Section thématique 41

De la protection de la nature au développement durable : les mutations de l'enjeu environnemental.

f Responsables

Daniel Boy (FNSP-CEVIPOF / Sciences Po) Daniel.boy@sciences-po.fr
Charlotte Halpern (FNSP-PACTE / IEP de Grenoble) Charlotte_hal@yahoo.com

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L'environnement s'est constitué en problème social à la fin des années soixante dans nombre de pays industriels, et plus largement, à l’échelle internationale. Accidents industriels, controverses scientifiques, mobilisation d’organisations non gouvernementales anciennes et récentes ont contribué à alerter à la fois des acteurs politiques, les médias et l'opinion publique sur la nécessité de prendre en charge politiquement le problème qui s'énonçait souvent alors comme une nécessité d'améliorer la "protection de la nature". Ce processus « d’institutionnalisation de l’environnement » s’est caractérisé par deux phénomènes distincts : d’une part l’émergence de l’écologie comme force mobilisatrice autonome, à travers la constitution de partis « verts », la densification du champ associatif et la multiplication des actions collectives menées au nom de l’environnement ; d’autre part, le traitement public de l’enjeu environnemental par le biais de politiques d’environnement à tous les échelons d’action publique (international, régional, national et local).

Les mutations de l’enjeu environnemental
Quelques quarante ans plus tard, l’écologie comme force mobilisatrice autonome et l’action publique environnementale ont connu quatre transformations majeures :

  1. La recomposition, dans les démocraties occidentales, des partis « verts », de leur électorat, des préoccupations associées aux questions environnementales et des modalités de leur expression dans l’espace public. En France, le « phénomène Hulot », survenu pendant la campagne électorale de 2007 en dehors du terrain politique laissé quasiment vacant par des partis Verts enfermés dans leurs querelles internes, constitue une manifestation de la recomposition des dynamiques de mobilisation environnementales et du mouvement associatif.
  2. Le passage d’une conception scientifique de l’écologie à une conception politique de développement durable. Aux enjeux liés aux différents milieux et sources de pollution identifiés à l’origine (eau, nature, air, déchets, bruit) se sont ajoutés des enjeux de nature globale (changement climatique, atmosphère) ou hybride, transversaux aux questions environnementales et de santé publique ou encore de commerce international (OGM, biotechnologies). Cette évolution remet en cause le traitement sectoriel des enjeux environnementaux, par ailleurs identifié comme un frein à la mise en œuvre des politiques environnementales et comme une source de conflits sur la répartition des compétences et des pouvoirs entre organismes publics, à différents échelons de gouvernement et au sein d’un même gouvernement.
  3. La diversification des instruments de l’action publique environnementale. La palette des instruments de l’action publique environnementale s’est élargie pour permettre la combinaison d’une approche juridique des questions environnementales et d’une approche sociétale visant à susciter l’implication d’un large éventail d’acteurs sociaux et à redistribuer les coûts liés à la protection de l’environnement.
  4. L’articulation des échelles de définition des enjeux environnementaux. Le développement progressif d’un système de régulation des questions environnementales à l’échelle internationale et régionale, comme le montre l’exemple de la politique européenne de l’environnement, contribue en effet, et de manière dynamique, à l’articulation du global et du local, à l’encadrement d’un nombre croissant d’activités et à l’adaptation des formes d’engagement autour des causes environnementales.

Ces mutations de l’enjeu environnemental constituent l’objet principal de cette section thématique. Leur analyse permet en effet de se situer à la croisée des sous-disciplines de la science politique, et dans la lignée de travaux actuels sur la recomposition des formes de participation politique et d’engagement militant, sur la transformation du rôle de l’Etat et du rapport public-privé dans un système de gouvernance à niveaux multiples, et enfin sur le rôle de l’expertise et l’émergence de nouveaux acteurs.

Trois séances de travail sont proposées pour cette section thématique. Ce découpage n’a pas d’ambition à l’exhaustivité, mais permettra une analyse combinée des mutations de l’enjeu environnemental, en croisant différentes approches de science politique

Session 1 : L'environnement comme enjeu politique.
Cette première session sera consacrée à l’analyse des phénomènes de recomposition des enjeux politiques liés aux questions environnementales dans les démocraties occidentales : quels partis politiques (partis« verts », « grands » partis, partis anti-système) traitent de ces questions ? Comment les valeurs, les opinions et les représentations associées aux questions environnementales ont-elles évolué ? Quelles sont les formes d’expression privilégiées pour exprimer ces préoccupations environnementales dans l’espace public (formes d’engagement, de militantisme vert) ? 

Session 2 : La diversification des échelles de cadrage des problèmes environnementaux.
Cette séance de travail sera consacrée aux enjeux que pose la diversification des échelles de cadrage et de traitement des problèmes environnementaux pour la mobilisation et la représentation des intérêts environnementaux. Quels sont les vecteurs de (re)qualification / cadrage des problèmes environnementaux (développement durable ou soutenable, principe d’intégration, naturalisme ou développement  humain) ? Ceux-ci contribuent-ils à la transnationalisation des formes de mobilisation et de représentation des intérêts associés aux questions environnementales (ONG, fédérations d’entreprises, think tanks, etc.) ? Ou encore à la reconfiguration du mouvement environnemental (liens avec l'altermondialisme, tensions entre gestion, expertise et posture critique) ?

Session 3 : Enjeux et limites de l’action publique environnementale.
Cette dernière session sera consacrée aux différents enjeux (organisationnels, intégration européenne, instrumentation, expertise) que pose le pilotage de l’action publique environnementale à différents échelons d’action publique. L’évolution des politiques publiques d’environnement se caractérise en effet par un degré élevé de fragmentation horizontale et verticale, ainsi que par la multiplication, à tous les échelons d’action publique et dans tous les Etats européens, de mécanismes de coordination et de rationalisation de l’action publique environnementale. Quelles sont les logiques à l’œuvre dans la réforme des administrations de l’environnement et le redécoupage des compétences environnementales ? Quels sont les effets de la politique européenne de l’environnement sur le processus d’intégration européenne et sur les politiques nationales de l’environnement ? Dans quelle mesure la diversification des instruments de l’action publique environnementale, et notamment l’introduction de dispositifs comme le Grenelle de l’environnement en France, contribuent-ils à orienter l’action gouvernementale ? Ou encore à la diversification des savoirs (experts, profanes) ?

Organisation des séances
Après une courte introduction par les responsables de la section thématique, les 3 ou 4 contributions (30 000 signes maximum) retenues pour chaque séance feront l’objet d’une courte présentation orale. Le débat sera introduit par deux discutants.

From nature conservation to sustainable development: changes in environmental issues.

This thematic section focuses on changes in environmental issues, how they are defined and represented by social actors, as well as dealt with by public authorities at various levels of government. The literature traditionally highlighted the key role of two major driving forces in structuring environmental issues in EU member states, namely the emergence of ecology as an autonomous area of political activism (e.g., green parties, environmental movements, etc.), and the development of environmental policies at various levels of government. Both their own characteristics and the way they combined with one another explained national variations.

The purpose of this thematic section is to question the accuracy of such a framework of analysis, in the light of the restructuring of the State, but also forms of political participation, and the relationship between the private and the public sectors. Indeed, both driving forces and how they combine with one another are affected by four (recent) phenomena.

  1. The restructuring of forms of interests mobilization and representation (political parties, associations, etc.).
  2. The shift from a scientific conception of environmental issues towards a political conception of sustainability.
  3. The evolution of forms of policy instrumentation in the environmental field, which combines both a regulatory and societal approach of environmental issues.
  4. The rescaling of framing and agenda-setting dynamics, which results from both the emergence of (new) transversal/global environmental issues and an increasingly integrated system of regulation at supranational level.

This thematic section will seek to explain, both theoretically and empirically, how and to what extent these changes impact on environmental issues. In its first session, it will focus on ecology as a political issue: which political parties address environmental issues and how? To what extent did values and opinions associated with environmental issues change over the past decades, and how does it affect dynamics of mobilization? The second session will be devoted to the analysis of rescaling dynamics (e.g., framing of environmental problems, agenda-setting) and their effects on forms of interest organization and representation. In its third session, Thematic Section 41 will focus on the challenges raised by environmental regulation (e.g., forms of instrumentation, horizontal and vertical coordination, etc.) in a context of multi-level governance.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 8)


f Programme

Axe 1
L'environnement comme enjeu politique

Discutants : Jean-Paul Bozonnet (PACTE / IEP de Grenoble) et Sylvie Ollitrault (CNRS-CRAPE / IEP de Rennes)

Axe 2
La diversification des échelles de cadrage des problèmes environnementaux

Discutants : Marie-Claude Smouts (Ceri / Sciences Po Paris) et Antoine Vion (LEST / Université de la Méditerranée)

Axe 3
Enjeux et limites de l’action publique environnementale

Discutants : Géraldine Pflieger (IEPI / Université de Lausanne) et Louis Simard (Université d’Ottawa)


f Résumés des contributions

Axe 1

Anzalone Guilhem (CSO / Sciences Po Paris & Centre Maurice Halbwachs)

Le traitement de qualités associées au développement durable : le cas de la viande dans un réseau de magasins bio

Fondée sur l'étude de la commercialisation de la viande dans un réseau de magasins biologiques, cette communication cherche à montrer comment l’activité économique peut constituer le lieu de choix ayant une portée collective et politique dans la mesure où ils configurent les relations entre différents acteurs (producteurs, distributeurs, consommateurs, riverains, citoyens, etc.), autour d’enjeux tels que les relations entre producteurs et consommateurs ou la préservation d’un patrimoine. L’analyse est centrée sur la prise en compte et la valorisation de caractéristiques investies de valeurs citoyennes ou liées au développement durable dans la mécanique marchande, ce qui est ici principalement lié à l'origine et la dimension militante du réseau, au travail de définition approfondi des produits qu'il effectue, et qui s'exprime également au niveau de la forme de l'organisation économique elle même. En effet, ce réseau de magasins, qui est issu de la réunion de coopératives de consommateurs et militants écologistes, est organisé sur une structure de représentation politique des sociétaires et comporte un certain nombre d'espaces de débat ; engagé dans un travail de structuration des filières qui vise explicitement le développement de l'agriculture biologique, il se caractérise par un travail de définition approfondi des produits commercialisés ; et sa forme même est le reflet d'une tension entre deux modèles d'organisation économique et sociale.

Valuation of the characteristics linked to sustainable development on the markets: the organic meat case

Based on a case study of, this research aims to show how economic activity could be the scene where political choices are made: they shape the actors' relations about issues such as producer – consumer links or territories. The analysis is focused on the ways in which different characteristics linked to sustainable development are taken into account and valorized on the market. In this case, there are three relevant points: the origin and the militant dimension of the department store chain, the detailed analysis of the products, and the structure of the organization itself. It arises from consumers' cooperatives and environmentalist activists and contains frequents opportunities of debate. It aims explicitly at the development of organic farming, and its shape reflects a tension between two models of economic and social organization.

Gambert Sylvain (IUE, Florence)

Le personnel politique local. Chaînon manquant de l’action publique environnementale ?

L’action publique environnementale a largement été redéfinie depuis quinze ans par l’intégration d’un style plus localisé et intégré. L’Union Européenne, particulièrement, a imposé aux pays membres de nouvelles normes politiques d’ouverture et de consensus, privilégiant une différenciation fonctionnelle de l’espace politique. Cette évolution perturbe doublement les élites politiques locales: la définition participative de la légitimité démocratique s’oppose à l’approche électorale de la représentation, tout en marquant l’obsolescence de la circonscription comme espace politique de référence. Il s’agit alors de s’interroger sur la position des hommes politiques locaux et régionaux face à la mutation du traitement environnemental, ainsi que sur la nature de leur rôle au cœur de ce traitement : de l’opposition à tout processus d’ouverture réduisant autonomie et clientélisme, jusqu’à la prise en charge d’un rôle procédural essentiel de légitimation politique et de coordination territoriale. Nous tâcherons d’établir l’impact du personnel politique sur la mise en place des directives Habitats et Cadre sur l’Eau en Angleterre et en France. La communication interroge l’influence de trois facteurs: le dynamisme des associations environnementales, la proximité territoriale des élus, et enfin le positionnement idéologique. De là une conclusion sera tirée sur le rôle des politiques dans l’articulation des différents lieux et strates du pilotage de l’action environnementale.

Local political elites. The missing link of environnemental public policy ?

In the past fifteen years, environmental policy-making has been greatly redefined through a more localised and integrated policy style. The EU has profoundly influenced member states towards more open and consensual political norms, favouring functionally established political spaces. Those evolutions lead to a twofold destabilisation of local political elites: the participatory redefinition of democratic legitimacy conflicts with electoral representation, while the meaningfulness of political constituencies decreases. Therefore, I will be focusing on the position of local and regional political authorities with regard to the evolution of environmental policies, as well as understanding their role within the latter: from resisting any openness that reduces their autonomy and possible clientelism, to playing procedural roles that can prove essential to policy legitimising and territorial coordination. The study explores the impact of local political elites on the implementation of the Habitats and Water Framework Directives in two countries of majoritarian political tradition: France and England. More particularly, it will analyse the influence of environmental associations, territorial proximity and ideological positioning. Thereafter, it will draw a conclusion on the role of politicians in articulating the highly fragmented field of environmental policy.

Gauthier Mario (Université du Québec en Outaouais, Canada), Simard Louis (Université d’Ottawa, Canada)

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) du Québec, un grand témoin des transformations de l’action publique environnementale

Depuis sa création, en décembre 1978, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) du Québec apparaît comme un grand témoin de l’évolution et des transformations de l’action publique environnementale. Créé au moment où l’environnement s’est constitué en problème social un peu partout dans le monde, cette institution a contribué à institutionnaliser un droit à la participation des citoyens étroitement associé à l’évaluation des impacts sur l’environnement des grands projets et des politiques environnementales. À partir d’une analyse de l’expérience du BAPE et des quelques 250 projets examinés par cet organisme au cours des trois dernières décennies, la communication se propose de dresser un bilan des transformations les plus significatives en ce qui a trait, entre autres, aux mobilisations d’acteurs, à l’évolution des controverses, aux logiques d’apprentissage, à la structuration des problèmes publics, à l’émergence d’une culture de la participation et au développement d’une certaine transversalité de l’action publique environnementale. Les mutations de l’enjeu environnemental seront également examinées sous l’angle des dimensions substantives et procédurales de l’expérience du BAPE, c’est-à-dire de l’évolution des objets du débat public, de la participation du public et des procédures ainsi que du contenu des recommandations et des décisions gouvernementales.

The “Bureau d'audiences publiques sur l'environnement” (BAPE) in Quebec, a great witness of the transformations of environmental public policy

Since its inception in December 1978, the “Bureau d'audiences publiques sur l'environnement” (BAPE) of Quebec appears to be a great witness of the evolution and transformation of environmental public policy. Created in a period when the environment was formed as a social problem all over the world, it has helped to institutionalize the right to citizen participation closely involved in the assessment of environmental impacts of major projects and environmental policy. From an analysis of the experience of the BAPE and some 250 projects reviewed by this organization over the past three decades, the communication proposes to take stock of the most significant transformations with respect, inter alia, to the mobilization of actors, the evolution of controversies, the logic of learning, the structuring of public problems, the emergence of a culture of participation and development of a certain horizontality of public environmental policy. Changes in the environmental issue will be discussed in terms of substantive and procedural dimensions of the experience of the BAPE, ie the evolution of the objects of public debate, public participation and procedures and content recommendations and government decisions.

Simon Persico (Cevipof / Sciences Po Paris & Ademe)

Analyse du positionnement des partis dominants britanniques et français sur les questions relatives à la protection de l'environnement depuis 1978

Face à l'aggravation des problèmes environnementaux et à l'accroissement des préoccupations citoyennes sur ce thème, la question de la réponse apportée par les partis politiques est posée. Or, les études analysant le rapport entre environnement et politique se sont jusqu'à présent surtout intéressées aux partis verts, mais non à la réaction des partis dominants, dont l'idéologie est a priori étrangère à l'écologie. Pourtant, la mise en place de politiques publiques dans ce domaine dépend de leur positionnement. Tout en conservant la « variable verte », en sélectionnant un pays où les Verts sont reconnus (France) et un autre pays dans lequel ils ne comptent pas (Royaume-Uni), notre présentation tentera d'expliquer comment les questions d'environnement sont traitées par le Conservative Party, le New Labour, l'Union pour un Mouvement populaire et le Parti socialiste.
Notre étude se fondera sur l'analyse des programmes électoraux depuis 1978, suivant la grille de codage du Comparative Agenda Project. Il s'agira de déterminer comment s'opère la mise sur agenda partisane des questions d'environnement. Les partis ont-ils accordé une plus large place à l'environnement ? De quel « environnement » parlent-il ? Peut-on parler d'un enjeu environnemental ou de plusieurs enjeux distincts ? Des différences entre partis existent-elles ? Se font-elles selon la place accordée à l'environnement, ou selon des positionnements distincts ? Recoupent-elles les clivages traditionnels ?

Analysing the policy positions of British and French dominant parties on environmental issues since 1978

The severity of environmental problems and the heigtened public concern related to them might have forced political parties to treat them more seriously. Until now, the relationship between environment and politics has yet mostly been studied from the perspective of Green parties. Another way of analysing this relationship would be to study the reaction of dominant parties, whose original ideology does not encompass concerns for nature. Indeed, the success of environmental policies largely depends on such parties. However, it is of great interest to leave room for the « Green » variable. The paper therefore focuses on one country where the Green party is rather strong—France—and one country where it does not count—the United Kingdom, in order to explain how environmental issues are treated by the Conservative Party, the New Labour, the Union pour un Mouvement populaire and the Parti socialiste.
The study is based on an analysis of parties' electoral platforms since 1978, following the Comparative Agenda Project's codebook. What is at stake is to understand how parties set the agenda on the environment. Have dominant parties left a growing space to environment-related issues? What does « the environment » consist of when dealt with by dominant parties ? Is there one single environmental issue? Are environmental issues mainly valence ones? Do differences between parties exist as far as the environment is concerned? Do these differences follow traditional cleavage lines?

Axe 2

Berny Nathalie (Spirit / IEP de Bordeaux)

Vouloir et pouvoir : la capacité différentielle des groupes environnementaux français à adopter des stratégies multiniveaux d’influence

L’activisme de groupes environnementaux nationaux sur des enjeux européens de politiques publiques coïncide avec l’institutionnalisation de l’environnement comme problème public et avec son traitement international. Cette communication discutera la validité des outils conceptuels utilisés dans la littérature des mouvements sociaux pour étudier l’action collective, ses formes et ses déterminants.
L’institutionnalisation de l’enjeu environnement est un processus de long terme qui affecte les modes d’action et d’organisation interne des groupes. Ceux-ci sont toujours plus intégrés dans des dispositifs publics - comme l’ont montré les recherches sur les mouvements sociaux - et de ce fait probablement influencés par les niveaux communautaire et international. Bien que l’UE ait une importance considérable dans les politiques environnementales des Etats membres, il est difficile d’appliquer, autrement qu’en version atténuée, le concept de structure des opportunités politiques pour analyser les stratégies des ONG.
Comme certains groupes environnementaux parviennent à retirer des ressources du niveau européen, alors que d’autres échouent, justifie une perspective alternative et non déterministe, qualifiée d’actantielle : celle-ci rétablit l’action des groupes comme un élément déterminant de leur capacité à jouer stratégiquement dans un espace politique européen fragmenté. Cette hypothèse motivera une comparaison de groupes au degré d’investissement variable sur les thématiques européennes et internationales.

The will and the way : the French environmental groups differential capacity to adopt multilevel strategies

National environmental groups involvement in European policy issues reflects the institutionalisation of the environmental problems as policies, including in the international arena. The paper will address the validity of several concepts developed in social movement literature, with the specific purpose to study collective action, its forms and determinants.
Social movement scholars have discussed that the institutionalisation of the environmental problems as policy issues has had impacts on the modes of action and internal organisation of environmental groups. These groups, prompted to participate in public devices, are probably influenced both by the European Union (EU) and the international arena. However, even if the EU has played a considerable part in shaping member states’ policy, the implementation of the political opportunity structure concept remains less than obvious concerning the European polity.
The fact that some groups succeed in gaining resources at the EU level, whereas others fail motivates an approach which is per se non-deterministic. This perspective, inspired from the “actantiel schème” from Berthelot (1990), rehabilitates the action undertaken by groups as a determining factor of their capacity to play strategically in the fragmented European political system. This last hypothesis will lead us to compare several groups with varying degrees of involvement in European issues.

Bled Amandine (Spirit / IEP de Bordeaux), Compagnon Daniel (Spirit / IEP de Bordeaux)

Les firmes privées dans la gouvernance des régimes internationaux de la biosécurité et du changement climatique

L’écopolitique mondiale contemporaine est marquée par le rôle des acteurs non étatiques dans la construction et l’évolution des régimes, en particulier l’action des lobbies industriels négligée par la théorie des Relations internationales. L’interprétation néo-gramscienne en vogue donne à l’influence structurelle des firmes privées une place centrale, via l’hégémonie idéologique et la solidarité d’élites capitalistes transnationales. Cette vision séduisante pose des problèmes de méthode et ne résiste guère à la vérification empirique.
La littérature disponible et des observations de terrain sur les régimes climatique et de la biosécurité (Protocole de Cartagena) permettent de nuancer fortement la thèse de « l’hégémonie » des intérêts industriels, sans adopter une vision irénique de la délibération dans la gouvernance environnementale globale. D’une part, l’influence réelle des firmes sur les compromis de négociation est variable, jamais acquise d’avance. D’autre part, ces acteurs bien organisés à l’échelon national, le sont beaucoup moins au plan transnational et sont partagés par de nombreux clivages.

Private firms in the governance of the biosecurity and climate change international regimes

Contemporary global environmental politics have witnessed the emergence of private organisations as actors in the process of shaping and managing international regimes, in particular private companies the analysis of which is neglected in traditional IR theory. The fashionable neo-gramscian perspective underlines the structural power of TNCs through the ideological hegemony and the collective solidarity of a transnational capitalist elite. However, this attractive understanding of global governance is fraught with methodological as well as empirical problems.
Based on available literature as well as empirical observations on the biosecurity (Cartagena Protocol) and climate change regimes our analysis question the hegemony thesis without falling into the trap of an idealised vision of global environmental governance. From the one hand, effective corporate influence on negotiations’ results is unequal and never warranted. On the other hand, private companies are better structured for lobbying purposes as the national level rather than the international, and they are divided along several fault lines.

Fouilleux Eve (CNRS-Cepel / Cirad, Montpellier)

Standards volontaires durables. Entre transnationalisation et privatisation des politiques

Largement analysés dans la littérature anglo-saxonne, les dispositifs transnationaux de normalisation durable constituent un terrain empirique encore méconnu et un enjeu théorique peu travaillé dans la littérature francophone de science politique. Nous présenterons d’abord le contexte général dans lequel ces dispositifs ont émergé, notamment dans le domaine agricole où ils se multiplient depuis le début des années 2000 : problèmes environnementaux et sociaux générés par l’explosion du commerce Nord-Sud de certains produits, propositions conjointes d’ONG et d’industriels pour les résoudre. Puis, nous étudierons les principales filiations intellectuelles et institutionnelles des standards durables (propositions de nouvelle gouvernance globale, responsabilité sociale et environnementale des entreprises, statut des normes et standards au plan international, évolution des politiques de coopération) et les réseaux d’acteurs voués à leur développement et à leur légitimation. Enfin, à partir de l’observation du fonctionnement concret de deux dispositifs, la table ronde sur le soja responsable (RTRS) et sur l’huile de palme durable (RSPO), nous interrogerons le principal argument sur lequel les dispositifs de normalisation durables fondent leur légitimité : le caractère inclusif et équitable de leurs structures de gouvernance. Pour cela, nous reviendrons sur les dynamiques des débats internes (élaboration des standards) et sur les controverses externes générées par ces dispositifs.

Private Voluntary Standards. About transnationalisation and privatisation of policies

While English-speaking authors have written quite a lot on voluntary standards and private transnational devices, French literature has scarcely dealt with these issues. Firstly, this paper will deal with the general context of emergence of transnational voluntary sustainable standards. In the field of agriculture especially, they are more and more since the beginning of the years 2000. Launched jointly by NGOs and actors from business and the industry, their main objective is to solve the environmental and social concerns resulting from the production of specific commodities that are increasingly traded internationally. Secondly, the paper will study the intellectual basis and roots of sustainable standards and private transnational devices (new global governance proposals, corporate social and environmental responsibility, international discourses and norms on standards, cooperation policies), and the related network of actors. Thirdly, the paper will discuss the main arguments that are put forward in order to legitimate these devices and instruments: inclusiveness and equity of their governance structures and processes. To this end, the paper will notably describe the internal debate dynamics and arguing processes (standard setting) in these roundtables and analyse the controversies that emerge regarding them. The examples studied will be the Roundtable on Responsible Soy (RTRS) and the Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO).

Tozzi Pascal (ADES / Bordeaux III)

La certification de la gestion durable : entre initiatives privées et redéfinitions de l'action publique en matière forestière

Progressivement globalisée au vu des services écosystémiques qu’elle fournit, la forêt est devenue une « préoccupation collective », lieu de concurrence entre une pluralité d’acteurs. La prise en charge internationale des problématiques forestières a connu plusieurs évolutions importantes autour de la conservation et de la « gestion durable » des forêts. Visant à traduire concrètement cette durabilité des dispositifs de régulation et normalisation privés ont émergé : c’est le cas des systèmes de certification forestière promus par les grandes ONG environnementalistes et les industriels. Face à la « privatisation » de la gouvernance forestière et à ses processus globalisés pris en charge par des acteurs non-étatiques, qu’advient-il du rôle des Etats ? A travers la gestion forestière durable et pour les cas étudiés, seront analysées les articulations, les tensions et les concurrences entre les inductions de la certification forestière - envisagée comme un instrument de gouvernance privée - et les modulations de l’action publique : parmi elles, les processus de « décharge », ceux adaptatifs de « republicisation » à l’échelon étatique valant intégration dans la sphère d’activité gouvernementale, ou mise en conformité politique avec les logiques dominantes du système, institutionnelles mais aussi économiques.

Certification of sustainable management: between private initiatives and redefinitions of public action in forest field

In view of the services its ecosystem provides, forest became a “collective concern” and a competitive ground for a plurality of actors. International involvement in the management of forest problems has led to important evolutions around conservation and development of sustainable forest management. Aiming at concretely translating this sustainability, private regulation and normalization systems have emerged: it is the case of forest certification schemes sponsored by global environmental NGOs and industry actors. Faced with the “privatisation” of forest governance and its global processes managed by non-governmental actors, what becomes of the role of States? Case studies around sustainable forest management will support the analysis of the relationships, tensions and competitions between dynamics of forest certification – regarded as a private governance instrument – and the consequent adjustments made by public authorities, including “unloading” processes, “re-publicisation” at the State level as repatriation in governmental sphere of activity, or the alignment with existing institutional and economic dominant logics.

Axe 3

Deblander Caroline (FUCaM-Belgique), Dagnies Jérémy (FUCaM-Belgique), Schiffino Nathalie (FUCaM-Belgique)

Multiplicité des échelles de cadrage dans les politiques publiques environnementales. Le cas de la téléphonie mobile en Belgique

La téléphonie mobile apparaît comme un marqueur de la mutation de l’enjeu environnemental, et ce sous trois angles d’analyse de politiques publiques. D’abord, une mutation est observée dans la définition du « problème » et sa mise à l’agenda. Les enjeux sont à la fois technologiques (flexibilité et liberté de l’utilisateur), sanitaires (considérer les effets potentiels sur la santé humaine) et environnementaux (electrosmog et protection du paysage). Le « problème » fait l’objet d’une définition différente des acteurs, privés ou publics, notamment en fonction de leurs référentiels et des niveaux de pouvoir auxquels ils se situent. De plus, plusieurs jeux d’échelles se produisent. Des normes d’émission des antennes-relais ont été définies par les niveaux supranationaux (OMS et UE) et se sont diffusées au niveau national. Dans le cadre d’Etats fédéraux comme la Belgique les périphéries sont également concernées. De plus, les pouvoirs locaux interviennent dans la régulation. Avec les changements d’arènes décisionnelles, de nouveaux acteurs apparaissent dans le processus de décisions. Il peut en découler une conflictualité accrue. Enfin, une mutation se marque par une diversification des instruments d’action publique. Les instruments juridiques et l’expertise sont combinés à des instruments sociétaux comme la consultation des citoyens, l’organisation de forums hybrides, la prise en compte d’une expertise profane.

Political rescaling and environmental public policies. Case study on mobile telephony in Belgium

Mobile telephony helps to investigate changes in environmental public policies. The paper aims at developing three approaches regarding this issue. First, a focus is put on the “problem” definition and in its agenda setting. Questions are raised regarding technology (flexibility and user’s liberty), health (potential effects on human health) and environment (electrosmog and landscape preservation). Changes are noticed regarding the problem framing. Public or private actors define the “problem” in different ways, according to their referential (policy images) and to the power level in which they are involved. Second, political rescaling occurs. The supranational level (WHO and EU) defines international standards limiting emissions of EMF. These norms are transferred to national levels. In the case of federal states like Belgium, peripheries are also concerned. Furthermore, local areas intervene in the regulation. These changes in the decision-making venues are coupled with the appearance of new actors. This enlargement can induce more conflicts. Finally, diversification of the policies’ instruments is a third change that must be analyzed. Legal instruments and expertise are combined with social instruments: citizen’s consultations are organized, hybrid forums are set up, and citizen’s know-how is taken into account, for instance.

Evrard Aurélien (SciencesPo / Cevipof)

Analyser les politiques publiques par leurs instruments : le cas des politiques des énergies renouvelables en Europe

La nécessité de développer les énergies renouvelables pour faire face aux défis énergétiques et climatiques fait l’objet d’un consensus relativement large en Europe. Cependant, comme bien souvent en matière de politique environnementale, le conflit semble se déplacer vers la question du choix des instruments. Un courant récent de l’analyse des politiques publiques postule justement que les instruments ne sont pas neutres. Ils sont au contraire porteurs de représentation et révélateurs des configurations d’acteurs et leur évolution. Dans la plupart des Etats européens, le choix des instruments de soutien à la production d’énergies renouvelables (rachat obligatoire à tarif garanti, appels d’offre et plus récemment certificats échangeables) fait l’objet de discussions importantes. Il témoigne de la place accordée respectivement aux objectifs économiques et environnementaux des politiques énergétiques, ainsi que de l’évolution des rapports de force entre les acteurs du secteur de l’énergie. L’approche par l’instrumentation permet donc de tracer le changement des politiques de soutien aux énergies renouvelables, comme le montre les exemples allemand, danois et français. Elle offre enfin une nouvelle perspective pour analyser la formulation d’une politique européenne des énergies renouvelables et son impact sur les politiques nationales.

Analysing public policies through their instruments: the case of renewable energy policies in Europe

The necessity to develop renewable energy sources in order to face energy and climate challenges is now subject of a wide consensus in Europe. However, as very often in environmental policies, conflict seems to have moved to the domain of instruments’ choice. A recent approach in public policy analysis assumes that instruments are not neutral. On the contrary, they carry representations and reveal the evolution of actors’ configurations. In most of EU member states, choosing instruments to support renewable energy (feed-in tariffs, tender schemes and, more recently, tradable certificates) led to strong debates. This choice is a great indicator of attention drawn to environmental and economic dimensions of energy policies, as well as the balance of power between actors of the energy sector. Thus, instrumental approach enables to track changes in renewable energy policies, as shown by Danish, French and German cases. It also offers a new perspective in order to analyse the formulation process of a European policy regarding renewables and its impact on domestic policies.

Jouzel Jean-Noël (CSO-Sciences-Po/CNRS), Lascoumes, Pierre (CEVIPOF-Sciences-Po/CNRS)

La politique du multiple : le Règlement REACH ou l’impossible administration des substances toxiques

Au cours du siècle dernier, l’industrie chimique a synthétisé et commercialisé plus de 100 000 substances chimiques sans procédure d’autorisation de mise sur le marché. Les effets de ces substances sur la santé humaine sont donc particulièrement mal connus. Les stratégies politiques de contrôle de ces molécules ont fortement varié entre les Etats-Unis et l’Europe. Alors que les Etats-Unis ont choisi, dès les années 1960, de mettre en place des administrations ayant en charge la santé environnementale et s’appuyant sur de fortes capacités d’expertise, les pays européens ont opté pour des formes plus souples de régulation, assises sur des instances de négociation réunissant les parties intéressées par les substances chimiques et leurs conséquences sanitaires : industriels, organisations professionnelles, associations de consommateurs. L’adoption en décembre 2006 du nouveau Règlement européen REACH (acronyme anglais signifiant « enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques ») semble à cet égard marquer un tournant et un rapprochement des modes de contrôle des molécules de synthèse de part et d’autres de l’Atlantique. Cette contribution se propose de nuancer ce constat en soulignant les éléments de continuité existant entre REACH et la tradition européenne de recours à des formes négociées de gestion des risques chimiques.

The politics of multiplicity : REACH Regulation or the impossible administration of toxic chemicals

Over the last century, the chemical industry has synthesised and commercialised more than 100,000 chemicals with no premarket authorization. The effects of those chemicals on human health remain therefore largely unknown. The political strategies used to control those molecules have been very different in the United States and in European countries. Whereas the United States have built in the 1960’s environmental health agencies with strong capacities to produce expertise, European countries have relied on softer forms of regulation, based on informal negotiations between stakeholders : industry representatives, workers unions, consumers associations… Adopted in December 2006, REACH Regulation (Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals) may be seen as a turning point in the European traditional way to regulate toxic chemicals and as the sign of a convergence with the political strategy adopted in the US. In this contribution, we will qualify this statement by underlying the strong elements of continuity between REACH and the European tradition of negotiated control of chemical hazards.


f Participants

Anzalone Guilhem g.anzalone@cso.cnrs.fr
Berny Nathalie n.berny@sciencespobordeaux.fr
Bled Amandine a.bled@sciencespobordeaux.fr
Boy Daniel Daniel.boy@sciences-po.fr
Bozonnet Jean-Paul jean-paul.bozonnet@iep-grenoble.fr
Compagnon Daniel compagnondan@wanadoo.fr
Dagnies Jérémy jeremy.dagnies@fucam.ac.be
Deblander Caroline caroline.deblander@fucam.ac.be
Evrard Aurélien aurelien.evrard@sciences-po.org
Fouileux Eve eve.fouilleux@cirad.fr
Gambert Sylvain sylvain.gambert@eui.eu
Gauthier Mario mario.gauthier@uqo.ca
Halpern Charlotte Charlotte_hal@yahoo.com
Jouzel Jean-Noël jn.jouzel@cso.cnrs.fr
Lascoumes Pierre pierre.lascoumes@sciences-po.fr
Ollitrault Sylvie s.ollitrault@yahoo.fr
Persico Simon simon.persico@sciences-po.org
Pflieger Géraldine geraldine.pflieger@unil.ch
Schiffino Nathalie nathalie.schiffino@fucam.ac.be
Simard Louis lsimard@uottawa.ca
Smouts Marie-Claude mcl.smouts@wanadoo.fr
Tozzi Pierre p.tozzi@ades.cnrs.fr
Vion Antoine antoine.vion@univmed.fr