Section thématique 26

Les ambiguïtés de l’action publique face aux inégalités socio-spatiales.
Etat des travaux francophones au regard des « urban studies »

f Responsables

Hélène REIGNER (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité - INRETS)  Helene.reigner@inrets.fr
Gilles PINSON (Université Jean Monnet Saint Etienne) Gilles.pinson@univ-st-etienne.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Cette ST se donne pour objectif de questionner la nature et les raisons des différences en termes d’approches et des divergences en termes de résultats observées entre les travaux francophones d’analyse des politiques publiques portant sur les politiques urbaines contemporaines et la production scientifique des Urban Studies.
En effet, les travaux sur la ville et les politiques urbaines conduits dans la perspective des Urban Studies, essentiellement dans le monde anglo-américain mais pas uniquement, offrent des conclusions assez tranchées quant aux tendances sociologiques, économiques et politiques qui affectent la gouvernance des métropoles. Menés pour une majorité d’entre eux dans une perspective d’économie politique et de géographie critique, ces travaux mettent l’accent sur le lien entre les transformations du capitalisme et l’importance nouvelle qu’y ont les villes d’une part, et les politiques publiques menées par les Etat et les gouvernements locaux d’autre part. Ils mettent en lumière le fait que les villes sont devenues les lieux par excellence de l’accumulation du capitalisme globalisé, les lieux aussi à partir desquels s’élaborent les politiques de développement et de compétitivité (Jessop, 2002 ; Brenner, 2004 ; Brand, 2007). Les politiques publiques post-fordistes ou post-keynésiennes viseraient dès lors à « bien vendre la ville », ce qui implique de combattre ses dysfonctionnements, de la « nettoyer » de ses populations et de ses pratiques indésirables (Wacquant, 2008) et plus généralement d’adapter sa forme, ses fonctionnements et les services qu’elle offre aux goûts des élites sociales et économiques dont l’attraction deviendrait la clé de la survie des villes du monde capitaliste (Florida, 2002). Cette nouvelle orientation tendrait à accroître bien plus qu’à combattre les phénomènes de séparation socio-spatiale et les pratiques d’entre-soi sélectif des classes sociales moyennes et supérieures (Donzelot, 2004). En ce sens, les politiques publiques dites de « renouvellement urbain » alimenteraient un mouvement lourd de gentrification (Smith, 2003). De plus, la rhétorique de la durabilité, en irriguant les projets urbains, viendrait légitimer cette stratégie consensuelle d’aménagement qui fait la part belle à la ville compacte et aux centralités urbaines en reléguant à l’arrière-plan les impératifs d’équité sociale (Burton, 2000 ; Breheny, 1997). La « safe city », sûre, propre, durable, compacte, deviendrait un modèle à atteindre, une réponse aux désordres urbains, en offrant un environnement attractif pour les classes moyennes et supérieures et en contrôlant les comportements incivils (Helms, Atkinson, Mac Leod, 2007).
Si ces travaux sont mentionnés voire parfois discutés dans la littérature francophone sur les politiques urbaines, force est de constater que les conclusions auxquelles parviennent les auteurs ne sont pas si tranchées. Les travaux francophones, menés pour la plupart dans une perspective de science politique, et plus précisément de sociologie de l’action publique, mettent l’accent sur le « retour des villes » (Le Galès, 2005), la recomposition d’une capacité d’action dans les villes (Dormois, 2006), la reconstitution des villes comme espaces de construction des problèmes publics, de mobilisation et d’articulation des ressources et des acteurs et de production de politique publiques (Pinson, 2006), la métamorphose du leadership politique urbain (Smith, Sorbets, 2003). Les villes apparaissent comme des espaces de production de sens, d’un projet, d’identité et plus généralement, des espaces à l’échelle desquels les liens politiques et les solidarités sociales sont susceptibles de se reconstituer. Les villes compteraient ainsi parmi les échelles bénéficiant de la redistribution de l’autorité politique et de la moindre capacité des Etats nationaux à assurer l’intégration et la direction des sociétés capitalistes. Les intercommunalités urbaines, notamment, s’affirmeraient comme des institutions « providence » (Faure, 2006), créatrices de solidarité territoriale. Mais la question des objectifs ultimes des « nouvelles politiques urbaines », le fait de savoir si elles sont avant tout orientées vers « l’offre », vers la constitution d’une compétitivité urbaine dans un contexte de compétition territoriale accrue sont rarement abordées. Les effets sociaux-spatiaux de ces politiques, l’hypothèse selon laquelle elles cibleraient de plus en plus la satisfaction des demandes des classes moyennes et supérieures sont la plupart du temps évacués.

Aussi, cette ST a pour objectif d’interroger cet écart sous deux angles complémentaires.
1. Comment rendre compte de l’écart ? Quelles en sont les raisons ? Est-il dû à des postures disciplinaires et à des appareillages méthodologiques distincts ? Peut-on l’expliquer par les logiques de structuration des champs académiques et les modalités de prise en charge de l’objet urbain ? N’est-il pas lié également à une fétichisation de l’objet politique –consécutive de l’isolement disciplinaire- qui empêcherait les politistes français de tester, par exemple, l’hypothèse d’une incapacité des acteurs et institutions politiques à maîtriser la fabrique des villes ? Est-il dû à la manière dont a été construit l’objet « ville » ou « local » dans les différents univers académiques ? Plus globalement, que retirer des résultats des travaux de recherche menés dans le cadre des urban studies ?
2. Comment dépasser cet écart et envisager un enrichissement croisé ? Observe-t-on une réduction de cet écart sous l’effet d’une évolution des politiques urbaines observées et/ou de l’évolution du regard porté sur elles par les politistes français ? Dans cette perspective, cet appel à communications vise à recenser les recherches francophones récentes qui interrogent le contenu, la substance et les effets des politiques urbaines en mettant l’accent sur l’influence de la régulation publique (Etat ou collectivités locales) dans l’accentuation des phénomènes de polarisation sociale de l’urbain. Dans quelle mesure l'Etat et les collectivités locales seraient-ils devenus des « agences de services et d'équipements marchands pour citadins des classes moyennes et supérieures » (Wacquant, 2008 ) ? Peut-on –et comment- administrer la preuve des effets redistributifs ou ségrégatifs des politiques publiques ? La prudence des travaux francophones sur la question du sens et de l’idéologie de l’action publique urbaine n’est-t-elle pas en grande partie imputable à une incapacité à multiplier les sources de matériaux (qualitatifs et quantitatifs) et les méthodes disciplinaires (économie, géographie, urbanisme, sociologie) associées à leurs traitements de manière systématique sur différents objets ?

Références
Brand P. (2007), The Politics of Neoliberal Urban Environmental Management, International Journal of Urban and Regional Research, 31(3), 616-632.
Breheny M. (1997), Urban Compaction: feasible and acceptable ?, Cities, 14 (4).
Brenner N. (2004), New States Spaces. Urban Governance and the Rescaling of Statehood, Oxford University Press.
Burton E. (2000), The compact city: just or just compact ? A preliminary analysis, Urban Studies, 37 (11).
Donzelot J. (2004). La ville à trois vitesses: relégation, périurbanisation, gentrification, Esprit, 3-4, 14-39.
Dormois R. (2006), « Structurer une capacité politique à l’échelle urbaine. Les dynamiques de planification à Nantes et à Rennes (1977-2001) », Revue française de science politique, 56-5, 837-867.
Faure A., (2006), « Le temps venu des agglomérations providence ? », Les Cahiers du CRDSU, Dossier « Politique de la ville, cohésion sociale et agglomérations : un choc culturel en chantier ».
Florida R. (2002), The Rise of the Creative Class. And How It's Transforming Work, Leisure and Everyday Life, Paris, Basic Books.
Helms G., Atkinson R., Mac Leod G. (2007). Securing the City : Urban Renaissance, Policing and Social Regulation, European Urban and Regional Studies, 14 (4), 267-276.
Jessop B. (2002), Liberalism, Neoliberalism and Urban Governance. A State Theoretical Perspective, Antipode, 34(2), p. 452-472.
Le Galès P. (2005), Le retour de la ville européenne, Presses de Sciences Po.
Pinson G., (2006), « Projets de ville et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et recomposition d'une capacité d'action collective dans les villes européennes", Revue française de science politique, vol. 56 (4), août, 619-651.
Smith A., Sorbets C. (dir.), (2003), Le leadership politique et le territoire, Presses Universitaires de Rennes.
Smith N. (2003). La gentrification généralisée: d’une anomalie locale à la ‘régénération’ urbaine comme stratégie urbaine globale, in Bidou-Zachariasen C. (dir.), Retours en ville. Des processus de “gentrification” urbaine aux politiques de “revitalisation” des centres. Paris, Descartes, 45-72.
Wacquant L. (2008), Relocating Gentrification: The Working Class, Science and the State in Recent Urban Research, International Journal of Urban and Regional Research, 32.1, 198-205.

The aim of this Thematic Section is to question the gap existing between the approach and results of the research conducted by French-speaking researchers on urban policies and those of the international Urban Studies academic community.
Indeed, most of the researches conducted in the Urban studies community, mostly Anglo-American researchers but not only, draw radical conclusions about the recent evolution of urban policies. They put the emphasis on the adaptation of these policies to the needs of the globalised capitalism and on the dramatic socio-spatial effects of this adaptation. They insist on the shift from a redistributive perspective that was dominating urban policymaking during the Fordist period to a competitive and locational perspective that has prevailed first in the USA and the UK and then elsewhere since the conservative revolution and the neoliberal turn in the 1ate 1970’s. The post-Fordist or neoliberal urban policies would aim at branding and selling the city to mobile investors and middle classes, which implies the “cleaning up” of the city and the tight control of the urban “underclass”. This new orientation has a direct impact on the social equilibriums inside cities. It tends to accentuate socio-spatial distance and segregation. It fosters gentrification rather than fighting it.
By contrast, Francophone researches, in particular those conducted in a policy analysis perspective, tend to draw much less dramatic conclusions. They rather insist on the reconstruction of a political capacity at the urban level and on the transformation that affected policymaking and the relationships between actors and institutions at the local level in recent years. The transformation of urban political leadership is also one of the main interests of this research. But the ultimate objectives of current urban policies are rarely addressed. Who are the main beneficiaries of these policies? What are their effects in terms of social division of urban spaces and on segregation? Those are questions that tend to be abandoned to other researchers.
The objective of the ST is twofold:


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 15)


f Programme

Axe 1

Axe 2


f Résumés des contributions

Axe 1

Béal Vincent (CERAPSE-TemiS, Université J. Monnet, Saint-Etienne)

« Does neoliberalisation matter ? » Apports et limites d’une notion montante des urban studies dans la science politique française

Depuis quelques années, de nombreux travaux anglo-saxons portant sur la restructuration de l’Etat, l’évolution des régulations économiques, les transformations des contenus et des manières de produire les politiques urbaines, etc., semblent se ranger derrière la notion de « néolibéralisation ». Des auteurs comme Neil Brenner, David Harvey ou encore Jamie Peck ont cherché à se démarquer de la définition classique du terme « néolibéralisme », pour construire la notion de « néolibéralisation » en tant que véritable catégorie d’analyse. Ainsi, loin de se limiter à une idéologie du laisser-faire et du démantèlement de l’Etat, la néolibéralisation s’apparente, selon ces auteurs, à un processus de « mobilization of state power in the contradictory extension and reproduction of market(-like) rule » (Tickell and Peck, 2003, p.166). Cette notion qui fait l’objet de vifs débats et de discussions poussées au sein de la communauté internationale des Urban Studies, semble, pour l’instant, largement ignorée par la science politique française. L’objectif de cette communication sera précisément de questionner ce décalage. Dans un premier temps, nous nous attacherons à présenter de manière critique les travaux les plus importants portant sur cette notion de « néolibéralisation ». Nous essayerons notamment de montrer les apports et les limites d’une telle notion pour la science politique française. Dans un second temps, nous utiliserons la notion de « néolibéralisation » comme un révélateur des rapports entre science politique française et Urban Studies, afin de tester quelques hypothèses explicatives de la difficulté des travaux de science politique portant sur les politiques urbaines à mobiliser les notions, concepts et théories utilisés dans le champ international des Urban Studies.

In recent years there has been a growing interest in the notion of « neoliberalisation » among scholars working on the transformation of State activities, on the evolution of capitalism and on the changes in urban policies. Scholars such as Neil Brenner, David Harvey or Jamie Peck have tried to go beyond the classical meaning of neoliberalism – generally considered as the ideology of laissez-faire and of State dismantling – and to construct the notion of neoliberalisation – understood as a process of « mobilization of state power in the contradictory extension and reproduction of market(-like) rule » (Tickell and Peck, 2003, p.166) – as an analysing category. This notion has risen rapidly to become a key concept within, and beyond, the international community of Urban Studies. On the contrary, it has been disregarded by French-speaking researchers on urban policies. First, we will examine major works on the notion of neoliberalisation. We will engage with these works in order to highlight their main contributions and limits. Second, we will consider the notion of neoliberalisation as a tool to reveal the relationships between the French urban political science and the international community of Urban Studies. We will test some hypothesis to explain the difficulties of the Francophone political scientists and urban scholars to use notions, concepts and theories coming from the international academic field of Urban Studies.

Hélie Thomas (CRDT, Université de Reims)

Des politiques culturelles « de façade » ? Les effets sociaux ambivalents des opérations de régénération urbaine par la culture

Les recherches contemporaines sur les opérations de « régénération urbaine » par la culture semblent fournir une illustration exemplaire de l’opposition entre une approche anglo-saxonne soucieuse de l’évaluation des effets sociaux et spatiaux de ces projets atypiques et une approche francophone centrée sur l’autonomisation du rôle des villes et la capacité des équipes municipales à fédérer des acteurs d’une domaine d’intervention publique extrêmement fragmenté. La porosité de la frontière entre ces deux interprétations invite cependant à se prémunir contre toute approche culturaliste et à rechercher les déterminants pluriels de telles divergences dans l’historicité des politiques culturelles nationales : la précocité des projets de « régénération » et des effets de gentrification est ainsi susceptible d’expliquer l’importance acquise par ces derniers dans les premiers travaux anglo-saxons (Zukin, Basset, Harvey, etc.) ; inversement, la focalisation des politistes français sur le thème de la « gouvernance » urbaine trouve ses fondements dans l’ampleur des transformations affectant un modèle d’intervention traditionnellement centralisé et marqué par le poids de l’héritage institutionnel. Au-delà de l’influence des trajectoires historiques, la saillance de la question des inégalités socio-spatiales dépend également de la position du chercheur, du degré d’autonomie de son investigation et surtout des modalités d’élaboration des paramètres de l’évaluation culturelle.

The ambivalent social effects of culture-led urban regeneration policies

The contemporary researches on culture-led urban regeneration policies seem to supply an exemplary illustration of the opposition between an anglo-saxon approach worried about the evaluation of the social and spatial effects of atypical projects and a French-speaking approach centred on the empowerment of the role of cities and capacity of the municipal teams to federate actors of a field of public intervention extremely split up. The porosity of the border between these two interpretations invites however to protect itself against any culturalist approach and to look for the plural determiners of such differences in the historicity of the national cultural policies. The precocity of the projects of regeneration and the effects of gentrification may so explain the importance acquired by these last ones in the first anglo-saxon works (Zukin, Basset, Harvey,…) ; conversely, the focus of the French political analysts ont the subject ot the urban governance finds its foundations in the scale of the transformations affecting a model of intervention traditionally centralized and mark by the weight of the institutional heritance. Beyond the influence of the historic trajectories, the saillance of the question of the socio-spatial disparities also depends on the position of the researcher, the degree of autonomy of its investigation and especially, the modalities of elaboration of the parameters of cultural evaluation.

Jeannier Fabien (Triangle, Université Lumière Lyon 2)

Les partenariats public-privé à l’œuvre : quels résultats pour les sociétés locales de développement dans la régénération urbaine à Glasgow ?

Glasgow fut une ville pionnière en Grande-Bretagne dans la mise en place au début des années 1980 d’une politique de régénération urbaine, sociale et économique basée sur les arts et la culture, qui sont devenus le levier principal de sa reconversion vers une économie de services et de tourisme. L’objectif était d’attirer investisseurs et nouvelles populations. Cette politique a d’abord principalement concerné le centre ville car il fallait radicalement changer l’image de la ville. Parallèlement aux efforts déployés à rénover et vendre le centre de Glasgow, les autorités locales ont progressivement développé des partenariats public-privé, les sociétés locales de développement, afin de procéder à une régénération physique, économique et sociale des quartiers périphériques les plus pauvres. A la lumière des récents travaux de recherche critiques sur la ville et les politiques urbaines conduits dans le champ pluridisciplinaire des urban studies, cette contribution montre que le bilan mitigé des sociétés locales de développement, et l’attention accrue accordée à la régénération du centre ville et des rives de la Clyde, inscrivent la politique de régénération urbaine conduite à Glasgow depuis plus de vingt ans dans un processus marqué de développement néo-libéral de la ville et de gentrification de ses quartiers centraux.

Private-public partnerships at work: an assessment of the impact of local development agencies in urban regeneration in Glasgow

Glasgow was one of the first cities in Great-Britain to place the arts and culture at the heart of its economic and social urban regeneration policy in order to move from an industrial economy to a service and tourism led economy and to recreate a clear and positive image that would lure investment and people. This policy first targeted the city centre whose image needed a radical change. In parallel to the efforts to regenerate and brand the city centre, the local authorities gradually set up public-private partnerships, the local development agencies, in the peripheral neighbourhoods to implement programmes of urban regeneration including physical, social and economic dimensions. Following the radical conclusions drawn on the recent evolution of urban policies in the academic field of urban studies, this paper shows that the limited impact of the local development agencies, and the growing attention given to the regeneration of the city centre and the banks of the Clyde over the last twenty years can be associated to a deeply-rooted process of neo-liberalisation of the city space and gentrification of its central neighbourhoods.

Axe 2

Rousseau Max (CERAPSE, TemiS, Université J. Monnet, Saint-Étienne)

Du keynésianisme spatial à l’« élitisation » de la ville : un modèle interprétatif des trajectoires des villes françaises et britanniques en déclin

Cette communication se focalise sur un objet peu traité par la science politique française : les villes en déclin. Par le biais d’une analyse des politiques urbaines menées depuis la crise industrielle à Sheffield (R-U) et Roubaix (France), notre objectif est de montrer que la question de la réadaptation de certains espaces urbains (en particulier le centre-ville) au goût supposé des classes moyennes s’est imposée récemment comme une solution politique à la crise urbaine. En nous appuyant notamment sur les concepts développés par la géographie critique anglo-saxonne, nous proposerons une explication qui tient compte à la fois des transformations du référentiel des politiques urbaines mises en œuvre par les Etats centraux britannique et français (le tournant néolibéral en particulier), et, à l’échelle locale, de l’échec des stratégies alternatives de sortie de crise (l’attraction des entreprises notamment) ainsi que de l’influence (en termes d’évolution de la gouvernance urbaine, mais également en termes de pouvoir systémique) de nouveaux groupes sociaux sur les agendas urbains des villes étudiées. Enfin, nous vérifierons si le modèle proposé peut être généralisé en testant rapidement ses possibilités d’application à d’autres exemples de villes françaises et britanniques en déclin.

From spatial keynesianism to the elitization of the city. An interpretative model of the trajectories of French and British declining towns

This paper focuses on an object which has barely been treated by French political science: the declining cities. Though an analysis of the urban policies implemented since the industrial cities in Sheffield (UK) and Roubaix (France), we aim at showing that the question of the re-adaptation of some urban spaces (especially the city centre) to the supposed taste of the middle-class has recently imposed itself as a political solution to the urban crisis. Notably drawing on the concepts developed by the Anglo-Saxon critical geography, we will propose an explanation which takes into consideration the transformations of the referential of the urban policies implemented by the British and French central states (particularly the neoliberal turn) and, at the local scale, the failure of the alternative strategies to cope with the crisis (notably the attraction of the enterprises) and the influence (in terms of a shift in the urban governance, but also of systemic power) of some new social groups on the urban agendas of the cities studied. Finally, we will check if the proposed model can be generalized by testing its possibilities of application to some other examples of French and British declining cities.

Bonard Yves, Matthey Laurent, Thomann Marianne (Institut de géographie, Université de Lausanne)

Les inégalités socio-spatiales au piège de la mixité. Comment opérationnaliser la justice environnementale ?

La mixité sociale constitue un véritable optimum de nos pratiques aménagistes, au sens où elle se pose comme le référentiel qui guide maintes politiques publiques (Maurin, 2004, 2007). Or cet optimum, pourtant abondamment discuté dans les urban studies nord-américaines, reste peu soumis à critique dans le monde francophone, bien que certains travaux (Donzelot, 2004, 2006 ; Baillergeau, Duyvendak, Volker, 2005) s’attachent à en montrer les effets très contrastés sur les conditions de vie des habitants.
Dans un premier temps, cette communication se propose de discuter l’origine de cette focalisation sur la mixité sociale comme solution. Elle y voit une conséquence de l’ancrage épistémologique des études urbaines françaises dans une interrogation de l’univers de la grande ville à partir d’une problématique de l’intégration sociale alors que les études urbaines anglo-saxonne tendraient à problématiser la ville à partir d’une dialectique de l’organisation et de la désorganisation sociale (Schnapper, 2007).
Dans un second temps, c’est une autre manière de poser la question de l’atténuation des inégalités qui est envisagée au travers de la notion de justice socio-environnementale (Emelianoff, 2006 ; Charles et al., 2007) et une meilleure articulation des différentes échelles du politique.

The spatial inequalities trapped within the social mixity. How to operationalize environmental justice?

The social mixity is made up of a real optimum of our urban planning practices, where by they set the space that guides a lot of public policies (Maurin, 2004, 2007). However, this optimum, although largely discussed in North American Urban Studies, is yet to be subjected to critics in the francophone world, even if some work (Donzelot, 2004, 2006; Baillergau, Duyvendak, Volker, 2005) has been done to show the very contrasted effects on the inhabitants living conditions.
Firstly, this paper offers a discussion on the origin of the focalisation on the social mixity as a solution. As a consequence of the French Urban Studies which originates from an epistemological stand point which puts into question the large-city universe looking at the problem from the angle of social integration. On the contrary, Anglo-Saxon Urban Studies tend to look at the problem in terms of a dialectic link between social organization and disorganization (Schnapper, 2007).
Secondly, this paper offers another way to put into question the ways of reducing inequalities, through the notion of socio-environmental justice (Emelianoff, 2006; Charles et al., 2007) and a better articulation of the different political scales.

Renno Pierre (Université Paris 1)

A l’ombre de la politique de judaïsation, les pratiques de ségrégation sociale des implantations juives de Galilée

A la fin des années 1970, dans le cadre du programme ethnonational de « judaïsation de la Galilée », une trentaine de petites implantations ont été construites en Galilée centrale, une région majoritairement peuplée d’Arabes israéliens. Ces communautés résidentielles ont principalement accueilli des familles appartenant à la classe moyenne et politiquement proches des partis de gauche, venues chercher sur les hauteurs galiléennes une qualité environnementale et un entre-soi social que ne pouvaient leur fournir les centres urbains du pays. Ces habitants ont obtenu des autorités en charge de l’implantation le droit de sélectionner les familles désirant se joindre à eux. Cette communication tentera de mettre en lumière les effets ségrégatifs ethniques, mais aussi (plus largement et banalement) sociaux qu’ont induit ces pratiques de sélection. Bien qu’il se présente comme une politique ethnique de judaïsation, ce programme d’implantation peut en effet également être appréhendé comme une politique de périurbanisation socialement polarisante. Sa logique ethnique revendiquée tend à masquer des logiques ségrégatives de classes en partie comparable à celles qui sont à l’œuvre dans la multiplication des Gated Communities américaines.

At the end of the 1970s, in the frame of a program to “judaize the Galilee”, some thirty small settlements called mitzpim were settled in the heart of the Galilean hills – an Israeli region mainly populated by Arab citizens. The inhabitants of those residential communities are mostly populated by urban middle-class families, voting for leftist Zionist parties, who were attracted by the quality of life (both environmental and social) attached to those new settlements. Those communities were granted the power to apply test of residents’ suitability to potential newcomers. This presentation will try to enlighten the segregation, ethnic but also (more largely and classically) social inducted by this selective process. Although it was labeled as an ethnic (judaization) policy, this settlement program can also be apprehended as a peri-urbanization policy with socially polarizing implications. Its emphasized ethnic logics tend to shadow logics of class segregation which are partly similar to the ones that are expressed through the creations of Gated Communities.


f Participants

Béal Vincent bealvincent@yahoo.fr
Bonard Yves Yves.Bonard@unil.ch
Hélie Thomas thomas.helie@univ-reims.fr
Jeannier Fabien fjeannier@ac-aix-marseille.fr
Matthey Laurent Laurent.Matthey@unil.ch
Pinson Gilles gilles.pinson@univ-st-etienne.fr
Reigner Hélène helene.reigner@inrets.fr
Renno Pierre pierrerenno@gmail.com
Rousseau Max rousseaumax@wanadoo.fr
Thomann Marianne Marianne.Thomann@unil.ch