Section thématique 42

Des valeurs politiques en mutation : analyse quantitative comparée

f Responsables

Pierre Bréchon (IEP Grenoble/PACTE) Pierre.Brechon@iep-grenoble.fr
Dominique Joye (Université de Lausanne/FORS) Dominique.Joye@unil.ch

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

A la fin des années 60, les sociétés traditionnelles semblaient être entrées dans un profond processus de mutations et de ruptures. Un fossé des générations (Mead, 1970) apparaissait entre les jeunes et les catégories âgées de la population. Une révolution silencieuse (Inglehart, 1977) - une seconde révolution disaient d’autres (Mendras, 1984) – semblait remettre en cause les valeurs fondamentales sur lesquelles nos sociétés reposaient depuis longtemps. Des sociologues et des politistes, plus ou moins inquiets pour la cohésion de nos sociétés, ont alors voulu mieux comprendre le processus en cours. C’est dans ce contexte qu’a émergé l’enquête sur les valeurs des Européens (European Values Survey, EVS).

Cette enquête vise à mesurer dans chaque pays, tous les neuf ans, l’évolution des valeurs dans tous les grands domaines de la vie, avec la conviction que les valeurs constituent des facteurs essentiels des transformations sociales. Les valeurs peuvent être définies comme des idéaux, des préférences qui prédisposent les individus à agir dans un sens déterminé. Elles appartiennent aux orientations profondes qui structurent les représentations et les actions d’un individu (Boudon, 1999 et 2002 ; Rezsohazy, 2006). Les valeurs ne sont donc en rien un épiphénomène et une superstructure sans importance. C’est au contraire la trame profonde des sociétés.

Cette enquête a été faite pour la quatrième fois en 2008 dans de très nombreux pays européens ; dans d’autres pays, une opération voisine a été développée, la World Values Survey, qui comporte environ 70 % de questionnaire commun avec l’enquête EVS, elle a aussi été administré plusieurs fois depuis les années 1980. Ainsi, entre EVS et WVS, le même questionnaire a été administré au moins une fois dans 85 pays, ce qui ouvre de fortes possibilités comparatives mais génère aussi des interrogations méthodologiques sur la validité des comparaisons.

Cette enquête a permis de mieux comprendre ce qui unit mais aussi ce qui différencie les cultures politiques des pays européens (Stoetzel, 1983 ; Futuribles, 1995 et 2002 ; Halman, 1993 et 2004 ; Pettersson et Esmer, 2008). Elle constitue un outil tout à fait indispensable pour la politique comparée. Dans un questionnaire d’une heure qui traite à la fois des valeurs familiales, religieuses, de la sociabilité, du sens du travail, des conceptions économiques, les nombreux indicateurs politiques permettent de mesurer la politisation, la participation politique (notamment protestataire) et l’orientation politique des individus. Mais ils évaluent aussi l’attachement aux valeurs démocratiques, la confiance ou la méfiance à l’égard des institutions, le capital social et la solidarité envers autrui, la xénophobie et les attitudes à l’égard des immigrés, le sentiment européen, la fierté nationale, l’opinion sur le terrorisme…

Deux autres opérations internationales d’enquêtes (l’International Social Survey Programme, ISSP, et la European Social Survey, ESS) apportent un regard complémentaire sur  l’évolution des valeurs politiques. La première de ces opérations existe depuis le milieu des années 1980. L’enquête est annuelle et aborde un thème spécifique, répliqué environ tous les 10 ans. L’ESS est beaucoup plus récente, elle a lieu tous les deux ans, le questionnaire est très détaillé et une volonté de rigueur méthodologique dans la constitution des échantillons traverse toute l’opération.

Cette section thématique est d’abord destinée à présenter et mettre en discussion les premiers résultats émergeants de la vague 2008 de la EVS comparée aux vagues précédentes. Etant donné le moment du congrès (chacun ne disposera souvent pour 2008 que des données de son propre pays), on privilégiera des communications centrées sur les évolutions des valeurs politiques dans chaque pays. Plusieurs communications porteront sur la France. Mais les pays francophones voisins seront aussi abordés, plus quelques autres plus éloignés. L’enquête 2008 confirme-t-elle les tendances antérieures d’évolution ? Peut-on déceler dans certains pays des tendances nouvelles, notamment chez les jeunes ?

Mais cette session thématique accueillera aussi avec grand intérêt quelques communications directement comparatives, utilisant la WVS, l’ISSP ou l’ESS. Cela permettra de mieux comprendre la dynamique des valeurs, qui ne sont pas immuables, mais qui évoluent souvent lentement, à travers des comparaisons dans le temps et dans l’espace. Sur quelles dimensions politiques observe-t-on surtout des permanences ? Dans quels domaines les évolutions sont au contraire rapides ? Comment expliquer ces permanences et ces évolutions ?

Bibliographie :
- Arts Wil, Halman Loek (eds.), 2004. European Values at the turn of the Millenium, Brill Publisher.
- Boudon Raymond, 1999. Le sens des valeurs, PUF ; 2002. Déclin de la morale ? Déclin des valeurs ? PUF.
- Ester Peter, Halman Loek, de Moor Ruud (eds.) 1993. The Individualizing Society. Value Change in Europe and North America, Tilburg University Press ; 2003
- Futuribles, 1995. L’évolution des valeurs des Européens, n°  spécial 200, juillet-août ; 2002. Les valeurs des Européens. Les tendances de long terme, numéro spécial 277, juillet-août. 
- Inglehart Ronald, 1977. The Silent Revolution. Changing Values and Political Styles Among Western Publics, Princeton University Press.
- Mead Margaret, 1970. Culture and Commitment. A Study of the Generation Gap, Doubleday.
- Mendras Henri, 1988. La seconde révolution française (1965-1984), Gallimard/Folio.
- Revue française de sociologie, 2006. Sociologie des valeurs : théories et mesures appliquées au cas européen, octobre-décembre 2006
- Rezsohazy Rudolf, 2006. Sociologie des valeurs, Armand Colin.
- Stoetzel Jean, 1983. Les valeurs du temps présent, PUF. 
- Pettersson Thorleif, Esmer Yilmaz (eds), 2007. Changing Values, Persisting Cultures. Case Studies in Value Change, Brill, 2008.

Political Values in the move : a quantitative approach to comparison

Since the end of the sixties, an important number of changes have occurred in European societies. Oppositions between generations have arisen (Mead, 1970). A silent (Inglehart, 1977) or a second revolution (Mendras, 1984) has called into question the values of traditional societies. Some social scientists, more or less concerned of social cohesion, have tried to understand this process and to examine it empirically. The first EVS (European Values Survey) was launched in this context.
The goal of this survey is to examine, every nine years, value change in all the main domains of life, with the assumption that values are essential in the understanding of social changes. Values are seen as deep orientations that structure representations and behaviour (Rezsohazy, 2006). In this perspective, values are not superficial but instead they constitute the society.
The EVS has now four editions, while the WVS (World Values Survey), with nearly two third of questions in common, has also be conducted in other countries several times since the eighties. Therefore, certain questions have been asked at least once in 85 countries providing a fascinating opportunity for comparison,  despite obvious methodological constraints and limitations.
Such a survey provides the opportunity to identify commonalities between the European countries, as well as differences and particularities (Stoetzel, 1983 ; Futuribles, 1995 et 2002 ; Halman, 1993 et 2004 ; Pettersson et Esmer, 2008). The one hour face-to-face questionnaire explores family and work relations, religious practices and social participation, political activities and attitudes towards democracy as well as xenophobia, trust and social capital. Other comparative surveys, such as ESS (European Social Survey) and ISSP (international Social Survey Program), are also contributing to inform the research in the field of value change.
This session will highlight the preliminary results of the EVS 2008 but also present work carried out with the other above-mentioned surveys such as the WVS, ESS and ISSP. This will allow for a better understanding of changes and stability in values in contemporary Europe as a function of time and space.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 11)


f Programme

Axe 1

Axe 2

Axe 3


f Résumés des contributions

Axe1

Dompnier Nathalie (Université Lyon 2 – Triangle)

Rapport à la politique et conceptions de la démocratie en France depuis 1981

Cette communication propose de questionner, à partir des données françaises des Enquêtes Valeurs (EVS) depuis 1981, les liens entre les perceptions de la démocratie d’une part, la confiance dans ses institutions, l’intérêt pour la politique et les formes de participation déclarées ou approuvées d’autre part.
Reprenant un schéma emprunté à Easton (1965), divers travaux proposent de considérer que les attitudes à l’égard de la démocratie se déclinent en trois niveaux : la confiance dans les représentants, la confiance dans les institutions et l’adhésion aux valeurs démocratiques. Diverses questions des enquêtes valeurs permettent de rendre compte des positions sur ces différents aspects de manière assez fine. Cependant, une question reste en suspens : quelle est la conception de la démocratie à l’œuvre dans ces analyses ? Rares sont les travaux (Grunberg, 2002) qui proposent d’interroger les conceptions différentes, parfois concurrentes, de la démocratie. Plutôt que de considérer que le rapport à la politique traduit des attitudes plus ou moins favorables à la démocratie, cette contribution propose ainsi de mettre en lumière comment des rapports différenciés à la politique correspondent à des conceptions différentes du gouvernement démocratique. Plutôt que de tester des positions à l’aune d’une définition préétablie de la démocratie, elle invite à interroger la diversité des « conceptions ordinaires de la démocratie ».

Using the European Values Survey (EVS) since 1981, this contribution aims to analyse the links between perceptions of democracy on one hand, and confidence in the institutions, political interest and kinds of approved or declared participation on the other hand.
Based on a scheme designed by Easton (1965), some studies propose to consider that attitudes toward democracy are founded on three levels: confidence in representatives, confidence in institutions and trust in democratic values. Several EVS questions give a detailed view on these levels of democratic attitude. But there is still a problem: what is the conception of democracy that prevails in these analyses? The different and sometimes opposite conceptions of democracy are rarely investigated (Grunberg, 2002). Rather than questioning levels of democratic attitudes, this contribution aims to show the correspondence between different political attitudes and conceptions of democracy. And rather than considering positions in accordance to a pre-established definition of democracy, it purposes to examine the “ordinary conceptions of democracy”.

Magni-Berton Raul (Sciences po Bordeaux – Spirit)

L’évolution des valeurs sur la pauvreté et l’inégalité

D’après Alesina et Glaeser (2004) l’accroissement de la fragmentation ethnique offre aux hommes politiques l’opportunité de développer un discours opposé à la redistribution. Ainsi, ils exploiteraient la méfiance de la population à l’égard des minorités visibles pour affirmer que la redistribution profite essentiellement à ces minorités. Cette théorie soutient que les « migrations ethniques » dans les démocraties européennes pourraient avoir pour effet de renforcer les débats sur l’ethnicité et d’augmenter un racisme associé à un discours anti-redistribution. En particulier, la fragmentation ethnique rendrait l’opinion publique plus hostile à la redistribution.
Cette prédiction n’a cependant pas été testée sur les différents pays européens. Quelques analyses ont été faites sur le succès électoral des partis d’extrême droite en Europe ou sur les conflits à échelle locale entre travailleurs locaux et immigrés, mais sans porter une attention à l’évolution de l’opinion publique. A l’aide de l’European Value Survey et des statistiques internationales sur les flux migratoires, nous nous proposons d’analyser l’évolution des valeurs sur la pauvreté et la redistribution ainsi que leur lien avec les attitudes à l’égard des minorités ethniques et des migrants.
L’analyse se compose de deux parties : la première compare l’évolution des opinions agrégées dans 25 pays européens. La deuxième porte uniquement sur les valeurs des Français depuis 1981 et vise à évaluer la théorie au niveau individuel.

According to Alesina and Glaeser (2004), an increasing of racial fractionalisation offers to politicians the opportunity to develop a stronger discourse against redistribution. They would use the people’s mistrust against racial minorities in order to affirm they benefit from redistribution. This theory predicts an influence of massive “racial” migrations in European countries on the evolution of racist and anti-redistributive attitudes. Particularly, racial fractionalisation leads public opinion to be more hostile to redistribution.
However, this prediction has not really been tested on European countries. Some studies are conducted on the recent electoral success of the extreme right parties in Europe or on the existences of local conflicts between local and immigrant workers, but not focused on the evolution of public opinion. Using the European Value Survey and international statistics on migrations, we aim to analyze the evolution of the values on poverty and on distribution, just as their link with the attitudes towards the racial minorities and the immigrants.
The analysis is divided in two sections: first, we will compare the evolution of public opinion in 25 European countries. Secondly, we will analyze the values of France people since 1981 to test the theory at individual level.

Dargent Claude (Université Paris 8/CRESPPA-GTM)

Musulmans versus catholiques : un nouveau clivage culturel et politique ?

Pour la France, l’enquête Valeurs de 2008 établit l’appartenance à l’islam à presque 5% de la population. Or, les sciences sociales ont clairement démontré que l’appartenance au catholicisme est liée à une culture politique spécifique. Qu’en est-il de l’appartenance à l’islam ?
D’un côté, partager l’adhésion à une religion peut rapprocher catholiques et musulmans du point de vue de l’univers de référence – social, moral, et donc éventuellement politique. En particulier, un certain nombre des questions posées dans l’enquête permettent de mesurer le degré de libéralisme culturel. Par contraste avec les personnes se déclarant sans religion, catholiques et musulmans ont-ils des positions voisines sur les questions touchant à la sexualité? A l’autorité ? Plus généralement, les deux religions se trouvent-elles ou non du même côté sur un éventuel axe de rigueur morale ?
De l’autre côté, un certain nombre de résultats antérieurs semblent établir une orientation à gauche des musulmans français, qui contrasterait avec les attitudes politiques des catholiques. Les musulmans dans l’enquête Valeurs confirme-t-ils cette orientation à gauche ?
Selon les résultats obtenus, on sera in fine amené à envisager sous un nouvel angle la notion même de « valeurs politiques » : l’hypothèse où musulmans et catholiques partagent les mêmes valeurs morales mais adoptent des attitudes politiques antagonistes constituerait en effet un nouveau défi pour les sciences sociales.

Muslims versus Catholics : a new cultural and political cleavage?

According to the 2008 European Values Survey, almost 5 % of the population of France belongs to Islam. Social sciences have shown that belonging to Catholicism is linked to a specific political culture. Is it the same case for Islam?
On one hand, share the commitment to religion can bring Catholics and Muslims together from the viewpoint of the universe of reference - social, moral and possibly political. In particular, several questions are asked in the survey in order to measure the degree of cultural liberalism. In contrast to people without a religion, do Catholics and Muslims have similar positions on issues related to sexuality? To authority? More generally, are the two religions on the same side on any axis of moral rectitude?
On the other hand, a number of previous results suggest an orientation to the left of French Muslims, which contrasts with the political attitudes of Catholics. Do Muslims in the Values survey confirm this left orientation?
According to the results, it will ultimately lead to consider in a new light the notion of "political values": in the event that Muslims and Catholics share the same moral values but adopt opposed political attitudes, there is a new challenge for the social sciences.

Axe 2

Sauger Nicolas (Sciences Po/CEE)

Faire la part du hasard : les attitudes et les comportements des européens ont-ils vraiment changé entre la fin des années 1990 et aujourd’hui ?

La répétition d’enquêtes à l’identique a pour objectif premier de mesurer le changement, soit au niveau agrégé soit en termes de structuration des attitudes ou des comportements. Le problème traditionnel auquel sont confrontées les études du changement reste néanmoins la faiblesse du nombre d’observation au cours du temps.
Cette communication se propose d’évaluer des mesures de l’évolution effective des attitudes des européens sur la décennie 2000, à partir d’une série d’exemples tirés des enquêtes ESS, CSES et ISSP.
La question fondamentale est celle de la significativité d’un changement observé. Dans la mesure où les tests statistiques usuels sur les différences ne peuvent être que difficilement sollicités dans ce cadre au niveau agrégé, la communication entreprend d’évaluer l’erreur liée à chaque mesure à un moment donné du temps et d’observer dans quelle mesure ces erreurs évoluent au cours du temps ou entre différentes enquêtes. Les sources de changement sont en effet multiples. Le croisement des instruments de mesure et des lieux d’observation permet en revanche d’espérer une meilleure estimation des phénomènes observés.
Cette réflexion est appliquée à une série d’indicateurs dont l’on sait qu’ils sont susceptibles d’évoluer de manière différenciée dans le temps (évolution aléatoire ou cyclique, déclin ou augmentation, stabilité).

Considering chance. Did attitudes and behaviours of Europeans really change over the last decade?

Repeating identical surveys over time chiefly aims at measuring change both at the aggregate level and in terms of structuring attitudes and behaviours of individuals. Such research programs are however faced to the recurrent problem of the limited number of observations over time they encompass.
This paper tries to assess how far attitudes of Europeans have changed over the last decade. This paper focuses more especially on a series of examples drawn from three different programs: the ESS, the CSES and ISSP.
The main question we raise is the effectiveness of change as measured by these surveys. Since statistical tests cannot be easily applied in the context of such surveys at the aggregate level, this paper assesses error linked to each of these surveys. We try to disentangle error as such and the possible evolution of error over time, depending on changes in survey implementation for instance. Possible causes of change are indeed numerous.
This analysis is based on a series of indicators which are likely to change in different ways over time (random path, cycles, decrease or increase, stability).

De Carlo Ivan, Widmer Eric D. (University of Geneva, Département de sociologie)

Pourquoi les Suisses font-ils moins confiance au gouvernement et plus aux personnes que par le passé ? Effets de cohorte et de période sur la confiance politique et la confiance interpersonnelle en Suisse

Bien que l’importance de la confiance pour le maintien et le développement de la démocratie reste une question très débattue, sa contribution à la stabilité du système social est bien connue. À cause de sa diversité sur les plans historique, culturel, linguistique et économique, le système social suisse nécessite de niveaux de confiance très élevés. Cette intervention aborde la question du changement des niveaux de confiance en Suisse pendant les dernières décennies. Nous introduisons la distinction entre confiance horizontale et confiance verticale, respectivement la confiance que l’on fait à l’ensemble de nos relations interpersonnelles et la confiance faite aux institutions politiques. Il s'agit là d'éléments clé du capital social. Nous montrons que pendant la période étudiée, en Suisse, les deux types de confiance ont évolué de manière opposée : la confiance verticale a diminué, alors que la confiance interpersonnelle a augmenté.
En s’inscrivant dans le paradigme du parcours de vie et en utilisant les trois dernières vagues de la « World value Survey », l’étude montre que les variations des deux types de confiance sont expliquées par le changement de modèles de participation sociale à travers les cohortes et par des effets de période.

Why do Swiss trust their government less and other people more than they used to? The impact of cohorts and historical periods on political confidence and interpersonal trust in Switzerland

Although the exact importance of trust for maintaining or increasing a country’s level of democracy is still an open issue, its contribution to the viability of social systems has been widely acknowledged. The social system of Switzerland with its blending of historical, cultural, linguistic, economic and social diversity asks for high levels of trust. Our contribution tackles the issue of change in the level of trust in Switzerland during the last two decades. We introduce the distinction between horizontal and vertical trust, i.e. trust in other individuals in interpersonal relationships, and trust in political institutions – two key elements of social capital. It shows that the two types of trust have developed quite differently in Switzerland during the period covered: while vertical trust decreased, horizontal trust increased.
Based on the life course paradigm and using the three last waves of the World Value Survey, we show that changing levels of trust, both political and social, in Switzerland are accounted for by changing social participation patterns of cohorts and by the impact of specific historical periods.

Safi Katayoun (Université de Zurich, Institut de Science politique)

Conceptualisation du changement de valeurs – Différentes approches testées pour la Suisse

L’espace politique en Europe de l’Ouest en général, et en Suisse en particulier, est conçu au mieux comme un espace de valeurs à deux dimensions, avec un axe culturel et un axe économique, comme l’avaient suggéré Lipset et Rokkan. Depuis la fin des années 1960 ce modèle a été remis en question par un changement de valeurs et l’émergence de nouveau enjeux politiques tels que l’égalité des sexes, la protection de l’environnement, le pacifisme, ou les droits civiques. Inglehart, Flanagan, Kitschelt et Kriesi tentent d’expliquer le même phénomène de changement de valeurs, mais ils diffèrent substantiellement en termes de concepts de valeurs utilisés. Cette contribution suggère que les concepts de valeurs du post-matérialisme et du libertarisme se réfèrent effectivement au même changement latent. Cependant, la contribution va aussi montrer que la mesure dans laquelle les concepts de valeurs saisissent le même type de changement, dépend du niveau individuel de mobilisation cognitive et de la culture régionale dans laquelle les individus sont intégrés.

Conceptualizing value change – Different approaches tested in Switzerland

The political space in Western Europe in general, and in Switzerland in particular, is best reflected by a two-dimensional value space with a cultural and an economic dimension as proposed by Lipset and Rokkan. Since the end of 1960 it has been challenged by a value change when new issues of gender equality, environmental protection, pacifism and liberal civil rights appeared on the political agenda. Inglehart, Flanagan, Kitschelt and Kriesi try to explain the same phenomenon of value change, but they differ substantially in terms of the value concepts they use. This paper argues that the value concepts of post-materialism and libertarianism refer indeed to the same underlying change. However, the paper will also show that the extent to which the value concepts consistently capture the same type of change depends on individual cognitive mobilization, and on the regional culture into which individuals are embedded.

Axe 3

Borsenberger Monique, Rey Frédéric (CEPS/INSTEAD Luxembourg)

Valeurs politiques et cohésion sociale. Evolution au Luxembourg entre 1999 et 2008

La cohésion sociale est souvent présentée comme une condition de stabilité politique et généralement mesurée par le degré de confiance des citoyens dans les institutions. Certains auteurs proposent cependant une définition plus complète en considérant ses différentes dimensions définies comme les sphères économique, politique et socioculturelle et en distinguant pour chacune d’elles leurs dimensions formelle et substantielle (Bernard, 1999).
Opérationnalisant cette définition à partir des données EVS, nous analyserons le lien entretenu entre les valeurs politiques et ces différentes dimensions de la cohésion sociale au Luxembourg et son évolution entre 1999 et 2008.

Social cohesion is often described as a condition of political stability and the given measure is generally the degree of institutional confidence the citizen have. Some authors claim for a more complete definition in considering his different domains defined as economical, political and socio cultural domains and distinguish for each of them between formal and substantial dimensions (Bernard, 1999).
Having operationalised this definition, we will analyze the link between political values and these different dimensions of social cohesion for Luxembourg and his evolution between 1999 and 2008, using the EVS data sets.

Vala Jorge, Pereira Cicero, Ramos Alice, Costa-Lopes Rui (Université de Lisbonne)

Migrations, identités et valeurs

Beaucoup de recherches sur l’identité nationale et l’identification à la nation montrent que ce sentiment d’identification est très fortement lié à des attitudes d’exclusion, dont l’opposition à l’immigration serait un exemple typique. Dans cette recherche nous analysons la relation entre l’identification à la nation et l’opposition à l’immigration. Nous analysons aussi le rôle modérateur que les valeurs, l’identification à une catégorie supranationale (l’Europe) et les croyances sur la nature da la nation représentent dans une telle relation. L’étude utilise des données de l’ISSP et de l’ESS.

Most research about national identity and national identification showed that national identification strongly correlates with exclusive attitudes, mainly with opposition towards immigration. Based on ISSP and ESS data, this research analyses the relationship between national identification and opposition towards immigration. The analyses carried out emphasize the moderator role that social values, supra-national identifications (European identification) and beliefs about the very nature of the nation play in that relationship.

Tournier Vincent (Sciences po Grenoble, Institut d’études politiques de Grenoble/PACTE)

La démocratie à l’épreuve de la globalisation : attentes à l’égard de l’Etat et politiques publiques. L’apport des enquêtes ISSP Rôle du gouvernement (1996-2006)

Cette communication propose de s’intéresser à un cas particulier de valeurs politiques – celles qui concernent les attentes à l’égard de l’Etat – et de mettre en relation les demandes de l’opinion publique avec les réponses des gouvernements. Il s’agit finalement de savoir si la démocratie donne la possibilité au peuple de peser sur les élites afin d’orienter la prise de décision dans le sens souhaité par la majorité.
Les données mobilisées sont les deux dernières vagues des enquêtes « Rôle du gouvernement » de l’ISSP (International Social Survey Programme) réalisées en 1996 et 2006 dans un vingtaine de pays. Sans être très riches, ces enquêtes apportent en effet des informations importantes sur la façon dont les individus perçoivent l’intervention de l’Etat et sur leurs souhaits d’évolution des dépenses publiques dans une période marquée par la globalisation et la remise en cause de la régulation publique.
Dans un premier temps, nous examinerons les attentes des opinions publiques à l’égard de l’Etat, et nous montrerons que les évolutions ne remettent pas en cause les spécificités nationales. Ensuite, en recoupant les données avec des indicateurs relatifs aux politiques publiques, nous essayerons de répondre à trois questions : 1/ les attentes des opinions publiques sont-elles liées à des problèmes objectifs ? 2/ les politiques suivies par les gouvernements reflètent-elles les demandes des populations ? 3/ les décisions politiques sont-elles susceptibles de faire évoluer les opinions publiques ?

The aim of this paper is to analyse a specific kind of political values – those concerning public regulation – and to rely them to the decisions taken by governments. To say it otherwise, it will analyse the relationship between public opinion and public policy in order to know if the democracy gives to the people the possibility to influence the elites in respect with the will of the majority.
The data we used are the two last waves of the ISSP Role of government’s surveys, which have been realized in 1996 and 2006 in about twenty countries. Without being very rich, these surveys bring a lot of information about the way people perceive both the role of the state and the public expenditure in a time of globalization and decline of public regulation.
First, we will examine the perception of the public regulation by public opinions, and we will show that evolutions do not call into question the differences between countries. Then, we try to evaluate the relationship between public opinion and decisions of the elites. We ask three questions: 1/ are public opinions conditioned by objective problems? 2/ do governments policies have some links with the demands of public opinions? 3/ do the decisions of the elites influence public opinions?


f Participants

Borsenberger Monique monique.borsenberger@ceps.lu
Bréchon Pierre Pierre.Brechon@iep-grenoble.fr
Dargent Claude claude.dargent@sciences-po.fr
DeCarlo Ivan Ivan.DeCarlo@unige.ch
Dompnier Nathalie Nathalie.Dompnier@univ-lyon2.fr
Joye Dominique Dominique.Joye@unil.ch
Magni-Berton Raul r.magniberton@sciencespobordeaux.fr
Rey Frédéric frederic.rey@ceps.lu
Swyngedouw Marc marc.swyngedouw@soc.kuleuven.be
Safi Katayoun safi@ipz.uzh.ch
Sauger Nicolas nicolas.sauger@sciences-po.fr
Tournier Vincent vincent.tournier@iep-grenoble.fr
Vala Jorge jorge.vala@ics.ul.pt
Widmer Eric eric.widmer@unil.ch