Section thématique 25

L’analyse des politiques publiques à l'épreuve de Amérique Latine

f Responsables

Marie-Esther Lacuisse (Sciences-Po-CERI) marieesther.lacuisse@sciences-po.org
Pierre-Louis Mayaux (Sciences-Po-CERI) pierrelouis.mayaux@sciences-po.org

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L’Amérique Latine est souvent présentée comme une région où, depuis l’essoufflement de l’Etat développementaliste à partir des années 1970, des réformes d’ampleur considérable ont été mises en œuvre sous la pression des institutions financières internationales. Dans un contexte de croissance ralentie, d’endettement accru et de transition démocratique, la conduite des politiques publiques s’est vue progressivement remodelée autour de deux grands axes : une réorganisation de l’Etat (réduction et rationalisation des départements ministériels, modification des procédures de recrutement, décentralisation, etc.) visant à garantir une meilleure efficacité de son action et à faciliter la complémentarité avec les investissements privés ; une redéfinition du rôle et du périmètre de l’intervention publique, liée à l’objectif affiché de transformer les « Etats producteurs » de la région en « Etats régulateurs ».

Les travaux d’analyse des politiques publiques consacrées à ces transformations se sont, pour une très large partie, fondées sur deux hypothèse implicites : la première postulait que les changements observés étaient de grande ampleur ; la seconde affirmait que, dans un contexte de faible institutionnalisation de l’Etat et de prévalence des liens clientélistes et néo-patrimoniaux, les configurations institutionnelles nationales ne pouvaient constituer une variable explicative satisfaisante du changement.

Partant de ce double postulat, deux séries d’approche ont eu tendance à prévaloir : la première a privilégié l’étude des dynamiques cognitives (prégnance du Consensus de Washington chez les bailleurs et chez les élites nationales, diffusion rapide d’idées et de normes via des communautés épistémiques de forte densité), apparemment seules à même de rendre compte de la rapide appropriation du nouvel agenda par les décideurs politiques nationaux. La seconde approche a davantage insisté sur le jeu des contraintes formelles et des intérêts (conditionnalité imposée par les bailleurs, coalitions de soutien aux réformes capables d’imposer leurs vues dans un contexte de forte incertitude). Quelle que soit l’approche retenue, les réformes de l’Etat impulsées en Amérique latine dans les années 1990 ont été le plus souvent analysées dans une perspective top-down, sans insister sur les trajectoires institutionnelles nationales et les logiques d’appropriation.

Les recherches ont été de ce fait enclines à maintenir hors de leur champ de vision les approches néo-institutionnelles qui tendaient pourtant à s’imposer dans les champs européens et nord-américains, et qui font des dynamiques institutionnelles endogènes un facteur explicatif déterminant dans la conduite des politiques publiques. Des notions désormais classiques comme celles de sentier institutionnel, d’héritages nationaux ou de complémentarités institutionnelles ont ainsi été très peu discutées dans le contexte latino-américain, malgré des tentatives remarquées de renouvellement de l’analyse ces dernières années. De surcroît, lorsque les institutions nationales ont été prises en compte, leur influence a bien souvent été circonscrite au rythme et à l’ampleur des réformes, et non à leur orientation. Cette absence peut être reliée au fait que les travaux se sont le plus souvent focalisés sur les phases d’élaboration et de réorganisation du contenu des politiques publiques, sans s’intéresser outre mesure sur les séquences de mise en œuvre.

Cette section thématique se donne pour objectif d’interroger les déterminants et les mécanismes à l’œuvre dans la réforme des Etats, ainsi que les modalités de leur redéploiement dans les sphères économiques et sociales.

Séance 1 : La réforme de l’Etat au prisme de la décentralisation

La première session se centrera plus particulièrement sur la réforme des Etats. Elle se proposera en amont de dégager les déterminants des réformes de structure, avec une attention particulière accordée aux politiques de décentralisation, inscrites comme piliers de la réforme des Etats. Cette réforme revêt d’autant plus d’importance au regard de la trajectoire historique de ces Etats très centralisés. Elle s’intéressera plus en aval aux nouvelles configurations d’intervention qui en découlent : redéfinition du partage des tâches entre les différents échelons de gouvernement, évolution du rapport entre politique et administration, prise en compte de nouveaux acteurs dans le processus de décision via les politiques de participation, etc.

Il s’agira à cet effet de proposer deux entrées analytiques. La première portera sur l’évaluation du poids relatifs des facteurs institutionnels et des facteurs non institutionnels plus couramment mis en lumière par les analyses. Il s’agira de prendre en compte les divers sentiers et héritages institutionnels, tels que le degré historique de déconcentration administrative ou le caractère plus ou moins centralisé des partis politique, mais aussi les dynamiques exogènes (diffusion, transfert) et les dynamiques endogènes non institutionnelles (de nature stratégique, cognitive ou politique). La seconde entrée interrogera quant à elle la relation entre le contenu des politiques publiques et les modalités de leur mise en œuvre.

Séance 2 : Les économies politiques en mutation

La seconde session, consacrée aux « économies politiques en mutation », s’intéressera plus particulièrement au redéploiement du périmètre d’intervention de l’Etat et à la redéfinition de ses modalités d’intervention dans les sphères économiques et sociales. Les politiques de libéralisation, de privatisations, la réforme des politiques sociales, la refonte des architectures fiscales ou la multiplication d’agences de régulation autonomes seront autant de thèmes à aborder. Dans cette optique, la question de l’analyse du changement pourra être désagrégée en deux entrées.

La première prendra pour objet l’ampleur et le rythme des changements. Elle cherchera à identifier les déterminants du caractère plus ou moins rapide et poussé de la mise en œuvre de l’agenda de réforme dans les différents pays. La seconde entrée s’interrogera elle sur le sens du changement : peut-on le réduire à un redéploiement de l’Etat sur la fonction régulatrice ? Dans quelle mesure assiste-t-on désormais, dans certains pays, à la remise en cause de l’agenda de réforme des années 1990 ? La remise en cause au niveau des discours est-elle désormais repérable dans la conduite des politiques publiques ?

L’ambition générale sera ainsi de dépasser deux types de visions trop déterministes. La première fait dériver mécaniquement la mise en œuvre des réformes de l’intensité des pressions adaptatives exogènes (contraintes exercées par les bailleurs, intensification de la concurrence internationale, évolution technologique, etc.) ; la seconde rapporte le soutien ou le rejet des réformes à des préférences stables des acteurs, identifiées ex ante.

Ainsi, l’organisation de cette session thématique vise à confronter l’analyse des politiques publiques aux spécificités des cas latino-américains. En mettant en discussion les approches traditionnellement mobilisées dans les études sur la région (qui tendent à mettre en avant des dynamiques cognitives et des configurations d’intérêt) avec les approches néo-institutionnelles actuellement dominantes dans les champs européens et nord-américains, elle entend élargir notre compréhension des transformations affectant les Etats de la région, et évaluer la capacité actuelle de l’analyse des politiques publiques à rendre compte de ces transformations.

Elle vise également à valoriser les nouvelles recherches qui s’amorcent sur les pays en développement et en particulier sur l’Amérique latine. En France, en effet, malgré un important renouveau des études latino-américaines au cours des dernières années, l’analyse des politiques publiques sur la région demeure encore au stade embryonnaire, tant dans le domaine de la sociologie de l'Etat que dans celui de l'économie politique.

Public Policy Analysis and the challenge of Latin America

Over the last few decades, Latin American countries have undertaken what has appeared as far-reaching reforms of their policy-making process, along two main lines: a State reorganization (rationalization of Departments, spending cuts, modification of recruiting procedures, decentralization) and a redefinition of its role and perimeter, as part of a wider effort to transform the “producer States” of the region into “regulatory States”.

Public policy works that sought to analyze these transformations were largely based upon two underlying hypotheses: the first one was that the empirically-observed changes was of large magnitude; the second one was that, within under-institutionalized and neo-patrimonial States, institutions could not prove to be a relevant explanatory variable for policy change.

As a consequence, public policy literature has tended to focus on ideational dynamics (especially policy transfer and diffusion) and/or constraints and interest constellations (most noticeably shaped by international organizations and domestic interest groups) to account for the wide-ranging implementation of the new pro-market and State-retrenchment agenda. Conversely, researches tended to overlook neo-institutionalist approaches that were becoming prominent in Europe and North America. Classical concepts such as path dependency and institutional complementarity have rarely been applied to Latin American cases, as well as classical process-tracing methodology.

Therefore this thematic section sets out both to reflect on the politics of State reforms and to study the redeployment of the State across the economic and social fields.

The first session will focus on State restructuring. It will aim to bring out the key variables shaping structural reforms, and analyze the new policy-making structures they induce: evolution of the State/administration relationship, multi-level governance, emergence of new actors through participation policies, etc.

The second session will focus on the redeployment of the State within economic and social realms. Liberalization, privatization, social policy reforms, tax reforms and the creation of new regulatory agencies will be tackled. Policy change will be disaggregated into two entry points. The first one will seek to explain the differences in magnitude and timing of change. The second one will ponder on its orientation: Is it to be viewed a mere redeployment onto the regulatory function? Has the now widespread criticism of the market-oriented paradigm translated into policies?


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Session 6 : 9 septembre 2009 14h-16h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 15)


f Programme

Axe 1
La réforme de l’Etat au prisme de la décentralisation

Discutant : Philippe Bezes (CERSA-CNRS)

Axe 2
Les économies politiques en mutation

Discutant : Bruno Lautier (Université Paris 1)

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f Résumés des contributions

Axe 1

Lardone Martin (Sciences Po-Cevipof)

Banques Multilatérales de Développement et Réforme de l’Etat : une analyse comparée des provinces en Argentine

A quel point les Banques Multilatérales de Développement (BMD) influencent les politiques de décentralisation dans le pays? En Amérique latine, les relations intergouvernementales (RIG) ont éprouvé une vague de transformations substantielles à partir des politiques de décentralisation appliquées depuis le milieu des années 1980 par les différents gouvernements. En ce sens, divers auteurs sont d'accord pour affirmer la faible influence des BMD sur les processus de décentralisation dans la région et attribuent à d'autres causes l'explication de ces politiques et, conséquemment, les transformations dans les RIG.
Cependant, les processus de décentralisation en Amérique Latine ont signifié une transformation dans les relations intergouvernementales des pays, particulièrement en ce qui concerne la dimension administrative et fiscale de la décentralisation, et ces dimensions ont été d'une grande importance pour l'activité des BMD. Ainsi, ce travail analyse le rôle que les BMD jouent dans les RIG d'un pays fédéral comme l'Argentine, à partir de la comparaison de deux cas provinciaux. Nous allons mettre en évidence que l'interaction des variables politique et financière est centrale pour expliquer le type de relations établies entre les BMD, le gouvernement national et les provinces. Il s’agit d’une relation d'échange, dans laquelle les trois acteurs obtiennent des bénéfices, et ils développent stratégiquement l'utilisation des ressources.

Multilateral Development Banks and State Reform: a comparative analyze of provincial cases in Argentina

How much influence do Multilateral Development Banks (MDB) exert on domestic decentralization policies? In Latin America, the intergovernmental relations (IGR) experienced a wave of substantial transformations following the decentralization policies implemented since the 1980’s by several governments. In this sense, various authors argued that the MDB have a weak influence on this processes and they consider other causal variables to explain these policies and the transformations of the IGR.
However, the processes of decentralization in Latin America meant the transformation of the intergovernmental relations throughout the region, particularly with regard to the administrative and tax dimension of decentralization, and these dimensions were of a great importance for the activity of the MDB. Thus, this work analyzes the role played by the MDB in the RIG of a federal country like Argentina, through the comparison of two provincial cases. I argue that the interaction of the political and financial variables is critical to explain the type of relations established between the MDB, the National Government and the Provinces. I assume that influence is mainly an exchange relation, in which the three actors obtain its benefits, and they use their resources in a strategic way.

Lacuisse Marie-Esther (Sciences-Po-Ceri/Opalc)

Les déterminants historiques et politiques de la décentralisation : Evolution de la capacité des autorités locales en Bolivie, Equateur et Pérou ?

Le processus de décentralisation en Amérique latine a initialement été analysé au travers des ajustements structurels liés au consensus de Washington suite à l’échec des politiques développementalistes. Récemment de nouvelles recherches se sont intéressées aux déterminants de la décentralisation face aux variétés de modèles de décentralisation en Amérique latine, et les résultats ont démontré que la variable politique nationale était déterminante sur les facteurs économiques et internationaux en termes de diffusion et d’adaptation d’un modèle. Il a par ailleurs été observé en Amérique latine dans le cadre de travaux sur la transitologie que la décentralisation n’avait pas eue les effets escomptés en termes de réduction des inégalités régionales à la différence des pays d’Europe de l’est.
Aux déterminants politiques il faudrait également ajouter les déterminants historiques. Bien que les institutions n’aient pas atteint en Amérique latine et en particulier dans les pays andins un degré de stabilisation équivalant au pays industrialisés, l’héritage institutionnel précédent les transitions marque encore la répartition du pouvoir (politique et économique) et les processus de décentralisation ne peuvent être analysés sans cette perspective.
Il s’agira à partir d’une comparaison de trois cas d’étude, le Pérou, en tant qu’objet central mis en perspective avec la Bolivie et l’Equateur, de définir les facteurs endogènes qui ont provoqué le processus de décentralisation puis d’évaluer si les instruments mis en œuvre ont favorisé un changement dans l’équilibre de la balance des pouvoirs entre niveaux de gouvernements ou rétablit une répartition pré existante.

The historical and political determinants of the decentralization process: The evolution of the capacity for the local authority in Bolivia, Ecuador and Peru?

The decentralization process in Latin America was first analyzed in relation to structural adjustments policies derived from the Washington consensus after the waning of developmentalist policies. Recently new scholarly attention has been devoted to the determinants of decentralization, seeking to account for the variety of decentralization models in Latin America. Findings have pointed that the political factor was more decisive than economic and international factors. Besides, works carried out within the framework of transitology suggested that decentralization has not produced the same effects in terms of regional inequality reduction in Latin America than in Eastern European countries.
It also seems necessary to examine the historical determinants of decentralization. Although Latin American institutions do not have a level of stability equivalent to that of industrialized countries, not to mention Andean countries, it appears that the particular forms taken by the decentralization process can not be understood without reference to institutional legacy.
Based on a three-case comparison (i.e. Peru put into perspective with Bolivia and Ecuador), this contributions aims at highlighting the endogenous factors that have shaped the decentralization process, and at assessing whether the implemented policy instruments encouraged a shift in power relations between levels of governments or restored pre-existing repartition.

Devineau Julie (Sciences-Po-CERI)

Les paradoxes des politiques locales de l’ethnicité au Mexique

Au Mexique, la décentralisation des politiques publiques s'est accélérée vers la fin des années 1990. Si le processus a largement été initié et conduit par le gouvernement fédéral, dans de nombreux secteurs d'action publique, le cadre réglementaire national régulant la décentralisation est des plus sommaires. Les politiques de l’ethnicité sont l’une de ces politiques : elles ont donné lieu à de nombreuses initiatives locales, qui ont à leur tour rétroagi au niveau national. Les réformes sont censées être innovantes à double titre. D’une part, elles reconnaissent le « fait communautaire » et érigent les communautés comme acteurs des politiques publiques. D’autre part, le maître mot des réformes est la désectorisation des politiques en matière indigène, soit encore la coordination de l’action des différentes agences sectorielles des gouvernements locaux.
On interrogera le potentiel de changement des politiques locales de l’ethnicité en se penchant sur deux de leurs dimensions. Tout d’abord, dans la relation État – communautés : si la réforme entérine des formes sociopolitiques « traditionnelles », quels changements peuvent en résulter ? On examinera pour cela plusieurs instruments déployés par ces politiques. Ensuite, l’axe secteur / territoire : la décentralisation des politiques de l'ethnicité permet d'institutionnaliser des « champs » locaux d'action publique. Bien que leur fonctionnement soit plus « horizontal » que « vertical », ils structurent, tout comme les secteurs, des rôles sociaux, des valeurs spécifiques, et aboutissent à des processus de sélection des élites. Mais le rapport de ces champs à l’action publique est éminemment problématique, dans la mesure où ils fonctionnent même en l'absence de politiques effectives.

The paradoxes of local ethnic policies in Mexico

In Mexico, the wave of decentralization has reached a peak in the 90s. If the process was driven by central government initiatives, few legal provisions were made in many sectors of public action. Ethnic policies are one of these : these policies, that appeared in the second half of the 90s, are at the core of processes of local initiatives, retroactions at the federal level, and relies on the participation of horizontal as well as vertical social and professional networks. Ethnic policies are supposed to be « revolutionary » regarding to two aspects : first, they tend to recognize the communities as actors of public policies. Second, they aim at “desectorizing” policies, that is, to coordinate policies led by numerous local and federal public agencies.
We will examine the transformative effects of these reforms at the state level and focuse on two of their dimensions. First of all, the relationships between communities and “the state”: if the reforms tend to fix “traditional” forms of power, what kind of change can they bring about? To answer this question, we will examine some of the policy instruments that ethnic policies are implementing. Then, the de-sectorization – territorial dimension: we will see how ethnic reforms are institutionalizing new “fields” of public policies. These fields structure social roles, specific values, and tend also to select elites. But, contrary to a “sectorial” perspective, they do not function in a state-centered perspective, and, paradoxically indeed, seems to function even if the policy is scarce, or even non-existent.

Bosetti Louise (Sciences-Po –CERI)

Vers une décentralisation de la sécurité ? L’expérience salvadorienne : bilan et limites.

Face aux évolutions contemporaines de la sécurité publique et aux injonctions de « bonne gouvernance » relayées par un certain nombre d’organisations internationales en Amérique latine, la nécessité de décentraliser dans le secteur de la sécurité s’inscrit peu à peu sur l’agenda gouvernemental des pays de la région. Fonction régalienne de l’Etat central, ce secteur est pourtant peu propice à la décentralisation. Au Salvador, pays particulièrement touché par la violence criminelle et délinquante et marqué par une culture centralisatrice forte, l’action publique est aujourd’hui traversée par des tendances contradictoires. En effet, le contrôle de l’action criminelle et délinquante implique majoritairement les administrations centrales, mais des expériences de gestion locale sont repérables, et parfois reprises au niveau central, ce qui atteste d’une certaine décentralisation de la sécurité publique. L’objectif est ici de rendre compte de ces dynamiques opposées, entre tentatives de décentralisation et résistances institutionnelles, politiques et cognitives, expliquant en partie les dysfonctionnements ou avancées limitées dans ce domaine. Si la décentralisation comme nouvelle norme d’action publique semble aujourd’hui communément acceptée, elle peine à s’imposer dans le domaine de la sécurité.

Towards a decentralization of security? The Salvadorian experience: balance and boundaries.

In most Latin American countries, contemporary transformations of public security and « good governance » recommendations from international organizations contribute to the emerging need to decentralize in the public security sector, even though, as a traditional function of the state, it was not likely to be decentralized. In El Salvador, a country specially concerned by criminality and violence, and historically strongly centralized, public policies are facing contradictory trends. Indeed, criminality control implies mostly central administrations but local experiences can also be spotted, and sometimes borrowed by the central government, which illustrates some decentralization of public security. Our purpose is to underline these different trends, between tendencies to decentralize and institutional, political and cognitive resistances, to try to explain some dysfunctions and limited achievements in these policies. If decentralization can be considered as a common new frame for public action in the region, it is still hard to implement in the security sector.

Axe 2

Fontaine Guillaume (Flacso-Equateur)

Des politiques publiques à la gouvernance sectorielle : vers une nouvelle conceptualisation de l´influence des acteurs non-institutionnels sur les modes de gouvernement en Amérique latine

Cette communication aborde la problématique suivante : qu´apporte le concept de « gouvernance » à l´étude des politiques pétrolières en Amérique latine ? A partir de l´expérience des pays andins, on testera l´hypothèse selon laquelle le recours à ce concept permet de saisir l´influence sur les politiques pétrolières de trois grands processus sociopolitiques actuellement à l´œuvre : la globalisation économique et financière, l´action de réseaux transnationaux d´organisations non-gouvernementales et la demande de participation des acteurs locaux.
Au-delà de la casuistique, l´analyse proposée répond à des préoccupations épistémologiques, méthodologiques et théoriques. Il s´agit, tout d´abord, de dépasser la dimension descriptive et normative, générée para la banalisation de ce concept dans les documents de politique et rapports diffusés par un nombre croissant d´agences de coopération, organismes financiers internationaux et organisations non-gouvernementales. On doit ensuite distinguer l´usage de ce concept en sociologie politique de celui qui en est fait en économie, en relations internationales ou en droit, afin de comprendre les interactions entre les instruments de politiques publiques, les institutions, les acteurs du marché et la société civile, qui interviennent dans les cycles de politiques pétrolières. Il faut enfin évaluer l´apport de ce concept – en dépit de sa polysémie – au débat sur la réforme de l´État, en particulier à travers les courants néo-institutionnels qui le traverse.

From Public Policies to Sectorial Governance: toward a new conceptualization of non-institutional actors incidence on government modes in Latin America

This paper analyses the following problem: what brings the concept of « governance » to the study of oil policies in Latin America? Based on the experience of Andean countries, it intends to test the hypothesis according to what the use of this concept allows to catch the incidence on oil policy from three social-political processes at stake at the moment: economical and financial globalization, transnational networks and NGOs´action, and local actors´ demand for participation.
Beyond casuistic, our analysis responds to epistemological, methodological and theoretical preoccupation. First of all, it is necessary to go beyond the normative and descriptive dimensions, created by the generalization of this concept into policy documents and reports diffused by a growing number of cooperation agencies, as well as international financial organizations and NGOs. Secondly we have to distinguish between the use of this concept in political sociology, from those made in economics, international relations or law studies, so we can understand interactions between public policy instruments, institutions, market actors and the civil society, which take part into oil policy cycles. Finally, we wish to make explicit the use of this concept to the debate on state reform, particularly among neo-institutional theory, in spite of its polysemia.

Cuvi Jacinto (Sciences Po)

La privatisation des services publics au Pérou et en Argentine: entreprise politique et contraintes structurelles

L’analyse en parallèle des privatisations au Pérou et en Argentine permet d’établir le rôle qui revient à l’agent, en l’occurrence à l’acteur présidentiel, dans ces processus dominés par des contraintes structurelles et les pressions internationales. Menem et Fujimori arrivent au pouvoir dans des situations de crise qui appellent des mesures radicales. Ils disposent néanmoins de ressources politiques très différentes. L’un, politicien de carrière, appartient au parti dominant de la vie politique argentine tandis que l’autre, ingénieur péruvien d’origine japonaise, fait figure d’outsider le plus total. Ce qui explique leur effectivité commune dans la refondation du cadre juridique de gestion et production des ressources collectives est le « capital personnel » de ces acteurs. On entend par là cette tolérance dans l’usage des instruments juridiques et des pratiques institutionnelles qui leur est personnellement accordée par l’électorat dans des conjonctures particulières. Ce phénomène de délégation se traduit dans un leadership autoritaire, observable dans les deux cas. Il est, par ailleurs, indissolublement lié au caractère « lâche » des structures institutionnelles qui caractérisent certains Etats latino-américains.

Public services privatizations in Peru and Argentina: political enterprise under structural constraints

A comparative approach to Peru and Argentina’s privatization experiences reveals the weight of political agency in processes determined, to a large extent, by structural constraints and foreign pressures. Both Menem and Fujimori become presidents in a context of crisis that compels order-shattering measures. They possess, however, sharply different assets. Menem is a carrier politician of Argentina’s main historical party, whereas Fujimori stands as a complete outsider. To explain their success in fundamentally redefining social modes of producing and providing collective goods, this paper proposes to consider the notion of “personal capital”, that is the leeway over legal norms and established practices given to them by the electorate under special circumstances. This delegative act results in authoritarian leadership on the part of the power-holders. The phenomenon, however, is congenial to the specific “loose” character of institutions of many Latin American states.

Zrari Sabah (Sciences-Po Paris, Ceri)

Les concessions routières chiliennes : une privatisation déguisée ?

A l’heure où la France se dote d’une loi sur les partenariats public-privé, le Chili célèbre la 18ème année de la loi sur les concessions, dont la conception et la mise en œuvre constituent sur bien des aspects une continuité de pratiques, de normes, de façons-de-faire héritées de l’administration des travaux publics et de ses interactions avec le secteur privé.
Pourtant, la loi chilienne sur les concessions, votée à l’unanimité par le Congrès en 1991, avait pour contexte une forte idéologie néo-libérale installée dans les premières années de la dictature militaire et adoptée progressivement par les élites de la Concertación, coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 1990. Comment expliquer alors le choix fait par les acteurs politiques de concéder plutôt que de privatiser ? Et comment expliquer que ce choix ait été maintenu dans le temps et jamais remis en question ?
Nous nous appuierons sur des données empiriques et sur un cadre théorique construit à partir du néo-institutionnalisme historique et de réflexions de Michel Foucault sur l’économie politique pour montrer la permanence dans le temps de croyances sur le rôle de l’Etat et des travaux publics dans le développement économique du pays.

At a time when France is passing a law on public-private partnerships, Chile celebrates the 17th anniversary of its concessions law, the design and implementation of which is in many way the continuation of practices, standards, and ways of administering public works and their interactions with the private sector.
This law, unanimously approved by Congress in 1991, was preceded by a 1982 decree on public works concessions signed by General Pinochet, but that decree could never be implemented. They both came in the context of a strong neoliberal ideology and the privatization public assets and services.
So, how can the political actors’ decision to concede instead of privatize be explained? And how can one explain that this decision has never been questioned since? We will use empirical data and a theoretical framework based on the ideas of historical institutionalism and work by Michel Foucault on economic policy to find some answers. We will emphasize the fundamental role played by institutional legacies and in particular a concept of the role of the state whose legitimacy is rooted in promoting and leading the country’s economic development, where the quality of its public policies is assessed as a function of their impact on the economy.

Roth André-Noël (Universidad Nacional de Colombia -UNAL-, Bogotá)

La régulation des Universités publiques en Amérique latine. Une étude comparée

En Amérique latine, la majorité des grandes universités publiques se sont créées en lien avec le projet de construction de l’Etat national. Dans le contexte socioéconomique latino-américain actuel, qui a suivi un démontage progressif des éléments issus d’un embryonnaire Etat Providence et leur remplacement par des politiques publiques d’inspiration néolibérale, des changements importants se sont également produits dans le mode de régulation ou de « gouvernance » des institutions d’éducation supérieure.
En suivant une stratégie d’analyse historique comparée fondée sur quelques cas portant sur les politiques publiques d’éducation supérieure du Chili, de la Colombie, du Mexique, de l'Argentine et du Brésil depuis ces 20 dernières années, sont testées différentes hypothèses relatives aux facteurs de changement principaux : socio-économiques, institutionnels ou encore cognitifs. Est testée en particulier la proposition selon laquelle les changements institutionnels opèrent par le biais d’un processus de conversion plutôt incrémental et progressif, plutôt que par une logique de rupture.

The Public Universities regulation in Latin America. A comparative survey

In Latin America, the majority of the big public universities created themselves in tie with the project of construction of the national state. In the present Latino-american socio-economic context, that followed a progressive disassembly of the elements descended of an embryonic State Providence and their replacement by neoliberal public policies, some important changes also occurred in the model of regulation or "governance" of the superior education institutions. Following a compared historic analysis strategy founded on few cases carrying on the public policies of superior education from Chile, Colombia, Mexico, Argentina and Brazil since these last 20 years, different hypotheses relative to the main change factors - socioeconomic, institutional or cognitive- are tested. Particularly is tested the proposition according to which the institutional changes operate by the slant of a incrementalistic and progressive conversion process, rather than by a logic of rupture

Mayaux Pierre Louis (Sciences-Po-Ceri/Opalc)

Privatisation et jeux à niveaux multiples : le cas des services d’eau potable et d’électricité en Colombie, en Bolivie et au Brésil

La plupart des Etats latino-américains ont mis en œuvre, à compter du milieu des années 1980, de vastes réformes de décentralisation. Une décennie plus tard, nombre d’entre eux ont entrepris d’introduire le secteur privé dans la distribution d’électricité et, de manière plus limitée, dans les services d’eau potable. Malgré l’ampleur respective de ces réformes, leurs interactions sont restées à ce jour très peu conceptualisées. Privatisation et décentralisation ont continué à être implicitement perçues comme complémentaires, partageant l’objectif de fournir une offre locale plus adaptée à la demande d’infrastructures.
En nous basant sur certaines données agrégées et des études de cas dans trois pays, nous mettons en évidence que l’ampleur et les modalités de la décentralisation ont pesé d’une manière déterminante sur la privatisation des services d’eau potable et d’électricité, tant au moment de leur mise en œuvre que lors de leurs trajectoires ultérieures. Plus spécifiquement, la trajectoire des dispositifs en vigueur a été conditionnée par les capacités institutionnelles de chacun des niveaux et par les processus d’interaction régulant leur échange, les deux étant façonnés par l’histoire institutionnelle longue de chacun des pays.
L’analyse de ces interactions permet d’aboutir à deux conclusions. D’une part, il n’existe pas d’équilibre ou de déséquilibre unique entre le mode de partage public-privé et l’articulation multi-niveaux. D’autre part, dans des contextes de jeux à niveaux multiples non stabilisés, et à l’inverse des préconisations issues de la littérature sur la « bonne gouvernance », une certaine ambigüité dans l’attribution des compétences peut, sous certaines conditions, mener à consolider l’arrangement en vigueur davantage qu’une séparation rigide des responsabilités.

Privatization and multi-level games: The case of water and electricity services in Colombia, Bolivia and Brazil

Most of Latin American countries have implemented, from the mid 1980s onwards, large decentralization reforms. One decade later, a number of them introduced the private sector in electricity distribution and, in a more limited way, water services. Despite the magnitude of these reforms, their interactions have received little explicit conceptualization. Privatization and decentralization have continued to be implicitly looked upon as complementary, sharing a common objective to better tailor local supply to infrastructure demands.
Based on aggregated data and case studies in three countries, we argue that the magnitude and specific characteristics of decentralization have had a crucial impact on water and electricity services privatization, at the implementation stage as well as during their trajectories later on. More specifically, we argue that the trajectory of existing institutional arrangements was constrained by the institutional capacity of each level, and by the interaction processes regulating their relationship, both being the product of the longer institutional history in each country.
Analyzing these interactions allows to draw two conclusions. The first one is that there is no single equilibrium (or disequilibrium) between public/private distribution and multi-level articulation. The second one is that, within contexts of unstabilized multi-level games, and contrarily to recommendations derived from the « good governance » literature, some ambiguity in competence allocation can, under some conditions, lead to further consolidating existing arrangements than an over-rigid separation of responsibilities does.


f Participants

Bezes Philippe philippe.bezes@cersa.org
Bosetti Louise louise.bosetti@sciences-po.org
Cuvi Jacinto jacinto.cuviescobar@sciences-po.org
Devineau Julie jdevineau@hotmail.com
Fontaine Guillaume gfontaine@flacso.org.ec
Lacuisse Marie-Esther marieesther.lacuisse@sciences-po.org
Lautier Bruno bruno.lautier@noos.fr
Lardone Martin mglardone@yahoo.com
Mayaux Pierre Louis pierrelmayaux@sciences-po.org
Roth André-Noël anrothd@unal.edu.co
Zrari Sabah sabah.zrari@gmail.com