Section Thématique 50

Les politiques symboliques existent-elles ?
Do Symbolic Policies Exist ?  

Responsables

Sarah Gensburger (ISP, CNRS) sgensburger@yahoo.fr
Antoine Mandret-Degeilh (CEE, Sciences Po) antoine.mandret@sciences-po.org

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Si le « symbolique politique » a donné lieu à plusieurs travaux récents (voir la lecture critique d’Olivier Ihl, « Rites politiques et intégration nationale », Revue française de science politique, vol 60, n°1, 2010, p. 140-144), les « politiques symboliques », quant à elles, n’ont guère jusqu’ici été constituées en objet d’étude (à l’exception des propositions historiennes de l’Ecole doctorale de Paris I, coordonnées par Pascal Ory et publiées dans Hypothèses, n°1, 2004) et n’ont pas retenu l’intérêt des analystes de l’action publique. Depuis la fin des années 80, on peut pourtant faire le constat du recours, croissant et diversifié, à des instruments « symboliques » pour (re)construire une communauté politique « en crise » mais aussi celui, lié, de la multiplication d’initiatives étatiques destinées à revigorer et protéger les dits symboles. Ce développement s’accompagne de l’expression d’une croyance partagée en l’efficacité, voire la nécessité, de ces derniers pour contrôler et réguler la société.
Partant de ce décalage, cette section thématique se propose de prendre en quelque sorte au sérieux l’expression de « politiques symboliques » et de l’interroger comme catégorie d’action publique et comme proposition heuristique susceptible d’aider à renouveler le traitement de plusieurs des questions sociales contemporaines. Réciproquement, elle fait l’hypothèse que l’analyse de ces politiques publiques au statut particulier peut constituer une étude de cas susceptible de renouveler la compréhension de l’évolution contemporaine de l’action publique et de complexifier sa théorisation.

Cette proposition de réflexion ne prétend bien évidemment pas que l’expression de « politiques symboliques » est absente de la science politique. A titre préliminaire, on peut ainsi distinguer trois principales acceptions :
1. Proche de son sens profane, accolé au terme « politique », le terme de « symbolique » signale simplement une action publique qui n’aurait pas d’effets concrets.
2. Des « politiques » qualifiées de « symboliques » en ce qu’elles sont supposées agir sur les « représentations ». L’expression « politiques symboliques » se rapproche alors de l’étude de la communication politique et on leur prête, alors, à l’inverse un impact social, fût-il relatif.
3. La catégorie de « politiques symboliques » recouvrirait enfin celle de « symbolique politique ». Elle désigne alors l’ensemble des formes symboliques du politique. C’est une quatrième acception que cette section thématique propose d’explorer : les « politiques symboliques » comprises comme des politiques publiques s’appuyant sur une instrumentation symbolique.
Nous pourrions ici mentionner deux exemples. Le premier, qui invite à penser les « politiques symboliques » à l’aune de l’analyse de l’action publique, est en effet l’institutionnalisation, ces dernières années en France, de cérémonies de naturalisation comme instrument d’intégration des étrangers accédant à la nationalité française. Le second touche à la place donnée aux journées de commémorations nationales, ritualisées et symboliquement codifiées, dont la récente multiplication a constitué le principal instrument du développement d’une « politique de la mémoire » désormais revendiquée aux différentes échelles de l’action publique hexagonale.

Il s’agit de décaler le point de vue pour ne plus considérer la nature « symbolique » des « politiques » à l’aune de leur rapport à l’efficace politique mais ouvrir la boîte noire de la diversité du recours aux symboles dans les politiques publiques. Cette section thématique, interdisciplinaire, accueillera ainsi plusieurs propositions questionnant, d’un point de vue empirique, les « politiques symboliques » à différentes époques, dans différents contextes (démocratique ou autoritaire) et à différentes échelles (locale, nationale, supranationale). La présentation d’études de cas de politiques publiques ayant recours à des pratiques rituelles ou à des symboles matériels ou discursifs comme instruments d’action publique permettra de s’interroger, entre autres, sur :
- l’instrumentation symbolique de l’action publique, ses caractéristiques et ses spécificités par rapport à des instruments plus classiques ;
- la genèse des politiques symboliques et les dynamiques d’institutionnalisation ;
- les réseaux et les acteurs en présence ainsi que leurs interactions ;
- les rapports entre instrumentation des symboles et existence d’une action publique symbolique sectorisée ;
- le rapport entre polysémie des symboles et efficacité des politiques publiques et la question des appropriations sociales de ces politiques ;
- la pertinence de l’interprétation récurrente du développement des « politiques symboliques » comme le symptôme d’une perte de pouvoir du politique ;
- la présence du politique dans des politiques qui sont le plus souvent le produit d’un recours consensuel et transpartisan à une instrumentation symbolique présentée. Les questionnements d’ordre théorique ne seront toutefois pas absents de la réflexion menée dans le cadre de cette section thématique. Il s’agira in fine de s’interroger sur la pertinence des « politiques symboliques » comme catégorie d’action publique et, le cas échéant, sur l’opérationnalisation d’un tel concept ainsi que sur son articulation avec d’autres catégories de l’action publique (politiques d’intégration, éducation civique, politiques de la mémoire, politiques de propagande, politiques de réconciliation, etc.).

If « symbolic policies » have been dealt with by some historians, until now they have not interested public policies specialists. With this in mind, this interdisciplinary panel aims to open the black box of the diverse uses of symbolic instruments by public policies both from empirical and theoretical perspectives.
This panel will question first the relevance of the concept of « symbolic policies » and estimate to what extent it refers to a category of public intervention. In order to do so, the different papers will look at the way the « symbolic policies » overlap such other categories of state intervention as « diversity », « integration », « memory » or « education ». Most of these papers will deal indeed with case studies linked to « memory » or « diversity » issues. They will simultaneously address empirical issues : at what scale, based upon which sources and methods, can we grasp the complexity of symbolic issues in public policies ? They will address the question of the characteristics and possible specificity of symbolic instruments in regards to more traditional ones such as State constraint or financial incentives.
From an anthropological perspective, the accent will be put on the largely understudied relationship between symbolic polisemy and political efficiency. Several of the papers from this section will thus deal with the complex social appropriations of symbolic policies by individuals. The issue of the links between democracy and symbolic policies, on the one hand, of the possible political nature of symbolic instruments, on the other, will be at the core of the discussion here.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : 1er septembre 2011 13h30-16h15
Session 4 : 2 septembre 2011 15h15-18h

Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 416)


Programme

Axe 1 : Les rituels dans l’action publique

Président(e) de séance et discutant(e) : Marie-Claire Lavabre (ISP)

Politique publique et rituels commémoratifs

Politique publique et rituels identitaires

Axe 2 : Les symboles discursifs et matériels dans l’action publique

Président de séance et discutant : Eric Savarese (Université de Perpignan Via Domitia)

Loi, discours et normes

Mémorial, musée et architecture

Synthèse de la section thématique : Sarah Gensburger (CNRS, ISP) et Antoine Mandret-Degeilh (Sciences Po Paris, CEE)


Résumés des contributions

Renaud Hourcade (Sciences Po Rennes, CRAPE)

L'instrumentation symbolique des politiques mémorielles : l'exemple des commémorations officielles de l'esclavage dans les anciens ports négriers de France

Cette communication interroge les politiques mémorielles en tant que politiques symboliques, à travers l'exemple des commémorations officielles de l'esclavage instituées chaque 10 mai par la Loi Taubira. A Bordeaux et Nantes, les cérémonies annuelles organisées dans ce cadre revêtent une importance singulière, du fait du passé de ces deux ports, qui ont été les plus actifs de France dans le commerce des esclaves. Ces villes ont été la scène, depuis une vingtaine d'années, de mobilisations mémorielles et de politiques publiques de la mémoire, productrice de monuments, mémoriaux, musées, et, chaque 10 mai, de cérémonies officielles ritualisées. La notion d'« instrument » appliquée à ces commémorations conduit à s'intéresser de manière comparative aux jeux d'acteurs qui en définissent l'usage et aux appropriations concurrentes dont elles peuvent faire l'objet. La notion de « symbole » permet de postuler que l'essentiel de ces commémorations ne se joue pas dans leur matérialité et qu'il faut prêter attention à la manière dont des discours et des idées sont mis en scène. Ce type d'analyse permet ainsi de souligner la contribution particulière des commémorations aux luttes entre des interprétations concurrentes du passé, et de son importance pour le présent.

The memory of slavery as a symbolic public policy: the case of May 10 official commemorations in two former slave trade ports

Following the passing of the Taubira Law, in 2001, France has commemorated slavery every year on a national remembrance day, on May 10. This official commemoration is of particular significance in Bordeaux and Nantes. These two cities were leading ports in the French transatlantic slave trade, a role that has driven them to launch policies of memory, after pressure by local social mobilizations had forced public authorities to break with a long silence. Memorials, museums, and commemorative ceremonies are now common devices for both cities' public policies of memory. This essay aims to analyze the symbolic dimension of the annual commemorations organized by Nantes and Bordeaux. Contemplating the commemoration ritual as an « instrument » allows us to analyze how it takes place among the range of initiatives set to support the official policy of memory, how it is managed and appropriated by the public authorities and memory agents. To underline its symbolic dimension leads us to highlight the articulation between the commemoration's form and scenography and its immaterial dimension. Indeed, the commemorative ritual is a field of elaboration and diffusion of interpretations of the past and corresponding political visions, but also a site for the challenge thereof.

Victor Demiaux (EHESS)

Symboliser la sortie de guerre : les Peace Celebrations de 1919 en Grande-Bretagne

Dans l'ensemble des pays vainqueurs de la Grande Guerre, s'ouvre avec la signature de l'armistice du 11 novembre 1918 un moment remarquable de prolifération symbolique lié à la conclusion de la guerre et qui se poursuit au moins jusqu'à l'inhumation des soldats inconnus. Ritualité publique, manipulation des symboles nationaux (hymnes et autres), émission et distribution de médailles: c'est l'ensemble de l'arsenal symbolique public qui fut mobilisé pour marquer le passage de la guerre à la paix. Nous tenterons d'approcher les ressorts de cette activité multiforme en nous appuyant sur le cas des Peace Celebrations qui eurent lieu en Grande-Bretagne quelques semaines après la signature du Traité de Versailles, le 28 juin 1919. Plus que le programme symbolique achevé, c'est ici la question de l'élaboration du rituel qui nous retiendra, à travers une étude du processus de conception et de mise en place de ces cérémonies. On cherchera ainsi à montrer les moyens (traditions, finances, etc.) que purent mobiliser leurs concepteurs, mais également les restrictions qu'imposèrent aux décisions des gouvernants et des hauts fonctionnaires britanniques les attentes exprimées par divers milieux, y compris le grand public. Loin d'être le fruit d'une volonté unique et assurée, les Peace Celebrations de 1919 apparaissent bien davantage comme le résultat d'une élaboration chaotique qui dut accorder les voix d'acteurs multiples et tenir compte d'exigences politiques variées.

Symbolizing the end of the Great War: the 1919 Peace Celebrations in Britain

In every victor countries of the Great War, the signature of the Armistice opened a specific sequence characterized by a symbolic exuberance in connection with the ending of the war, down to the burials of the Unknown Soldiers, at least. Thus, the whole set of State symbolic devices was resorted to: public rituals, manipulation of national symbols (including the national anthems), creation and distribution of medals, etc. We will analyze this multiform activity through a case study of the Peace Celebrations which took place in Great Britain in the wake of the signature of the Versailles Treaty (28th June, 1919). We will focus on the very elaboration of the ritual, rather than on the symbolic program. By studying the conception process and the setting up of the ceremonies, we will try to shed some light on the means (traditions, financial resources etc.) that the organizers where able to mobilize, as well as on the limited field of action that was imposed to the British civil servants and to the Government by the wishes expressed by various groups, even by the greater public. Far from being the result of a unique and self-assured will, the 1919 Peace Celebrations prove to be the expression of a chaotic elaboration, the summing up of opposed views and political agendas.

Gérôme Truc (IMM/EHESS et EHEHI/Casa de Velázquez)

La Journée européenne en mémoire des victimes du terrorisme : un instrument de politique très symbolique ?

Les journées de commémoration appartiennent au registre des politiques symboliques, mises en œuvre par des autorités publiques pour produire des représentations mémorielles collectives propices à susciter et renforcer l’adhésion à une communauté politique. Ces dernières années, de tels instruments ont de plus en plus souvent été mobilisés afin d’accroître l’identification des citoyens à l’Union européenne. Cette communication présentera le cas de la « Journée européenne en mémoire des victimes du terrorisme », célébrée chaque 11 mars, date des attentats ayant eu lieu à Madrid en 2004, souvent désignés comme un « 11 septembre européen ». Nous montrerons dans un premier temps que son instauration doit beaucoup à l’action menée par des associations de victimes, en particulier d’ETA, plaidant pour une reconnaissance des victimes du terrorisme au niveau européen conçue sur le modèle des héros « morts pour la patrie ». Puis, à partir d’un travail ethnographique, nous discuterons des difficultés rencontrées par la mise en œuvre de cette journée de commémoration en dehors de Bruxelles et de l’Espagne. Ces difficultés conduisent à se demander si cette journée n’est pas, au fond, un instrument de politique « très » symbolique, au sens négatif que l’on donne communément à ce terme, c’est-à-dire : une politique sans conséquence pratique, qui n’engage que ceux qui la promeuvent. Se pose ainsi, à travers ce cas exemplaire, la question de la performativité et de l’efficacité des politiques symboliques en dehors d’un cadre national.

The European Day of Remembrance of Victims of Terrorism: an instrument of “purely” symbolic policy?

Days of Remembrance are part of the register of symbolic policies, implemented by public authorities to produce collective memory representations that favour the creation and reinforcement of adhesion to a political community. For the last years, such instruments have been mobilized more and more frequently in order to increase civic identification with European Union. This presentation will focus on the case of the “European Day of Remembrance of Victims of Terrorism”, commemorated each March 11, ie. the date of Madrid bombings in 2004, often designated as the “European 9/11”. First, we will show that the creation of this Day of Remembrance is due for a large part to the mobilization of associations of victims, namely ETA, claiming for an acknowledgment at European level of the victims of Terrorism as heroes “dead for the country”. Then, using ethnographic data, we will discuss the difficulties of the implementation of this Day of Remembrance outside Brussels and Spain. Such difficulties lead us to ask whether this Day of Remembrance is not, eventually, an instrument of “purely” symbolic policy, in the pejorative sense usually given to this term, that is to say: a policy without any practical effects, which engages only the ones who promote it. Thus we reach, through this specific case study, the question of performativity and efficiency of symbolic policies outside a national framework.

Rémi Dalisson (Université de Rouen)

Politiques festives et symboliques nationales : plasticité et mutations d’un vecteur civique populaire (1815 à nos jours)

Nous montrerons la création, la transformation et l’efficience, relative selon les époques, des politiques symboliques françaises sur la longue durée, de 1815 à nos jours. Elles sont synthétisées par les fêtes nationales, grande spécialité française depuis la Révolution et réalité incontestable qui forme un rituel identitaire et souple original. Les fêtes nationales et leurs instruments (et langages) symboliques permettent aussi d’étudier l’émission (décisions, choix des outils et des fêtes, programmes) de ces politiques symboliques et leur réception populaire (incidents, pratiques, réactions, assistances). Depuis 1789, la politique symbolique festive se construisit pendant tout le XIXe siècle, avant l’acmé souvent mythifiée de la IIIe République. Cette politique symbolique eut un rôle évident dans la républicanisation du pays, y compris avant 1878. Puis elle évolua après la Grande Guerre, dans ses modalités et sa philosophie comme dans sa réception. Après l’épisode ambivalent de Vichy, la politique festive reprit un cours plus classique avant une nouvelle évolution à la fin des années 70 face à la mondialisation et à la crise. Elle perdit en efficacité à mesure que le « grand récit national » s’affaiblissait (et que la mémoire nationale éclatait) avant de se voir investie d’une nouvelle mission civique et didactique depuis une vingtaine d’années.

Festive policies and national symbols: plasticity and mutations of a popular civic vector (1815 to present time)

I will show the creation, transformation and efficiency, depending on the different political regimes, of French political symbols from 1815 to today. They are synthesized by national celebrations, a French specialty, especially since the Revolution, and form a flexible identity and an original ritual. National celebrations and their instruments (and languages) allow investigating the production (decision, choice of tools and festivals, programs) of these symbolic policies and their popular reception (incidents, practice, feedback, audience). Since 1789, the symbolic festive politics grows in the nineteenth century, before the peak, often mythologized, of the Third Republic. This symbolic policy had a great role in the republicanization of the country, including before 1878. Then it evolved after the Great War, in its methods and philosophy and in its reception. After the ambivalent episode of Vichy, the feast policy became more classical before a new development in the late 70s during face globalization and economic crisis. It lost in efficiency as the « grand national tale » weakened (and as the national memory broke up), before being invested with a new civic and teaching mission for twenty years.

Romain Calba (Université Montpellier III, IRSA-CRI)

Un investissement politique symbolique dans le lien social national. Le cas des « cérémonies de bienvenue dans la République française »

Nous questionnerons la notion de « politique symbolique » à partir de l'étude des « cérémonies de bienvenue dans la République française » ou « cérémonies de remise des décrets de naturalisation », en tant que forme d'action politique s'appuyant sur des instrumentations symboliques. Il s'agira, par la reconstitution des différents processus amenant les acteurs à ces cérémonies, de restituer les différentes instrumentations politiques mises en jeu et de voir les relations entretenues par l'investissement symbolique et d'autres modalités fonctionnant sur des légitimités différentes, les significations et importances accordées à chacune. L'investissement politique symbolique, et ses modalités d'exercice comme les signes et les rituels, accordant une importance à l'émotionnel, aux symboles, à l'imaginaire, amène-t-il à une conscience nationale et à la légitimité d'une forme de pouvoir lui étant associée mieux que d'autres investissements politiques? Cela nous amène à la question des modèles de performativité de ces cérémonies, l'appropriation et la polysémie des symboles, la logique d'institutionnalisation, et donc à étudier la relation entre pouvoir et puissance, à savoir non seulement la légitimité et l'autorité sociale du pouvoir politique, mais également la relation entre institué et instituant, entre pouvoir surplombant et puissance sociale.

A symbolic political investment in the national social cohesion. The example of the « welcoming ceremonies in the French Republic ».

We will question the notion of « symbolic politics » from the study of the « welcoming ceremonies in the French Republic » or « naturalization ceremonies » as a political action leaning on symbolic instrumentations. We will, by the reconstruction of the different processes leading the actors to these ceremonies, restore the different political instrumentations involved in these processes and see the relations between the symbolic investment and other modalities working on different legitimacies, the meanings and the importance attached to each modality. Does the symbolic investment, and its modalities of exercise as the signs and the rites, attaching importance to the emotional, the symbols and the imaginary, bring to a national consciousness and to a legitimacy of an associated power form better than other political investments? It brings us to the question of appropriation and polysemy of symbols, the logic of institutionalization, and so to study the relation between the political power and its legitimacy or its social authority, the relations between the overhanging power and the sociality.

Juan E. Serrano-Moreno (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CRPS-CESSP)

Politiques de la mémoire de la guerre d'Espagne. De la réconciliation à la politisation

Cette communication a vocation à éclairer l'évolution contradictoire et génératrice de conflits expérimentée par la « mémoire officielle » de la guerre civile espagnole depuis l'arrivée de la démocratie. Le cadre interprétatif hérité de la transition (1975-1981) fondé sur la « réconciliation » des franquistes et républicains se trouve en fait aujourd'hui de plus en plus contesté. On a affaire ici à la redéfinition par le haut de l'événement historique, qui ne pourrait être comprise qu'à condition de retracer les mobilisations multisectorielles des acteurs qui vont des historiens aux journalistes, en passant par les entrepreneurs de mémoire. Afin d'analyser la portée de la loi du 26 décembre 2007 « par laquelle on reconnaît et on élargit les droits et on établit des mesures destinées à ceux qui ont souffert de persécution ou de violence pendant la guerre civile et la dictature », on examinera les débats publics qui ont entouré sa production et qui remontent à la moitié des années 90. En effet, les conflits autour des politiques de la mémoire ont contribué et contribuent, du fait de la disparité des cadres d'interprétation et de la diversité des appartenances politiques des acteurs en jeu, à renforcer les clivages partisans et à politiser, de la sorte, les enjeux de mémoire dans l'ensemble de la société.

Memory policies of the Spanish war. From reconciliation to politicization

This presentation wants to put light on the contradictory and conflicting evolution of the Spanish civil war « official memory » under the democratic regime. The interpretation produced during the transition (1975-1981) was built on a “reconciliation” must between francoist and republicans but nowadays this narrative finds itself more and more criticized. Recently, we observed a top-down redefinition of the civil war episode that can't be understood without taking in account the multisectorial mobilizations of a large variety of actors as historians, journalists and entrepreneurs de mémoire. In order to analyze the 26th December 52/2007 bill as a memory policy, I will study the public debates, from the mid of the 90s, in which context the law was produced. Indeed, in these conflicts around the civil war memory policies we find several and heterogenous actors carrying opposed interpretations of the past, in consequence, the cleavages between political parties are reinforced and several issues in society tend to politicize.

Valentin Behr (Université de Strasbourg, GSPE)

L'élaboration et la mise en œuvre d'une politique symbolique en Pologne : l'Institut de la mémoire nationale (1999-2010)

En Pologne, l’Institut de la mémoire nationale (IPN) est devenu en dix ans un acteur incontournable dans l’écriture de l’histoire contemporaine. A partir de cette étude de cas, on souhaite montrer en quoi l’IPN constitue un exemple réussi de politique symbolique, mais aussi un objet de luttes partisanes pour la définition du récit historique officiel. Une étude prosopographique de la direction de l’IPN permet d’objectiver une certaine dépendance de l’Institut vis-à-vis du champ politique. Néanmoins, c’est le cadre institutionnel, davantage que des pressions politiques, qui détermine le travail des historiens. Ce cadre, en réduisant la liberté académique et l’autonomie des chercheurs, encourage la production de travaux nombreux consacrés principalement à l’appareil de sécurité communiste. L’étude des publications de l’IPN donne à voir une histoire polonaise martyrologique, souvent vue à travers le prisme de catégories telles que « victimes », « bourreaux », « agents », etc. Cette lecture du passé relève souvent d’une conception normative de l’histoire, qui apparaît aux yeux des promoteurs d’une « politique historique » comme un moyen d’assainissement démocratique. L’écriture d’un récit historique en « noir et blanc » favorise en outre l’instrumentation du passé dans les luttes politiques, comme l’illustrent les accusations de collaboration avec la police communiste portées à l’encontre de Lech Walesa.

Working out and implementing a symbolic policy in Poland : the Institute of National Remembrance (1999-2010)

In Poland, the Institute of National Remembrance (IPN) has become, within a decade, a major actor in the writing of contemporary history. With this case study, we wish to explain why the IPN is a successful example of a symbolic policy and a subject of political struggles for the definition of the official historical narrative. A prosopographical study of the directors of the Institute brings to light the dependence of the IPN towards the political field. Nonetheless, it is the institutional framework, more than political pressures, which determines the work of the historians. This framework – by reducing academic freedom and the autonomy of the researchers – encourages the writing of numerous works, mainly dedicated to the Communist security apparatus. Publications from the IPN reflect a martyrological Polish history, often considered on the basis of categories such as “victims”, “executioners”, “agents”, etc. This approach of the past deals with a normative conception of history which according to the supporters of a so-called “historical policy” is supposed to encourage democratization in Poland. In addition, the writing of a “black and white” historical narrative makes the use of the past in political struggles easier, as was shown by those who accused Lech Walesa of collaboration with the former Communist security services.

Julie Rannoux (IEP d’Aix en Provence, CHERPA)

Le Mémorial national de la France outre-mer à Marseille. Définitions et appropriations concurrentes d’une politique de la mémoire

En 2006, après plusieurs années de préparatifs, la réalisation à Marseille d'un Mémorial rappelant l'histoire des personnes ayant vécu dans les colonies françaises aux XIXe et XXe siècles, est finalement abandonnée. Or, en s'attachant principalement à déconstruire les récits historiques qu'elles proposent, les travaux consacrés aux politiques de la mémoire nous fournissent peu d'outils pour saisir l'échec de ces politiques. A partir de l'analyse détaillée des interactions qui se nouent entre les différents acteurs du Mémorial marseillais, des jeux d'échelles et usages de ces jeux par les acteurs, cette communication tente d'analyser à quelles conditions une politique de la mémoire peut s'institutionnaliser. En ce sens, la genèse de ce projet suggère la nécessité d'adosser les politiques de la mémoire à la mise en œuvre de processus sociaux de réappropriation permettant l'insertion du récit historique proposé dans un univers de sens acceptable par les différents acteurs. A cet égard, nous montrerons que la coexistence paradoxale d'un registre dépolitisant propre aux politiques de la mémoire et d'une gestion du projet éminemment politique joue un rôle majeur dans l'échec du Mémorial. Enfin, cette analyse nous amène à réinterroger les finalités des politiques de la mémoire.

Remembering colonization. Differentiated definitions and appropriations of a memory policy

In recent years, the city of Marseille was to receive the installation of a new Memorial dedicated to those who lived in the French Colonial Empire during the XIXth and the XXth centuries. Initiated in the early 80s, the project was eventually stopped in its last stages. However, although the ideological foundations of memory policies have been well-discussed by scientists, the processes of policy-making and the failure of such programs have been far less investigated. On the contrary, the issue of the relations among actors, and especially those among actors at different levels of government, will be at the core of the discussion here. Based on the example of Marseille's Memorial failure, this paper will address the question of the conditions for the institutionalization of these kinds of public policies. It highlights to what extent memory policies rely on their ability to fit with legitimate historical narratives and thus, depend on the articulation with complex social processes. In this respect, we will look closely at the interference between politics and policy in Marseille's memorial implementation. Eventually, this will lead us to question memory policies purposes.

Sylvain Antichan (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CRPS-CESSP)

« Vous m’avez donné un air de futur ancêtre »
Les logiques politiques et sociales des appropriations plurielles de l’histoire au musée de Versailles (1833-1848)

En restituant la genèse du musée historique du château de Versailles (1833-1848) dédié « A toutes les gloires de la France », notre communication a pour enjeu de questionner un schéma d’analyse, irriguant plus ou moins tacitement de nombreux travaux, qui constitue les musées comme des « entrepreneurs de mémoire » étatiques imposant une « socialisation historique ». Nous montrerons que le contenu du musée est coproduit par des interactions entre les administrations en charge de cette politique et les acteurs qui sollicitent ces agents de l’Etat ou sont sollicités par eux pour que des représentations de leurs personnes, de leurs ancêtres ou d’une cause entrent au musée. Loin d’une imposition univoque, l’élaboration du musée donne alors à voir des transactions complexes dans lesquelles interagissent et se croisent des univers de sens et d’intérêt distincts. Nous montrerons que les conditions de félicité du musée dépendent de ces appropriations plurielles à l’interstice de différentes sphères sociales et de processus d’objectivation et de subjectivation différenciés. Notre communication se proposera de dégager les conséquences de ce modus operandi pour l’analyse des politiques symboliques.

« Vous m’avez donné un air de futur ancêtre »
Political and social logics of the plural appropriations of the history in the museum of Versailles (1833-1848)

By restoring the genesis of the historical museum of the Palace of Versailles, our paper discusses the approach, explicit or not, of museum in which the State imposes a « mnemonic socialization ». We show that the museum is co-produced by interactions between the administrations and the actors who seek a representation of themselves, their ancestors or an issue in the museum. So far from imposing a history, the museum is based on complex transactions between different interests and beliefs. The felicity conditions of the museum depend on dynamics of plural appropriations. Our paper shows the consequences of this modus operandi for the analysis of symbolic policies.

Adrien Fauve (Sciences Po Paris)

Renouveau symbolique au Kazakhstan : acteurs et destinataires d’un urbanisme identitaire

En 2010, le Kazakhstan a présidé l’OSCE, et sa nouvelle capitale Astana fut placée sous le feu de projecteurs : elle a en effet accueilli début décembre le premier grand sommet de l’organisation à s’être tenu depuis onze ans, réunissant les chefs d’Etat de la zone atlantico-eurasienne. L’évènement permit aussi de mettre en scène les nouveaux lieux du pouvoir, en montrant sur les écrans du monde entier la reconfiguration urbaine à l’œuvre dans ce pays.
Cette ville a fêté ses dix ans en 2008, mais avec un léger retard. Plutôt que de maintenir les festivités le 10 juin, date faisant référence à son inauguration internationale de 1998, on a préféré attendre le 6 juillet 2008 – journée symbolique puisqu’il s’agit de l’anniversaire du président Nazarbaïev.
Astana se distingue par un urbanisme et une architecture exubérants : palais présidentiel fastueux, ministères aux lignes futuristes, centres commerciaux luxueux, ce qui lui vaut le surnom de « Dubaï de l’Asie centrale ».
Mais par-delà l’aspect caricatural des édifices qui s’y construisent, ce cas d’étude invite à interroger les théories qui lient l’espace et le pouvoir dans la ville. Une question émerge alors : dans quelle mesure cet espace urbain sert-il d’outil à une recomposition identitaire et à l’assise d’un régime autoritaire ? Pour y répondre il convient d’examiner les acteurs en charge du discours nationaliste qui se déploie dans les rues (affiches, monuments), sur les façades (fresques, mosaïques) et à l’intérieur des bâtiments (tableaux, muséographie), mais aussi d’observer la façon dont les citadins, destinataires et témoins de cette politique symbolique, réagissent aux modifications de leurs lieux de vie et à cette mise en scène du pouvoir.

New symbols in Kazakhstan: “UrbaNation-building” top-downs & bottom-ups

Kazakhstan chaired the OCSE during the whole year 2010 and this situation put forward the country’s recent capital city. Indeed, it hosted in December the first great summit held by the organization in a decade, where heads of state from the broad eurasian-and-atlantic area gathered. All together, the new built environment and places of political power got broadcast in the media, giving a publicity of urban changes happening in this post-soviet country.
In 2008, the city celebrated ten years of existence, but with a suggestive delay: initially organised on June 10th, as the city was internationally inaugurated this particular day in 1998, the party finally took place on July 6th, symbolically coinciding with president Nazarbaev’s birthday.
Architecture and city planning make of Astana an inordinate place, with its lavish presidential palace, futuristic official buildings and plentiful shopping malls. This is why some call it a central-Asian Dubai.
But beyond this slightly ludicrous real-estate boom, as a case study, Astana instigates research on the links among power and space in urban context. The question being: to what extent this place is instrumental of an identity politics and regime legitimization? In this paper, I will argue that enquiring on the people in charge of the built environment - where nationalistic narratives are shown off (be it the streets, the front sides or pictures of the ruler) -, and on the way city dwellers react to such a demonstrative symbolic politics - which materially affects their own living experience - could open the path for an answer.


Participants

ANTICHAN Sylvain sylvain.antichan@yahoo.fr
BEHR Valentin valentin.behr@gmail.com
CALBA Romain titou_calba888@hotmail.com
DALISSON Rémi remidal@wanadoo.fr
DEMIAUX Victor vdemiaux@gmail.com
FAUVE Adrien adrien.fauve@sciences-po.org
GENSBURGER Sarah sgensburger@yahoo.fr
HOURCADE Renaud renaud.hourcade@gmail.com
MANDRET-DEGEILH Antoine antoine.mandret@sciences-po.org
RANNOUX Julie julie.rannoux@gmail.com
SAVARESE Eric savarese@univ-perp.fr
SERRANO-MORENO Juan E. juanen36@hotmail.com
TRUC Gérôme gerometruc@gmail.com