Section thématique 27

Action publique et parcours de vie. Nouvelles inégalités et nouvelles approches des inégalités.

f Responsables

Olivier Giraud (Centre Marc Bloch CNRS, Berlin) olivier.giraud@cmb.hu-berlin.de
Barbara Lucas (Université de Genève) barbara.lucas@politic.unige.ch

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Dans la science politique européenne, la question des interactions entre action publique et parcours de vie est en plein développement. Cette problématique est centrale pour l’étude des politiques sociales. Les deux apports principaux de l’approche sociologique centrée sur les parcours de vie (Lévy, 2005) concernent l’analyse de la coïncidence entre les âges biologiques et les rôles sociaux (Elder 1994) d’une part, et l’impact des parcours de vie sur les inégalités d’autre part. La sociologie a en effet montré que les structures sociales qui fondent les inégalités les plus importantes dans nos sociétés découlent aujourd’hui au moins autant de statut social ou socioprofessionnel que de l’appartenance générationnelle (Chauvel 1998) ou des niveaux de protection ou d’opportunités face aux grandes transitions qui marquent le parcours de vie des individus : entrée sur le marché du travail, décohabitation et mise en couple, parentalité, chômage, divorce, situation de handicap ou de dépendance, etc. (Mayer 2004).
L’approche des parcours de vie permet également de renouveler les travaux sur les rapports entre genre et politiques publiques. Les transitions biographiques et les aspects générationnels mettent en effet explicitement en lumière la dimension genrée des inégalités sociales. De la même façon, les inégalités ethniques, de classe ou de statut social sont révélées sous un éclairage nouveau par cette problématique émergeante.
Dans une perspective plus resserrée de science politique, et plus particulièrement de sociologie de l’action publique, il faut bien sûr évoquer la dimension de la biopolitique, c’est-à-dire du contrôle exercé par les institutions publiques sur le déroulement de la vie même (Foucault 1976 : 182). L’Etat moderne sait en effet exploiter les différentes transitions biographiques pour exercer son pouvoir sur les individus (Mayer, Schoepflin 1989). De façon plus opérationnelle, dans le champ de l’analyse des politiques sociales, cette problématique se décline avant tout selon trois dimensions complémentaires les unes des autres.

Bibliographie indicative :
Attias-Donfut, C. (dir.) (1995). Les Solidarités entre générations. Vieillesse, famille, Etat., Paris, Nathan, Essais et recherche.
Bonoli, G. (2007), “Time Matters: Postindustrialization, New Social Risks, and Welfare State Adaptation in Advanced Industrial Democracies”, Comparative Political Studies.
Chauvel, L. (1998). Le destin des générations: structures sociales et cohortes en France au Xxe siècle. paris, Presses Universitaires de France.
Elder, G. H. Jr. (1994). « Time, Human Agency, and Social Change : Perspectives on the Life Course ». Social Psychology Quarterly. Vol. 57. N°1, pp. 4-15.
Evers, A. (1990). « Shifts in the Welfare Mix - Introducing a New Approach for the Study of transformations in Welfare and Social Policy », in A. Evers et H. Wintersberger (eds.), Shifts in the Welfare Mix, Frankfurt am Main/Boulder, Colorado: Campus/Westview, pp. 7-29.
Foucault, M. (1976). Histoire de la sexualité. Vol 1. La volonté de savoir. Paris, Gallimard, Seuil.
Gusfield, J. R. (1981). The Culture of Public Problems: Drinking-Driving and the Symbolic Order. Chicago, The Chicago University Press.
Mayer, K.-U. ; Schoepflin, U. (1989). « The State and the Life Course ». Annual Review of Sociology. Vol. 15. Pp. 187-209.

Social policy and the life course perspective

Life course analysis in sociology has shown that the structures triggering the most important inequalities in our societies are less related to social or professional status than to institutional or policy related protections or opportunities people benefit from when facing key transitions in their life courses: labour market entry, parenthood, unemployment, divorce, disability, etc. Those biographic transitions and generational aspects are not ignoring ethnic, class, social status or gender related inequalities. On the contrary, they shed new light on those basic social structures.  
In a political science perspective, this approach can be broken down to three complementary dimensions:


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 13)


f Programme

Axe 1

Axe 2


f Résumés des contributions

Axe 1

Garcia Dos Santo Yumis (CNRS – Genre, Travail et Mobilités, Paris)

L’effet des politiques publiques sur les trajectoires des femmes chefs de famille monoparentale au Brésil, en France et au Japon

L'objectif de ma communication est de discuter les relations sociales de genre et de génération avec une perspective comparative basée sur l'analyse des effets des politiques publiques sur les trajectoires et les ré-configurations familiales des femmes chefs de famille monoparentale au Brésil, en France et au Japon.
Dans le cadre de la recherche pour ma thèse de doctorat, j’ai menée une étude basée sur l'analyse des entretiens biographiques avec trente-neuf femmes seules avec enfants dans la situation de précarité sociale, habitantes de grands centres urbains des trois pays, entre 2005 et 2007. La plupart des femmes interviewées ont choisi les voies différentes par rapport à leurs mères, comme une manifestation de refus de la perpétuation d'une relation conjugale loin d’être épanouissante. Toutefois, les différences socioculturelles entre les femmes - au niveau de la race, de l'ethnie, de l'instruction, du parcours conjugal et professionnel - et le contexte institutionnel dans lequel elles se trouvent, notamment dans le cadre des actions publiques - sociales, familiales et de l'égalité de genre – portent des effets inégaux sur leur trajectoire avant et après la rupture conjugale et la manière dont elles restructurent leur vie après la monoparentalité.
Je propose de présenter les différentes modalités de parcours de vie des mères chefs de famille monoparentale interviewées selon le type de relation avec les actions publiques existantes, comparant les cas des trois pays.

The effect of public policies on the trajectories of women who head single-parent households in Brazil, in France and in Japan

The purpose of this paper is to discuss gender and generation relations through a cross-country comparison of the effect of public policies on the trajectories and the family reconfigurations of women who head single-parent households in Brazil, in France and in Japan.
I carried out a study for my PhD. thesis based on an extended biographical interviews with thirty-nine low-income urban single mothers in the three countries between 2005 and 2007. Most of these women behave differently than their mothers as a manifestation of a refusal to participate in a controversial marital relationship. Yet, socio-cultural difference regarding race, ethnicity, instruction level, marital and professional paths, as well as the institutional context—especially the degree of institutionalization of family and social welfare and gender policies—molds women’s trajectories before and after separation of couples and the way they restructure their life after been alone with their children.
My proposition is to present and compare different modalities of life path of single mothers who I have interviewed, according to the type of relation that they have with existing public policies in each country.

Daune-Richard Anne-Marie (CNRS – LEST, Aix-en-Provence), Odena Sophie (CNRS – LEST, Aix-en-Provence), Jönsson Ingrid (Université de Lund, Suède), Ring Magnus (Université de Lund, Suède)

L’entrée en dépendance des personnes âgées du point de vue du « care ». Approche comparative France-Suède

La communication présentera les résultats d’une étude comparant l’entrée en dépendance des personnes âgées en France et en Suède en examinant des trajectoires de prise en charge de la dépendance depuis la manifestation de ses premiers signes jusqu’à sa reconnaissance institutionnelle par l’octroi d’une aide publique. Une attention particulière est portée aux différenciations de sexe et de classe.
L’approche choisie part des acteurs – ici, les personnes âgées - et considère l’entrée en dépendance comme un processus, adoptant ainsi une démarche dynamique.
L’entrée en dépendance apparaissant en outre comme un processus accompagné par des aides et des aidant-e-s nous avons interrogé l’organisation de cet accompagnement. Quels en sont les acteurs ? comment se coordonnent-ils ? Dans la trajectoire d’entrée en dépendance, qui fait quoi et à quel moment?
Examinant l’accompagnement de l’entrée en dépendance notre approche s’inscrit dans la ligne des recherches en termes de welfare mix (Evers, 1993) et de care packages (Knijn, Jönsson & Klammer, 2005 ; Rein, Rainwater & Schwartz, 1986) : l’accompagnement de la dépendance est considérée dans sa globalité, comprenant les aides et les aidant-e-s relevant des sphères publiques et privées, des secteurs formels et informels. L’examen de ces care packages permet d’observer les différenciations sociales et sexuées, tant du côté des aidé-e-s que du côté des aidant-e-s.

A care perspective on the transition to dependency. French-Swedish comparative views

We will present results of a comparative study on the transition to dependency of frail aged people in France and Sweden and look specifically at the caring trajectories from the first signs of an emerging dependency to its acknowledgement via the grant of a public allowance. We dedicate a specific consideration to gender and class differentiations. We focus on the concerned actors – frail elderly – and we look at entrance into dependency as a process. Various types of care and care-givers accompany the transitions into dependency. We analyze the organisation of this support. What are the actors? How do they coordinate? What are the various divisions of roles and tasks along the various steps making up the transition into dependency?
Our analysis is inspired by the approaches in terms of e welfare mix (Evers, 1993) and care packages (Knijn, Jönsson & Klammer, 2005 ; Rein, Rainwater & Schwartz, 1986) : caring for dependency should be considered in an encompassing way including public, private cares and care providers. The analysis of these care-packages opens a window on social and gender differentiation, as regarding care-givers as well as regarding care-providers.

Axe 2

Lendaro Annalisa (LEST-Aix en Provence)

Catégoriser pour rendre visible ? Les politiques publiques d’accompagnement à l’emploi et les immigrés.

L’intervention propose une analyse de l’action publique via la reconstruction de parcours de vie et de transitions concernant l’insertion professionnelle et l’évolution de carrière des immigrés: l’intérêt est de mesurer l’influence des politiques d’emploi et d’immigration en termes d’opportunités de formation, d’accès à l’emploi et aux droits. Le fondement de la politique d’immigration française a longtemps été une forme de républicanisme assimilationniste, qui sollicitait les immigrés pour qu’ils s’intègrent surtout à travers l’insertion sur le marché du travail. Toutefois les formes de régulation antérieures sont en mutation et il en résulte de nouvelles incertitudes qui ouvrent aux acteurs sociaux des espaces d’intervention dans le domaine de l’emploi et de la gestion de phénomènes migratoires de plus en plus diversifiés et médiatisés.
Les politiques publiques prennent-elles en considération les besoins de l’individu au point de s’interroger sur les problématiques de l’étranger non-communautaire ? L’intérêt est celui d’une analyse critique des catégories-cible, afin de mettre en évidence la mesure dans laquelle on explicite ou au contraire, on rend invisibles les populations en cause. Le détour par la situation italienne permet d’apporter un regard nouveau sur les politiques d’immigration françaises et sur la gestion de la main d’œuvre immigrée à travers un exercice comparatif qui s’inspire à l’analyse sociétale « revisitée ».

Categorising to make visible? Public employment policies and immigrants

The paper explores public employment policies through lifetime analysis and focuses on transitions concerning the professional employment and careers of immigrants. The aim is to point out the influence of employment and immigration policies on the opportunities of immigrants in the areas of qualification, labour employment and the acquisition of rights.
French migratory policy has for a long time been based on a form of republican assimilation, i.e. immigrants are to be integrated via employment on the labour market.
However the previous regulatory mechanisms are mutating and, as employment crises and migratory phenomena are becoming more visible, new configurations of actors could build different modalities of intervention.
Do public policies consider the needs of one individual to the extent that they wonder about the specific problems of the non-European foreigner? The aim is to critically analyse the target categories to underline how it is possible to transform a population into a public priority, or conversely, to make it invisible.
The Italian case enables us to look differently at the French immigration and employment systems: this comparative exercise draws its inspiration from a “revisited” societal analysis.

Baudot Pierre-Yves (CNRS – Triangle, Lyon)

L’intimisation des politiques publiques
Projet de vie, intimité et logiques professionnelles dans la mise en œuvre des politiques publiques du handicap en France

La loi du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a introduit une nouvelle prestation dans le champ de la protection sociale : la prestation de compensation des conséquences du handicap (PCH). Celle-ci est établie en fonction des besoins exprimés par la personne handicapée dans un « projet de vie ».
Ce formulaire donne à voir les représentations structurant la définition de ce nouveau type d’aide. Il s’agit de montrer, dans un premier temps, que ce « projet de vie » est au cœur de la philosophie gestionnaire de ce type de prestation sociale caractéristique d’une providence en crise, articulant la prestation aux désirs et aux représentations que l’individu se fait de lui-même. Il travaille l’identité personnelle du ressortissant, conditionnant le versement et le montant de la prestation à l’appropriation d’une identité générique, celle de « personne handicapée », définie pour la première fois, par la loi du 11 février 2005.
Dans un second temps, en se plaçant du côté des modalités de passation de ce formulaire auprès des personnes et des usages qui en sont faits par l’administration, on s’aperçoit que la plus grande incertitude règne quand à la place que doit tenir ce formulaire dans l’ensemble de la procédure de demande de prestations sociales.

Making public policy more intimate
Life project, intimacy and professional logic in the implementation of handicap public policy in France

The law of 11 February 2005 concerning equal rights and opportunities, involvement and citizenship of handicapped persons has introduced a new benefit in the field of social protection: the handicap effect compensation (HEC) benefit. This was established according to the needs expressed by the handicapped person in a “life project”.
This formulary shows the representations forming the definition of this new type of welfare. It’s a question of showing, firstly, that this life project is at the heart of the managing philosophy of this type of social benefit, characteristic of a welfare state in crisis, articulating the benefits alongside the desires and the representations that individual that makes of him or herself. It cultivates the personal identity of the citizen, conditioning the payment and the amount of the benefit to the appropriation of a generic identity; that of the “handicapped person”, defined for the first time, by the law of 11 February 2005.
Secondly, by placing oneself on the side of the means of execution of this formulary with the persons and the uses put into practice by the government, one realizes that the largest uncertainty prevails as to how this formulary fits into the whole cohesion of the social benefit application procedure.

Mbaye Elhadji Mamadou (IEP Grenoble)

La légitimation des illégitimes : la santé publique comme moyen d’intégration des étrangers atteints de pathologies graves en France

Depuis la fin des années 1970, les politiques d’immigration se sont de plus en plus restreintes accompagnées d’une perte par l’étranger de formes traditionnelles de légitimité. Cependant, dans certains secteurs comme la santé, les étrangers atteints de pathologies graves bénéficient d’une reconnaissance acquise grâce à leur corps souffrant. La santé devient alors un moyen d’intégration aussi efficace que l’école ou le travail. Alors que durant les Trente glorieuses, la maladie constituait une négation de l’immigré, elle est devenue grâce au retour des principes de santé publique, un moyen de reconnaissance de l’immigré. Ce dernier devient ainsi un acteur public intégré à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques. Alors que des controverses opposent encore les acteurs de l’immigration et ceux de la santé publique, l’immigré malade devient un acteur reconnu grâce à sa maladie (médiation, travail pour les pairs, prévention,…). Certaines associations communautaires bénéficient de subventions publiques et sont reconnus par l’ensemble des acteurs. L’handicap de l’immigré devient alors son atout. Ainsi, le croisement des institutions de l’immigration et de lutte contre le sida contribuent ainsi à façonner un acteur nouveau dans le champ des politiques sociales en France.

Legitimization of the illegitimate: Public health as a means of integration for foreigners with serious pathologies in France

Since the late 1970s, immigration policies have become increasingly restrictive, accompanied by a loss of traditional forms of legitimacy for foreigners. Certain sectors, however, especially health, have been resisting this deligitimization. Foreigners with serious pathologies consequently benefit from recognition acquired thanks to their suffering body, and health is thus becoming a means of integration, like school or work.
During the post-WWII boom, disease was the negation of the immigrant, allowed into France to work. Today, owing to the new importance granted to public health, it has become a means of recognition for vulnerable groups. While controversies continue to rage between the actors of immigration and those of public health, community organizations are becoming public players participating in the design and implementation of public policies (mediation, prevention, peer accompaniment, etc.). They receive public funding and are recognized by all the actors concerned. Hence, at the interface between the institutions responsible for problems pertaining to immigration, and those in charge of the struggle against Aids, a new actor has emerged in the social policy field in France.


f Participants

Baudot Pierre-Yves pybaudot@yahoo.com
Daune-Richard Anne-Marie anne-marie.daune-richard@univmed.fr
Garcia Dos Santos Yumi yumigds@uol.com.br
Giraud Olivier olivier.giraud@cmb.hu-berlin.de
Jönsson Ingrid ingrid.jonsson@soc.lu.se
Lendaro Annalisa annalisa.lendaro@univmed.fr
Lucas Barbara barbara.lucas@unige.ch
Mbaye Elhadji Mamadou elhadjimbaye@gmail.com
Odena Sophie sophie.odena@univmed.fr
Ring Magnus magnus.ring@soc.lu.se