Section thématique 36

Mobilisations « ethniques » et comparaison internationale

f Responsables

Audrey Célestine (IEP de Paris-CERI) audrey.celestine@gmail.com
Soline Laplanche-Servigne (IEP de Paris-CEVIPOF) solinels@hotmail.com

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Cette section thématique a pour objectif de s’interroger sur la dimension ethnique de l’action collective, abordée selon une perspective de comparaison internationale. Dans la sociologie des mouvements sociaux et de l’action collective en France, les mobilisations sociales sont plus rarement que dans les sciences sociales anglo-saxonnes, analysées sous l’angle de leur caractère « ethnique » ou ethnicisé, même si depuis les années 1990 la notion d’ethnicité a été importée dans les travaux de science politique française. La réalité sociale de certaines mobilisations, en particulier depuis les années 1990 et 2000 en France (autour de la défense de mémoires collectives, de la lutte contre les discriminations raciales etc), invite en effet à interroger cette catégorie de l’ « ethnicité », c'est-à-dire la croyance dans une origine commune (revendiquée par les acteurs mobilisés, ou qui leur est assignée par d’autres), qui peut s’exprimer par divers marqueurs d’appartenance : couleur de peau, langue, religion, histoire commune des ancêtres (colonisation, esclavage), etc. Il s’agit dans le cadre de cette ST, non pas de considérer a priori la primauté du rôle joué par l’ « ethnicité » dans l’action collective, mais de réfléchir à la pertinence d’une telle catégorie, pour comprendre certaines mobilisations ou  certains types de mobilisations. Dès lors, nous ne souscrivons pas à une définition préalable de ce que serait une « mobilisation ethnique », mais envisageons cette ST comme une occasion de confronter différents cas d’études portant sur la problématique « action collective et ethnicité », afin d’avancer des pistes permettant de dégager les éléments d’une telle définition. Il est néanmoins entendu que nous partons de l’idée, largement répandue et consensuelle dans la science politique contemporaine, à la suite des travaux de Frederik Barth et de Rogers Brubaker en particulier, que l’approche constructiviste et relationnelle de l’ethnicité est la plus pertinente – par rapport aux approches essentialistes ou primordialistes.

Dès lors, trois problématiques traversent la question du rôle de l’ethnicité dans l’action collective : tout d'abord l’emploi et la production « par le bas », c'est-à-dire par les acteurs de la mobilisation, de la variable ethnique. Il s’agit alors d’évaluer le caractère conscient ou non de l’emploi d’une telle variable, le caractère plus ou moins instrumental et stratégique de cet emploi, et enfin la dimension de contrainte ou de choix de la mobilisation de la variable ethnique. Dans ce premier questionnement, ce sont donc les bases identitaires des mobilisations, et les stratégies identitaires de celles-ci qui sont interrogées.
La question de la contrainte ou du choix de la mobilisation de la variable ethnique dans l’action collective conduit à un second questionnement : le rôle du cadrage institutionnel et idéologique national. Les structures politiques et idéologiques nationales encouragent-elles, favorisent-elles, ou au contraire freinent-elles, de la part des acteurs mobilisés, des modes de présentation du groupe à travers un prisme ethnique ?
Enfin, un troisième point d’analyse à considérer est celui du poids de la variable ethnique par rapport à d’autres variables : statut social, genre, âge, etc. Dans quels cas, ou en fonction de quoi, les acteurs mobilisés mettent-ils en avant l’une ou l’autre de ces caractéristiques, dans leur action ? Quelles tensions éventuelles les appartenances multiples des acteurs mobilisés induisent-elles ? (par exemple, comment se joue, en fonction des acteurs impliqués, l’articulation entre antiracisme et antisexisme, dans certaines mobilisations de minorisés ?).

Nous envisageons l’appel à la comparaison internationale comme une démarche heuristique pour tenter de définir ce que serait aujourd'hui une « mobilisation ethnique ». La comparaison internationale permet en effet de contourner plusieurs difficultés : d’abord, elle permet de se détacher des contraintes imposées par les cadres nationaux, en termes de réflexion sociologique, et de ne pas laisser celle-ci être influencée par le caractère tabou ou péjoratif de certains termes, dans certains contextes nationaux. Ainsi, dans le contexte français, le terme même d’ « ethnique » est-il souvent associé à des considérations idéologiques et à la dénonciation du « repli identitaire » et du « communautarisme » présumés de certains groupes mobilisés dans une action collective. D’autre part, d’un point de vue empirique, confronter des mobilisations émergeant dans des contextes politico-historiques différents, mais portant un même type de revendication, peut permettre de réfléchir aux éléments de définition d’une mobilisation « ethnique ». Des revendications proches peuvent ainsi être, dans des contextes nationaux différents, défendus par des acteurs dont le parcours, l’accès au pouvoir, aux médias, etc, divergent en revanche fortement. La comparaison internationale doit permettre d’aller à l’encontre d’une forme de nominalisme dans l’analyse de ces mobilisations, en interrogeant les conditions de nomination, et de labellisation des acteurs, dans les mondes tant académiques qu’ « indigènes ».
Il semble dès lors particulièrement important d’engager une réflexion épistémologique sur l’usage des termes servant à décrire et analyser, dans la science politique française et internationale, les mobilisations à dimension ethnique, qualifiées tour à tour d’ « ethniques », de « communautaires », d’ « identitaires », ainsi que les motivations et modes d’action des acteurs qui les portent (qualifiés de « minorités ethniques », « minoritaires », « minorisés », « minorités visibles » etc). La comparaison peut notamment permettre d’analyser la circulation des termes entre acteurs mobilisés et monde académique ou encore l’importation de concepts issus, principalement, de la sociologie anglo-saxonne dans des contextes autres.
Il s’agit d’autre part de partir de cas concrets de mobilisations, dans différents espaces nationaux, afin d’évaluer à partir d’exemples empiriques, l’éventuelle force explicative d’une variable ethnique. Comment peut-on mettre en lumière une telle variable, en fonction de quelles caractéristiques ? Les acteurs font-ils usage, consciemment, ou dans une optique stratégique, de ce type de facteur, ou sont-ce le sociologue et le politologue qui identifient ainsi certains modes d’action ou certains discours ? Comment peut-on comprendre les revendications portées par ces mobilisations : correspondent-elles à la défense d’une identité culturelle spécifique ? A une demande de « droits » et de « reconnaissance » ? Et dans ce cas, quels droits et quel type de reconnaissance ? Quel est le statut, revendiqué ou perçu, des acteurs mobilisés, et comment s’en servent-ils pour se mobiliser ? Ce type de mobilisation est-il favorisé avant tout par des rapports de domination ethnico-raciaux au sein de diverses sociétés ? Ou s’agit-il d’une forme renouvelée de dénonciation/mobilisation contre des inégalités socio-économiques ?

International comparison and ethnic mobilizations

This panel aims at analysing the ethnic dimension of collective action, through a comparative perspective. To this aim, the concept of ethnicity is not viewed as prime in collective action even though it will be used as an important variable to the understanding of some mobilizations. No preliminary definition of « ethnic mobilization » will be provided : instead, we intend, through this panel, to confront several case studies on the links between « collective action and ethnicity ». From these confrontations, we hope to identify the tools necessary to such a definition.
Thus, three core issues are at stake. First, we would like to analyse the bottom-up production and use of ethnic labels by the actors of the mobilization. From there, it is possible to evaluate the extent to which there is a conscious, strategic use of ethnicity or whether it represents a form of constraint. This first set of issues will allow us to question the « identity basis » from which mobilizations and strategies are being built.
Interrogating the use of ethnicity in collective action, including the constraining dimension of this use, leads us to question the role of national institutional and ideological framings. Do political and ideological structures, within a specific national context, impact the use of ethnicity in the various strategies of self-presentation of mobilized groups ?
Another issue at stake is the relative weight of ethnicity compared to other variables such as the socio-economic status, gender, age etc. In which instances would mobilized actors rather display one variable than another ? What are the consequences of multiple membership for mobilized actors ? (for instance, we can question the articulation of antiracism and antisexism in some minority groups mobilizations )
Adopting an international comparison perspective will allow us to analyse how similar claims are formulated by actors whose trajectories, access to power, to the medias etc. are very different or even diverging. It will also enable us to challenge nominalism  in the analysis of mobilizations. Finally it will help us to question the conditions of attribution of ethnic labels to mobilized actors, in social science works as well as for grassroot actors of said mobilizations.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (Amphi E) pour la session 4 et UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 7) pour la session 5


f Programme


f Résumés des contributions

Axe 1

Baeza Cécilia (IEP de Paris / CERI)

Multiculturalisme et ethnicité en Amérique Latine : une logique de « de-métissage » ? Les cas du Brésil et du Chili

Sous l’influence des agences multilatérales et des mobilisations ethniques, les nations latino-américaines se pensent désormais par le topique de la « diversité » ethnoculturelle. Bon gré, mal gré, presque toutes les démocraties latino-américaines ont, dans le sillage des vagues de démocratisation de la fin des années 1980, commencé à mettre en place des politiques multiculturelles visant la reconnaissance des groupes discriminés. Mais alors que le métissage avait produit un continuum ethno-racial, la catégorisation des groupes-cibles s’est avérée plus complexe que prévu.
A partir des cas du Brésil et du Chili où les politiques multiculturelles sont entrées dans une phase d’approfondissement depuis le début des années 2000, il s’agira ici de montrer comment l’élaboration des catégories ethno-raciales a abouti ces dernières années à un véritable détricotage du métissage, qui dépasse de loin la reconnaissance des minorités discriminées au sein desquelles avaient émergé les politiques de l’identité. L’extraordinaire explosion d’organisations ethniques (noires et indigènes, mais aussi tziganes, juives, arabes, allemandes, etc.) témoigne de cette reconfiguration des identités politiques. Convertie en nouvel impératif d’organisation sociale par l’Etat, la célébration officielle de la diversité a entraîné un processus d’ethnicisation « par le haut » des sociétés chilienne et brésilienne.

Multiculturalism and Ethnicity in Latin America : the deconstruction of the mestizo logics ? The cases of Brazil and Chile

Through the impulse of multilateral agencies and ethnic mobilizations, Latin-American nations are now increasingly contemplating themselves through the lens of ethnic and cultural diversity. As part of the broader democratization movement, virtually all Latin-American democracies have started to implement, with mixed results, multicultural policies aimed at the recognition of discriminated-against minorities. As the concept of métissage contributed to create an ethnic and racial continuum, the categorization of target-groups has become far more complex than initially envisaged.
Looking at the Brazilian and Chilean experiences, where multicultural policies have strengthen since the early 2000s, our aim will be to show how the elaboration of ethnically and racially identified groups have recently led to a deconstruction of the mestizo logics, which has gone far beyond the recognition of discriminated-against groups at the origin of identity politics. The impressive multiplication of ethnic organizations (representing black and indigenous, as well as populations of Romany, Jewish, Arab and German backgrounds) illustrates this reconfiguration of political identities. Turned into a new imperative of social organization by the State, the official celebration of diversity has led to a top-down process of ethnicization of Chilean and Brazilian societies.

Fournier Lydie (CNRS / PRISME)

L’analyse des mobilisations ethniques en France et au Québec : une difficile émancipation du débat idéologique

A partir de différents travaux de science politique, élaborés en France et au Québec depuis le début des années 2000, cette communication se propose de démontrer en quoi les analyses des mobilisations à dimension culturelle et ethnique peinent à s’émanciper d’un débat de société fortement idéologisé.
Les travaux de W.Kymlicka, JM Larouche, M. Seymour ou encore J.Beauchemin au Québec, comme ceux de M. Wieviorka, E. Renault, S. Mesure, D. Schnapper, P.Marlière ou V. Geisser en France, seront convoqués pour souligner de quelle façon ces différents auteurs construisent et consolident un débat d’idées qui prend souvent plus l’apparence d’une controverse idéologique que d’une véritable analyse scientifique. Nous verrons alors en quoi ces différents auteurs se sont tour à tour positionnés au sein d’un débat intellectuel polarisé entre, d’une part, les promoteurs d’une conception que l’on nommera sommairement ici « multiculturaliste » (ou « communautariste » par leurs détracteurs) et, d’autre part, les défenseurs d’une vision qui se veut « républicaine et laïque » (« laïciste » pour ses opposants).
Les contributions de sociologues et de politistes relatives aux mobilisations sur le port du voile à l’école en France entre 2003 et 2005 seront alors convoquées pour éclairer leurs difficultés d’émancipation d’une approche clairement normative et idéologisées de ces questions ethniques, culturelles et religieuses. Nous nous interrogerons, in fine, sur quelques précautions méthodologiques requises par l’analyse scientifique d’objets sociaux convoquant l’affect et les préférences idéologiques du chercheur.

Nasri Foued (IEP de Paris / CERI)

Les modalités de constructions de catégories alternatives de l'expérience de l'ethnicité: le cas des Zaâma d’ Banlieue et des Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue

Cette communication entend porter la focale sur les modalités d’élaboration des catégories chargées de rendre compte de l’expérience des descendants de l’immigration maghrébine par deux mouvements Zaâma d’ Banlieue et les Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue. Cette élaboration relève d’une configuration historique au sein de laquelle s’opèrent notamment deux processus : premièrement, une visibilité croissante des descendants de l’immigration maghrébine d’abord en relation avec les instances éducatives puis à travers la présence publique et politique de ce groupe, et de la production ou la reconfiguration de catégories, de concepts et de figures servant à décrire, sérier et incarner le groupe des héritiers de l'immigration, ses expériences, ses réalités et les problématiques qu'il est amené à soulever. Si l’action de ces deux mouvements concerne avant tout les crimes racistes et la question des expulsions de jeunes, elle participe aussi d’une critique virulente des formes d’énonciation de l’expérience des descendants de l’immigration maghrébine produites par des instances médiatiques, politiques ou scientifiques. Ces organisations s’attachent ainsi à produire des modes de présentation de soi par le biais de figures alternatives qui s’inscrivent dans des stratégies orientées vers la recherche de la visibilité. Ces stratégies s’articulent notamment autour d’un discours marqué par une forme de radicalité, par la mise en scène de modes de présentation de soi et par le développement privilégié de supports et de relais médiatiques.

The construction patterns of alternative categories of the experience of youth with a north background: The case of Zaâma d’ Banlieue and the Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue.

This paper assesses two movements’ organisations, namely, the Zaâma d’ Banlieue and the Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue, in their variable constructions of categories that are apt to comprehend the experience of people of North-African descent. This construction is rooted in an historical process made of two strands. The first strand refers to a growing visibility of North-African-origin individuals in terms of both 1) educational issues, and 2) their access to public and political spaces. The second strand deals with the construction and reshaping of categories, concepts, and representations that are used to describe, classify or embody North African-origins individuals, in terms of both 1) their experiences and 2) the issues that they are willing to rise. While they focus especially on racists attacks and the deportation of young people, these two movements also engage with a strong critique of dominant representations of North-African-origins individuals, as they are shaped by political, scientific, and media actors. These movements thus aim to produce types of self-portrayal via alternative representations that are also strategically useful to foster visibility. Their strategies draw upon radical discourses, a show of self-assertion, and the development of tools to increase media attention.

Renno Pierre (Paris I)

De la construction d’un problème ethnique : Keshet et la cause des « Juifs orientaux » dans la question de la privatisation des terres étatiques israéliennes

Au milieu des années 1990, un groupe d’intellectuels et d’universitaires israéliens a créé haKeshet heDemocratit haMizrahit, un mouvement qui se définissait comme apolitique et qui se proposait de lutter pour les droits des « Juifs orientaux » (qu’on définit souvent en Israël comme les « Juifs originaires du monde musulman »). L’association Keshet s’est notamment attachée à corriger des inégalités en matière d’allocation des terres étatiques. A travers cette étude de cas, nous nous interrogerons sur les conditions dans lesquelles des entrepreneurs de mobilisation peuvent être amenés à définir en termes ethniques le « problème » qu’ils se proposent de traiter. Dans le cas de Keshet, cette stratégie est indissociable du conflit national judéo-arabe : en évitant l’approche classiste, les fondateurs de Keshet ont pu contourner la question du statut des Arabes israéliens et ainsi rester inscrits au sein du consensus sioniste. Cependant ce positionnement ethnique est également lié à l’état du champ académique israélien et à la pénétration des cultural studies américaines.

Constructing an ethnic problem : Keshet and the « Eastern Jews » issue in the process of privatization of state-owned lands in Israel

At the middle of the 1990s, a group of Israeli academics created haKeshet heDemocratit haMizrahit, an “apolitical” social movement whose aim was to fight in behalf of the rights of the “Oriental Jews” (usually defined in Israel as the “Jews originating from the Muslim world”).The association mostly dealt with the unequal allocation of State lands. Through this case study, it’s possible to look at the conditions in which social movement entrepreneurs are led to define in ethnic terms the “problem” that they’re willing to confront. As far as Keshet is concerned, this ethnic strategy has to do with the broader ethnic/national conflict between Jews and Arabs. A classist approach would have forced the group to consider the status of the Israeli Arabs, while the ethnic one enabled them to stay inside the Zionist consensus. However, the ethnic focus of this quite elitist group also has to do with the state of the Israeli academic field and the penetration of the American “Cultural Studies”.

Roux Guillaume (FNSP / IEP de Grenoble / PACTE)

Racisme, antiracisme, tolérance. Concepts et questionnements

Guillaume Roux discutera les concepts de racisme, altruisme et tolérance, tels qu'ils sont abordés par diverses traditions de la philosophie politique et des sciences sociales.

Racism, antiracism, tolerance. Concepts and questionings

Guillaume Roux shall discuss the concepts of racism, altruism and tolerance in the social sciences and political theory litterature.

Axe 2

Bertrand Gilles (IEP de Bordeaux / SPIRIT)

Une mobilisation diasporique en question : les Chypriotes de Grande-Bretagne face au conflit dans leur île d’origine
Chypre connaît depuis 1950 un conflit « intercommunautaire » opposant Chypriotes grecs et turcs. Le conflit a été figé par la partition de fait de l’île en 1974, aboutissant à un regroupement des populations dans deux zones(chypriote turque au Nord,grecque au Sud) fermées l’une à l’autre jusqu’en 2003. En 2004, la république de Chypre(zone sud, de fait)a adhéré à l’Union européenne.Un plan de réunification de l’ONU a été, dans le même temps, rejeté par les Chypriotes grecs par référendum, mais accepté par les Chypriotes turcs. L’analyse de cette situation complexe laisse souvent de côté la question des Chypriotes immigrés/exilés en Grande-Bretagne et de leurs descendants. Il s’agit d’un mouvement migratoire ayant connu plusieurs phases (essentiellement économique durant la période coloniale britannique ; plus politique dans les années 1950-60 ; économique et politique après 1974). S’agit-il d’une (ou de) diaspora(s) ? Ce qui pose deux questions : quel usage faisons-nous du concept de diaspora ? La séparation des communautés se perpétue-t-elle en exil ? Il existe un certain « vivre ensemble » en Grande-Bretagne qui contraste avec la séparation des communautés dans l’île (exemple des mariages mixtes), malgré la proximité avec de nouveaux immigrants (turcs et kurdes). Les mobilisations politiques, favorisées par le New Labour, ont-elles eu des effets dans l’île, notamment dans le « désir d’Europe » des Chypriotes turcs ? Quelles ont été les réactions à l’échec du plan de l’ONU ?

A Diasporic Mobilization in question: the Cypriots of Great Britain vis-a-vis the conflict in their island of origin

Cyprus knows since 1950 an intercommunital conflict between Greek and Turkish Cypriots. The conflict was frozen by the de facto partition of the island in 1974, with result a regrouping of the populations in two zones (Turkish Cypriot in North, Greek Cypriot in the South) closed one with the other until 2003. In 2004, the Republic of Cyprus (southern zone, de facto) joined the European Union. A UN plan of reunification was, in the same time, rejected by the Greek Cypriots by referendum, but accepted by the Turkish Cypriots. The analysis of this complex situation often leaves aside the question of the Cypriot immigrants/exiles in the UK and their siblings. This migration has known several phases (primarily economic during the British colonial period; more political in the years 1950-60; economic and political after 1974). Could we speak about one or two diaspora(s)? How do we use the concept of diaspora ? Does the separation of the communities go on in exile? A certain « leaving together » exists in the UK which contrasts with the separation of the communities in the island (example of mixed marriages), in spite of the proximity with new immigrants (Turkish and Kurdish). Did the political mobilizations, supported by New Labor, have effects in the island, in particular on the “desire of Europe” of the Turkish Cypriots? Which were the reactions to the failure of the UN plan?

Bonnard Pascal (IEP de Paris / CERI)

Représentation politique et catégorisation ethnique en Lettonie : les « partis russes » se réinventent

Le champ politique, et en partie associatif, letton semble structuré par un critère ethnique. Les principales mobilisations se sont articulées autour de questions liées à l'appartenance ethnique et le clivage entre droite et gauche recouvre largement une distinction ethnique. Cependant, les catégories sur lesquelles reposent ce clivage ne sont pas naturelles. Ainsi, est-on « russe » en raison de son origine ? De sa langue ?
La qualification de l'ensemble de populations au nom duquel sont portées les revendications des partis dits russes a évolué. Cette évolution renvoie d'une part à une adaptation aux politiques menées par les autorités à l'égard de ces populations et d'autre part à l'exploitation d'un nouveau registre discursif, le discours sur les droits des minorités introduit par le processus d'adhésion à l'Union européenne. Les définitions ne sont pas constantes et différents registres se superposent souvent. Les représentants politiques s'efforcent de réaffirmer la cohérence du groupe par-delà ces variations.
L'insistance sur l'existence d'un clivage ethnique bipolaire vise à présenter le groupe comme une catégorie naturelle et indépassable et ainsi, à systématiser le report des voix sur les formations politiques qui s'en font les porte-parole. Cette stratégie est cependant à double tranchant pour les représentants des partis russes dans la mesure où elle renforce la séparation ethnique et les prive de l'accès aux postes à responsabilité.

Political representation and ethnic categorization in Latvia: “Russian parties” reinvent themselves

The Latvian political and, partly, associative landscape seems to be structured by an ethnic criterion. Main collective actions focused on identity-driven issues and the cleavage between right and left largely reproduces an ethnic distinction. However, categories on which this cleavage relies are social constructs. What makes one to be “Russian”? Her/his origins? The language spoken?
The categorization of the populations in behalf of which political claims of so-called Russians parties are voiced changes. This change is due, on the one hand, to the necessary adaptation to the policies implemented by the authorities towards these populations and, on the other hand, to the introduction of a new discourse by the adhesion to European institutions – the discourse on minority rights. These definitions are not stable and different discourses may overlap. Political leaders try to reassess the cohesion of their groups despite these variations.
The stress on a bipolar ethnic distinction aims at presenting groups as natural entities and, by the way, at systematizing the principle of ethnic vote. This is however a double-edged strategy for the Russian representatives as it reinforces the ethnic separation and exclude them of the power.

Hourcade Renaud (IEP de Rennes / CRAPES)

« Race » et « ethnicité » dans les mobilisations mémorielles : les cas des mobilisations pour la mémoire de la Traite négrière à Nantes et Liverpool

Certaines mobilisations liées à la mémoire collective font l’objet d’une lecture en termes de « communautarisation » de l’action publique, ce qui les entraînerait, au moins en France, hors du cadre d’une pratique civique légitime. Le cas de la mémoire de la Traite et de l’esclavage ne fait pas exception, étant parfois perçu comme participant d’une approche raciale ou ethnique de l’espace public.
A la lumière d’une enquête menée auprès de groupes engagés pour la mémoire de la Traite à Nantes et à Liverpool, les constructions identitaires à l’œuvre dans ces mobilisations apparaissent pourtant beaucoup moins univoques. Si les variables « raciale » et « ethnique » jouent bien un rôle dans la mobilisation, autant en France qu’en Grande-Bretagne, c’est d’une manière circonscrite : « race » et « ethnicité » ne sont pas mobilisées pour elles-mêmes, mais plutôt comme une étape de leur propre dépassement. Compte autant sinon davantage la perspective d’une mémoire locale partagée, conçue comme un élément-clé de l’enjeu identitaire central, la citoyenneté, pour laquelle il s’agit moins de construire de nouvelles « frontières », que de mettre en cause celles qui ont déjà un sens dans la réalité sociale. Au final, c’est bien l’appartenance à la cité qui semble se construire doublement dans la mobilisation, à la fois par le « simple » fait de s’investir dans la vie civique, mais aussi par la co-production, avec les pouvoirs publics, d’une identité territoriale partagée.

The role of “race” and “ethnicity” in the mobilizations for the memory of the slave trade in Nantes and Liverpool

The growing number of mobilizations linked to collective memory raises new issues in the field of identity building processes. Some of these movements are commonly perceived as promoting an ethnic or racial vision of the public space and political expression. This is notably the case for groups and associations advocating in favour of a greater public memory of slave trade and slavery. Yet, results of an empirical research in Nantes and Liverpool show that identity processes linked to these mobilizations are more complex than a basic ethnic or racial claim. The seemingly paradoxical fact is that these groups may adopt “colour conscious” strategies, but consider them only a stage in the way towards a more “colour blind” society. Their community of reference is not only ethnic or racial but also local, as their actions mainly target full integration in the local social and public life, as well as the construction of a fully shared memory for the city. In this respect, we argue that a key identity stake is the issue of citizenship, as the sense of belonging to a particular city - with its local identity and memory - appears to be one of the main processes involved in the mobilization.

Lejeune Marie (Paris 7 / URMIS)

Des carrières militantes islamiques construites autour de l’action sociale locale : les usages d’une ressource ambivalente

Cette communication se propose de se focaliser sur les activités de bases des collectifs musulmans organisés nationalement (Collectif des Musulmans de France, Jeunes Musulmans de France). Encadrées par les changements qui affectent les politiques sociales et culturelles depuis le début des années 1980, elles mettent au jour des modes alternatifs de liaison entre les espaces locaux et nationaux en se plaçant dans les ornières du travail social et en prenant appui sur les options sociales et culturelles des politiques de la ville. À partir des actions mises en œuvre (sport, soutien scolaire, conférences) et des expériences vécues par ces acteurs associatifs, nous chercherons à dévoiler les modalités d’agencement entre des expériences de discriminations individuelles et/ou collectives subies et la mobilisation de l’islam comme ressource identitaire.

Islamic militant careers and social community work : the uses of an ambivalent resource

This conference will focus on local activities of national muslim organizations (principally based on the Collectifs des Musulmans de France and the Jeunes Musulmans de France). These activities are framed by changes occurring in social and cultural policies since the beginning of the 1980s. Based on social work, they bring to light alternatives modes of connection between local and national levels in the French context by taking support on the social and cultural options of urban affairs. From the activities made by these local associations (sport, school support, islamic conferences), and the individual experiences of the muslim activists, we will try to reveal the link between, on one hand, individual and collective experiences of discriminations and, on the other hand, mobilization of islam as an identity ressource.


f Participants

Baeza Cécilia cecilia.baeza@wanadoo.fr
Bertrand Gilles g.bertrand@sciencespobordeaux.fr
Bonnard Pascal pascalbonnard@no-log.org
Célestine Audrey audrey.celestine@gmail.com
Fournier Lydie lydiefournier@yahoo.fr
Hourcade Renaud renaud.hourcade@gmail.com
Laplanche-Servigne Soline solinels@hotmail.com
Lejeune Marie marie_lejeune@neuf.fr
Nasri Foued fouednas@yahoo.fr
Renno Pierre pierrerenno@hotmail.com
Roux Guillaume guillaume.roux@iep-grenoble.fr