de la politique de l'emploi et du système de retraite en Pologne permet de spécifier les conditions dans lesquelles les dynamiques politiques internes et une internationalisation croissante de l'arène de politique sociale se concurrencent ou interagissent. Dans les deux cas, les enjeux budgétaires sont considérables, mais l'adoption des réformes s'appuie sur des compromis politiques et des acteurs externes à la scène politique nationale interviennent. En ce qui concerne le système de retraites, un modèle clair faisant l'objet d'une promotion internationale a servi de levier pour appuyer des projets nationaux déjà présents et construire sur la scène nationale une large coalition en faveur d'une réforme radicale. S'agissant des politiques de l'emploi par contre, les signaux des acteurs internationaux sont restés plus mitigés. On observe la subsistance de formes d'intervention mêlant héritage du régime précédent et stratégie d'apaisement social, parallèlement à l'émergence d'un nouveau paradigme et d'une réorientation vers les politiques actives qui peine à se mettre en œuvre. Il s'agit de retracer puis expliquer les réformes successives, afin de mettre en lumière les facteurs explicatifs d'une trajectoire impliquant soit un changement de paradigme explicite (retraites), soit des réformes de moindre ampleur mais produisant des effets cumulés (politiques de l'emploi).

Pension and labour market reform in Poland: actors and compromises around the individualization of social risks

The comparative study of pension and labour market reforms in a Poland allows to specify the conditions under which domestic political dynamics and the growing internationalization of the welfare policy arena interact or compete with each other. In both cases, external actors play a significant role, budgeraty stakes are considerable, and the adoption of reforms relies on political compromises. In the reform of the pension system, a clear policy template was promoted in the international arena, and served as a lever for projects prepared and carried by domestic actors, especially in building a large coalition in favour of radical change. By contrast, in the area of labour market policies, signals from the international arena were mixed and unclear, and we observe more gradual policy change: measures shaped by legacies from the previous regime, a strategy of social appeasement in parallel with the emergence of a new paradigm of labour market policies, impaired by a uneasy implementation of the activation turn. The paper traces and seeks to explain the path of successive reforms, in view of identifying the factors at play both in a trajectory of explicit paradigm change (pension reform) and in a trajectory of implicit paradigm change by a succession of smaller steps having cumulated effets (labour market reform). Finally, the paper suggests a conceptualisation of the interaction between domestic sociopolitical actors and international.

Vaillancourt-Rosenau Pauline (University of Texas, Houston, États-Unis)

Si les systèmes de santé sont évalués sur la triple base des coûts, de la qualité et de l’accès, quelle approche politique s’avère la meilleure : le marché (système libéral ou néolibéral), des programmes publics (État providence), la responsabilité publique dévolue au secteur privé (privatisation) ou des partenariats publics-privés ? Après des années d’expériences internationales accumulées, les résultats de ces politiques spécifiques sont connus : 1) La compétition issue du marché n’a pas réduit les coûts. 2) La compétition issue du marché peut réduire l’égalité de l’accès, mais la régulation permet de moduler ce résultat. 3) La régulation a de bonnes chances de réduire les profits financiers pour les assureurs privés et oblige les entreprises privées d’assumer une responsabilité pour les programmes publics. 4). Les entreprises privées se trouvent ainsi, implicitement, sans consentement, dans la situation de devoir assumer une nouvelle “responsabilité sociale”, qui suscite des conflits d’intérêts qu’ils ne sont pas prêts à assumer. La contribution développe plusieurs hypothèses expliquant pourquoi le marché n’a qu’une faible performance dans le secteur de la santé et pourquoi les responsables des politiques continuent néanmoins à appuyer la compétition du marché malgré l’absence de données empiriques en sa faveur. Continuer ces expériences n’est justifiable que si c’est une option normative, mais non comme une politique basée sur des preuves (evidence-based policy).

Public Means, private Markets, Or mix ? Lessons from international policy experiments in the health sector

If health system outcomes on cost, quality, and access are important, then which policy approach is best: the market (un système libéral ou néolibéral), public programs (l’Etat-providence), outsourcing public responsibilities to the private sector (privatisation), or public-private partnerships (un compromise social)? After several decades of experience, conclusions are compelling: 1) There is little evidence that market competition has reduced costs, improved quality, or increased access to health services. 2) Market competition may reduce access, but regulation can moderated this effect. 3) Regulation is likely to reduce financial returns to private insurers and shift some welfare programs to them. 4) Private enterprises then find themselves with new “social responsibilities,” giving rise to structural conflicts of interest for which they are not prepared. Various hypotheses are explored as to why market competition has performed poorly in the health sector, despite high expectations. Hypotheses are also offered as to why policymakers, in so many different countries, continue to support market competition in the health sector in the absence of evidence for it. The market is said to reflect a preference, to increase choice, or to be a matter of perspective. Lessons from comparative, international public policy research suggest that continuing experiments with market competition in the health sector is only justifiable as a normative option, not as evidenced-based policy.

Axe 3

Catusse Myriam (CNRS, IFPO, Beyrouth)

La décharge à l’épreuve : les chemins de traverse de la réforme de la Caisse nationale de la sécurité sociale au Liban

La préoccupation du social, éludée les décennies précédentes, devient centrale tant pour les régimes arabes que pour leurs partenaires internationaux. Dans le cas libanais, elle est pourtant singulièrement peu mobilisatrice. Le pays constitue néanmoins un poste d’observation et de comparaison original des mutations, enjeux et théories relatifs aux politiques sociale, pour trois raisons au moins : une histoire qui a très tôt privilégié un mode d’action indirect, de « décharge » (au nom du « laissez faire » de la « République marchande ») ; l’héritage laissé par les 15 ans de guerre civile (1975-1990) en termes d’articulations entre citoyenneté sociale et citoyenneté nationale, effort de guerre, éthique sociales et institutions infra-étatiques ; et enfin, l’extrême crise financière dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui, parmi les plus endettés au monde conjuguée à un choix de reconstruction ultra-libéral, marginalisant la question sociale. Cette contribution se propose d’en discuter dans le cadre d’une analyse des logiques politiques et sociales de la réforme de la Caisse nationale de sécurité sociale libanaise (CNSS). Autour des débats actuels, elle aborde trois questions : celle des formes de « décharge » ou de « prise en charge » de l’action sociale ; celle de la faiblesse de la cause sociale dans le terreau de la contestation sociale libanaise contemporaine ; celle de la variété des modes de gestion clientéliste et patronaux des risques sociaux.

Discharge to the test: the shortcuts of the reform of the National fund for social security in Lebanon

The social issue, evaded previous decades, becomes crucial to both the Arab regimes and their international partners. In the case of Lebanon, it oddly does not stir a lot of people into action. The country is still an observation and comparison post of the change of social policies issues and theories, for at least three reasons : a history that soon preferred « discharge », indirect government (in the name of « laissez-faire » and of the « Merchant Republic ») ; the legacy of 15 years of civil war (1975-1990) in terms of interactions between social citizenship and national citizenship, war effort, social ethics and sub-state institutions ; and finally the extreme financial crisis faced by the country today, among the most indebted in the world, combined with a choice of ultra-liberal reconstruction marginalising the social concerns. This paper intends to analyse in this context the social and political dimensions of the reform of the National social security fund. Taking into account the current debates, it addresses three issues: the forms of “discharges” or, on the contrary, of « care » of social action; the weakness of the social cause in the Lebanese contemporary contentious politics; the variety of clientelism and patronage patterns at work in the management of social risks.

Destremau Blandine (CNRS, LISE, Paris )

La nature politique des politiques sociales : statuts d'emploi et configurations des marchés du travail dans certains pays du Moyen-Orient

La rédaction de mon mémoire d’habilitation à diriger des recherches m’a permis de relire et de relier des travaux que j’ai menés depuis près de 20 ans, surtout au Moyen-Orient, sur la base d’enquêtes et d’observations de terrain, de participation à des programmes régionaux, ou à partir d’interrogations théoriques.
Depuis les indépendances, les politiques publiques ont fabriqué de l’inclusion et de la citoyenneté sociales par la biais de la construction du statut de salarié « formel », de la protection sociale et de l’accès à divers services sociaux publics. Souvent affichées comme universalistes, les politiques sociales ont néanmoins engendré des dégradés d’exclusion, au regard de la citoyenneté sociale, que l’on peut analyser par la question des statuts d’emploi et du travail informel. Ces processus d’exclusion sont particulièrement lisibles à l’encontre des travailleurs immigrés. En effet, les politiques sociales ont renforcé la segmentation et la sectorisation des marchés du travail, qui confinent les travailleurs immigrés dans des statuts d’emploi dévalorisés et non protégés.
Je tenterai de souligner les différences entre pays dans une perspective comparative. J’insisterai sur les dynamiques d’évolution des politiques sociales, qui répondent aux tensions émergeant des processus d’exclusion, de l’essor du chômage et de la pauvreté, mais aussi des pressions de diverses organisations internationales.

The political nature of social policies : employment statuses and labour markets configurations in some Middle-Eastern countries

The writing of a post-doctoral degree thesis led me to re-read and link research work I have been conducting for over twenty years, mainly in the Middle –East, on the basis of field work, participation to regional programmes or theoretical interrogations.
Since the advent of independence, public policies have produced social inclusion and citizenship through the construction of the status of formal wage workers, social protection and access to various public services. Often claimed as universalist, social policies have nevertheless generated various shades of exclusion, regarding social citizenship, that may be analysed in the light of employment statuses and informal labour. Exclusion processes are particularly active against immigrant workers, since social policies have tended to reinforce segmentation and sectorisation of labour markets, which confine foreign workers to disqualified and unprotected employment statuses.
I will try to underline the differences between countries in a comparative perspective. I will insist on dynamics of change of social policies, responding to tensions that emerge from growing exclusion processes, unemployment and poverty, as well as from pressures from various international organisations.

Kernen Antoine (ISSP, Université de Lausanne, Suisse)

Transformation de la gouvernance du social en Chine : Le cas des nouvelles ONG caritatives

En Chine, le développement d’un secteur associatif caritatif s’inscrit dans un contexte économique marqué par un fort accroissement de la vulnérabilité pour une frange de plus en plus importante de la population chinoise. Le renforcement des mécanismes d’exclusion sociale s’articule sur la redéfinition des rôles de l’Etat dans l’économie et le social, conséquence du passage à l’économie de marché et des disfonctionnements du système de sécurité sociale. L’émergence d’un secteur associatif a été analysé dans de nombreux pays du Sud comme un report de charge suite à l’entrée en crise des Etats développementalistes keynésiens et à une réorientation de la coopération internationale.
La République populaire de Chine se distingue toutefois par un contexte politique très spécifique. Loin d’être en crise, l’Etat chinois a suivi les modes de la nouvelle gestion publique, qu’à la condition de continuer à contrôler ce processus de délégation. Craignant l’emergence d’une « société civile », le régime chinois n’a transformé ses modes d’intervention dans le social en créant ses propres ONG d’Etat. Dès lors, le secteur associatif autonome de l’Etat, qui se développe depuis les années 90 dans un cadre très restrictif, garde une ampleure si limitée qu’il s’apparente surtout à une vitrine démocratique.

Transformation of social governance in China : the emergence of caritativ NGO

In China, the development of a caritative third sector takes place in an economic context caracterised by a strong increase of the vulnerability for an important part of the Chinese population, consequence of the economic transition. During this time, the state reconfigurates its intervention in social and economic sectors.
The development of a third sector is often analyzed as a transfer of charges, particularly in the South where the crisis of developpementalists keynesian States was particularly strong. In the People's Republic of China, this process takes place in a very specific context. Sure the Chinese State follows the trend of the new public management and transforms its modes of intervention. But far from being in crisis, the Chinese state is able to to control this « delegation » process. Afraid of the emergence of a "civil society", the regime creates its own NGO. Also, the rare NGO completly distinct from the state that develop since the 90s in a very restrictive frame are so limited that they can be analysed as a democratic shop window.

Bruno Lautier (IEDES, Université Paris 1)

Le consensus sur les politiques sociales au Sud, négation de la démocratie ?

Les consensus autour des politiques sociales dans les pays du Sud sont mondiaux, et émanent pour la plupart d’organisations internationales (Banque Mondiale, PNUD…). Ils portent souvent le nom d’une ville où s’est réunie une conférence. Ils portent sur des objectifs (comme les M D G, l’universalisation de la protection sociale), sur des « engagements », sur des instruments (le micro-crédit, les CCTP….). Les consensus sont solennellement affirmés, mais rarement définitifs : il faut les renouveler, les infléchir, voire renier leurs prédécesseurs. Si l’usage du mot est répétitif et ritualisé, son sens est rarement explicité. Un détour par l’étude du mot est alors utile; le consensus a en effet une longue histoire, de Spinoza, Tocqueville, Habermas, aux théoriciens de la psychologie sociale et aux techniciens du consensus building. Héritier d’un débat philosophique, porteur d’un sens commun à forte capacité empathique, le consensus est aussi une technologie de gouvernement. Le malentendu règne alors à propos du mot même. Et c’est ce malentendu qui fait sa force dans le discours des institutions internationales. Cette analyse débouche sur un examen de la fonction légitimatrice des consensus : cette fonction n’est-elle pas de clore et interdire le débat avant qu’il n’ait débuté ? N’est-elle pas, au nom de l’évidence moralement fondée, et d’une communauté de valeurs jamais vérifiée, d’expulser la question des droits et de la démocratie du débat sur les politiques sociales ?

The consensus on social policies in developing countries, a negation of democracy?

Consensus bearing on social policies in the Global South are transnational, and emanate for the most from international organisations (the World Bank, the UNDP…). They are often named after the town where a Global Conference met. They concern objectives (such as MDGs, the universalisation of social protection), “commitments”, or instruments (microcredit, CCTPs, etc.). Such consensus are solemnly proclaimed, but seldom final: they have to be reaffirmed, amended, and sometimes previous consensus renounced. The word is repeated and ritualised, but its meaning seldom clarified. An exploration of the word itself is thus useful: consensus has a long history, from Spinoza, Tocqueville, Habermas, to theoreticians of social psychology and technicians of consensus building. Heir of a philosophical debate, bearer of a strongly empathetic common sense, consensus is also a technology of government. It then conveys a misunderstanding, which paradoxically generates its strength within international institutions. This analysis leads to an examination of the legitimising function of consensus: are they not used to close and ban debate before it even started? Is this function not, in the name of morally grounded evidence and never verified common values, to expel the issue of rights and democracy from the debate on social policies?

Matijascic Milko (IPEA, Instituto de Pesquisa Econômica Aplicada. Brasília, Brésil), Kay Stephen J. (FRB, Federal Reserve Bank. Atlanta, États-Unis)

Défis de la reforme de la reforme des pensions en Amérique Latine

La couverture des pensions est limitée et renforce les inégalités. Cette constatation est valable pour la majorité des pays de l’Amérique latine. La précarisation des marchés de travail, caractérisés par l’informalité, bas salaires et un niveau de rotation élevé caractérise le scenario. Pour résoudre ce genre de problème, les communautés épistémiques dominantes des années 1980 et 1990 ont fait passer des reformes de pensions basées sur la privatisation et sur les comptes individuels.
Ce nouveau modèle soufrait des dures critiques même avant la crise économique mondiale. Les inégalités se sont accrues, la couverture a été réduite et la plupart de la force de travail ne satisfaisait pas les conditions d’éligibilité aux pensions de retraite. Ce contexte a stimulé les gouvernements en place à entreprendre ou discuter une reforme des reformes tout en proposant des pensions universelles ou avec des prestations subsidiées, inspirées, souvent, dans les programmes sociaux brésiliens. Malgré ces efforts, les résultats demeurent incertains car ils ne conçoivent pas des solutions qui puissent surmonter les problèmes dus à l’informalité.

Reform of pension reform challenges in Latin American countries

Coverage of pension systems is limited and reinforces social inequalities. This assumption is correct for almost every Latin American country. Precariousness of labor markets, dominated by informality, low wages and high turnover is widespread. To deal with those questions the dominant epistemic communities of the 1980’s and 1990’s were successful to reform systems based on privatization and individual accounts.
Even before the global financial crisis, the individual accounts model was under severe criticism. Inequalities grew, coverage reduced and a major proportion of the labor force excluded from pension benefits. This scenario stimulated Latin American Administrations to undertake the reform of pension reforms and propose basic universal coverage or subsidized benefits to alleviate poverty and income gaps, usually inspired by Brazilian constitutional programs. Although reforms efforts were intense, outcomes are still an open question since they have not addressed issues involved with informality

Eleta-De Filippis Roxana (CIRTAI, Université du Havre)

Réformes des retraites en Argentine

L’année 2008 marque la fin du régime de capitalisation initié en Argentine en 1994. Cette contribution propose d’analyser la contre-réforme en deux temps: D’abord en évaluant le système de retraites de 1994 à l’égard des objectifs des réformateurs, c’est-à-dire: - L’unification et l’homogénéisation du système ; - L’augmentation des affiliés ; - La diminution de la fraude
; La diminution des coûts de fonctionnement du système grâce à une plus grande concurrence entre les opérateurs financiers. Ensuite nous proposons d’analyser la fin de la capitalisation à la lumière des approches néo-institutionnalistes et cognitives. Rappelons que dans les années quatre-vingt-dix, l’Amérique latine a été le théâtre d’une vague de privatisation des systèmes de retraites qui annonce celles misent en place dans la plupart des pays développés. Deux états de fait concomitants attirent alors notre attention. Le premier est l’incroyable « effet domino » des réformes : d’abord le Chili (1981), ensuite le Pérou (1993), la Colombie et l’Argentine (1994), l’Uruguay (1995), le Costa Rica (1996) et le Mexique (1998). La Bolivie (1997), Le Salvador (1998), Le Nicaragua (la réforme de 2000 déclarée inconstitutionnelle), la République Dominicaine (2003). L’autre fait marquant fut l’extraordinaire convergence des modes de financement de retraites: Les anciens régimes de répartition ont été remplacés totalement ou partiellement par des fonds de pensions privés. La réforme de 1994 prétendait instaurer un modèle néo-libéral, équitable et clair du point de vue actuariel. Désormais, la question qui se pose est de savoir si la contre-réforme argentine de 2008 signe le retour du modèle de l’Etat en Amérique latine. Une contre-réforme capable de réconcilier une société placée souvent contre l’Etat ?

Reforms of the Argentina retirement system

This contribution proposes of policy analyses about the Argentinean pension system. The first part tends to make a critical evaluation of private pension funds. The second part is dedicated to the theorical study of the changes of the State roll. The pension amendment is less the result of a rational and neutral answer to the changes of the economical environment than the interpretation that the social actors make themselves of these changes.


f Participants

Aucante Yohann aucante@ehess.fr
Barbier Jean-Claude Jean-Claude.Barbier@univ-paris1.fr
Catrice-Lorey Antoinette antoinette.catrice-lorey@ u-psud.fr
Catusse Myriam mcatusse@hotmail.com
Colomb Fabrice fabrice.colomb@malix.univ-paris1.fr
Conter Bernard b.conter@iweps.be
Destremau Blandine destrema@club-internet.fr
Eleta-De Filippis Roxana eletar@univlehavre.fr
Giraud Olivier olivier.giraud@c;b.hu-berlin.de
Guillemard Anne-Marie amg@ehess.fr
Kay Stephen J. stephen.kay@atl.fbr.org
Kernen Antoine antoine.kernen@unil.ch
Lautier Bruno bruno.lautier@noos.fr
Lechevalier Arnaud arnaud.lechevalier@ewt-net.de
Matijascic Milko milko@ipea.gov.br
Merrien François-Xavier fmerrien@unil.ch
Morel Nathalie nathalie.a.morel@gmail.com
Palier Bruno bruno.palier@sciences-po.fr
Rosenau-Vaillancourt Pauline Pauline.Rosenau@uth.tmc.edu
Spieser Catherine Catherine.spieser@eui.eu
Steffen Monika Monika.Steffen@iep-grenoble.fr