Section thématique 52

La liberté à l'épreuve de la démocratie. Regards de la théorie politique

f Responsables

Camille Froidevaux-Metterie (Université Paris II Panthéon-Assas) cfroidevaux.metterie@free.fr
Jean-Vincent Holeindre (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) holeindr@ehess.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

La liberté est une notion à la fois centrale et controversée. Centrale, car il est impossible d'écrire l'histoire de la modernité politique ou d'envisager les problèmes actuels de la démocratie sans y avoir recours. Controversée, car la liberté peut représenter soit la condition nécessaire de l'émancipation individuelle et collective, soit une menace pour la réalisation de l'égalité démocratique.
Dans la période récente, on a assisté à un retour en force de l'idée de liberté à travers le courant néolibéral dont Hayek représente la tête de pont. Dans le même temps se sont renouvelées des approches du politique qui pensent la liberté contre le libéralisme, comme les néo-républicanismes ou les théories proches des nouveaux mouvements sociaux. Quant aux travaux récents sur le socialisme libéral ou sur la "troisième voie", ils abordent le problème de la liberté à fronts renversés dans le but de réconcilier les idées de gauche avec la tradition libérale.
Le but de cette section thématique est de proposer une discussion des travaux récents de théorie politique sur le concept de liberté, celui-ci constituant un bon point d'entrée pour rendre compte de l'état de la recherche dans cette sous-discipline.

1. Libéralisme ou républicanisme ? Débat autour de deux conceptions de  la liberté des modernes

Le débat entre libéralisme et républicanisme contribue à la vitalité de la théorie politique au plan international. Lorsque le libéralisme insiste sur la limitation du pouvoir de l'État au profit des libertés civiles, le républicanisme met l'accent sur la liberté comme non-domination et sur le renforcement des capacités d'action du citoyen dans la vie politique (empowerment). L'opposition entre libéralisme et républicanisme renvoie ainsi à un double enjeu. D'une part, il est question de savoir laquelle des deux théories est la plus fidèle, non seulement à l'histoire intellectuelle de la modernité politique, mais également à l'histoire politique elle-même. D'autre part, le débat porte sur des questions plus concrètes, par exemple sur les formes que doit prendre le gouvernement démocratique et sur l'importance de la participation des citoyens à la vie politique.
Thématiques :
- La redécouverte du solidarisme et la relation solidarité/liberté.
- Liberté des individus et rôle de l'État.
- La tentation du perfectionnisme et de la liberté positive.
- Liberté et politiques de la reconnaissance.
- Représentation, participation, délibération.

2. Liberté ou autonomie ? Les théories politiques contemporaines face aux recompositions de la démocratie

La liberté des citoyens n'est pas toujours conciliable avec les contraintes du gouvernement; en découle une tension à l'échelle institutionnelle : comment l'État peut-il assumer ses responsabilités, remplir ses "missions régaliennes", tout en assurant la nécessaire fluidité du monde social ? D'un côté, la liberté est revendiquée par nombres d'acteurs sociaux dans un contexte où les principes républicains apparaissent remis en cause (voir les débats récents sur l'indépendance des juges ou sur la laïcité). De l'autre, l'État est soumis à un impératif de résultats en matière de politique économique et sociale qui l'oblige à mettre en œuvre des dispositifs de plus en plus élaborés. Les partis et les théories se réclamant de la social-démocratie cherchent à résoudre ce dilemme en combinant le libéralisme au plan moral et économique avec la justice sociale et la lutte contre les inégalités. On assiste au retour de thèmes traditionnels (les fonctions régulatrices de l'État, les mécanismes de la solidarité) et de doctrines oubliées (solidarisme, socialisme libéral, néo-républicanismes, etc.) qui insistent moins sur la liberté laissée à la société civile qu'à son autonomie.
Thématiques
- "Liberté de..." et "droit à..." : individualisme et droits subjectifs.
- La réappropriation de la notion de liberté par la gauche (socialisme libéral, troisièmes voies).
- Liberté religieuse/laïcité.
- Le "sentiment de liberté" dans les démocraties contemporaines.
- Justice sociale, inégalités, vulnérabilité.

3. Liberté ou sécurité ? Les démocraties en situation d'exception : le cas du terrorisme

La mise en place de politiques antiterroristes, et plus largement la refonte des politiques de sécurité, constituent des enjeux majeurs pour l'action publique aujourd'hui. La théorie politique contemporaine contribue à ce débat sous un angle particulier : à travers la montée en puissance des impératifs de "sécurité nationale", ce sont en effet les libertés publiques – et leur éventuelle limitation – qui sont en jeu. D'une part, on cherche à mettre en place des politiques antiterroristes efficaces et adaptées à la menace. D'autre part, on souligne la nécessaire préservation des libertés comme fondement des institutions démocratiques. Jusqu'où celles-ci peuvent-elles limiter la liberté au nom de l'intérêt national ? Le cas des États-Unis focalise aujourd'hui bon nombre de recherches : la "guerre contre la terreur" menée par l'administration Bush l'a conduite à transgresser non seulement certaines règles du droit international, mais également des points de la Constitution américaine ayant trait aux libertés publiques. Le terrorisme constitue dans cette perspective un phénomène topique pour étudier les dilemmes de la liberté démocratique aujourd'hui, au carrefour de la théorie politique, du droit et des relations internationales.
Thématiques
- La notion d'"état d'exception" : histoire et théories.
- Divergences et convergences entre l'Europe et les États-Unis dans l'approche du phénomène terroriste : quel est le rôle des cultures politiques ?
- Les institutions démocratiques et leur rapport à la raison d'État.
- Le rôle des citoyens dans les politiques publiques de lutte contre le terrorisme.
- Les enjeux soulevés par la remise en cause de la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.
- Faire la guerre pour la liberté démocratique ? Le renouveau des théories de la guerre juste.

Freedom facing the democratic challenge. Views from political theory.

For years now, the idea of freedom as conceived by neoliberals has made a comeback. At the same time, antiliberal interpretations of freedom have revived : among them, neorepublicanism or new social movements theories. Recent works on liberal socialism or « third way » try to reconcile the liberal tradition and a leftist vision of the world. This « section thématique » aims to present an overview of recent works in political theory : starting from the concept of freedom.

1. Liberalism or republicanism ? Two concepts of modern liberty.

Whereas liberalism lays stress on the limitation of the power of the State, republicanism insists both on freedom as nondomination and on the political empowerment of citizens. In this confrontation, two main issues are at stake. First, which of these theories is the most accurate in depicting both the intellectual history of the political modernity, and the political history itself. Second, concerning more practical questions : what is, for example, the good level of citizens political participation ?

2. Freedom or autonomy ? Contemporary political theories facing the democracy resettings.

On one hand, freedom is claimed by a lot of social agents in a context where republican principles are on the edge. On the other hand, the State is accountable for its economic and social results. Social democratic parties and theories try to solve this dilemma by combining moral and economical liberalism with social justice and the fight against inequalities. One could see the revival of traditional themes (regulatory functions of the State, solidarity mechanisms) and forgotten doctrines (‘solidarisme’, liberal socialism, neorepublicanism…) insisting less on a kind of civil society freedom than on its autonomy.

3. Freedom or security ? Democracies and exceptional circumstances : the case of terrorism.

Contemporary political theory contributes to the debate upon the implementation of antiterrorist policies in one peculiar aspect : through the ‘national security’ demand, civic liberties (and their potential limitation) are at stake. On one hand, governements try to implement efficient and threat-adapted antiterrorist policies. On the other, one underlines the necessary protection of liberties as a foundation of democratic governement. To what extend the later could limit freedom in the name of the national interest ?


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 7)


f Programme

Introduction générale : Jean Leca (IEP Paris) et Camille Froidevaux-Metterie (Paris-II)

Axe 1
Libéralisme ou néorépublicanisme ?

Modérateurs : Alexandre Escudier (FNSP/CEVIPOF) et Paul Zawadzki (Paris-1/CERSES)
Discutant : Philippe Raynaud (Paris-II/IUF)

Axe 2
Liberté ou autonomie ?

Modérateur : Laurent Bouvet (Université de Nice)
Discutant : John Crowley (Unesco) (sous réserve)

Axe 3
Liberté ou sécurité ?

Modérateur : Jean-Vincent Holeindre (EHESS)
Discutant : Bernard Manin (EHESS, NYU) (sous réserve)


f Résumés des contributions

Axe 1

Chevrier Marc (Université du Québec à Montréal)

Ce que la liberté du peuple veut dire. Regards de la tradition républicaine au Québec et de la théorie politique.

Sous la double influence du libéralisme et du républicanisme, la liberté est devenue une idée centrale du projet démocratique. Or les rapports entre la dimension individuelle et la dimension collective de la liberté demeure toutefois une problématique relativement peu approfondie de la théorie politique. Certains auteurs évoquent ce lien sans trop l’explorer, concentrant leur analyse sur la dimension individuelle de la liberté. Par la présente communication, il s’agira d’étudier ce lien, d’une part à la lumière d’une tradition politique méconnue, soit le républicanisme au Canada français, qui a marqué l’histoire politique québécoise depuis le colonisation anglaise bien que les études historiques au Québec aient eu tendance à confondre ce républicanisme persistant avec le libéralisme politique d’inspiration anglaise; et d’autre part, à la lumière de certains auteurs, tels que Montesquieu et Quentin Skinner, qui ont chacun à leur manière théorisé ce lien. Cette tradition historique et ces auteurs permettent d’éclairer certaines questions fondamentales, telle : « Qu’arrive-t-il à la liberté du peuple quand celui-ci tombe sous la dépendance d’un autre? » Nous verrons ainsi que le républicanisme suppose notamment, sous-jacente à sa conception de la liberté, une théorie des personnes.

Hamel Christopher (Nosophi, Paris 1 / ATER Rouen)

Liberté positive et pluralisme dans le républicanisme

P. Pettit accorde à la liberté comme non-domination (LND) le statut de bien instrumental, et même de bien premier, mais refuse par contre de s’engager dans la question de savoir si elle est un bien intrinsèque (Républicanisme). Son argumentation semble pourtant dépendre précisément de ce qu’il cherche à éviter : d’une part, la LND est censée être un bien instrumental parce qu’elle permet à chacun d’échapper à une condition qui apparaît davantage comme intrinsèquement dégradante que comme peu enviable de fait. D’autre part, elle est censée être un bien premier parce qu’elle permet à chacun d’être « admis au rang de personne », i.e., parce qu’elle protège la dignité de chacun. Ainsi, de même qu’on a pu remarquer que chez Rawls, la priorité politique de la justice dépend d’une conception morale de la personne, on pourrait remarquer que « l’idéal politique » qu’est la LND semble avoir besoin de la valeur morale intrinsèque de la non-domination. Si ce constat est juste, il pose à la théorie politique néo-républicaine un double problème : 1. déterminer si l’idée d’une valeur intrinsèque de la LND ne revient pas à adopter une conception positive de la liberté (Berlin) ; 2. même si ce n’est pas le cas, comment articuler le fondement moral d’une théorie politique avec l’exigence de pluralisme au cœur du projet de Pettit ? Nous répondrons à ces questions indirectement par l’histoire des idées, en recourant à certains arguments pertinents de républicains modernes.

Positive Liberty and Pluralism in Republicanism

P. Pettit gives to liberty as non-domination (LND) the status of an instrumental good, and even of a primary good; but he refuses by contrast to enter into the question of whether it is a intrinsic good or not (Republicanism). However, his line of argument seems to depend precisely on what he wants to avoid: on the one hand, LND is supposed to be an instrumental good because it allows everyone to escape a condition which appears more intrinsically debasing than de facto little enviable. On the other hand, LND is supposed to be a primary good because it allows everyone « to be properly treated as a person » – i.e., because it protects everyone’s dignity. Thus, just as it has been noticed that in Rawls, the political priority of the right over the good depends on a moral conception of the self, we might say that the « political ideal » of LND seems to need the idea of the intrinsic moral value of non-domination. If this is so, neo-republican political theory is confronted with a two-fold problem: 1. Does the idea of an intrinsic value of LND amount to an endorsement of a positive concept of liberty (Berlin)? 2. Even if this is not the case, how can we consistently articulate the moral ground of political theory with the demand of pluralism, which is at the heart of Pettit’s project? We will answer these questions indirectly with the history of ideas, resorting to some relevant texts of early-modern republicans.

Kacenelenbogen Edwige (EHESS)

Républicanisme et néolibéralisme : examen d’une proximité et de ses conséquences.

A partir d’une enquête sur la proximité des fondements épistémologiques du républicanisme moderne et de l’idée néolibérale, j'interroge la cohérence de la doctrine républicaine contemporaine en tant que projet d’organisation politique et social. Sans occulter les zones de profonde divergence entre ces deux compréhensions spécifiques du politique, j’éclaire l’existence d’une proximité entre la vision républicaine de Philip Pettit et le paradigme néolibéral élaboré par Friedrich Hayek. La raison individuelle et l’action civique sont au centre des préoccupations républicaines. Par là, la doctrine républicaine contemporaine se distingue de ses rivales idéologiques, en particulier de la vision néolibérale et anti « rationaliste constructiviste » du social. Or je montre que, éclairé sous un certain jour, le type de raison que la conception républicaine mobilise se rapproche singulièrement de celle qui fonde le paradigme néolibéral. Outre la prégnance, dans les deux doctrines, de l’empire du droit et de la menace de l’imperium étatique, j’identifie en leur sein une même révérence pour l’autorité d’une raison collective issue d’un nexus d’individus interconnectés. Je m’attache ainsi à prouver l’existence, dans les deux théories, d’un idéal essentiellement intersubjectif et fondé en majeure partie sur le rôle des opinions. Mon enquête vise à éclairer les raisons ainsi que les enjeux de cette étrange proximité entre des visions a priori très différentes du politique.

Libertarianism and republicanism: an inquiry into the reasons of an unsuspected similarity

Because of modern sensibilities which tend to reject ‘foundationalism’ on the account of social complexity and the potential dogmatism of any positive political theory, contemporary political theorists tend to ground their views in purely deliberative or procedural models of truth-finding. Some of them thereby attempt to recover the republican tradition while (tacitly) retaining a liberal reservation for any positive doctrine of the good society under modern conditions. I examine Philip Pettit’s Republicanism as an example of such political theories. In his work, Pettit endeavours to reinvigorate the ancient democratic and republican principles while relying on an extended mechanism of mutual interaction among citizens when conceptualizing the emergence of the political order. Deeming his account ‘spontaneistic’, I highlight the affinities between Pettit’s view and a paradigmatically ‘naturalistic’ view of the political order: Friedrich Hayek’s theory of the spontaneous order. According to Hayek, society and its institutions are neither ‘natural’ formations nor the outcome of human design but rather originate in the spontaneous, unintended and unforeseen coordination of a multiplicity of individual actions. By shedding light on the unsuspected similarities between Hayek’s theory and Pettit’s account, I question the political relevance of contemporary Republicanism’s deliberate agnosticism regarding positive political prescriptions.

Leboyer Olivia (Sciences Po/Clermont-1)

Le souci de l’élite chez les libéraux. François Guizot, Friedrich A. Hayek et John Rawls : trois regards sur la démocratie

Le phénomène de l’élite politique est une réalité et, dans le même temps, il ne cesse de susciter des jugements de valeurs. Comme s’il constituait une sorte de pierre d’achoppement de la modernité. Analyser la place de l’autorité et des hiérarchies permet d’interroger les limites du libéralisme et du système représentatif. De fait, les libéraux ne manifestent pas tous le même attachement à la démocratie, ni aux principes du libéralisme. Il y a visiblement une difficulté à penser l’élite, ou la dimension élitiste du pouvoir. Est-ce une difficulté propre à la pensée libérale ? J’étudie la conception de l’élite de trois libéraux, représentant chacun un certain type de libéralisme : Guizot un libéralisme fermement antidémocratique ; Hayek un libéralisme qui opère une distinction soigneuse entre libéralisme et démocratie, pour poser la primauté des principes libéraux ; Rawls un libéralisme qui considère que libéralisme et démocratie se conditionnent mutuellement, leurs principes se fondant harmonieusement dans la démocratie libérale. Il s’agit de mettre en lumière trois conceptions singulières des principes de liberté et d’égalité, trois modes de compréhension de la démocratie. Si le libéralisme, dans tous ses courants, témoigne d’un souci de l’élite, peut-on parler d’un élitisme libéral ? Quels principes cette appellation recouvrirait-elle ? Ces questions doivent nous aider à éclairer l’énigme de la démocratie libérale.

Liberal thinking about the political elite. François Guizot, Friedrich A. Hayek and John Rawls : three visions of democracy

The political elite phenomenon is a reality which nonetheless provokes controversy, appearing as a stumbling-block in modern times for many societies. While analysing the role of authority and hierarchy, we may wonder where the limits of liberalism and representative democracy lie. Indeed, liberal thinkers show complex relationships towards democracy, placing unequal value on various liberal principles The challenge in building a vision of the political elite is compelling. Is this difficulty amplified by the liberal school of thought? I will examine three liberal thinkers: François Guizot, who strongly opposed democracy; Friedrich A. Hayek, who placed liberal values before democratic values; and finally John Rawls, who considered that democracy and liberalism were pre-conditions for each other, their principles being harmoniously bound in the liberal democracy. Through such comparison, I intend to shed light on three concepts of liberalism and on three ways to understand democracy. Liberalism, in its diversity, is concerned about the elite who would be the most desirable one. Does it make sense to speak of liberal elitism? Which values is this expression to convey? These questions should help us bring to light the mystery of liberal democracy.

Pélabay Janie (CTP-ULB)

Les républicanismes de Jürgen Habermas et Charles Taylor ou la tentation perfectionniste

Jürgen Habermas et Charles Taylor défendent des versions divergentes de républicanisme qui procèdent cependant d’une ambition commune : concilier l’exigence de justice et le sens de la communauté. Ainsi leurs plaidoyers républicains oscillent-ils entre, d’un côté, le « libéralisme des droits » et, de l’autre, la pensée communautarienne. Véritable ligne de fracture entre ces deux positions, la question du perfectionnisme – renvoyant à la promotion publique de conceptions particulières du bien – permet de situer les républicanismes de Taylor et Habermas au sein de cet espace argumentatif et normatif, et de mesurer leur proximité respective vis-à-vis de l’un ou l’autre pôle. Chez Taylor, le perfectionnisme se décline dans un registre « expressiviste » qui manifeste de fortes affinités avec la politique communautarienne du bien commun, mais également sur un mode résolument pluraliste visant à en désamorcer les dérives unanimistes. Avec Habermas, le curseur se déplace vers le pôle libéral. Sa « politique délibérative » entend maintenir un cap déontologique, universaliste et procédural, intention qui se cristallise dans le découplage entre intégration éthique et intégration politique. Cependant, le dispositif du patriotisme constitutionnel n’est pas dépourvu de tout risque de « perfectionnisme par la négative ». Ce sont là deux formes – très différentes – de tentations perfectionnistes dont on peut saisir certaines répercussions dans les écrits politiques des deux philosophes.

Habermas’s and Taylor’s republicanisms and the perfectionist temptation

However divergent, the versions of republicanism defended by Jürgen Habermas and Charles Taylor similarly aim at reconciling the demands of justice and a sense of community. Therefore, they oscillate between “rights-based liberalism” on the one hand and communitarianism on the other. As a crucial line of division between these stances, the issue of perfectionism – related to the public promotion of particular conceptions of the good – helps to situate Taylor’s and Habermas’s republicanisms within such an argumentative and normative spectrum. In Taylor’s account, perfectionism comes in an “expressivist” form. Thus, it reveals strong similarities with the communitarian “politics of common good”. Yet, against the communitarian tendency towards unaninism, it is also firmly pluralist in orientation. For the case of Habermas, the cursor moves to the liberal end of the spectrum. His “deliberative politics” intends to keep a deontological, universalist and procedural course – hence the emphasis on the need to “uncouple” ethical and political integration. Yet, constitutional patriotism is not devoid of any “perfectionism ex-negativo”. These are two – very different – perfectionist temptations, the implications of which can be identified in the political writings of the two philosophers.

Axe 2

Goutagny Sarah (EHESS Paris)

De l’inégalité scolaire ou la démocratie au miroir de l’éducation

Il s’agit ici d’examiner l’hypothèse selon laquelle nous faisons du pouvoir un présupposé anthropologique. L’enfant nous apparaît bien toujours déjà comme cet individu qui a l’illusion d’exercer une certaine omnipotence sur l’ordre des choses ; et l’éducation, à notre époque au moins, est le processus censé faire de ce pouvoir une action consciente, volontaire, et raisonnable. C’est du point de vue de l’entreprise sociologique qu’il faut envisager d’interroger ce présupposé. Des années soixante à aujourd’hui, ce sont tout à la fois l’institution scolaire elle-même et la conjoncture épistémologique qui entoure l’approche de l’échec scolaire qui se transforment, entraînant un bouleversement en profondeur de ce qu’apprendre veut dire. Mais il s’agit moins, en réalité, d’une rupture tardive et décisive que du déploiement de l’imaginaire de l’individualisme qui façonne notre rapport à la langue. C’est que nous méconnaissons combien la figure de l’individu moderne, cet être susceptible de pouvoir, n’est pas indépendante du tournant anthropologique opéré par la raison graphique. Si le pouvoir est peut-être bien cette chose qui ne saurait aller de soi pour l’homme, en dépit de ce que la science psychologique ne cesse de nous intimer, voilà qui déplace la perspective du point de vue de notre liberté de Modernes. Celle-ci convoque une compréhension renouvelée de notre rapport au politique, dont les formes, pour être variées, désignent la rançon du pouvoir : la dépendance personnelle.

School inequalities or democracy in reflexion of education

We would like to examine the further hypothesis: we consider power as an anthropological evidence, that is to say we attempt to think human being as to be governed by the sense of power. Children generally appear to us as these individuals who at birth live in the illusion to hold omnipotence over their whole universe; and education is the process throughout which this power becomes a conscious, deliberate and reasonable action. We question this hypothesis through the angle of sociology. Since the sixties, both school as an institution and understanding learning failure have changed so far as to disrupt the meaning of what learning implies. However, there are less the signs of a late and deciding break than the unfurling of individualism which moulds our ways of speaking. Actually, we underrate how the modern human being, this individual liable to power, is not independent of the watershed of literacy; it is, in other words, distinctly linked to the features of writing. If power may be what can not be obvious for human being, in spite of what psychological science discourses notify us, that is shifting the emphasis of our modern ideas about freedom. This leads to a whole new light on our political behaviours, which forms, varied though they are, point out the price of power: private subordination.

Hayat Samuel (Paris 8-LabToP)

La représentation comme outil d’empowerment

Les théories délibératives de la démocratie confèrent un rôle actif à l’expression publique des jugements, notamment dans la formation des préférences des acteurs. Dès lors, l’opposition classique entre participation et représentation apparaît obsolète : la représentation n’a plus pour seule fonction la délégation de la souveraineté, mais devient aussi un moyen pour le peuple de participer effectivement aux processus de décision en portant des jugements sur ceux qui délibèrent en son nom. Mais la limitation de la question de la représentation à celle du lien entre le peuple et le gouvernement, partagée par la plupart des théoriciens de la représentation politique, laisse de côté la question cruciale de la formation du sujet politique. Or c’est là que les effets d’empowerment de la représentation se révèlent : d’une part les groupes minoritaires peuvent mettre en question la répartition et les formes de la parole publique en revendiquant une représentation spécifique ; d’autre part les acteurs porteurs de projets de transformation sociale peuvent se construire comme sujets politiques à travers l’invention de modes autonomes de représentation. Ces deux usages de la représentation politique permettent de définir une sphère publique en rupture avec celle que le gouvernement représentatif construit, ouvrant par là la possibilité d’une reformulation radicale du projet démocratique.

Representation as empowerment

Deliberative theories of democracy give an active role to the public expression of judgments, notably in the formation of the preferences of agents. The classic opposition between participation and representation is thereby rendered obsolete: the function of representation is not only the delegation of sovereignty, but also the participation of the people in the decision process by passing judgments on those that deliberate in their name. But limiting the notion of representation to the link between the people and the government, as done by most political representation theorists, leaves behind the crucial question of the formation of the political subject. Nevertheless it is here that the empowering effects of representation reveal themselves: on the one hand minority groups can question the distribution and forms of public speech by claiming a specific representation; on the other hand agents that endorse projects of social transformation can establish themselves as political subjects by inventing autonomous means of representation. These two uses of political representation allow us to define a public sphere different from the one built by representative government, opening up the possibility for a radical reassessment of the democratic project.

Rioufreyt Thibaut (IEP-Lyon)

La réappropriation de la notion de liberté par la gauche : du socialisme libéral à la troisième voie social-libérale

On assiste depuis quelques années à la redécouverte d’un ensemble d’auteurs et de productions théoriques que l’on regroupe sous le vocable « socialisme libéral ». Loin de se réduire à la redécouverte d’une tradition de pensée dans le champ académique, ce phénomène doit être mis en relation avec l’émergence d’un projet politique que nous appelons social-libéralisme. Incarné notamment par le néo-travaillisme britannique depuis 1994, le social-libéralisme, bien plus qu’une simple entreprise de modernisation idéologique et partisane du socialisme, constitue une rupture vis-à-vis de ce-dernier. Dans cette entreprise de refondation de la gauche, les socio-libéraux ont ainsi cherché à trouver dans l’histoire des idées des ressources théoriques leur permettant de légitimer leurs positions. Cette communication se propose donc d’étudier certaines continuités et discontinuités entre socialisme libéral et social-libéralisme au regard de leur conception de la liberté. Sans aller jusqu’à nier toute continuité entre ces deux courants, il s’agit de déconstruire la filiation entre ces courants pour ne pas céder à la tentation des « continuités irréfléchies ». Loin de se limiter à une question relevant de l’histoire des idées, ces débats s’inscrivent plus largement dans la réappropriation de la pensée libérale au sein de la gauche.

The reappropriation of the notion of freedom by the Left: from liberal socialism to the third social-liberal way

For the past few years, one witnesses the rediscovery of a series of authors and theoretical productions commonly encapsulated under the denomination of “liberal socialism”. Nonetheless, this rediscovery of a tradition of thought is by no means limited to the academic field. Indeed, this phenomenon must be related to the emergence of a political project referred to as social-liberalism. Namely embodied by the British New Labour since 1994, social-liberalism is much more than an ideological enterprise of modernisation supporting socialism and constitutes a break from the latter. Through this reshaping of the Left, social-liberals have sought to find in the history of ideas the theoretical resources which enabled them to legitimize their positions. This paper aims at studying certain continuities and discontinuities between liberal socialism and social liberalism in the light of their conception of freedom. Without denying any form of continuity between these two currents, I will seek to deconstruct the filiation between them in order to avoid yielding to the temptation of “thoughtless continuities”. Far from being restricted to the history of ideas, these debates are more largely inscribed in the reappropriation of liberal thought within the Left.

Smadja David (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)

Le schéma libéral à l’épreuve des nouveaux pouvoirs biomédicaux

Cette contribution vise à rendre compte des apports et des limites du schéma libéral propre aux démocraties pluralistes, dès lors qu’il s’agit de décrire et de penser les nouveaux pouvoirs qui découlent des progrès de la biomédecine (fécondation in vitro, diagnostic préimplantatoire, recherche sur les cellules souches embryonnaires, clonage reproductif). A première vue, la pente naturelle du libéralisme individualiste conduit à aborder l’innovation scientifique comme une simple extension du pouvoir technique des hommes et comme une amélioration normale et attendue de leur liberté de fait, liberté qui n’est pas fondamentalement modifiée par le fait qu’elle s’applique aux processus naturels. En même temps, l’approche libérale prétend adopter une position d’indifférence vis-à-vis de tous les styles de vie. En conséquence de quoi, d’une part, le schéma libéral conduit à proscrire toute limitation de la liberté de disposer des embryons conçus in vitro, considérée comme non libérale, voire antilibérale, mais, d’autre part, il ne contient aucune bonne raison de s’opposer à la croyance selon laquelle l’embryon doit être protégé contre les éventuelles décisions de la femme ou du couple qui sont susceptibles d’aboutir à sa réification. Dès lors, la question se pose de savoir comment ces nouvelles libertés, encore très faiblement décrites par la théorie politique, trouvent leur place au sein de la scansion du libéralisme et du républicanisme.

Liberal approach facing new biomedical issues

This contribution intends to discuss the consistency and the limits of the liberal approach and whether it manages to challenge new biomedical issues such as in vitro fertilization, pre-implantation diagnosis, stem cell research, and therapeutic cloning. At first glance, liberalism may lead to interpret scientific innovations as a normal extension of technical capacity and, for this reason, it may be apprehended as a normal enhancement of the freedom of choice, without observing substantial change in this approach due to the fact that it applies to a natural process. At the same time, the liberal view allegedly endorses a neutral approach and thus eliminates all comprehensive views. This is the reason why, on one hand, liberal framework implies rejecting every restraint, treated as a non-liberal way of thinking, on the use of in vitro embryos, and, on the other hand, it holds no objections to the belief according to which the embryon must be protected from women’s decisions susceptible to lead to it’s instrumentalisation. Therefore, the issue we have to deal with consists in understanding the thought process of these new liberties in political theory and furthermore how can we design the latter using liberalism and republicanism as an available framework.

Vitiello Audric (I.E.P. de Paris)

Repenser le changement social : l’autonomie, entre moyen et fin du politique

A partir des années 1960, la démocratie est l’objet d’une réévaluation théorique qui l’amène à désigner non seulement un régime politique, mais aussi une forme ou un projet de société. Face à la libéralisation culturelle et à la crise des idéologies révolutionnaires, le thème démocratique prend un relief particulier : par une réflexion renouvelée sur les liens entre égalité et liberté, et par la revalorisation, contre le primat de l’économie, des dimensions symboliques et politiques de l’existence, la démocratie, entendue comme organisation de l’autonomie humaine, peut devenir un idéal directeur et régulateur du changement social. Mais sa réévaluation modifie sensiblement son sens. D’abord, le conflit devient une dimension essentielle de l’existence démocratique, qui apparaît moins comme un régime que comme une dynamique animée de valeurs substantielles mais dont la réalisation est toujours en devenir. En outre, la démocratie n’a plus ni forme ni limite prédéfinies : elle se construit au cours des luttes sociopolitiques à travers lesquelles se joue l’interprétation et la réalisation des principes démocratiques. Enfin, la démocratie est appelée à s’introduire au sein même de ces luttes, si bien que le changement social démocratique, loin d’être surdéterminé par une logique inhérente, est lui-même le produit d’une praxis démocratique : vers, par et pour la démocratie.

Rethinking social change : autonomy as a political mean and as a political project

Since the 60’, democracy has been theoretically revaluated and has come to refers not only to a political regime, but also to a social form and to a socio-political project. Facing the cultural liberalisation and the crisis of revolutionary ideologies, the democratic theme has been reinterpreted: through a rethinking of the links between equality and liberty, and the insistence over the symbolic and political dimensions of human existence, democracy, defined as the organisation of human autonomy, can become a new directing and regulating ideal for social change. But this reevaluation induces a redefinition. First, the conflict now appears as an essential aspect of democratic existence, which is not anymore a regime, but a dynamic trend based upon substantial values which interpretation stays in debate. Second, democracy has no predefined limit or form: it is produced by socio-political struggles about the interpretation of democratic principles. Third, and last, democracy is called to regulate the constitution not only of society, but also of the democrat political actor, who is not anymore identified by any inner logic, but constituted by the aggregation of different political actors acting towards, by and for democracy.

Axe 3

Durin Guillaume (Lyon-III/CLESID)

Le renouveau du discours intellectuel de guerre juste aux Etats-Unis

L’analyse s’appuie sur une perspective croisée issue, tour à tour, de la sociologie interactionniste des philosophies et des approches argumentatives qu’ont pu développer aux Etats-Unis le sociologue Randall Collins, aux Pays-Bas le politologue Maarten Hajer et en France le philosophe Frédéric Cossutta. Interrogeant une pensée politique entendant faire face aux dilemmes de ce que ses promoteurs considèrent comme étant « la réalité morale de la guerre », le but de ce travail de recherche est de mettre en lumière le mouvement de réactualisation du discours intellectuel de guerre juste initié aux Etats-Unis entre 1971 et 2007 à travers les efforts de quatre théoriciens principaux : Jean Elshtain, James T. Johnson, Michael Walzer and George Weigel.

This communication aims to develop a crossover based on the interactionist sociology of philosophies and argumentative approaches set up respectively in the United States by sociologist Randall Collins, in the Netherlands by political scientist Maarten Hajer and in France by philosopher Frederic Cossutta. By interrogating a political thought aiming to face the dilemmas referred to as « the moral reality of war » by its advocates, the goal of the analysis is to enlighten the renewal of the American intellectual just war discourse from 1971 to 2007 through the efforts of four main political thinkers : Jean Elshtain, James T. Johnson, Michael Walzer and George Weigel.

Meszaros Thomas (IUHEID-Genève, CLESID-Lyon3)

La construction de l’objet « terrorisme » : redéfinition des identités et des intérêts des États démocratiques

Le terrorisme, comme relation sociale, ne possède pas une définition univoque. La construction de l’objet terrorisme peut servir l’intérêt de certains groupes et justifier l’exercice de leur propre violence. La menace terroriste peut apparaître comme un moyen pour les autorités politiques d’augmenter le contrôle social par le déploiement de politiques sécuritaires. Qu’en est-il alors de la gouvernabilité ? Le terrorisme permet de souligner le paradoxe des démocraties contemporaines où l’on observe un réengagement de l’État à différents niveaux de la vie sociale alors même que les États démocratiques misent sur la responsabilisation des citoyens. Le développement de discours sur le risque et de politiques de prévention manifestent ce redéploiement du rôle de l’État par la maximisation de la surveillance. La production d’une culture de la peur peut engendrer une transformation des bases démocratiques et une érosion progressive des libertés fondamentales au nom de la protection de la démocratie elle-même. Il sera ainsi question d’aborder l’objet « terrorisme » dans une perspective constructiviste (identités, intérêts) au travers de deux conceptions, l’une américaine, l’autre européenne, et de souligner la rupture hétérogène (valeurs, normes) qu’elles impliquent et les conséquences de ces constructions sur la définition de leurs politiques étrangères. Il sera aussi question de souligner l’impact de ces constructions sur les institutions démocratiques et les libertés publiques.

The construction of the object "terrorism": redefining the identities and the interests of the democratic States

Terrorism, as a social relation, does not have a univocal definition. The construction of the terrorism object can serve the interest of certain groups and justify the exercise of their own violence. The terrorist threat can appear as a means for the political authorities to increase the social control by the deployment of security policies. What’s about governability? Terrorism underlines a paradox of contemporary democracies: we can observe the return of the involvement of the State at various levels of the social life even when the democratic States bet on the empowerment of the citizens. Developments of discourses on the risk and prevention policies show this redeployment of the role of the State by the maximization of the surveillance. The production of a culture of the fear can engender a transformation of the democratic bases and a progressive erosion of the fundamental liberties in the name of the protection of the democracy itself. This presentation will be the occasion to question the object "terrorism" on a constructivist perspective (identities, interests) through two conceptions, the one American, the other European, and to underline the heterogeneous break (values, norms) they imply and the consequences of these constructions on the definition of their foreign policies. It will also be the occasion to underline the impact of these constructions on democratic institutions and public liberties.

Simard Augustin (Université de Montréal)

La « raison d’État constitutionnelle » - la lutte contre l’extrémisme chez les juristes allemands émigrés (1930-1950)

Cette présentation portera sur les controverses soulevées, dans les années 1930-1950, par l’échec de la république de Weimar et par les prétentions à en tirer des « leçons ». On sait que la référence à Weimar a servi de repoussoir à la formulation d’un idéal « anti-extrémiste » de la démocratie, largement dominant en RFA. Je souhaiterais interroger le rôle que joue la référence à Weimar dans la construction de cet idéal anti-extrémiste – et notamment la place faite à la violence dans le récit de la Machtergreifung (assimilée, le plus souvent, à une révolution « légale »). En examinant les positions de quelques juristes allemands émigrés (Karl Loewenstein, Carl J. Friedrich, Otto Kirchheimer dans une moindre mesure) et en soulignant leur ambivalence, je voudrais montrer les lignes de faille qui ont, dès l’origine, traversé l’idéal anti-extrémiste. Même s’il s’est souvent réclamé de ces juristes (et surtout de Loewenstein, devenu le « père fondateur » de la streitbare Demokratie), l’anti-extrémisme repose sur une dépréciation systématique des ressources de la pensée libérale « classique ». La question qui se pose est donc celle de savoir si, en dépit de sa prétention à incarner une forme plus avancée de la démocratie constitutionnelle (rejet du « légalisme autodestructeur », nécessité d’un action préventive), l’anti-extrémisme n’a pas marqué un retour vers certaines de ses formes les plus primitives.

« Constitutional Reason of State ». The Weimar émigrés and the Struggle Against Extremism (1930-1950)

This paper aims to shed light on the 1930-1950 debates surrounding the breakdown of the Weimar Republic and the attempts to draw political lessons from it. As it is well known, the failure of the Weimar Republic has become a central yet negative reference for an overtly “anti-extremist” concept of democracy (Streitbare Demokratie), which held a hegemonic position during the first decades of postwar Germany. I would like to explain the way in which this negative reference was used within the anti-extremist discourse–and especially the Machtergreifung narrative’s role (often reduced to an instance of “legal revolution”). It seems that by paying attention to some prominent émigré jurists contributions’ (Karl Loewenstein, Carl J. Friedrich, and to a lesser extent Otto Kirchheimer) and by stressing their ambivalence, one can detect the important cleavages that undermined this “militant” comprehension of democracy from the very start. While paying tribute to those émigrés (especially to Loewenstein, who became the “founding father” of streitbare Demokratie), the anti-extremist principle conveys a harsh rejection of the “classical” foundation of liberal constitutionalism (stamped as “agnostic”, wertneutrale, or “self-destroying”) strictly at odds with the German émigrés’ concerns.


f Participants

Chevrier Marc chevrier.marc@uqam.ca
Crowley John j.crowley@unesco.org
Durin Guillaume guillaume_durin@hotmail.com
Froidevaux-Metterie Camille cfroidevaux.metterie@free.fr
Goutagny Sarah sarah.goutagny@wanadoo.fr
Hamel Chistopher hamel_christopher@yahoo.fr
Hayat Samuel samuel.hayat@club-internet.fr
Holeindre Jean-Vincent holeindr@ehess.fr
Kacenelenbogen Edwige e_kacenelenbogen@hotmail.com
Leboyer Olivia olivia.leboyer@wanadoo.fr
Meszaros Thomas thomas.meszaros@noos.fr
Pélabay Janie jpelabay@ulb.ac.be
Raynaud Philippe raynaudph@wanadoo.fr
Rioufreyt Thibaut Thibaut.Rioufreyt@univ-lyon2.fr
Simard Augustin augustin.simard@umontreal.ca
Smadja David david.smadja@sciences-po.org
Vitiello Audric audric.vitiello@orange.fr