Section thématique 2

Sociologie politique de l'action extérieure de l'Etat dans la nouvelle multipolarité

f Responsables

Frédéric Charillon (C2SD, Université d’Auvergne) frederic.charillon@wanadoo.fr
Karoline Postel-Vinay (Sciences Po-Paris) postelvinay@ceri-sciences-po.org

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Les études internationales sont restées, depuis la fin de la bipolarité en 1989-91, sur un certain nombre d’interrogations relatives à la fois à l’état du système international post-bipolaire, et à la marge de manœuvre des acteurs dans cette nouvelle situation. dans cette situation d’incertitude, les acteurs et les décideurs politiques d'Etat peinent à ajuster leur analyse et à adapter leur action. De réformes (ou reviews) en livres Blancs, de redéploiements en recrutements, de prospective en efforts d’anticipation, les appareils étatiques s’efforcent de faire évoluer leur action extérieure – politique étrangère, défense, politiques de coopération ou nouvelles diplomaties. Quelle est leur marge de manœuvre, quels sont leurs besoins, qui peut contribuer à cette évolution et comment ?

Trois questions émergent à cet égard :

1- Comment analyser – et qualifier – l’état actuel du système international, en tant que paramètre et contrainte pour l’action extérieure de l’Etat ?

La boîte à outils conceptuelle de l’analyse du système international reste fragile, et les paradigmes proposés dans les années 1990 n’ont pas convaincu : l’Etat ne s’est pas affaibli autant qu’on le prédisait, l’hypothèse d’un « moment unipolaire » (Ch. Krauthammer) ne s’est pas vérifiée, les interrogations sur l’« hégémon » américain (Agnew) restent ouvertes, le concept de « turbulence » en guise d’explication globale (J. Rosenau) a montré ses limites opératoires, pour ne pas parler du « choc des civilisations », qui a ouvert davantage de polémiques qu’il n’a fixé de repères. La constitution d’une nouvelle forme de multipolarité marquée par une diversité des échelles (locale, régionale, bilatérale, multilatérale, inter-régionale..), des enjeux (écologique, technologique, humanitaire...), des lieux et modes de régulation, des formes d’associations d’acteurs (organisations, forums, groupes, quartet…) comme des formes de puissance, pose question à l’Etat. La globalisation croissante des échanges, la « gouvernance globale » amplifient les dilemmes. Il apparaît dès lors urgent de parvenir à qualifier le système international, aussi bien pour les besoins de l’observation que pour ceux de l’action et de son anticipation. Si notre hypothèse de départ – celle de l’existence d’une nouvelle multipolarité – peut servir d’amorce à la discussion, son contenu reste à préciser.

2- Comment les acteurs étatiques gèrent-ils cette nouvelle donne, comment s’efforcent-ils d’y conduire leur action extérieure dans ses dimensions les plus régaliennes (essentiellement diplomatie, défense, et politiques de sécurité en général) ?

Les réponses apportées à ces défis diffèrent d’un Etat à l’autre, d’une région à l’autre, avec d’abord des lignes de démarcation au sein du monde des Etats : entre les Etats-Unis d’Amérique et le reste du monde, entre les pays occidentaux et les pays dits « émergents » (Brésil, Russie, Inde, Chine), entre les politiques étrangères « consensuelles » et les politiques « contestataires ». Peut-on distinguer des grands modèles de réponse étatique aux évolutions du système international, et à la nouvelle multipolarité ? La fusion entre politique étrangère, défense et sécurité, observable ici (aux Etats-Unis, et peut-être dans le dernier Livre Blanc français sur la défense et la sécurité), n’est pas retenue ailleurs. L’ouverture de l’action extérieure sur des acteurs et des partenariats privés, sur des « externalisations », prisée en occident, fait moins recette dans le Sud. La sociologie de l’action extérieure d’Etat diffère grandement d’un Etat à l’autre, et il importe d’en dresser une première typologie.

3- Comment cette action extérieure étatique marque-t-elle sa spécificité et se combine-t-elle avec celle qui est menée – parallèlement, conjointement, en complémentarité ou en coucurrence – par les autres acteurs ?

La coexistence de nombreuses actions extérieures dans la nouvelle multipolarité du monde « multicentré » (J. Rosenau), leur combinaison qui (lorsqu’elle existe) peut être coopérative ou conflictuelle, doit faire l’objet d’une réflexion ici. L’étiquette d’ « acteur non-étatique », qui regroupe aussi bien les firmes multinationales qu’Amnesty International ou Al-Jazeera, ne permet pas de rendre compte de toute la diversité de la scène mondial. Mais elle suffit à introduire l’idée d’une concurrence à l’action internationale de l'Etat, d’une diversité des modalités de gestion du système international, et même celle d’une remise en question du concept de puissance. Au milieu de toutes ces formes d’action internationale, celle de l'Etat parvient-elle à garder une spécificité ? Si oui, comment, et qu’est-ce qui en fait l’essence ?

La démarche ici sera à la fois sociologique et comparée. Elle se penchera sur les perceptions, actions et interactions des acteurs d’Etat (bureaucraties, personnels étatiques…) mis en concurrence avec les nouveaux acteurs de la scène mondiale (ONG, OIG, entreprises, religieux, associatifs, médias…). Et elle abordera des expériences variées, occidentales comme non occidentales, issues de régions, de régimes politiques et de traditions étatiques les plus diverses possibles.

Political Sociology of State International Action in the New Multipolarity

International studies have been marked by uncertainty since the end of the Cold War. The current international system, as well as its actors and their room to manoeuvre, remains puzzling to decision makers, observers and scholars alike. State bureaucracies have been trying hard to adapt to the new international context. But what are their possibilities for action, how can they adapt themselves, and with what kind of external support?

Three main questions must be addressed:

1- How should the current international system be analyzed and qualifie, as a parameter or constraint, for external state action ?

The political scientist’s toolbox, full of theories coined during the 1990s and 2000s to explain the international system, is insufficient to explain this new order and the challenges it poses to the state. Take, for instance, the emergence of a new multipolarity, with its various scales (local, regional, global, bilateral or multilateral, etc.); its numerous issues (environment, technology, humanitarian action…); multiple modes of regulation; various types of actors (organizations, forums, working groups, quartets…); and types of power (hard or soft).

2- How do state actors cope with this new system; and how do they adapt the most sovereign aspects of their external action (foreign policy, defence, security policies…)?

Answers differ from one state to another, with dividing lines between the US and the rest of the world, between North and South, the West and emerging countries, “consensual” and “dissident” foreign policies. Is it possible to draw a typology of state responses (and their sociology) to the new international system and to the new multipolarity?

3- How can the external action of the state retain its specificity, in comparison to, and combination with (or in competition with) those of private, transnational and other actors?

The coexistence between several types of external action on the new multipolar and « multi-centred » (J. Rosenau) world stage can lead to conflictual or cooperative combinations. What are the role, the weight, the status, and specificity of the state in this profusion of actors and international initiatives?

Our approach here will be both sociological and comparative. It will deal with perceptions, actions, interactions, and competition between state actors (bureaucracies, agents…) and new actors of the world stage (NGOs, IOs, companies, religious groups, associative actors, the media, etc.). Experiences from various regions, regimes and state traditions will be explored.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Session 6 : 9 septembre 2009 14h-16h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (Amphi E)


f Programme

Axe 1
Les puissances face à la nouvelle multipolarité

Axe 2
La multipolarité : concept et pratiques


f Résumés des contributions

Axe 1

Hoop Scheffer Alexandra (de) (CERI-Sciences Po)

Les Etats-Unis face à la nouvelle multipolarité : quelle action extérieure ?

Baptisée « stratégie intelligente » (smart strategy), « politique de la main tendue » ou « écoute stratégique » (strategic listening), la doctrine Obama consiste à repenser la puissance américaine à l’aune de la multipolarité, au détriment du prisme déformant de l’unipolarité. Si la « grande stratégie » de B. Obama se veut en rupture avec celle de G.W. Bush, la rupture s’effectue par un retour aux principes fondateurs de la culture politique américaine (l’importance des alliés, la pratique du marchandage, l’équilibre des pouvoirs) et à une diplomatie pragmatique, qui rappelle les méthodes alors pratiquées par l’administration Nixon (1969-1974), sous l’impulsion de Henry Kissinger (diplomatie informelle, linkage, diplomatie triangulaire). La relation avec la Russie et la Chine souligne davantage une volonté de rénovation : Barack Obama renoue avec un dialogue non plus « compartimenté » et ponctuel, mais prend davantage en compte les différents aspects du partenariat stratégique qui lie les Etats-Unis aux deux grandes puissances. Enfin, la prise en compte de la multipolarité se traduit par l’invention d’une nouvelle diplomatie multilatérale, en favorisant ainsi une « multipolarité avec multilatéralisme », mais sous des formes variées et flexibles : arrangements ad hoc, groupes de contacts, sommets, rencontres secrètes, qui permettent d’articuler la position américaine, celles de ses alliés et celles des puissances émergentes.

The United States and the New Multipolarity: What Kind of Foreign Policy?

Barack Obama’s Grand Strategy – either called ‘smart strategy’, policy of the ‘unclenched fist’ or ‘strategic listening’- aims at redefining U.S. power in the light of multipolarity and discards the distorting lens of unipolarity. If the ‘Obama doctrine’ departs from G.W. Bush’s, it does so by reverting to the founding principles of the American political system (the importance of allies, the practice of bargain, the balance of power) and to a pragmatic diplomacy, which recalls the methods used by the Nixon administration (1969-1974), under the auspices of Henry Kissinger (informal diplomacy, linkage, triangular diplomacy). The U.S. relation with Russia and China underscores a sharper will of renewal: instead of focusing on a compartmented and punctual dialogue, Barack Obama takes into account the different components of the strategic partnership linking the U.S. to these two powers. The recognition of multipolarity is also apparent in the invention of a new multilateral diplomacy, favoring a “multipolarity with multilateralism”, the latter taking diverse and flexible forms: ad hoc arrangements, contact groups, summits, secret meetings, etc., which allow the U.S. to articulate its position with those of their allies and emerging powers.

Placidi Delphine (IEP de Paris / CERI)

L'articulation entre multipolarité et multilatéralisme dans la politique extérieure russe depuis 1991

Depuis la fin de la guerre froide et l'effondrement de l'Union soviétique, la politique extérieure russe a sensiblement évolué, de la volonté de rapprochement avec les pays occidentaux initiée par Mikhaïl Gorbatchev et poursuivie durant la période Kozyrev jusqu'à la réaffirmation de la puissance et de l'autonomie russe de l'ère Poutine en passant par les désillusions et la réorientation eurasiste promue par Evgeni Primakov durant la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. En dépit de ces évolutions, la revendication d'un ordre international multipolaire figure dans de multiples discours politiques et travaux académiques. Elle est en outre fréquemment accolée et même délibérément confondue avec la défense du multilatéralisme, celui-ci étant conçu comme un instrument interétatique d'affirmation et de promotion d'une multipolarité pacifique.
Les autorités russes ont ainsi défendu avec constance une configuration multipolaire au sein de l'ONU, tant dans son fonctionnement que concernant ses projets de réforme. Elles ont par ailleurs successivement mis en avant leur participation à des organisations régionales telles que l'OSCE puis l'Organisation de la coopération de Shanghaï (OCS) et dernièrement l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) dans l'instauration d'un ordre international multipolaire. Cette revendication fait toutefois l'objet de débats parmi les chercheurs russes, quelques uns considérant cette notion dépassée, d'autres y voyant une menace de déclin pour la puissance russe concurrencée par l'Inde et surtout la Chine.

Multipolarity and multilateralism in Russian foreign policy since 1991

Russian foreign policy has significantly evolved since the end of the cold war and the collapse of the Soviet Union. Gorbatchev's wish to come closer to western states, pursued by Yeltsin's first ministry of foreign affairs, Andrei Kozyrev, was followed by disillusions and a eurasianist reorientation launched by Evgeni Primakov during the second half of the 1990s, while Putin wished to reaffirm Russia's power and autonomy. However, the claim for a multipolar international order is common to all successive official foreign policy doctrines and is also conveyed by many academics. Furthermore, this wish for multipolarity is often combined, and sometimes deliberately mixed up with the defense of multilateralism. International and regional organisations are in fact conceived as useful tools to promote pacific multipolarity.
Russian authorities have thus constantly defended a multipolarity at the United Nations, be it concerning decision-making within the organisation or the reform of the system, and inside regional organisations such as the OSCE and more recently the Shanghai Cooperation Organization (SCO) and the Collective Security Treaty Organization (CSTO). Multipolarity is nonetheless debatted among Russian internationalists, a few of them considering the very notion of polarity outdated, others fearing Russia to be overstepped by India and most of all by China.

Hatto Ronald (Sciences-Po Paris)

L’action extérieure des puissances moyennes dans un ordre international/globalisé : les cas australien et canadien

Le papier cherche à démontrer quels sont les déterminants de la politique étrangère de deux Etats assez similaires : l’Australie et le Canada. Tous deux sont des puissances moyennes en termes économiques mais aussi au plan des opérations militaires extérieures. Pour ce faire, une première partie s’attachera à analyser l’ordre international actuel en s’inspirant des travaux d’Adam Watson et d’Ian Clark. Ensuite, il s’agira de dégager les caractéristiques dominantes d’une « puissance moyenne ». Enfin, le papier utilisera l’approche systémique de la politique étrangère (Brecher, Steinberg et Stein, 1969 ; Clark et White, 1989) et l’analyse constructiviste mettant l’accent sur le lien entre agents étatiques et structure internationale (Carlsnaes, 1992) pour en arriver à comprendre les variables qui influencent leur politique étrangère.

External action of middle powers in an international/globalized order: The cases of Australia and Canada

The paper aims to analyze foreign policy determinants of two rather similar states: Australia and Canada. Both are middle powers in economic terms but also when it comes to military interventions. The paper will thus first examine the present international order using the works of Adam Watson and Ian Clark. The second part will clarify what are the main characteristics of a ‘middle power’. In the last part, the paper, using foreign policy systemic approach (Brecher, Steinberg et Stein, 1969 ; Clark et White, 1989) and constructivism (Carlsnaes, 1992), will try to identify the variables influencing the formulation of these two states’ foreign policy.

Alles Delphine (Sciences Po Paris, C2SD)

Evolutions d’une action extérieure entre nouvelle multipolarité, démocratisation et émergence de nouveaux acteurs : les enjeux de la « diplomatie totale » indonésienne depuis la fin des années Suharto

La réforme politique, engagée depuis la chute de l’Ordre Nouveau en 1998, se traduit par une participation accrue des acteurs non-étatiques dans la vie publique indonésienne. L’action extérieure n’est pas exempte de ce foisonnement. Loin des analyses classiques de la politique étrangère des pays en développements, qui cantonnent souvent les questions internationales au domaine réservé d’un chef d’Etat autoritaire, ces dernières font l’objet de multiples débats en Indonésie. Longtemps méfiant, l’Etat indonésien a dû s’adapter malgré lui: en 2002, les attentats de Bali ont violemment démontré la capacité d’acteurs non-étatiques à peser sur son action internationale. Il fallait bien intégrer ce paramètre, en tenant compte de la diversité des acteurs et de leurs modes d’expression. S’est ensuivie une profonde rénovation des canaux de production et modalités de l’action extérieure, autour d’une stratégie qualifiée de « diplomatie totale ». Il s’agit désormais d’inclure pour les promouvoir certaines composantes de la société civile, notamment les grandes organisations islamiques, en s’appuyant sur elles pour diffuser une image taillée pour séduire un maximum de partenaires internationaux : celle de la « troisième démocratie du monde, musulmane et modérée ». Jouant de cette image rénovée, les acteurs politiques indonésiens entendent positionner l’Archipel comme un pont entre Occident et Monde musulman, réinterprétés comme la ligne de fracture de cette nouvelle multipolarité.

A renewed international action between new multipolarity, democratization and the emergence of non-state actors: the challenges of Indonesia’s “total diplomacy” since the end of the Suharto years

Following the end of Suharto’s New Order in 1998, Indonesia’s political reform has allowed for an increased participation of non-state actors in the country’s public life. International affairs are no exception to this burgeoning movement. As opposed to many analyzes, which tend to confine developing countries’ foreign policies to the private preserve of an authoritarian head of state, international issues are in the center of a multiplicity of debates and demonstrations in Indonesia, especially among the Islamic civil society. The State, after decades of suspicion or repression on the interventions of civil societies in its regalian preserve, was constrained to adapt after the 2002 Bali bombings which violently demonstrated the possibility for non-state actors to influence a country’s international image and agenda. A deep renovation of the production channels and modes of external action ensued, through a strategy which was defined as “total diplomacy”. The idea is now to include and promote certain components of the civil society, while relying on them to spread a national image meant to appeal to a large number of international partners: that of the “World’s third most populated democracy, and first moderate Muslim-majority country”. Drawing on the potential of this renovated image, Indonesia’s foreign policy makers aim at picturing the Archipelago as a bridge between what they interpret as the new multipolarity’s estranged blocks, the West and the Muslim world.

Axe 2

Amicelle Anthony (Sciences Po Paris)

Listes blanches/listes noires : l’action extérieure de l’Etat comme entreprise de labellisation

Au lieu de restreindre leur analyse à une vérification difficilement « mesurable » des hypothèses contradictoires autour du retrait de l’Etat, de nombreux auteurs ont privilégié l’étude des mutations concrètes de l’appareil étatique et de ses modes d’action. Comprises à travers des « systèmes d’analyse beaucoup plus ouverts », ces évolutions ne conduiraient pas forcément à un retrait de l’Etat et à une réduction de sa capacité de contrôle, mais plutôt à une adaptation de ses formes d’action au processus actuel de « compression du temps et de l’espace ». Suivant un mouvement d’enchevêtrement des échelles, l’unification croissante des sociétés sur l’espace mondial s’accompagnerait ainsi de la transformation des objets (ce sur quoi il faut agir), des sujets (ceux qui agissent), des cibles (ce contre quoi il faut se prémunir) et des modalités de l’action politique. Ces dernières se traduisent notamment par des pratiques de labellisation et de coopération public-privé qui entendent répondre à des enjeux de plus en plus définis comme globaux. Mais au-delà de leur disparité apparente, quelle cohérence peut-on trouver à la mise en avant de ces nouvelles formes d’intervention ? Qu’en déduire sur la nature de l’action étatique et de son inscription dans le système international actuel ?
La présente communication se propose donc de questionner certaines de ces pratiques de catégorisation normative et d’en expliciter les modalités de mise en œuvre. Nous montrerons notamment que la multiplication de « listes noires » ciblant des entités et des individus suspectés de terrorisme ainsi que le soutien apporté de l’extérieur aux « sociétés civiles » de régimes autoritaires participent d’un même processus de (dé)légitimation associé à des procédures de délégation du public au privé.

Black lists/White lists : Foreign policy as a labellisation entreprise

Far from restricting their analysis to hardly impracticable assessments regarding the assumption of the retreat of the state, many authors have focused their research on the study of concrete change of the state apparatus and its modes of action. “More open analytical systems” allow us to understand that these developments would not necessarily lead to a retreat of the state and to the reduction of its power. They would rather suppose an adaptation of its forms of action to the current process of compression of time and space. The worldwide unification of societies is going with a transformation of objects (the scope of action), subjects (those who carry on the action), targets (against whom one should protect oneself) and practices of political action. Both labelling practices and public-private cooperation intend to address issues which are increasingly defined as global. But beyond their apparent disparity, what coherence can be found in these new forms of intervention? What kind of conclusion that tends to draw about the nature of state action and its inclusion in the current international system?
We aim to address these questions through an assessment of practices of normative categorisation. We claim that the growth of “black lists” targeting entities and individuals suspected of terrorism as well as the support provided to the development of civil societies in authoritarian contexts take part into a similar process of (de)legitimisation and delegation from public to private sphere.

Coujard Virgile (CRPS – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Evolutions objectives et perceptions du système international : la crise irakienne à travers le prisme de la multipolarisation

S'il n'y a pas à l'heure actuelle de consensus sur l'état présent du système international, un nombre croissant de voix mettent en avant la dynamique de multipolarisation (au sens néoréaliste d'émergence de plusieurs pôles de puissance étatiques), et le retour des rapports de force qui l'accompagnent. L'émergence de la Chine, la réaffirmation de la Russie, et les difficultés rencontrées par les Etats-Unis donnent du crédit à cette idée. Sous cet angle, la crise irakienne (2002-2003) peut être interprétée comme un premier symptôme révélateur de cette tendance d'évolution du système international. Tout comme la guerre du Golfe a inauguré le « Nouvel ordre international » unipolaire, la crise irakienne a préfiguré la nouvelle période de transition. En effet, pour la première fois, on a assisté à la formation au Conseil de sécurité d'une coalition rassemblant les principales grandes puissances, et visant à contenir et contrebalancer la puissance dominante américaine par des moyens diplomatiques et normatifs. Cette crise permet de mettre en lumière la dialectique entre l'état du système international (unipolarité) et sa dynamique d'évolution (multipolarisation), ainsi que les interactions complexes entre la réalité objective du système international et la perception qu'en ont les acteurs.

Material Evolutions and Perceptions of the International System : The Iraqi Crisis Seen Through the Lenses of Multipolarization

Nowadays, there is no consensus among International Relations scholars about the current state of the international system. However, neorealist scholars underscore the multipolarizing dynamics (defined as the emergence of several great powers) at play, and the return of power politics. The emergence of China, the growing reassertiveness of Russia, and the multiple challenges the United-States have to deal with, give strength to this idea. From this perspective, the 2002-2003 Iraqi crisis can be understood as a first symptom of this undergoing trend of evolution. Just as the 1991 Gulf war opened the « New World Order », the Iraqi crisis foreshadowed the current period of transition. Indeed, for the first time, a diplomatic coalition gathering the major great powers formed at the U.N Security Council, in order to restrain and balance against the American hegemon, This crisis, and the occurrence of collective soft-balancing against the hegemon, cast light on the distinction between the unipolar state of the international system, and the dynamic trend towards multipolarity, as well as on the complex interactions between the objective reality of the international system and its perceptions by the actors.

Gnanguênon Amandine (Université d’Auvergne, Clermont I)

L’émergence d’un multilatéralisme régional en Afrique

Depuis la fin de la Guerre froide, les rapports entre les acteurs étatiques et non étatiques sont devenus complexes et multiformes. Dans un contexte de mondialisation où la sécurité est entendue dans une dimension globale, l’Etat seul n’a plus les moyens de se protéger contre des menaces multiples et diffuses. Partant du constat que les Etats africains sont faibles, les analyses se désintéressent souvent de la manière dont les politiques de sécurité évoluent en Afrique. Cette contribution a pour but de démontrer que la tendance actuellement à l’œuvre, à savoir le renforcement des capacités des organisations régionales africaines, est une réponse opportune aux risques d’instabilité politique que connaissent les Etats.
Le discours valorisant la mise en place d’un ordre régional africain est d’autant plus crédible qu’il fait l’objet d’une attention croissante de la part de nombreux acteurs. La gestion collective des enjeux sécuritaires est désormais perçue comme un moyen efficace pour contrer les externalités négatives. Même si de nombreux obstacles subsistent dans la mise en œuvre du régionalisme sécuritaire en Afrique, nous assistons au développement d’un multilatéralisme qui s’exprime sous une forme régionale. Cette tendance s’inscrit dans une période caractérisée par le retrait des Nations Unies et l’émergence de l’Union Européenne, comme acteur régional en matière de sécurité. Se pose dès lors la question de l’avenir d’une coopération multilatérale et inter-régionalisée.

The emergence of regional multilateralism in Africa

Since the end of the Cold War, the relationships between state and non-state actors have become multifaceted and more complex. In the context of globalisation, in which security is perceived in a world-wide dimension, solitary states cannot afford to protect themselves against multiple and changing threats. Taking into account the weakness of many African states, analysts are often uninterested in the way security policies change in Africa. This presentation aims to show that capacity reinforcement of African regional organisations is an opportune answer to the risks of political instability affecting some states.
Talk of the creation of a regional African order is all the more relevant as many international actors are currently focused this issue. The collective management of the security stakes is now seen as a good means of preventing negative externalities. Even if there are still hurdles in the formation of security regionalism in Africa, we can observe multilateralism (with a regional dimension) emerge. This phenomenon is directly linked to a period characterized by the disengagement of the United Nations and the increased involvement of the European Union as a regional actor in security issues. Consequently, it’s time to ask hard questions about the future of this multilateral and inter-regionalised cooperation.


Gutiérrez-Solana Ander (Université du Pays Basque-UPV/EHU)
Moure Leire (Université du Pays Basque-UPV/EHU)
Iturre Maite (Université du Pays Basque-UPV/EHU)

L’activation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies : vers un système international multipolaire

La fin de la Guerre Froide á ouvert le chemin vers un système unipolaire inédit dans l’histoire de l’ordre international. On insiste chaque fois plus, au moins du point de vue académique, a souligner le caractère transitoire de cette situation. Nouvelles et anciennes puissances émergentes semblent menacer l’hégémonie américaine dans le système international du début du XXIème siècle. Cet article veut analyser les indices obtenus des justifications discursives et légales que ces puissances ont utilisé depuis 1991 pour activer les mesures prévues au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Les mesures plus importants contenus dans ce chapitre sont décris a l’article 42 qui permet d’activer les actions militaires après un processus bien concret. L’observation des cas individuels d’intervention militaire internationale, des cas où les intérêts et les intentions de l’hégémon (donc les Etats Unies) on était acceptés par les autres puissances, et des cas où ces propositions n’on pas était suivis, nous permet d’arriver a la vérification de l’hypothèse initiale: les indices citées constituent une évidence du changement structurel qui vient, d’une consolidation d’une structure multipolaire qui est encore en train de s’installer et que suppose le partage du pouvoir internationale.

The activation of the VIIth Chapter of the Charter of the United Nations: towards a multipolar international system?

The end of the Cold War paved the way for an unipolar system without precedent in the history of the international order. It is increasingly stressed, at least from an academic point of view, the transitional nature of this situation. New and old emerging powers seem to threaten the American hegemony in the international system at the dawn of the XXIst century. This paper aims at analyzing the signs drawn out of the discursive and legal justifications deployed by these powers since 1991 to activate the VIIth Chapter of the Charter of the United Nations. The most important measures foreseen in this chapter are described in the 42 Article, which permits to activate military actions after a specific process. The observation of concrete cases of international military intervention, cases where the interests and intentions of the hegemon (United States) have been accepted by the other powers and cases where these proposals have not been followed, allow us to verify the initial hypothesis : the aforementioned indications constitute an evidence of the forthcoming change of the international system towards the consolidation of a multipolar structure which is still settling down and which implies sharing the international power.


f Participants

Alles Delphine delphine.alles@gmail.com
Amicelle Anthony anthony.amicelle@sciences-po.org
Coujard Virgile Virgile.Coujard@malix.univ-paris1.fr
Gnanguenon Amandine amandine.gnanguenon@gmail.com
Guttierrez-Solana Ander ANGERS@telefonica.net
Hatto Ronald hattoron@hotmail.com
Hoop Scheffer Alexandra (de) alexandra.dehoopscheffer@sciences-po.org
Iturre Maite ANGERS@telefonica.net
Moure Leire ANGERS@telefonica.net
Placidi Delphine delphine.placidi@sciences-po.org