Section thématique 14

L’analyse des politiques publiques existe-t-elle encore ?

f Responsables

Laurie Boussaguet (Centre d’études européennes de Sciences-po Paris) laurie.boussaguet@sciences-po.org
Sophie Jacquot (Centre d’études européennes de Sciences Po) sophie.jacquot@sciences-po.org
Pauline Ravinet (Université Libre de Bruxelles/CSO) pauline.ravinet@sciences-po.org
Yves Surel (Université Paris II) yves.surel@aliceadsl.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L’analyse des politiques publiques entre expansion et dilution

Cette section thématique s’inscrit dans le cadre de la problématique générale du congrès 2009 de l’AFSP sur « l’état de la science politique ».

Il s’agit de réaliser un état des lieux analytique du développement de l’analyse des politiques publiques. Cette dernière est en effet « partout » – on constate par exemple que certains de ses outils théoriques sont aujourd’hui couramment utilisés bien au delà du strict périmètre de ce champ disciplinaire, et en même temps les qualifications et les requalifications dont elle fait l’objet – au profit du label « sociologie (politique) de l’action publique » notamment – montrent que cette expansion peut aussi s’interpréter comme une dilution.

En posant la question provocatrice « L’analyse des politiques publiques existe-t-elle encore? », l’objectif est de prendre pour point départ l’effacement de l’intitulé même de la discipline pour s’interroger sur ses transformations. De quoi cette modification dans les termes est-elle le reflet dans la dynamique de la discipline, dans son contenu, dans ses méthodes… ?

Session 1. Les concepts et les approches : flux et reflux

De la discussion des concepts centraux issus des approches fondatrices – les séquences du processus du policy-making chez Jones, ou le « muddling through » de Lindblom, par exemple –, au développement de nouveaux outils conceptuels pour saisir et caractériser les transformations de l’action publique, l’analyse des politiques publiques présente un incontestable dynamisme du point de vue de la conceptualisation. Si cette orientation conceptuelle du champ n’est pas nouvelle, il serait cependant intéressant d’engager une discussion sur les développements des années 2000 : Quels concepts sont en perte de vitesse et pourquoi ? Le sont-ils vraiment ?

Session 2. Les méthodes : une spécificité syncrétique

C’est sans doute sur la question des méthodes que l’analyse des politiques publiques apparaît le plus clairement comme un espace de confluences. Il est en effet souvent considéré qu’elle ne présente pas de spécificités en la matière et s’appuie sur les méthodes constituées des champs disciplinaires mitoyens : en sociologie politique, en sociologie des organisations, en socio-histoire, en politique comparée etc. Les débats actuels montrent néanmoins que ce parti pris assumé pour le syncrétisme méthodologique n’a de sens que si la recherche en politiques publiques s’interroge sur les questions et les problèmes particuliers qui émergent lorsque ces méthodes importées sont utilisées pour étudier les politiques publiques.

Session 3. Politiques publiques et regards croisés : frontières et disciplines mixtes

Enfin, une des façons les plus intéressantes d’analyser les évolutions de l’analyse des politiques publiques est sans doute de s’intéresser aux regards croisés : Comment l’action publique est-elle étudiée dans d’autres champs disciplinaires et en quoi cela contribue-t-il aux évolutions de l’analyse des politiques publiques… ? Et réciproquement, en quoi les débats au sein de l’analyse des politiques publiques ont-ils un impact sur ces champs disciplinaires ?

Does Public Policy Analysis Still Exist?

Public Policy Analysis Between Expansion and Dilution

This panel aims at taking stock of the evolution of public policy analysis. This field of research seems indeed to be found “everywhere”, but at the same time, as shown by the success of the expression “(political) sociology of public action”, this expansion can also be analysed as a dilution.

By asking the provocative question “Does Public Policy Analysis Still Exist?” and by referring as a starting point to the fading away of the very name of public policy analysis, we wish to question its transformation: How is this process of change reflected in its internal dynamics, its contents, and its methods?

Section 1. Concepts and Approaches: the Ebb and Flow of the Discipline

From the point of view of concept formation, public policy analysis is undeniably a quite productive discipline – see the seminal approaches, such as Jones’ policy process sequences or Lindblom’s “muddling-through” theory, but also the conceptual tools forged to capture the change of contemporary public action. If this theoretical dynamism is not as such a novelty, it is interesting to discuss the later evolution of the last decade (i.e. are some concepts “in” and some “out” and, if so, why?).

Session 2. Methods: a Syncretic Specificity

It is certainly when it comes to methods that public policy analysis clearly appears as a place of confluences. It is often seen as a field, which mainly uses the methods developed in other disciplinary fields (i.e. political sociology, sociological history, comparative policy, etc.). But, most recent debates show that this inclination towards methodological syncretism only makes sense if public policy analysis scholars consider the questions and problems that arise from this process of methodological importation.

Session 3. Multiple Perspectives on Public Policy Analysis: crossed boundaries and disciplines

One of the most interesting ways of thinking about public policy analysis is certainly to take into account its crossed boundaries with other disciplines. How is public action analysed in other research fields and how does this affects public policy analysis transformation? But also, to what extent do internal public policy analysis debates have an impact on these other fields?


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (Amphi C)


f Programme

Axe 1
Les concepts et les approches : flux et reflux

Président : Pierre Lascoumes (CNRS, CEE)
Discutant : Steve Jacob (Université de Laval)

Axe 2
Les méthodes : une spécificité syncrétique

Président : Yannis Papadopoulos (Université de Lausanne)
Discutant : Frédéric Varone (Université de Genève)

Axe 3
Politiques publiques et regards croisés : frontières et disciplines mixtes

Président : Emmanuel Négrier (CNRS – CEPEL, Université de Montpellier)
Discutant : Yves Surel (Université Paris 2)


f Résumés des contributions

Axe 1

Leca Jean (Sciences Po), Muller Pierre (CNRS, Sciences Po)

Regard rétro-prospectif sur l'analyse des politiques publiques en France

L'analyse des politiques publiques n'est pas née en France, chacun le sait mais aux Etats-Unis. Ce n'est que bien plus tard que les milieux académiques français ont "découvert" cette discipline, grâce à un certain nombre de "passeurs" dont l’apport s'est fondu dans un environnement cognitif tout à fait spécifique. L’objet de cette communication est de proposer quelques éléments de réflexion sur cette décennie des années quatre-vingts qui correspond à l’introduction de l’analyse des politiques en France. L’enjeu d’une telle réflexion est d’essayer de mieux comprendre les spécificités de l’analyse des politiques en France ainsi que sa difficile intégration comme un domaine de la science politique généraliste. Il ne s'agit ni de prétendre qu'il existerait une "école française" d'analyse des politiques publiques, ni trancher entre les débats soulevés par cette discipline, mais de les éclairer en proposant des éléments de réflexion sur la manière dont ils se sont structurés. En effet, les spécificités de l'analyse des politiques en France sont avant tout liées au contexte de connaissance qui prévalait au cours de cette période qui a fortement marqué la réflexion des auteurs ayant contribué à donner son contenu à l'analyse des politiques « à la française », la question posée étant évidemment de savoir jusqu’où cette spécificité pourra se prolonger.

A retro-prospective outlook on French public policy analysis

It is known to all that public policy analysis was not born in France but in the US. French scholars have “discovered” the field much later thanks to some intermediaries whose contribution has been immersed in quite a specific cognitive environment. We are presenting a few elementary reflections about the decade of the 80s which witnessed the emergence of the introduction of policy analysis in France. Our aim is to reach a better comprehension of its local singularity and of its uneasy integration into general political science. We do not claim that there is a “French school” of policy analysis, neither do we pretend to solve all the questions under debate within the discipline. We are only trying to shed some light on the debates by outlining their emergence and structuring. One may indeed account for the singularities of French policy analysis by pointing out the cognitive context prevailing during the decade. That context shaped the reflections of the authors who contributed to defining the contents of policy analysis. It remains to be seen whether or not such a singularity is likely to last long.

Le Galès Patrick (CNRS, Sciences Po)

Analyse des politiques publiques, sociologie de l’action publique, sociologie de l’action collective : les transformations d’une discipline
La sociologie politique de l'action publique a-t-elle quelque chose à dire sur l'Etat ? Après avoir été mobilisés pour déconstruire l'Etat, les travaux de politique publique peuvent apporter des éléments à la sociologie politique de l'Etat. Cette communication mobilise notamment les travaux américains du courant de l'American Political Development et les travaux européens pour tenter d'esquisser des lignes de restructuration de l'Etat.

Public Policy Analysis, Sociology of Public Policy, Sociology of Collective Action: Transformations of a discipline

Is the sociology of public policy relevant to understand the restructuring of State? Classically, public policy analysis was used to undermine the coherence and unity of the State. This paper aims at using the public policy literature to bring some elements to the sociology of the State. It will use in particular the American political development literature and the European literature to identify some lines of State restructuring.

Mazur Amy G. (Washington State University)

Un bilan de 20 ans de recherche sur l’action publique et le genre

Les études sur le genre et l’action publique se sont largement développées depuis la fin des années 1980 et 1990 ; le nombre de postes spécialisés, de projets de recherche financés, de publications de haut niveau, de rapports gouvernementaux, et d’enseignements portant sur ces questions atteste de leur succès.
Nous ferons le bilan de cet ensemble de travaux et proposerons une revue des différentes approches sur l’action publique et le genre : l’étude des politiques explicitement féministes ; du gender mainstreaming ; des politiques genrées et de genre ainsi que de leur impact. Nous prendrons également en compte l’intérêt relativement récent pour l’intersectorialité et la diversité. La multiplicité des méthodologies mobilisées dans ces travaux sera aussi soulignée – quantitative, qualitative, méthodes mixtes, interprétatives et constructivistes –, ainsi que les contributions théoriques importantes, et la nature cosmopolite du réseau de chercheurs qui travaillent sur ces questions, et enfin les implications politiques et sociales de ces travaux.
Une analyse de l’action publique féministe s’est ainsi développée dans le champ des politiques publiques et de la science politique, en grande partie en dehors des women’s studies et des gender studies ; son approche est principalement empirique et centrée sur les problèmes. Etant donné son impact académique et politique, ainsi que sa capacité à imprégner les réflexions dans l’ensemble de la discipline, une analyse des politiques publiques qui ignorerait les résultats et les contributions de cette approche féministe passerait à côté d’un segment majeur de la recherche sur l’action publique. Les enjeux de genre ont en effet leur place dans toute étude systématique des dynamiques et des déterminants de l’action publique et leur impact sur le politique aujourd’hui.

Taking Stock of Twenty Years of Gendered Public Policy Analysis

With the take-off in gender and policy studies beginning in the late 1980s and early 1990s, the interface between the study of gender and public policy analysis is nothing new. The plethora of scholarlship, large funded research projects, refereed publication outlets, government reports, and courses across the globe attests to the success and contributions of gendered policy analysis.
This paper will take stock of this large, growing and highly international body of work. The different approaches to gendering policy studies will be assessed including the study of explicity feminist policy, gender mainstreaming, gendered and gendering policies, gendered policy impacts, policy processes at all levels of the state and the relatively new focus on intersectionality and diversity. The multiplicity of methodologies will also be highlighted-- quantitative, qualitative, mixed methods, interpretivist and social constructivist as well as the significant theoretical contributions of this body of work, the cosmopolitan nature of the network of scholars who work in this area and the implications of this area of study on policy and social change itself.
As the paper will argue, a feminist approach to policy analysis has developed within the purview of policy studies and political science, for the most part oustide of women’s studies or gender studies, in large part due to its empirical and problem driven approach. Given the scholarly and policy impact, pervasiveness and focus of feminist policy studies, current policy analysis that ignores the findings and contributions of this body of work misses a major segment of policy studies as well as the place of gender issues in any systematic study of the dynamics and determinants of policy formation and impacts in the contemporary polity.

Gilbert Claude (PACTE/MSH-Alpes-Grenoble), Henry Emmanuel (GSPE/PRISME-Strasbourg)

Au-delà de la mise sur agenda. Les processus de définition des problèmes : enjeux-clés pour l’analyse de l’action publique

La communication souligne l’intérêt d’analyser les problèmes (notamment de santé publique et de risques) sous l’angle de leur définition ou de leur cadrage. Cette problématique ouvre de nouvelles perspectives de recherche et de compréhension de l’action publique, si l’on :
– relie étroitement les enjeux cognitifs à des enjeux de pouvoir : orienter la définition d’un problème par des cadrages discursifs ou par des instruments, c’est tout à la fois désigner les acteurs pouvant ou devant intervenir, privilégier des solutions et moyens d’action, distribuer des compétences, des ressources et des responsabilités.
– comprend l’émergence de problèmes publics comme un processus de déconfinement : considérer donc la publicisation d’un problème comme un moment spécifique mais parmi d’autres dans des échanges et négociations se déroulant aussi au sein d’espaces plus confinés ou spécialisés.
– analyse la construction d’un problème en fonction des définitions alternativement données dans les espaces publics et confinés, c’est-à-dire en faisant des circulations entre ces différents espaces (avec les dynamiques et tensions que cela suscite) un élément décisif de la mise en forme des problèmes.
Cette approche propose donc d’analyser les luttes définitionnelles, et leurs implications en termes de « propriété » des problèmes, aussi bien dans les milieux confinés (où s’élaborent des compromis entre acteurs), sur les scènes publiques (où se développent des controverses), qu’à leur intersection.

Beyond the agenda-setting stage. Processes of problems definition: key challenges for analysing public action

The communication highlights the interest to analyze problems (especially risks and public health problems) in terms of problems definition, or problems framing. This questioning can open new research avenues and a better understanding of public action. It leads to focus on several points.
One of them consists in tightly connecting cognitive issues and power issues. Shaping the definition of a problem by narrative framing or by instruments signifies both assigning the actors that can or must act on it, prioritizing solutions and means of action, allocating competencies, funds and responsibilities.
A second one lays in understanding the patterns of emergence of problems as a process of deconfinement. When a problem is publicized, it is a specific moment but a moment among others in the ordinary relationships, exchanges and negotiations taking place inside specialized areas or more confined areas
A third one consists in analysing the framing of public problems according to the definitions which alternatively develop and circulate in public spaces and in confined spaces. It means that the exchanges between these spaces (with the dynamics and strains that it induces), are a key element in the problem definition process.
Such an approach offers to analyse definition struggles, and their implications in terms of ownership of problems, both in confined areas (where actors forge compromises) and in public spaces (where controversies develops) and at their intersection points.

Gouin Rodolphe (SPIRIT – IEP Bordeaux), Harguindéguy Jean-Baptiste (Centre d'études politiques et constitutionnelles de Madrid)

Retour de la ‘‘rationalité limitée’’ et cognition forte : enjeux et intérêts pour le renouvellement de l’analyse des politiques publiques

Les années 2000 marquent le retour en force dans les sciences sociales, et notamment dans l’analyse des politiques publiques américaine, de la « bounded rationality ». Un demi-siècle après la création de ce concept par Herbert Simon, qu’est-ce qui explique un tel enthousiasme ? À l’origine, la rationalité limitée est une conception de l’acteur rationnel limité par sa nature psychique et cérébrale dans ses prétentions à apprendre et à raisonner. L’engouement actuel des chercheurs pour ce concept est alors à rapprocher de celui dont bénéficient dans certains milieux les sciences cognitives. Plus exactement, le recours au concept de rationalité limitée vise aujourd'hui à combiner une approche rationaliste classique et les découvertes des sciences cognitives. Tout au long des années 1980, les travaux des psychologues cognitifs tels Tversky et Kahneman ont multiplié les remises en cause des fondements de la théorie du choix rationnel. Face à cette opposition tranchée, les modèles de la rationalité limitée proposent aujourd'hui une synthèse. L’analyse des politiques publiques française, malgré son goût pour les approches dites « cognitives », semble rester à l’écart de cette évolution. Nous défendons l’idée que l'analyse des politiques publiques pourrait gagner en profondeur en ancrant certaines de ses recherches dans la rationalité limitée, notamment en France où les études cognitives glissent parfois vers un constructivisme très abstrait.

« Bounded rationality » is coming back: what matters for policy analysis?

In the 2000s « Bounded rationality » is coming back in the social sciences literature, notably in the American policy analysis. 50 years after Herbert Simon proposed this concept what can explain such an enthusiasm? Bounded rationality originally means that people’s skills in learning and thinking are limited by psychological and biological human nature. Scholars’ attraction to this conception of human behavior is obviously connected with their interest in cognitive science. More precisely the use of this concept aims at combining a classical rationalist perspective with the cognitive science results. During the 80s cognitive psychologists’ findings, such as Tversky and Kahneman’s, undermined the bases of rational choice theory. Bounded rationality models try to make a synthesis between these two opposite perspectives. In spite of their taste for what they call “cognitive” approaches, French policy analysts seem to stand aside from these developments. We assume that a bounded rationality model of social human behavior could provide their research with a more solid and scientific ground. So doing many “cognitive” studies would avoid the dangers of a too abstract constructivism.

Axe 2

Genieys William (CNRS-CEPEL, Université Montpellier 1), Hassenteufel Patrick (Université Versailles Saint-Quentin, CARPO)

Sociologie des élites et de l’action publique. La méthode programmatique

Ce texte vise à opérer un croisement entre sociologie des élites et sociologie de l’action publique afin d’approfondir méthodologiquement la sociologie des élites en action proposée par le néo-élitisme. Nous mettons en avant une méthode qualifiée de programmatique, fondée sur la prise en compte simultanée de l’analyse fine des trajectoires politico-administratives et des systèmes de représentations partagés par des groupes d’acteurs. Cette démarche méthodologique permet, non seulement, de comprendre la structuration d’élites mais aussi leur pouvoir tant en termes de capacité de transformation de politiques publiques que d’accumulation de ressources d’action publique. Nous présentons, tout d’abord, les différentes dimensions de cette méthode programmatique à partir des apports et des limites des méthodes de la sociologie des élites. Puis, nous montrons comment elle a nous a permis de mettre en évidence le rôle d’une élite de hauts fonctionnaires dans la transformation du système d’assurance-maladie français depuis le début des années 1980. Nous terminons par des éléments de réflexion plus généraux pour combiner sociologie des élites et sociologie de l’action publique à partir de cette méthode.

Sociology of Elites et of Public Action. The Programmatic Method

This paper shows how to combine the methods of the elite sociology used by the neo-elitist approach and policy analysis methods. In this perspective we define a “programmatic method” based on the analysis of political and administrative careers and of actors’ policy frames. This method is useful to explain both the building of a policy elite and its capacity to change policies. We present the main dimensions of this method which helps to overcome some weaknesses of the traditional elite sociology. In the case of French health policy since the early 1980’s this method made possible the demonstration of the constitution and growing role of a “Welfare elite”. Therefore we argue that it can be used more generally to analyze the role of programmatic actors in policy changes.

Gensburger Sarah (ISP Paris X-Nanterre)

Que devient l’objet ‘politiques publiques’ au croisement des disciplines, des sources et des méthodes ?

Que se passe-t-il lorsque l’on analyse les politiques publiques à l’aide d’outils et à partir d’un regard qui ne relève pas pleinement de l’analyse des politiques publiques ? Cette contribution entend répondre à cette question en retraçant le cheminement d’une recherche empirique.
De manière progressive depuis le début des années 80, la « politique de la mémoire » est devenue une catégorie instituée d’action publique. Ce ne sont pourtant pas les politistes mais les historiens – à la fois analystes et acteurs sociaux mobilisés – qui ont commenté cette évolution. A l’origine de notre travail, nous souhaitions construire ces rapports contemporains entre mémoire et politique en objet de la sociologie. Dans cette démarche, le recours à l’analyse des politiques publiques a alors joué un rôle moteur. Il nous a notamment permis de décaler le point de vue et de banaliser un objet trop souvent réduit à des « usages politiques du passé ».
Cependant, une fois cette étape franchie, la spécificité de la grille de lecture employée s’est progressivement dissoute. L’utilisation de sources diversifiées, et notamment la conduite de terrains prolongés d’observation participante, nous ont conduit à prendre en compte les politiques publiques bien au-delà de leur analyse.

What crossing disciplines, sources and methods do to « public policies » ?

The purpose of this paper is to explore what public policies become when understood with methods and tools stranger to public policy analysis.
Since the 1980s, « memory policy » has become a category of legitimate State intervention. However, political analysts have shown no interest in this evolution. Historians have been the only ones to study to this institutionalization of a new field of State intervention. In our work, we wanted to demonstrate that sociology had also something to say about it. In such a perspective, the public policy analysis enabled us to normalize the issue and to understand the development of “memory policy” as something else than some plain “uses of the past”.
By doing so, the specificity of public policy analysis became irrelevant. The diversification of sources and methods, especially the extensive use of participant observation, led us to take into account public polices far beyond what “public policy analysis” is meant to deal with.

Dupuy Claire (IEP de Paris, Université de Milan-Bicocca, IEP de Toulouse), Pollard Julie (IEP de Paris, IEP de Grenoble)

Les rapports dans l’administration de la preuve : Quelques réflexions méthodologiques

L’une des spécificités méthodologiques de la sociologie de l’action publique tient à l’utilisation fréquente, voire quasi systématique, de rapports administratifs. Pour appréhender des politiques publiques quelles qu’elles soient, les rapports, que ceux-ci soient rédigés par des parlementaires, par des membres de l’administration ou par des experts extérieurs aux autorités publiques, constituent un matériau riche et souvent déterminant pour l’avancée des recherches. Malgré cette utilisation récurrente, la réflexion collective sur ce matériau est presque inexistante. Alors que dans la plupart des travaux de la discipline une attention méthodologique est accordée aux entretiens, aucune place n’est faite au traitement des documents écrits mobilisés dans l’analyse. L’objectif de cette communication est d’initier une réflexion sur l’usage de ces matériaux et sur leur rôle dans l’administration de la preuve. Deux dimensions sont privilégiées. En premier lieu, considérer de manière réflexive le recours aux rapports permet de distinguer les types de preuve que les rapports peuvent fournir, au-delà de l’usage informatif qui en est souvent fait. En second lieu, cette approche permet aussi de renouveler l’interrogation portant sur les sources des études de sociologie de l’action publique.

Administrative reports as evidences. Some methodological thoughts

Using administrative reports is one of the peculiarities of policy analysis. These reports are written by MPs, civil servants or policy experts. Their analysis offers information and insights which are key empirical data in most research done in the field. Despite this general and common use, very little methodological analysis has already been done. This lack of reflexivness is prejudicial and surprising compared to the attention paid to interviews. This paper aims at giving further thoughts to the use of administrative reports. Two dimensions are considered. The most common analysis of reports is based on the factual information they contain. The first objective of the paper is to display additional evidences they can provide. The second one is to reconsider the issue of empirical sources in policy analysis.

Beaudonnet Laurie (Institut Universitaire Européen - Florence)

La comparaison à Vingt-sept ? Etats-providence européens et méthodes quantitatives

Les Etat-providence sont un exemple de choix pour les questions méthodologiques, notamment pour tester la pertinence d’une approche quantitative. Ils présentent l’intérêt _ et la difficulté_ d’être des systèmes complexes de politiques publiques dont la diversité rend centrale les questions de comparaison et de typologie. L’examen de ces particularités permet de faire le tour des enjeux méthodologiques d’une comparaison quantitative à grande échelle des politiques publiques. La stratégie choisie ici est d’examiner quelles dimensions doivent et peuvent être prises en compte pour une comparaison des 27 Etat-providence européens, à partir des différentes approches existantes. Il s’agit ensuite de voir comment utiliser les données quantitatives disponibles, conjointement avec des indicateurs qualitatifs, pour mener une analyse systémique des régimes de protection sociale. Pour comparer ces caractéristiques et leur agencement, trois méthodes sont testées successivement avec le même set de données : l’analyse par cluster, l’analyse factorielle et l’analyse qualitative comparée (QCA), afin d’en cerner les avantages et les limites pour la comparaison quantitative des politiques publiques.

Assessing the relevance of quantitative methods to compare the 27 European welfare states

Welfare states are a fruitful example to address methodological issues, in particular to assess the relevance of quantitative strategy. They are complex systems of public policies and their diversity makes indeed comparison and typology issues even more important. Looking at these specificities enables to reflect more widely on the methodological challenges at stake in a large scale comparison of public policies. The strategy here is to first determine, from the different approaches, which dimensions can and have to be included to compare the 27 European welfare states. It then raises the question of how to operationalize theses dimensions and how to combine the available quantitative data and more qualitative indicators, to analyze welfare state as systems. The final step is to assess the most relevant method to compare these features and the way they hold together. The same dataset is successively analyzed with three different methods: cluster analysis, factorial analysis and qualitative comparative Analysis (QCA), in order to evaluate their respective advantages and limits for public policies comparison.

Evrard Aurélien (Sciences Po Paris, CEVIPOF), Matagne Geoffroy (Université de Liège et Sciences Po Paris)

Les « temps des réformes » : analyser le changement des politiques publiques par le prisme de ses temporalités

Au cœur des débats politiques, la question du changement constitue également un objet de recherche central pour l’analyse des politiques publiques. Les travaux qui lui sont consacrés ont souvent contribué à mettre en avant des dynamiques dichotomiques : changement versus inertie, changement graduel et incrémental versus changement radical et paradigmatique. Plusieurs recherches récentes ont essayé d’affiner la compréhension de ce processus, en articulant différentes dimensions du changement (instruments, institutions, objectifs, acteurs) ou encore les multiples niveaux de gouvernance. Il s’agit également de mettre en évidence des critères pour évaluer l’ampleur, le rythme ou les séquences du changement. Cette communication propose de contribuer à cette dynamique de recherche en mobilisant une perspective temporelle pour comparer les politiques publiques. Elle met en évidence les différentes temporalités du changement, ainsi que leurs interdépendances. L’intérêt et la portée heuristique de cette démarche seront illustrés par des exemples tirés de deux secteurs de l’action publique caractérisés par des « durées de vie » et des niveaux de développement différents : des politiques de l’emploi, institutionnalisées depuis plusieurs décennies et animées par des réseaux d’acteurs largement stabilisés d’une part ; des politiques de soutien aux énergies renouvelables, dont la mise à l’agenda est plus récente, et donc moins institutionnalisées, d’autre part.

« The Times They Are A Changin’ »: Analysing Policy Change through a Time-oriented Approach

Policy change is at the core of political and scientific debates. It is a common object of inquiry in public policy analysis and inspires many research questions. Studies on the modalities and the causes of change often identify one out of two possible dichotomous dynamics: change versus inertia, incremental and gradual change versus radical and paradigmatic change. Several recent researches attempted to build a general explanatory framework of policy change in order to analyse the interactions between dimensions (instruments, institutions, goals, and actors), or different levels of governance. They also focus on core aspects such as impact, as well as rhythm and sequences of change. This paper aims at contributing to this research programme by focusing on the temporal dimension of change in order to compare public policies. It highlights the different temporalities of policy change and their interdependence. The heuristic power of a time-oriented approach are demonstrated by way of two case studies that feature varying levels of institutionalisation: labour market policies, historically grounded, highly institutionalised, and characterised by stabilised actors networks on the one hand; renewable energy policies that have been set on the agenda more recently and therefore less institutionalised, on the other hand.

Mayaux Pierre-Louis (Sciences Po)

Comparer les politiques publiques en Amérique Latine

Si la comparaison tend à apparaître comme une stratégie de recherche privilégiée en analyse des politiques publiques, son utilisation pose parfois des problèmes particulièrement sensibles lorsque l'on y inclut des systèmes politiques comme ceux d'Amérique Latine. Face à la nécessité d’intégrer les spécificités des cadres et des formes d’action publique des Etats de la région, nous développons quatre options méthodologiques susceptibles d’étayer les différentes stratégies comparatives.
En premier lieu, l’ampleur et la rapidité des changements empiriquement observables dans la région depuis les années 1980 tendent à augmenter l’intérêt des comparaisons dans le temps, susceptibles de mieux cerner les déterminants et les mécanismes d’un changement souvent non-linéaire.
En deuxième lieu, la faiblesse des institutions formelles rend souvent peu fructueux le choix de configurations institutionnelles statiques comme variables indépendantes. Dans la mesure où les Etats latino-américains apparaissent en butte à des tentatives d’institutionnalisation autant qu’à des contraintes institutionnelles, les comparaisons gagnent à s’articuler autour de variables indépendantes renvoyant à des modes et à des cadres d’interactions: jeux à niveaux multiples, dynamiques de politisation, interactions stratégiques dans le cadre de jeux itératifs, etc.
Ensuite, l’importance connexe des institutions informelles (clientélisme, réseaux d’action publique, leadership) et la limitation de l’accès aux archives plaident pour des enquêtes de terrain approfondies, appuyées sur un large recours aux entretiens semi-directifs, à l’observation et à l’analyse réputationnelle.
Enfin, l’importation de typologies internationales nécessite de réinterroger certaines catégories fondamentales de l’analyse, telles que le sens du partage public/privé ou les modes de formation de l’Etat.

Comparating Public Policies in Latin America

Although comparison is now becoming a much valued research strategy in public policy analysis, its use can raise some acute problems when applied to political systems such as the ones in Latin America. Having to take into account Latin American States’ specificities in frames and forms of public action, we insist on four methodological options capable of strengthening the design of comparative strategies.
First, the magnitude and speed of changes that swept across the region since the 1980s tend to increase the relevance of cross-time comparisons, which seem capable of better highlighting key determinants and mechanisms of change.
Second, the relative weakness of formal institutions lessens the incentive to conceptualize independent variables as static institutional configurations. As Latin American States have to cope with institutionalization attempts as much as institutional constraints, comparisons may more relevantly rest on independent variables that refer to forms and frames of interactions: multi-level games, dynamics of politicization, strategic interactions within iterative games, and so forth.
Third, the collateral importance of informal institutions (such as clientelism, public policy networks, leadership) and limited access to archives and official documents, argue for in-depth field analysis that rest on semi-directive interviews, observation and reputational analysis.
Lastly, importing international typologies requires reinterrogating some basic analytical categories such as the meaning of public/private dichotomy and the process of State formation.

Axe 3

Anquetin Virginie, Freyermuth Audrey (GSPE-PRISME – Strasbourg)

Mobiliser les électeurs : le rôle matriciel de la compétition politique dans la production de l'action publique

Dans certaines approches dites cognitives des politiques publiques, les « facteurs politiques » consisteraient en idées et représentations susceptibles d’influencer la production de l’action publique dans des circonstances ponctuelles dites fenêtres politiques. Les acteurs politiques ne sont envisagés que comme des opérateurs formels de l’action publique. « La politique partisane » y est analysée comme l’une des sources des cadres cognitifs qui orientent les pratiques et les « décisions » des acteurs des politiques publiques. Mais penser la « fabrique de l’action publique » comme un produit administratif ou technique déconnecté du travail électoral des « acteurs politiques » conduit à négliger la précarité du métier politique qui découle des règles et processus de l’élection. Cette singularité contraint tous les compétiteurs à tout moment, quelle que soit leur position ou leurs ressources dans le jeu politique, et structure l’ensemble de leurs pratiques : collecte d’informations pour prévenir les critiques, entretien de marques électorales distinctes, ou production de « programmes d’action publique » différenciés réputés indiquer aux électeurs l’orientation de « politiques publiques » pour mobiliser leur vote. Dans cette perspective, l’activité politique peut être décrite comme une activité spécialisée, complexe, structurée par le jeu électoral. C’est lui qui imprègne et suscite le travail politique duquel résultent la construction et la labellisation de « l’action publique ».

Mobilizing voters : political competition as the matrix of the production of public action

In some cognitive analysis of public policies, “political factors” consist in ideas and representations capable of influencing the production of public action under limited circumstances called “political windows”. Political actors are here considered only as formal operators of public action. “Partisan politics” is analysed as one of the origins of cognitive framework orienting the practices and the decisions of public policies actors. But thinking the fabrics of public action as an administrative or technical product disconnected from the electoral work of political actors leads to neglecting the structuring precariousness of the political activity, produced by the rules and processes of election. This specificity influences all political competitors whatever position or resources they hold in the political game, and it structures all their practices : collecting information to prevent criticism, maintaining distinct electoral brands, or producing differentiated “public action programs” that are supposed to show electors the orientation of “public policies” in order to mobilize their vote. Political activity can thus be described as a specialized and complex activity structured by the electoral game. This game impregnates and fuels the political work from which stem the construction and the naming of “public policies”.

Bernier Nicole F., Clavier Carole (Université de Montréal)

L’analyse des politiques publiques dans les domaines de recherche appliquée : la science politique y joue-t-elle un rôle? Le cas de la recherche en santé publique

Une façon intéressante d’aborder l’évolution de l’analyse des politiques publiques est d’étudier son influence au-delà des frontières de la discipline, vers des champs d’application des connaissances. Notre exposé propose une exploration formelle de la perméabilité d’un de ces domaines, la santé publique, aux connaissances et savoir-faire développés par l’analyse des politiques, en science politique. À partir d’une revue des écrits, nous avons d’abord cherché à distinguer l’apport spécifique de la science politique par rapport à d’autres disciplines et construit une grille rigoureuse pour les observations empiriques. Nous avons ensuite repéré et caractérisé tous les articles traitant de politiques publiques publiés en 2006 et 2007 dans 14 des revues de santé publique les plus influentes au monde selon les facteurs d’impact. Les résultats indiquent une contribution très limitée des politologues à la réflexivité de l’action publique en santé ainsi que l’exercice, par la santé publique, d’un quasi-monopole sur la production des connaissances dans son domaine d’action. Surtout, cette démarche a déstabilisé certains de nos a priori, comme politologues, vis-à-vis de la délimitation du domaine de recherche, des objets de l’analyse des politiques, et de la définition même de l’objet « politique publique ». Nous ouvrirons la discussion en proposant quelques idées sur la pertinence de l’analyse des politiques en science politique pour les champs appliqués.

Public policy analysis in applied research: how influent is political science? The case of public health research

An interesting way of studying public policy as a research field is to appraise its influence beyond the disciplinary borders of political science, in applied fields of research. Our contribution presents a formal exploration of the permeability of one such field, namely public health, to the knowledge and know-how about policy analysis as developed by political scientists. Based upon a literature review we first sought to distinguish the specific contribution of political science relative to other disciplines and to design a rigorous framework for empirical observations. We then identified and characterized all articles dealing with public policy published in 2006 and 2007 in 14 of the most influential public health journals worldwide as reflected by their impact scores. Results indicate a very limited contribution of political science to the reflexivity of the public health field as well as the existence, within this field, of a quasi-monopoly regarding the production of knowledge on health policy. Above all the research process destabilized some of our assumptions, as political scientists, relative to the definition of public policy as a research field, the objects of public policy analysis, and even the basic definition of “public policy” as a study object. We will conclude with advancing some proposals for discussion on the relevance of political science theories and methods for applied fields of policy research.

Bezes Philippe (CERSA, CNRS, Université Paris 2)

Sociologie de l'Etat, sociologie de l'administration et analyse des politiques publiques : chassés croisés, angles morts et cumulativité

Cette communication part du constat d’une relative disjonction et autonomisation des champs sous-disciplinaires et des travaux portant sur l’Etat, les administrations et les politiques publiques « sectorielles ». Oublieuse des questionnements initiaux de ses fondateurs, l’analyse des politiques publiques a développé des études empiriques importantes mais sans toujours se donner les moyens d’une remontée en généralité susceptible de fonder une analyse portant plus largement sur les transformations de l’Etat. De son côté, les travaux sur l’Etat ont mis en avant de nombreux concepts (hollow state, regulatory state, congeasted state, etc.) : désormais fondées sur des approches très générales, elles sont souvent trop larges pour renouer précisément avec l’étude des mécanismes socio-politiques jadis considérés comme constitutifs de la sociologie de l’Etat (différenciation, circulation des élites, extraction de ressources, légitimation, etc.). Les études consacrées aux transformations des administrations bureaucratiques, pourtant riches, ne sont pas non plus souvent articulées aux deux précédentes. Après une brève mise en perspective des faits et raisons qui alimentent ces déliaisons, la communication s’efforcera d’en montrer les effets pervers (angles morts et insuffisante cumulativité) avant d’envisager des perspectives pour réintégrer des ensembles disjoints.

Study of 'the state', public administration and public policy analysis : comings and goings, blind spots and cumulativity

This paper argues that we have observed a growing separation and disjuncture between scholars interested in the study of 'the state', of public administration and public policy analysis. While providing critical empirical insights, public policy analysis often ignores the wider context of a transforming state, thereby forgetting the initial intentions of its founders. Studies of 'the state' have generated numerous concepts to take account of the changing quality of statehood (e.g. hollow state, regulatory state), but they often neglect to explore the social and political mechanisms that are at the heart of the historical sociology of the state (for example differentiation, the social circulation of elites, fiscal resources etc). Studies in public administration are often ignorant of the literatures in public policy analysis and 'the state'. This paper explores these three separate worlds and explains the emergence of these different trajectories and their undesired effects (blind spots, cumulativity). It concludes by advocating a reintegration of these different worlds and exploring potential avenues through which such a reintegration could take place.

Borraz Olivier (CSO- Sciences Po-CNRS)

Les politiques publiques au prisme des risques

L’analyse des risques collectifs a contribué à renouveler les approches s’intéressant à la définition des problèmes publics. Elle a notamment permis de démontrer que les enjeux liés à la définition et au cadrage, loin de se cantonner à la phase de mise sur agenda, s’étendent tout au long du cycle de vie des problèmes publics. L’analyse des risques collectifs a aussi permis d’introduire une nouvelle piste de réflexion concernant les « états » par lesquels pourraient transiter des problèmes publics, cette notion englobant non seulement le cadrage mais aussi la prise en charge des problèmes. Ce faisant, elle invite à s’interroger sur l’existence d’autres « états » que pourraient adopter des problèmes publics. Enfin, elle laisse entrevoir la possibilité d’une réflexion plus large sur les instruments d’action publique ayant contribué à façonner la capacité de l’Etat à assurer la protection de ses populations, le risque n’étant qu’un de ces instruments.

Public policy and the issue of risk

The study of collective risks has proven useful to enhance our understanding of how policy issues are defined. In particular, it has demonstrated that the struggles around the definition of public problems extend far beyond the agenda-setting phase to cover the entire life-cycle of policy issues. Furthermore, the study of collective risks has opened a new line of questioning concerning the “states” that issues can move through, this notion encompassing both the framing and management of public problems. This would imply that there are other “states” that problems could acquire, which would need to be uncovered. Lastly, the study of collective risks can serve as a useful introduction into a wider field of research regarding how policy instruments served to establish the State’s capacity to provide security to its population – risk being one of these instruments.

François Pierre (CSO – Sciences Po-CNRS, Professeur affilié à l’ESC Rouen)

Sociologie économique et analyse de l'action publique. Remarques sur une myopie réciproque

Sociologie économique et analyse de l’action publique portent sur leurs objets respectifs des regards qui, sans en faire un principe délibéré, s’évitent le plus souvent. En détaillant la constitution et le fonctionnement des marchés, en décrivant la dynamique de champs entrepreneuriaux, en analysant les logiques qui animent de nouveaux acteurs économiques généralement rassemblés sous le terme de « tiers secteur », les sociologues de l’économie croisent, chemin faisant, des formes contemporaines d’intervention de l’Etat sans toutefois, le plus souvent, s’appuyer sur les outils développés par l’analyse de l’action publique pour en rendre compte ; et symétriquement, en s’intéressant aux politiques touchant la dynamique de champs industriels ou, plus généralement encore, en s’attachant à décrire les transformations du capitalisme contemporain, les spécialistes de l’action publique traitent, de facto, de questions économiques en se passant très largement des outils et des résultats des sociologues de l’économie. Ce sont moins les raisons de ce double aveuglement qui constitueront l’objet de cet article que l’explicitation de leurs implications (que manquent les sociologues (les politistes) en ignorant ainsi les travaux de leurs collègues politistes (sociologues) ?) et que l’énoncé d’une plate-forme conceptuelle et épistémologique susceptible d’articuler ces discours qui, jusqu’ici, s’ignorent.

Economic sociology and public policy analysis. Remarks on a reciprocal myopia.

Economic sociology (resp. public policy analysis) studies its objects without taking into account what it could learn from public policy (resp. economic sociology). When they describe the building of markets and the way they work, when they analyse entrepreneurship, when they study the actors that constitute what has been called the “care economy”, economic sociologists do evoke contemporary forms of public policy without considering the results or the tools developed by public policy analysis. Symmetrically, when they deal with industrial policies or, more generally, when they describe the transformations of contemporary capitalism, public policy analysts deal, de facto, with economic issues ignoring knowledge produced by economic sociology. The paper will less present the reasons of this double blindness than their implications (what miss sociologists (political scientists) ignoring works of their political scientists (sociologists) colleagues?) and some proposals for a common conceptual platform that could be a meeting point for discourses which, until now, ignore each other.

Nollet Jérémie (Université Lille 2 – CERAPS)

Croiser analyse des politiques publiques et sociologie des médias : genèses et usages des concepts de mise à l’agenda et de construction des problèmes.

La question du rôle des médias dans l’action publique est saisie comme une opportunité d’interroger les croisements entre l’analyse des politiques publiques et la sociologie du journalisme. Deux cadres conceptuels sont généralement mobilisés pour penser cette question : la théorie de « l’agenda-setting » et celle de la construction (médiatique) des problèmes sociaux. Chacune de ces deux approches présente la particularité d’avoir été forgée simultanément mais séparément dans les champs de recherche sur l’action publique et les médias. Ce n’est que dans un second temps que ces concepts ont été utilisés pour penser le pouvoir des médias sur les politiques publiques. Notre texte retrace cette carrière des concepts d’agenda-setting et de construction des problèmes publics. Puis il rend compte de l’importation en France de ces deux problématiques et de leurs usages, quelques peu différents, pour penser la même question du rapport entre médias et action publique. Enfin, il met en évidence les caractéristiques communes (un biais mécaniste et médiacentrique) de ces cadres conceptuels, par-delà les singularités de leurs usages. Celles-ci donnent à voir certains angles morts de l’analyse des politiques publiques et plaident pour un rapprochement plus intime de la sociologie du journalisme avec celle de l’action publique, notamment par l’analyse de ce que les usages de la communication médiatique par les acteurs politico-administratifs font aux politiques publiques.

Crossing Public policy analysis and Sociology of the media : The genesis and usages of the concepts of agenda-setting and construction of policy problems

The question of media influence on the policy-making process is an opportunity to examine the crossed boundaries between the public policy analysis and the sociology of journalism. Two conceptual frameworks are generally utilised to consider this issue: the agenda-setting theory on the one hand and the media construction of social problems on the other hand. Each of these concepts appeared simultaneously in two distinct fields: policy analysis and media research. Later, these concepts have been used to theorize the media power on public policies. Our text starts with a description of the carrier of the agenda-setting and the social problems concepts. Then, it analyses the importation of these conceptual frameworks in France as well as the specific ways in which they are used to consider the same question of media-public policies relationship. Finally, it underlines the common features of these conceptual frameworks (the automatic and mediacentric biases) beyond these specific uses. These common features highlight several pitfalls in public policy analyses and advocate for a closer linkage between the sociology of journalism and the sociology of policy-making process, especially by analysing what the political and administrative uses of media-driven communication do to public policies.


f Participants

Anquetin Virginie virginie.anquetin@misha.fr
Beaudonnet Laurie laurie.beaudonnet@gmail.com
Bernier Nicole nf.bernier@umontreal.ca
Bezes Philippe bezes@hotmail.com
Borraz Olivier o.borraz@cso.cnrs.fr
Boussaguet Laurie laurie.boussaguet@sciences-po.org
Clavier Carole carole.clavier@umontreal.ca
Dupuy Claire claire.dupuy@gmail.com
Evrard Aurélien aurelien.evrard@sciences-po.org
François Pierre p.francois@cso.cnrs.fr
Freyermuth Audrey audrey.freyermuth@hotmail.fr
Genieys William wgenieys@univ-montp1.fr
Gensburger Sarah sgensburger@yahoo.fr
Gilbert Claude Claude.Gilbert@msh-alpes.prd.fr
Gouin Rodolphe r.gouin@sciencespobordeaux.fr
Harguindéguy Jean-Baptiste Jean-Baptiste.Harguindeguy@eui.eu
Hassenteufel Patrick patrick.hassenteufel@free.fr
Henry Emmanuel emmanuel.henry@iep.u-strasbg.fr
Jacob Steve Steve.Jacob@pol.ulaval.ca
Jacquot Sophie sophie.jacquot@sciences-po.fr
Lascoumes Pierre pierre.lascoumes@sciences-po.fr
Le Galès Patrick patrick.legales@sciences-po.fr
Leca Jean jean.leca@sciences-po.fr
Matagne Geoffroy gmatagne@ulg.ac.be
MayauxPierre-Louis pierrelouis.mayaux@sciences-po.org
Mazur Amy mazur@wsu.edu
Muller Pierre pierre.muller@sciences-po.fr
Négrier Emmanuel negrier@univ-montp1.fr
Nollet Jérémie jeremie.nollet@univ-lille2.fr
Palier Bruno bruno.palier@sciences-po.fr
Papadopoulos Yannis Ioannis.Papadopoulos@unil.ch
Pierru Frédéric frederic.pierru@wanadoo.fr
Pollard Julie julie.pollard@sciences-po.org
Ravinet Pauline pauline.ravinet@sciences-po.org
Surel Yves yves.surel@aliceadsl.fr
Varone Frédéric Frederic.Varone@politic.unige.ch