Section thématique 24

Les politiques de recherche : entre traditions nationales et tournant néo-managérial ?

f Responsables

Cécile Crespy (Université Paris XIII ) cecile.crespy@univ-paris13.fr
Jérôme Aust (Centre de Sociologie des Organisations) j.aust@cso.cnrs.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Les politiques de recherche constituent un terrain d’observation privilégié des recompositions de l’action publique contemporaine. A l’instar des politiques régaliennes, parce qu’elles constituaient des enjeux de puissance et de souveraineté nationale, elles faisaient partie du périmètre privilégié des interventions de l’État. Pendant les deux premiers tiers du vingtième siècle, des systèmes de financement et de pilotage de la recherche qui étaient très largement étatiques ont été mis en place. Cette structuration institutionnelle s’est vue remise en cause à partir du milieu des années 1980 par une série de changements majeurs. d’abord, les acteurs impliqués se pluralisent : la Commission européenne, via le renforcement progressif des Programmes Cadres de Recherche et Développement puis via la stratégie de Lisbonne, fait de la recherche une priorité d’intervention. De même, les collectivités territoriales sont entrées durant les années 1990 dans le financement de la recherche. Les acteurs renouvellent ensuite leurs modalités de pilotage en ayant davantage recours à des outils issus du new public management. Tableaux de bord, benchmarking, financement sur projet et évaluation deviennent les modes d’administration des politiques de recherche. La contestation croissante de choix scientifiques pousse enfin à ouvrir la discussion des options scientifiques et techniques à des acteurs sociaux, non directement issus du monde de la recherche.

Se pencher sur les processus de réformes qui traversent ces politiques conduit donc à analyser au plus près les recompositions des formes d’intervention de l'Etat dans l'action publique. Au lieu de les considérer comme effectifs, cette section thématique a pour objectif d'interroger les changements actuels, mais aussi de revisiter les formes historiques d’intervention de l’État dans ce champ de politiques, notamment celles des années 1960, traditionnellement décrites comme une période de forte domination de l’État et des scientifiques dans le formatage des politiques de recherche. Pour ce faire, les contributions chercheront à questionner et qualifier un certain nombre de traits caractéristiques considérés comme spécifiques à une période donnée, par exemple le milieu du XXe siècle et la période actuelle. Ces caractéristiques peuvent être résumées autour d'une série de couples d'opposition que la section thématique cherchera à discuter plus amplement :

Milieu XXe siècle

Fin XXe et début XXIe siècle

Gouvernement

Gouvernance

Logiques d’arsenal

Logiques de marché

Intervention monopolistique de l’État

Gouvernance multi-niveaux

État colbertiste

État stratège

Sectorisation

Européanisation  / Territorialisation

Politiques substantielles

Politiques constitutives / procédurales

Domination des scientifiques

Mise en débat des sciences

Pour questionner ces évolutions, la section thématique se propose de mettre en perspective historique et internationale les évolutions de la recherche publique en faisant de celle-ci un laboratoire d’analyse des changements de l’action publique. L’appel à proposition est notamment destiné aux études de cas des pays étrangers, en particulier des autres pays francophones (Canada, Belgique, Suisse) dont les logiques d’institutionnalisation et de changement sont mal connues. Ces derniers cas permettront en effet une mise en perspective pertinente du cas français. Comme en France, en Suisse, la science est également « une affaire d'Etat ». À travers le cas québécois, ce sont les enjeux propres à la plupart des Etats fédéraux (Etats-Unis, Allemagne) qui seront soulevés en décentrant par ailleurs le regard de l'espace européen de la recherche. Enfin, bien que ce soit un Etat fédéral, le cas belge est pour le moins original puisque c'est au niveau local et des Etats fédérés qu'est menée une politique de recherche. Au niveau fédéral, malgré des initiatives récentes liées à l'Agenda de Lisbonne, cette politique est appréhendée en lien avec les compétences de la fédération (défense, espace, fiscalité). Si elle privilégiera la réflexion autour de l’évolution des modes de pilotage des politiques de recherche dans ces pays, la section thématique reste cependant ouverte aux autres expériences nationales, européennes ou non.

Au regard de ces expériences étrangères, il s'agira de prolonger des comparaisons que certains ont déjà pu esquisser (M. Benninghoff, R. Ramuz et J.-P. Leresche, 2005), en examinant les trajectoires empruntées par d'autres systèmes, en se demandant si de telles politiques sont singulières et dans quelle mesure l'agenda européen et/ou la compétition internationale sont sources de convergences. Plutôt que de chercher une interprétation univoque de ces processus, la section thématique s’attachera à contraster fortement les cas d'analyse pour identifier finement les trajectoires nationales et les modes singuliers d’adaptation aux évolutions en cours. Plus largement, elle vise à nourrir une réflexion sur le changement dans l’action publique en revisitant à la fois les modes d’intervention historique de l’État et leurs réformes actuelles, en investiguant un champ peu étudié par la science politique.

The research policies: between national traditions and new public management?

This thematic section deals with research policies, which constitute a good case study to explore the current transformations in public action.

Since the 1980s, research policies have profoundly evolved: they can no more be identified with state intervention. Three main changes can be defined: many actors are now involved in these policies. Thus, the European Union through the framework programmes and the local authorities provide significant funding in this area. These actors tend to adopt new kinds of instruments inspired from new public management: benchmarking, assessment, project funding. Scientific and technological choices are more and more discussed with social actors.

It is widely acknowledged that these policies have changed. Our aim is to question the current trends of these policies and to compare them to the traditional forms of public action, particularly in the 1960s. This period is largely considered as emblematic of state intervention in the definition of research policies. Comparisons concerning the main features of the two periods (mid twenties and early twenty-first century) will be systematically explored.

A further goal of this thematic section is to examine to what extent European strategy and international competition are sources of convergence between countries. Comparing the national trajectories as regards the main features depicted above (Belgium, Switzerland and Québec particularly) provide contrasting situations to the French case.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 14)


f Programme

Axe 1
Genèse et évolution des dispositifs de pilotage de la recherche

Discutant : Gilles Pollet (IEP de Lyon, Laboratoire Triangle)

Axe 2
Effets et appropriation des « nouveaux » dispositifs de recherche par les acteurs

Discutant : Martin Benninghoff (Observatoire Science, Politique & Société, Université Lausanne)


f Résumés des contributions

Axe 1

Kletzlen Anne et Hamelin Fabrice (INRETS-DEST Département d'Economie et de Sociologie des Transports)

« Retour vers le futur ! » Les transformations de la politique française de recherche en sécurité routière au regard du cas anglais

En France, l’institutionnalisation de la politique de recherche en sécurité routière suit un cheminement parallèle à celui de l’Angleterre mais décalé dans le temps. La clé de compréhension de ce processus se situe dans l’examen des réformes successives des deux administrations gouvernementales. Après la seconde guerre mondiale, trois grandes périodes peuvent être distinguées.
La première (1946-1960) voit la mise en administration de cette recherche finalisée en Angleterre. Elle crée une organisation centralisée, en marge de l’université, mais sous la tutelle du ministère chargé de la recherche. En France, l’Etat ne prend pas en charge la sécurité routière et les premiers efforts de recherche viennent de la société civile. Ils gardent un caractère embryonnaire et artisanal.
Au cours d’une deuxième période (1960-1980), la mise en œuvre d’une politique publique de sécurité routière amorce l’institutionnalisation d’une recherche ad hoc en France. Parallèlement, la recherche en sécurité routière anglaise se restructure au sein du ministère des transports et, sous son impulsion, s’ouvre aux universités.
Au cours des deux dernières décennies, la recherche publique anglaise est remodelée conformément au dogme du New Public Management. Le laboratoire de recherche gouvernemental est privatisé. Pour la France, on retient un travail compliqué de normalisation de la recherche finalisée, au regard des modèles offerts par le CNRS et l’Université.

" Back to the future!" The transformations of the French research policy in road safety by comparison with the English case

In France, the institutionalization of an applied scientific research policy in road safety follows a process parallel to that of England but with delay. A key of understanding of this process is located in the examination of the successive public sector reforms in both countries. After the Second World War, three main periods can be distinguished. The first one (1946-1960) sees the building of a dedicated administration in England. It created a centralized organization, outside the University, but under the supervision of a single department in charge of research. In France, public authorities are not interested in road safety. The first scientific research efforts come from the civil society. This applied research keeps an embryonic and home-made character. During the second period (1960-1980), the implementation of a road safety policy involves the institutionalization of mission-oriented public research capacities in France. At the same time in England, the road safety research restructures with its transfer to the Department of Transport and, under its impulse, opens at universities. During the last two decades, the main changes in English public research system result of the dogma and practices of New Public Management. The mission-oriented government laboratory is moved into the private sector. For France, we retain a progressive normalization of the applied scientific research, in accordance with the models offered by the CNRS and the universities.

Hauray Boris (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, CNRS-Inserm-EHESS-Université Paris 13)

Politiques de recherche et questionnement éthique. Le contrôle des recherches sur l’embryon humain en Europe

L’éthique de la recherche biomédicale s’est imposée, principalement à partir de la seconde partie du XXe siècle, comme un problème public. Plus spécifiquement, des controverses sur les limites à donner aux recherches sur les embryons ont, depuis plusieurs années, agité les pays européens. Les législations qui avaient été adoptées dans ce domaine en France, en Allemagne et au Royaume-Uni au début des années 1990 ont été, au début des années 2000, modifiées. Ces politiques ont été présentées comme soulevant des questions de « conscience » et devant échapper aux logiques partisanes. Cela s’est traduit par la consultation – voire la constitution – de nombreuses instances de réflexion et, plus largement, par des efforts pour favoriser un large débat public. L’évolution parallèle des régulations nationales invite cependant à ne pas seulement analyser ces débats moraux nationaux, mais à prendre aussi en compte des dynamiques politiques plus « classiques ». Nous étudierons notamment l’impact des interdépendances internationales et l’influence du secteur biomédical dans la définition de ces politiques de la recherche.

Research policies and ethics issues. The restrictions to impose on embryo research in Europe

Since the second half of the 20th century, the ethics of biomedical research has emerged as a public problem. More specifically, since the early 1980s, important controversies have arisen about what restrictions to impose on embryo research. In the three countries under study (France, United Kingdom, Germany), different national regulations were defined in that domain in the early 1990s and amended in the early 2000s. These policies were supposed to be defined through “extraordinary” political processes, because embryo research was presumed to be a “conscience” issue, and not an issue of “party politics”. This explains the organization of wide public consultations and the involvement of numerous advisory bodies. Nevertheless, as national regulations - starting from different positions - have evolved in the same direction, we will not only analyse these national moral debates, but we will also examine the influence of the biomedical sector and the impact of international interdependences on the construction of these research policies.

Baudot Pierre-Yves (Institut des Sciences sociales du Politique (ISP), CNRS-ENS Cachan)

Le « plan Calcul » au prisme des réseaux d’acteurs

L’analyse attentive des logiques centrales et périphériques ayant présidé à la mise en place du Plan Calcul ne peut s’effectuer à l’intérieur du cadre de la « régulation croisée » définie par le CSO, dans les années 1970. Coopération intercommunale, inefficience des moyens d’action traditionnels de l’Etat (par l’allocation de moyens, par la production réglementaire) : autant d’indices d’une configuration renouvelée des rapports politiques. Deux hypothèses sont ici avancées pour expliquer la remise en cause des formes anciennes de régulation politique des périphéries produites à l’occasion de l’introduction de l’informatique administrative. Il faut tenir compte, d’une part, des propriétés de cet « objet-frontière » qu’est l’informatique administrative. A l’inverse des biens collectifs distribués par l’Etat-Providence, l’informatique n’est pas produite de façon monopolistique par l’Etat. De ce fait, la capacité d’équipement des collectivités territoriales ne dépend pas uniquement de leur soumission aux injonctions étatiques. La politique commerciale d’IBM et la structure particulière du marché assurent une marge de manœuvre inédite aux collectivités locales. Cette situation conduit l’Etat, d’autre part, à modifier les modalités d’exercice de la tutelle sur les collectivités. Des lieux de savoir et de circulation de savoir-faire émergent pour permettre au ministère de l’Intérieur de piloter les modalités de diffusion de l’informatique dans l’administration, de telle sorte qu’une compatibilité minimale entre échelons et entre secteurs soit assurée.

The “plan Calcul” at the focus of the protagonist network

The close analysis of fundamental and peripheral logics having presided over the implementation of the “Plan Calcul” cannot be achieved within the framework of cross-regulation defined by the CSO (Centre for the Sociology of Organisations) in the 1970s. Intermunicipal cooperation, inefficiency of traditional means of implementation by the State by the allocation of means, by statutory production: innumerable indications of a renewed configuration of political interactions. Two hypotheses are suggested in order to explain the reconsideration of archaic codes of political regulation of the fringes produced at the moment of the introduction of the computer administration. One must take into consideration, on the one hand, the proprieties of this boundary-object that is the computer administration. In opposition to common goods handed out by the Welfare State, computer science is not produced monopolistically by the State. Therefore, the capacity of equipping local communities not only depends on their subordination to statutory orders. The commercial policy of IBM and the particular market structure ensures unprecedented room for manoeuvre for local communities. This situation thus leads the State, on the other hand, to adapt the methods for municipal supervision. Places of knowledge and know-how circuits emerge which enable the Home Office to drive the diffusion means of computer science in government, so that minimal compatibility between grades and between areas needs be provided.

Younes Dima (Sciences Po, Centre de sociologie des organisations (CSO), CNRS)

Transformer la politiques industrielle en politique décentralisée de R&D : la socio-genèse de la politique des pôles de compétitivité 

La mise en place de la politique des pôles de compétitivité en France associe plusieurs acteurs du gouvernement français (le ministère de la recherche, le ministère de l’industrie, la DATAR), et son objectif étant de mettre en place des subventions, la commission européenne a également été impliquée dans le processus. Comment ces différents acteurs aux intérêts divergents et aux « styles » (Dobbin, 1993) différents parviennent-ils à se mettre d’accord sur un outil ? Sur la base d’entretiens avec les acteurs qui ont été impliqués dans ce processus, de rapports et d’archives, nous tentons de retracer le processus de conception de l’outil de la politique des pôles de compétitivité. Nous montrons que les idées que font circuler les rapports de l’Union Européenne comme celles de la Stratégie de Lisbonne sur l’Europe de la connaissance ou les écrits académiques sur les clusters servent de référence : c’est à travers ces textes qu’ils puisent la légitimité de leurs arguments. Ensuite chacun réinterprète les textes par rapport à sa logique d’action habituelle et les instrumentalise pour atteindre ses objectifs. Les institutions qui ont de l’expérience avec les acteurs de la recherche publique ou privée mettent en avant leur connaissance du milieu pour induire des orientations qui, d’après eux, prennent en compte la spécificité du contexte français.

Transforming industrial policies into decentralized R&D policies : the genesis of the French “Pôle de compétitivité” policy

The inter-ministerial French « pôle de compétitivité » policy associated actors of the government that usually do not implement policies together. Besides, since the goal of the policy was to subsidize R&D in firms and research centres, the European Commission had to be involved in order to make sure subsidy regulations are respected. How these actors with divergent interests and different « styles » (Dobbin, 1993) define together a policy? Based on interviews, reports, and archives, this presentation will attempt to restructure the design process of the policy. We argue that reports from the EU as well as academic literature about clusters are used as references to legitimate the arguments. These are re-interpreted according to each one’s logic of action and used to impose one institution’s interest over the others. Also, institutions in contact with actors of the public or private R&D milieus put forward their experience in order to defend a version that, in their perception, takes into account the specificity of the French context.

Vézian Audrey (Sciences Po, Centre de sociologie des organisations (CSO), CNRS)

La mise en place des Cancéropôles : reconfiguration de l’action de l’Etat en région ou étatisation d’une politique régionale de la recherche en cancérologie ?

L’objet de notre présentation, au croisement de l’analyse des politiques publiques et de la sociologie de l’action organisée, consistera à démontrer dans quelle mesure la réorganisation de la politique de recherche en cancérologie s’est appuyée sur des expériences locales de « régionalisation de la recherche ». En effet, les Canceropôles, nouvelles structures d’interface, de regroupement et de coordination de forces de recherche mises en place dans le cadre du plan Cancer (2003-2007), témoignent non seulement des capacités des acteurs locaux issus du milieu associatif, politique ou professionnel à s’engager et à coordonner leurs actions à l’échelon régional voire interrégional mais également à « exporter » leur modèle de développement au niveau national. Après avoir présenté les conditions de l’institutionnalisation de l’action collective au niveau local (milieu associatif, collectivités locales, communauté scientifique, industriels), il s’agira d’expliciter les modalités (à savoir les effets d’aubaine et de prosélytisme) qui prévalent à la réappropriation par le ministère de la recherche de ces premières expériences. Pour analyser ces processus, notre travail s’appuiera sur un corpus de sources associant des entretiens semi-directifs réalisés avec les acteurs concernés par ce dispositif et le dépouillement d’archives locales.

The implementation of Cancéropôles: the reorganization of the action of the state in region or the state control on the regional cancer research politics?

The focus of our presentation, which is a crossing between the analysis of public policy and the sociology of organized action, will demonstrate how the reorganization of cancer research politics, as part of the 2003-2007 Cancer Plan, and through the setting up of seven Cancéropôles in Metropolitan France, was based on local experiments on the regionalization of research. Indeed, these new structures, based on interface grouping and the coordination of research forces, not only testify of the ability of local parties issued from associative, political or professional environments, to commit and coordinate their actions at a regional, or even inter regional level within this particular field but also to “export” their example of development at the national level. After having introduced the conditions of the institutionalization of collective action at the local level (associations, local authorities, scientific community, industrials), it will be necessary to clarify the procedures (the consequences of opportunities and proselytizing) that prevailed the ministry of research’s claim to these structuring models by defining a new entity below the national level. For this reason, our work will be based on a research corpus consisting of semi-directive interviews with the actors involved in this research system, and of the analysis of local archives.

Axe 2

Camerati Felipe (Sciences Po, Centre de sociologie des organisations (CSO), CNRS)

Incidences du RAE en Grande-Bretagne sur le pilotage de la recherche

La création d’un dispositif d’évaluation, le Research Assessment Exercise, la diminution du financement par étudiant octroyé par l’Etat, et plus récemment, le changement de méthodologie dans le calcul des coûts des universités ont profondément modifié le pilotage de la recherche au sein des départements universitaires. Dans cette communication, en nous appuyant sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès de la plupart des membres de quatre départements, nous explorerons l’impact de ces dispositifs sur le management de la recherche. Notre analyse montrera que ces nouveaux dispositifs clarifient les attentes que les dirigeants des universités peuvent avoir par rapport aux différents départements et constituent -en même temps- des bases pour la mise en place de dispositifs de management avec des objectifs clairs. L’impact n’est cependant pas uniforme. Nous proposerons de dégager deux modèles idéaux typiques de réponses managériales. D’une part, un modèle qui décrit la situation des départements qui réussissent à s’autofinancer. Dans ce cas, les chercheurs réussissent à garder leur autonomie autour de méthodes managériales-collégiales. D’autre part, un modèle qui décrit la situation des départements qui ont du mal à s’autofinancer. Dans ce cas la «managérialisation » des départements a tendance à prendre une forme plus bureaucratique et les chercheurs utilisent des stratégies individuelles pour garder leur autonomie.

The consequences of the RAE on the management of research in Great-Britain

The creation of the Research Assessment Exercise, the reduction of the unit cost of universities, and recently, the changes on the universities’ cost calculation models have deeply changed how departments’ research is steered. In this communication, based on semi directive interviews whit most of academic staff from 4 departments, we will explore the impact of these devices on research management. Our analysis will show that these new devices make the expectations of high level academic managers clearer regarding all departments and so that they allow –at the same time- the creation and implementation of managerial devices with clearer targets. However the impact of these devices depends on the departments. We suggest distinguishing between two ideal types of managerial responses to policy changes. On the one hand a model describing departments that are successful reaching a financial balance. In that case, researchers can keep their autonomy using managerial-collegial methods of organisation. On the other hand a model describing departments which cannot reach a financial balance. In that case, the “managerialisation” of departments becomes more bureaucratic and researchers try to keep their autonomy using individual strategies.

Champenois Claire (Audencia Nantes Ecole de Management)

Politique technologique, réseaux locaux de soutien et créations d’entreprises dans les biotechnologies en Allemagne

L’objectif de cette communication est d’interroger le rôle joué par un programme public innovant, « BioRegio », dans la dynamique entrepreneuriale qui a pris place en Allemagne à partir de 1996. Lancé en 1995 par le Ministère fédéral de la Recherche, BioRegio cherchait à renforcer l’industrie allemande des biotechnologies en stimulant notamment les réseaux territoriaux de coopération. Reposant sur une étude empirique approfondie du processus de mise en œuvre et des effets concrets de ce programme dans deux régions (Heidelberg et Berlin-Brandebourg), cet article démontre que BioRegio a stimulé la création d’entreprises de biotechnologie, pas tant parce qu’il a fourni aux entrepreneurs des moyens financiers pour conduire leurs projets de R&D, mais davantage parce qu’il a engendré la formation dans les régions riches scientifiquement d’une organisation sociale qui a favorisé la création de start-ups. Plus précisément, BioRegio a donné naissance à un ensemble d’acteurs et de dispositifs reliés entre eux qui ont offert directement des ressources aux potentiels entrepreneurs et, surtout, ont agi comme des intermédiaires. Ce faisant, ils ont catalysé l’apparition de nouveaux projets entrepreneuriaux et ont aidé les entrepreneurs à concrétiser leur idée.

Technology policy, local support networks and new venture creations in biotechnology in Germany

The goal of this communication is to investigate the role of an innovative public program, « BioRegio », in the entrepreneurial dynamic that took place in Germany in life sciences after 1996. Launched by the German Federal Ministry of Research in 1995, BioRegio aimed at strengthening the German biotechnology industry by mainly promoting territory-based cooperation networks. Based on an in-depth empirical study of the implementation process and concrete effects of this program in two territories (Heidelberg and Berlin-Brandenburg), the paper demonstrates that BioRegio did foster new biotechnology venture creations not so much because it provided entrepreneurs with funding for their R&D projects but because it generated in science-rich regions a social organization that favored start-up creations. More precisely, BioRegio gave rise to a set of connected actors and tools which directly offered resources to potential entrepreneurs and, more importantly, acted as intermediaries. By doing so, they catalyzed new entrepreneurial projects and helped entrepreneurs have their idea become a reality.

Fallon Catherine (Université de Liège)

La politique de recherche en Belgique francophone: la difficile refonte stratégique d’une tradition libérale

Dès le développement de l’industrie au 19e siècle, les activités scientifiques au sein des universités belges ont reçu un soutien important des industriels et donateurs privés, puis, depuis 1945, de l’Etat. Suite à la dynamique de régionalisation, la politique scientifique s’inscrit aujourd’hui dans un régime de financement et de programmation multi-niveau et asymétrique. Du côté francophone, les universités souffrent du carcan budgétaire d’une autorité (la Communauté française) qui mobilise toujours une vision « mertonienne » de la recherche. La Région wallonne, quant à elle, renforce de façon autonome une logique programmatique ciblée, encourageant la coopération industrie-université dans une perspective de développement territorial. L’analyse des modalités de mise en œuvre des instruments de financement de la recherche dans un secteur précis, les biotechnologies médicales, montre comment les chercheurs doivent d’une part coordonner ces différentes logiques politiques et jongler avec leurs faibles moyens pour assurer les multiples missions assignées aux universitaires tout en intégrant les transformations endogènes propres à leurs travaux scientifiques: inscription dans un cadre international de plus en plus complexe et spécialisé et accélération des processus de recherche et d’innovation. Les entretiens dévoilent les processus différenciés de coopération et de négociation entre chercheurs et gestionnaires des différents niveaux de pouvoir.

Science policy in French speaking Belgium: the harsh strategic reform of a liberal tradition

Since the 19th century, Belgian universities were the locus of most scientific activities, with a strong interaction between researchers, industrial and other private sponsors. After 1945 only did the State enter the game. After 40 years of regionalisation, science policy is now organised within a multi-level asymmetrical regime. On the French speaking side of the country, universities have to cope with an under-budgeted political entity (French Community) mobilising an autonomous “mertonian” vision of research. At the same time, researchers have to deal with the development of the Walloon Region which autonomously develops an aggressive strategic policy in key economic sectors, promoting new patterns of university-industry cooperation in support of regional development. We analyse the practicalities of this mix of policy instruments in a specific scientific domain, medical biotechnology. University researchers have to integrate the multiple logics of these instruments under conditions of limited resources. They are also part of a larger transformation of their scientific disciplinary domain: increase of the competition in the international framework and speeding up of the scientific processes. Interviews with researchers and program managers from a set of regional, federal and European authorities unveil differentiated processes of cooperation and negotiation.

Jouvenet Morgan (Laboratoire Printemps, CNRS-Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)

Les mutations des politiques de recherche et de leurs instruments, vues du laboratoire. Le travail des scientifiques dans un pôle dédié aux nanosciences et nanotechnologies, entre projets coopératifs et institutions professionnelles

Les inflexions les plus récentes des politiques scientifiques publiques résultent de la volonté de favoriser la recherche coopérative « sur projet » et le « dépassement des frontières » – notamment dans le cadre d’une politique « de l’innovation » destinée à nourrir la compétitivité des entreprises. Apparaissant comme un nouvel eldorado scientifique et technologique, les nanosciences et nanotechnologies (NS/T) sont particulièrement visées par ce volontarisme, et font aujourd’hui l’objet d’investissements prioritaires. L’objectif de cette communication est de décrire l’impact de ces orientations politiques sur l’activité des chercheurs, à partir d’une enquête menée auprès de physiciens travaillant dans l’un des principaux pôles européens en NS/T. Afin de saisir les diverses dimensions de ces changements, il est apparu nécessaire de conjuguer l’analyse des appariements et celle des luttes juridictionnelles, d’associer le lexique du réseau à celui des identités collectives. Analyser la science « en action » en s’appuyant sur la fluidité des échanges et la plasticité des identités ne rend en effet pas justice aux « court-circuit » et autres « chocs culturels » caractérisant aussi, pour les physiciens, le nouvel ordre professionnel. Redonner de l’épaisseur et de l’inertie aux cultures professionnelles permet en outre de restituer leur sens politique aux interactions qui animent les espaces de travail.

New research policies and instruments: the lab’s view. Scientific work in a nanosciences and nanotechnology center, between cooperative networks and professional institutions

Public research policies have been significantly altered during the last fifteen years. They now favor cooperative and project-based research, and encourage frontiers crossing – especially as framed by an innovation policy planed to foster local firms’ advantages. Nanosciences and nanotechnology (NS/T) are particularly impacted by those trends, as they appear full of scientific and technological promises, and funded worldwide as priority fields. In this conference, I plan to describe the effect of this political effort on researchers’ work, drawing on a study conducted with physicists in one of the biggest NS/T center in Europe. The analysis required a combination of different sociological frames, to capture the mix of cooperative links and jurisdictional claims, and to trace networks creation and identities negotiations. “Science in action” is now often considered trough exchanges fluidity and identities plasticity; but then, how comes that physicists chiefly characterize their new professional order trough “short-circuits” and “cultural shocks”? Network environments do not dilute professional cultures. Professional cultures matter, and even appear as a key element to understand the political dimension of workspaces’ interactions – and possibly to bridge the gap between “laboratory studies” and other sociologies of scientific work and institutions.


f Participants

Aust Jérôme j.aust@cso.cnrs.fr
Baudot Pierre-Yves pybaudot@yahoo.com
Benninghoff Martin Martin.Benninghoff@unil.ch
Camerati Felipe f.camerati@cso.cnrs.fr
Champenois Claire cchampenois@audencia.com
Crespy Cécile cecile.crespy@univ-paris13.fr
Fallon Catherine catherine.fallon@ulg.ac.be
Hamelin Fabrice fabrice.hamelin@inrets.fr
Hauray Boris borishauray@msn.com
Jouvenet Morgan morgan.jouvenet@uvsq.fr
Kletzlen Anne anne.kletzlen@inrets.fr
Pollet Gilles gilles.pollet@univ-lyon2.fr
Vézian Audrey a.vezian@cso.cnrs.fr
Younes Dima d.younes@cso.cnrs.fr