Section Thématique 4

Métier : pacificateur. Professionnels internationaux de la paix et sorties de conflits depuis l’entre-deux-guerres
Profession: Peace Engineers. The International Peace Engineering since the End of World War I.

Responsables

David Ambrosetti (ISP, CNRS/Université de Paris Ouest) dambrosetti@u-paris10.fr
Sandrine Lefranc (ISP, CNRS/Université de Paris Ouest) sandrinelefranc@mac.com
Guillaume Mouralis (ISP, CNRS/Université de Paris Ouest) g.mouralis@free.fr
pour le groupe Irène.
Le groupe est constitué de : Einas AHMED, docteur en science politique, Mission des Nations Unies au Soudan, David AMBROSETTI, politiste, chercheur au CNRS, Vincent Bertout, docteur en science politique, chargé de mission au ministère des Affaires étrangères et européenne, Mélanie CATHELIN, docteur en science politique, chargée de recherche et de développement pour la société ATOS Juris, Marielle DEBOS, maître de conférence en science politique à l’Université Paris Ouest Nanterre, Nathalie DUCLOS, maître de conférence en science politique à l’Université de Tours, Sandrine KOTT, professeure d’histoire de l’Europe contemporaine à l’université de Genève, Sandrine LEFRANC, politiste, chercheuse au CNRS, Cédric Mayrargue, docteur en science politique, chargé de programmes pour l'enseignement supérieur au Centre international d'études pédagogiques (CIEP), Guillaume Mouralis, historien et politiste, chercheur au CNRS, Marie-Emmanuelle POMMEROLLE, maître de conférences en science politique à l’Université Paris I, Sandrine REVET, anthropologue, chargée de recherche au CERI, Angela Santamaria Chavarro, maître de conférence en sociologie à l’Université du Rosario (Colombie),  Julien SEROUSSI, docteur en sociologie, CPI, Frédéric Vairel, professeur adjoint de science politique à l’Université d’Ottawa, Karine Vanthuyne, d’anthropologie à l’Université d’Ottawa. Et les doctorants des Universités de Paris I, Paris-Ouest Nanterre, Bruxelles (ULB), Genève, ainsi que de l’ENS Cachan et de l’IUE de Florence : Cecilia BAEZA, Florence Brisset-Foucault, Pierre-Yves CONDÉ, Meryll DAVID-ISMAYIL, Sara DEZALAY, Delphine LECOMBE, Juliana Lima Pinheira Moreira, Cécile Jouhanneau, Sidi N’Diaye, Véronique PLATA, Sandrine VinckeL et Nina WILEN.

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

La section thématique que nous proposons pose la question des sorties de conflits du point de vue des professionnels internationaux qui ont fait de la pacification un champ de connaissances, d’expertise et d’intervention, que ces derniers soient militaires, diplomates, juristes ou encore psychologues. Elle entend ainsi se démarquer d’une partie des études consacrées aux sorties de guerre, politiques du passé et autres dispositifs de « justice transitionnelle », intéressés bien souvent par la prise de décision politique et par les effets politiques et sociaux de ces politiques (du point de vue de leurs destinataires revendiqués), le tout envisagé fréquemment dans un cadre plutôt national (« importateur »). Dans cette section thématique, nous privilégierons un autre questionnement en nous demandant ce que font les sorties de conflits aux professionnels de plus en plus internationalisés qui en ont fait progressivement leur « métier » depuis l'entre-deux-guerres.
Les professionnels de la paix dont il est ici question sont les promoteurs de véritables ingénieries internationales de la paix, c’est-à-dire de savoirs et de techniques formalisés, conçus comme des modèles partiellement standardisés visant la pacification des sociétés nationales « déchirées » par un conflit politique violent. En partie élaborés dans les universités, ces savoirs et techniques empruntent des formes diverses : normes juridiques, techniques de négociation diplomatiques, modèles d’architectures politiques, juridiques et militaires transposés d’un accord de paix à l’autre, commissions de vérité et de réconciliation et plus largement dispositifs de « justice transitionnelle », processus de réconciliation à une échelle locale, programmes visant à forger et diffuser une « culture de paix », techniques de « prévention » des conflits, etc.
Internationaux, ces « ingénieurs » de la paix le sont en vertu des positions qu’ils occupent, de façon ponctuelle ou permanente, dans des organisations internationales de nature tant intergouvernementale que non gouvernementale, de droit public comme de droit privé. L’expansion massive de ces organisations internationales depuis la Deuxième Guerre mondiale a en effet favorisé la professionnalisation d’un nombre croissant d’agents spécialisés et soutenu le développement d’une ingénierie sociale de la paix.
Ces développements ont fait l’objet d’une somme considérable d’études et de débats parmi les spécialistes des relations internationales, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. Pourtant, ces travaux, dans leur grande majorité, restent silencieux sur les producteurs et diffuseurs de cette ingénierie internationale de la paix. Qui sont-ils ? Quels parcours les ont conduits à élaborer et s’approprier ces savoirs pratiques de la pacification ? Une fois ces savoirs élaborés et investis, qu’en font-ils ? En suivant quelles trajectoires professionnelles, quelles carrières ? Selon quelles logiques et en fonction de quels enjeux ?
Ici réside l’originalité de la section thématique proposée : considérer, depuis une approche sociologique « banalisée » recourant à des méthodes de quantification des trajectoires en même temps que d’observation des pratiques, ces agents de l’international spécialisés dans la pacification comme un groupe social spécifique. Ce groupe, spécifique mais pas forcément homogène, pourrait connaître une institutionnalisation dans un réseau global d’organisations internationales entretenant de multiples liens entre elles dans la réalisation de ces tâches de pacification, ainsi qu’une autonomisation relative par rapport aux secteurs sociaux nationaux. Cette hypothèse soulève, ce faisant, la question cruciale de l’historicité de cette ingénierie de la paix, et ce contre les analyses du « transnational » qui abordent leurs objets comme des isolats, négligeant les terreaux sociaux qui les ont engendrés et les dynamiques qui ont conduit à l’internationalisation.

This panel is devoted to observe the development of an international “peace engineering” since the aftermath of World War I. It consists in a set of academic science, pragmatic knowledge and recommendations aimed to restore peace into societies torn by armed conflicts and political violence. Such practical knowledge inspires scientific and technical developments by actors located either at the heart or the edge of the academic field, especially in the legal, military, diplomatic and religious "sciences". This knowledge is action-oriented and aims to implement standard techniques of pacification, in various forms: legal or diplomatic negotiation techniques, truth and reconciliation commissions, local programs to build and disseminate a “culture of peace", techniques of prevention of conflicts, rules of engagement in peace operations, etc.
Rather than questioning the content of this knowledge and its efficiency, this panel focuses upon their producers. It intends to reconstruct their careers within the different international organizations in which they are appointed. Without neglecting former practices in that realm (formalization of international law, religious missions, etc.), we observe the institutionalization of an engineering of peace through interstate interactions, scientific exchanges, and the establishment of international bureaucracies. This brings to question the specific logics at work in the constitution of genuine international careers of “professionals of peace” and in the process of international diffusion of knowledge and technology related to the pacification of societies.
This panel will thus gather sociological insights on current international relations, and especially on international organizations and the professional agents that make them exist. It is aimed to encourage quantitative “prosopographical” analysis of these careers in the field of international peacemaking, and then historical studies of the main places of their academic and professional training, and lastly observations of some of these professionals’ significant practices.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 31 août 2011 13h45-16h30
Session 2 : 1er septembre 2011 8h45-11h30

Voir planning général...

Lieu : Institut Le Bel (salle 238 H)


Programme

Session 1

Session 2


Résumés des contributions

Session 1

Grégory Daho (Université Paris 1)

Les officiers spécialistes de coopération civilo-militaire (CIMIC) en France. Retour sur quelques dynamiques intersectorielles à l’œuvre dans l’autonomisation d’un groupe professionnel de 'gestion de crise internationale'

Cette communication vise à expliciter quelques-uns des processus à l’œuvre dans l’institutionnalisation au sein des armées françaises, du milieu des années 1990 à nos jours, d’un groupe d’officiers supérieurs, spécialisé dans la coopération civilo-militaire et chargé d’optimiser les relations d’une force armée projetée sur un « théâtre d’opération » avec l’ensemble des acteurs civils. Il s’agit en particulier de rendre compte de l’importance des dynamiques intersectorielles à l’œuvre dans la sociogenèse du groupe CIMIC, en se plaçant au niveau des interactions, entre ce groupe militaire et d’autres, issus de secteurs impliqués à différents niveaux, dans la « gestion des crises internationales » (diplomatique, humanitaire, industriel).
En nous détachant de certaines tendances homogénéisantes des études de groupe et après avoir souligné les logiques de circulation des « ingénieries pacificatrices » à travers les cas concrets de l’insertion et de la reconversion de certains officiers auprès d’Organisations Internationales, nous verrons en quoi, la recherche de passerelles institutionnelles avec les autres secteurs impliqués, participe, aujourd’hui encore, de la légitimation et de la reproduction de deux visions CIMIC concurrentes.

Specialist Officers of Civil-Military Co-operation (CIMIC) in France. Pointing out some Cross-sectoral Dynamics participating to the Empowerment of a Professional “International Crisis Management” Group

This contribution aims at examining some social processes linked to the institutionalization of a group of senior specialist officers of Civil-Military Co-operation within the French Armies, from the middle of the nineties to nowadays, and responsible for the optimization of the relations between the military Force and its civilian environments in various “theatres of operations”. The purpose is to assess some cross-sectoral dynamics participating to the CIMIC group sociogenesis, from the observation of the interactions between this military group and others, coming from sectors involved in “International Crisis Management” (diplomatic, humanitarian, industrial).
In order to avoid some homogenizing trends of Group Studies and after reminding the circulation of “peace engineering” through the concrete cases of the reconversion and the insertion of some of these officers into International Organizations, this contribution will finally demonstrate how, the search of institutional linkages with other sectors involved, still contribute to the legitimization and the social reproduction of two competing visions of CIMIC.

Sara Dezalay (Département de droit de l’Institut d’Études Européennes, Florence ; Institut d’Études Politiques de Lille)

Construire le « Bottom-Up State »  - de « micro » trajectoires à l’analyse de marchés professionnels concurrents d’exportation de la paix sociale : Étude du cas de l’International Center for Transitional Justice

Inscrite dans des travaux de thèse, cette communication s’appuie sur des enquêtes empiriques auprès d’organisations non gouvernementales (ONG) basées au Nord proposant des « services » de fabrication d’un bottom-up State par de la médiation, des techniques d’Alternative Dispute Resolution ou des tool-kits de « transition ». Elle porte la focale sur la genèse de l’International Center for Transitional Justice, ONG basée aux États-Unis créée en 2001, comme point d’entrée pour retracer l’archéologie de techniques de « justice transitionnelle » et leurs modes de validations post-Guerre froide, en tant que modalité non seulement de contournement de l’État au Sud mais également de (re)fabrication du politique. L’histoire de cette organisation, spécialisée dans la fourniture de « services » de sortie de régimes autoritaires ou de violences armées, est étroitement liée au champ du pouvoir américain, et particulièrement à des investissements philanthropiques menés principalement par la Fondation Ford dans le contexte de la guerre froide « culturelle », ayant visé, dans le cadre de laboratoires « Sud-Sud » (dictatures Latino-Américaines et Afrique du Sud de l’apartheid) à former les élites de la relève dans le cadre d’une « société civile » d’opposition. Le développement de cette organisation permet en retour d’explorer un processus de juridification, i.e. de validation et d’objectivation sur le terrain du droit, de ces techniques de contournement de l’État au Sud.

Transitioning Justice. Bottom up development from the top: From Southern laboratories of transition to the International Center for Transitional Justice

Based on empirical work carried out in the framework of a PhD with non-governmental organizations (NGOs) based in the North providing “services” of fabrication of a bottom-up State through mediation, Alternative Dispute Resolution, or “transitional” tool-kits, this communication builds and expands on the genesis of an NGO, the International Center for Transitional Justice set up in New York in 2001, whose self-proclaimed specialty is that of “transitional justice” and which provides an expertise on “transition” from authoritarian rule or from war on the basis of a number of tools – truth commissions, judicial arenas, reparations. The story of this organization is closely related to the US field of power and particularly investments promoted by US foundations, predominantly the Ford Foundation, first in the “cultural” Cold war, and later, through human rights, so as to form, in the shadow of authoritarian States in the Southern laboratories (Latin America and apartheid South Africa), the breeding ground of future elites. The story of the International Center for Transitional Justice, as an offspring of these earlier investments, is also key into understanding a successful process of juridification, i.e. the displacement towards the terrain of the law and judicial arenas, of techniques of bifurcation of the State in the South.

Session 2

Cécile Jouhanneau (CERI / ISP)

Les ingénieurs de la paix par les réparations en Bosnie-Herzégovine. Sociohistoire d'une idée et de ses usages à la croisée des échelles

Cette communication prend pour objet la circulation d’un savoir pratique élaboré par des professionnels internationaux de la paix : le dispositif de pacification par les réparations pour les victimes de guerre. A observer une conférence relative aux réparations telle que celle organisée à Sarajevo en 2006, au terme de laquelle les représentants d’associations locales de victimes de guerre ont emporté dans leurs valises la traduction d’extraits du Manuel des réparations dirigé par un membre du Centre International pour la Justice Transitionnelle, il serait aisé de déduire que les « experts internationaux » conviés cherchaient à transposer dans le contexte bosnien des modèles qu’il leur suffirait de traduire en langue locale. Or la proclamation commune d’un droit des victimes à des réparations ne saurait masquer la diversité des motivations des acteurs impliqués et des significations dont ils investissent cette idée qui a une histoire, ou plutôt des histoires. Façonnée dans différents segments plus ou moins articulés de l’ingénierie internationale de la paix – promotion de la justice transitionnelle, défense des victimes de la torture, prise en charge du traumatisme… – cette idée fait l’objet d’usages qu’il faut replacer dans leurs contextes singuliers si l’on entend saisir la multiplicité des temps et des espaces sociaux où sont élaborées les productions des professionnels de la pacification.

Engineering peace through reparations in Bosnia and Herzegovina. Sociohistory of an idea and of its multiscalar uses

This presentation addresses the circulation of a form of practical knowledge produced by international peace professionals: the model of pacification through reparations for war victims. Observing the conference on reparations held in Sarajevo in 2006, and the fact that local leaders of war victims associations brought back home translated excerpts of the Handbook of reparations edited by the International Center for Transitional Justice, one could easily conclude that the “international experts” invited only intended to translate onto the Bosnian context models of reparation elaborated elsewhere. However, the common defense of the victims’ right to reparations should not overshadow the diverse motivations of actors involved and the different meanings they endowed this idea with. The notion that reparations foster peace has a history, or rather several entangled histories: in the more recent years it has been fashioned at the crossroads of different branches of international peace engineering – transitional justice, rehabilitation of torture victims, trauma-relief… Replacing the uses of the idea of peace through reparations in their specific contexts shall help us grasp the multiplicity of social times and spaces where the productions of peace professionals are elaborated.

Delphine Lecombe (CERI)

Entrepreneurs de pacification : les acteurs de la 'justice transitionnelle' en Colombie

En Colombie, la démobilisation des groupes paramilitaires négociée avec le gouvernement en 2003 offre une situation inédite : le processus de paix mené dans les années 1990 avec les guérillas sur le principe de l’amnistie et de l’intégration politique des combattants n’est plus applicable dans un contexte international qui promeut les droits des victimes du conflit. La démobilisation des paramilitaires ouvre donc une fenêtre d’opportunité politique pour toute sorte de pacificateurs prescripteurs des « bonnes pratiques » à mettre en œuvre en Colombie : notables locaux à la tête de fondations sociales, anciens guérilléros convertis à l’analyse du conflit et des façons d’en sortir, religieux prêchant les vertus du pardon, juristes éprouvés aux pratiques des organisations internationales. Se forme alors à Bogota une communauté de pacificateurs mue par les mobilisations contre un gouvernement qui tend à mener l’agenda politique de la sortie de conflit et à produire, lui aussi, des institutions et des « professionnels » de la pacification. Qui sont ces pacificateurs ? A travers l’étude des trajectoires de certains de ces acteurs, la communication propose de réfléchir aux transformations introduites par la « justice transitionnelle » dans le champ des droits de l’homme en Colombie.

Peacemaking entrepreneurs: transitional justice actors in Colombia

In Colombia, the demobilization of paramilitary groups negotiated with the government in 2003 gives rise to a new situation: the peace process of the 1990s, based on amnesty and political integration of the guerrilla groups, can no longer be implemented in the current international context where conflict victims’ rights are promoted. The demobilization of paramilitary groups opens a window of opportunity for peacemakers who prescribe the best practices to be implemented in Colombia. Notables managing social foundations, former guerrilla members converted to conflict studies and peacemaking, religious leaders preaching forgiveness, lawyers acquainted with international organizations are forming the Bogota-based peacemaker-community. The government post-conflict policy also produces “peace-oriented” institutions and professionals and thereby stirs up mobilizations among the peacemakers community. Who are those peacemakers? By analyzing some of their careers, this paper aims at thinking about the changes that result from the introduction of “transitional justice” in the Colombian human rights sphere.

Charles Tenenbaum (CERI – Sciences Po)

« Problem Solving Workshops » : les stratégies alternatives de pacification des universitaires-praticiens

Au cœur de la Guerre froide, un petit groupe d’universitaires britanniques et américains élaborent un modèle alternatif de pacification internationale fondé sur la conduite d’ateliers de résolution des conflits ouvertement critiques des pratiques diplomatiques traditionnelles.
L’organisation de ces premiers workshops consacre l’émergence d’un courant d’universitaires-praticiens déclinant les postulats théoriques de la « World Society Theory » et les principes méthodologiques de la « communication contrôlée ».
En marge du mouvement de la Peace research, les ateliers des problem-solvers attirent non seulement des universitaires issus du champ de la science politique et de la psychologie sociale, voire des sciences « dures », mais également d’anciens diplomates reconvertis. Relayés par les revues spécialisées, la théorie du problem-solving donne lieu à la publication de manuels et à la multiplication de modèles théoriques s’inscrivant dans un espace de rivalités entre conflict resolvers et conflict managers.
Optant pour une socio-histoire d’une pratique spécifique de résolution des conflits, cette communication traitera, par ailleurs, de la place occupée par les études sur la paix et la résolution des conflits au sein du champ des études de relations internationales et de science politique.

Problem Solving Workshops and the Scholar Practitioner: An alternative road to Peace

In the heart of the Cold War, a small group of British and American university scholars developed a new model for international peacemaking based on conflict resolution workshops while sharply criticizing traditional diplomatic practices.
Held in London, the first workshops based on Burton’s “World Society Theory” highlighted the methodological principles of a new kind of peace workers inspired by the principles of “controlled communication”.
Close to the Peace research movement, the “problem-solvers” attracted political scientists and socio-psychologists as well as retired diplomats turned peacemakers among other so-called “Track II” or citizen diplomats. The problem-solving theory soon found its way into academic journals and conflict resolution handbooks while the emerging field of Peace studies rapidly became the place of tensions and rivalries between the conflict resolvers and the conflict managers.
Following a historical-sociology approach our study of a specific conflict resolution tradition and practice will outline how peace and conflict resolution studies slowly emerged as part of the larger field of international relations and political science.

Frédéric Vairel (École d’études politiques, Université d’Ottawa)

Ce que ne disent pas les entretiens : à propos d’une enquête sur la circulation de dispositifs de réconciliation entre New-York et Rabat

La cause serait entendue : indépendamment des coordonnées de l’espace académique depuis lequel on parle, « enquêter » ou « faire du terrain » serait aujourd’hui synonyme de « mener des entretiens ». On interrogera les limites de cette technique au travers de son usage dans une enquête sur le « Programme de réparation communautaire » issu des recommandations formulées en 2005 par l’Instance Équité et Réconciliation, la Commission Vérité et Réconciliation marocaine. Plusieurs acteurs – institutionnels et associatifs marocains, bailleurs de fonds internationaux – participent à cette action publique financée par l’UE et le PNUD et inspirée par l’International Center for Transitional Justice. L’entretien prouve son utilité lorsqu’il s’agit de cartographier l’action publique. Il reste d’un « rendement inégal » dans l’enquête internationale : s’il est possible de reconstruire à partir d’internet les biographies et, quoique de façon moins précise, les pratiques des réconciliateurs les plus internationalisés et les plus en vue, la tâche se complique lorsqu’on entend approcher les « projets » des différentes ONG composant le programme. Son rendement décroît singulièrement pour peu qu’on s’intéresse au fonctionnement quotidien de l’activité réconciliatrice : la situation d’entretien vaut surtout pour la mise au jour d’arènes de délibération dont l’accès est fermé au chercheur. Dès lors, la fécondité de cette méthode se mesure moins au matériau récolté qu’aux à-côtés de l’interaction.

What interviews don’t tell you: about a fieldwork on the travel of reconciliation mechanisms between New York and Rabat

The case is closed: whatever the researcher’s academic origin, inquiring or doing fieldwork now means conducting interviews. The paper will emphasize some limitations of this method within its uses during a fieldwork on the “community-based reparations program” in Morocco which follows the Moroccan Truth and Reconciliation Commission recommendations. Various actors – from institutions and NGOs to foreign donors – are involved in this public policy, financed by the EU and the UNDP. It relies on international practices, already in use in other countries and promoted by the International Center for Transitional Justice, a New York-based “NGO”. Interviews are useful when the researcher wants to map public action, spaces of public policy making, their actors and their social properties. It remains of uneven yield in an international inquiry: if it is possible in New York or Rabat to reconstruct biographies from the internet and – while less precisely – the most internationalized and most famous actors’ practices, the task is more complicated when it comes to understand how the various NGOs “projects” work. The interview’s yield really decreases when one is interested in the daily functioning of reconciliation: interviews are interesting because they unveil spaces of deliberation whose access is forbidden to the researcher. Then, the usefulness of this method relies less in the quantity of information gathered than in the various interactions happening during and around interviews.


Participants

AMBROSETTI David dambrosetti@u-paris10.fr
ANOUIHL Pierre p.anouilh@gmail.com
DAHO Grégory gregda@free.fr
DEAS Joan joan.deas@googlemail.com
DEZALAY Sara Sara.Dezalay@EUI.eu
JOUHANNEAU Cécile jouhanneau.c@gmail.com
LECOMBE Delphine delphinelecombe@hotmail.com
LEFRANC Sandrine sandrinelefranc@mac.com
MOURALIS Guillaume g.mouralis@free.fr
TENENBAUM Charles charles.tenenbaum@sciences-po.org
VAIREL Frédéric fvairel@hotmail.com