Section thématique 30

L’hydropolitique et les relations internationales

f Responsables

Jeremy Allouche (Fonds national suisse de la recherche scientifique, Center for International Studies, University of Oxford) allouchej@hotmail.com
Marwa Daoudy (Institut Universitaire de hautes études internationale et du développement, Genève / Centre d’études et de recherche internationales, Paris) daoudy@hei.unige.ch

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L’analyse des relations internationales nous révèle l’importance grandissante de l’eau, nécessaire aux besoins des populations, du domaine domestique et agricole aux industries. En traversant les frontières nationales, l’eau enchaîne les États riverains dans une situation d’interdépendance. Cette dépendance mutuelle est, parfois, aggravée par l’imbrication des facteurs hydrologiques avec des considérations d’ordre stratégique, économique et politique. Multidimensionnelle, la problématique du partage des eaux suscite de fortes répercussions sur le plan international, que ce soit par les rumeurs de guerre, l’exacerbation des rapports de force, la consolidation ou la fragilisation des alliances.
La recherche sur les conflits dits “hydro-politiques” est, par excellence, un champ interdisciplinaire. Dans la littérature francophone, la question des eaux transfrontalières n’a, toutefois, reçu que très peu d’attention (tout particulièrement dans le domaine de la science politique) et mériterait certainement une plus grande attention.  En effet, la gestion des eaux transfrontalières est un enjeu central pour les raisons suivantes. Premièrement, le nombre de bassins versants dans le monde traversant une frontière internationale est de l’ordre de 263. Dans un système international de 191 Etats (les Etat Membre des Nations Unies), ce chiffre montre l’importance de la gestion des eaux transfrontalières dans les relations inter-étatiques. Deuxièmement, le réchauffement climatique pose certainement de nouveaux défis dans la gestion de cette ressource transfrontalière. En effet, selon un rapport récent de l’Organisation Mondiale de Protection de l’Environnement - WWF (2007), de nombreux grands fleuves pourraient se tarir en raison du changement climatique. Il existe également de nombreuses incertitudes sur l’impact du réchauffement climatique concernant les précipitations en eau et la fonte des glaciers. Le nombre de bassins versants et l’impact du réchauffement climatique font de l’eau un enjeu stratégique mondial.
La reconnaissance de l’importance stratégique de cette ressource ne doit toutefois  pas nous amener à des constats alarmistes. Bien que persistent les divergences et tensions entre Etats aux utilisations concurrentes, nous restons encore loin des « guerres de l’eau » dont l’imminence a longtemps été claironnée. La question principale est de savoir dans quelle mesure cette ressource constitue une menace pour la sécurité internationale. Dans quelle mesure l’eau est-elle réellement une cause de conflits armés? Les fleuves et les eaux souterraines transfrontalières ne créent-ils pas plutôt une plus grande interdépendance entre Etats amenés, en fin de compte, à coopérer? S'il est indéniable que les ressources en eau peuvent être à l'origine de conflits d’intérêt, les mesures de coopération sont nettement supérieures aux conflits graves (voir la base de données, ‘The Transboundary Freshwater Dispute Database’ de l’Université de l’Oregon). En d'autres termes, l'eau apparaît davantage comme un vecteur de coopération qu’une source de conflit. 
Mais l’hydropolitique peut-elle se définir simplement comme l’étude des conflits et de la coopération autour des eaux transfrontalières ? Cette grille d’analyse ne prend en compte qu’une dimension de la politique de l’eau et il serait donc nécessaire de s’interroger sur le bien fondé des frontières traditionnelles de la discipline. Tout d’abord, l’hydropolitique se baserait essentiellement sur une vision étatiste qui présente de nombreuses lacunes dans la conceptualisation des problématiques de gestion des eaux transfrontalières. La discipline pourrait en effet s’interroger sur le bien fondé de la logique souverainiste dans la formulation d’une politique régionale et/ou internationale de l’eau. La nécessité du développement de normes internationales pour la gestion de ces ressources permettrait de dépasser l’approche souverainiste, au-delà d’une perspective stato-centrée des relations internationales. L’émergence d’un droit international de l’eau qui cristallise les principes coutumiers de coopération et concertation sur les eaux communes en révèle les limites, même si ces normes restent manipulables au gré de l’intérêt des États-riverains. Cette question est bien évidemment primordiale dans l’appréhension des fleuves internationaux mais aussi pour l’utilisation des nappes souterraines. Longtemps ignorés, les aquifères en général, qui présentent souvent un caractère transfrontalier, suscitent des problématiques d’utilisation concertée et de gestion durable. Deuxièmement, il apparaît nécessaire de conceptualiser l’hydropolitique de manière holistique, en intégrant les problématiques socio-économiques et environnementales. Celles-ci soulèvent, d’ailleurs, la question de la gouvernance transfrontalière. En effet, peut-on aussi facilement distinguer l’importance stratégique de l’eau des politiques de développement durable. Tout simplement, la question de la ressource ne devrait-elle pas être l’axe principal d’une réflexion sur une politique internationale de l’eau. Et dernièrement, les aspects sociaux et plus particulièrement la question de l’accès à l’eau ne relève t-il pas aussi des enjeux internationaux de développement qui s’inscrivent dans le domaine de l’hydropolitique.  L’accès à l’eau ne pourrait-il devenir, dans le siècle à venir, l'une des premières causes de tensions internationales (déplacement massifs de populations ou « réfugiés écologiques », migrations régionales et/ou internationales, violences urbaines, etc..).
Outre la redéfinition nécessaire (ou non) du concept d’hydropolitique, il est aussi important de se pencher sur les orientations et les formes que prennent les politiques internationale d’eau, ou plus simplement pourquoi l’eau devient-elle un enjeu de coopération ou de conflit? De nombreuses études dans le domaine de l’hydropolitique se sont basées sur le Moyen Orient et cette région géographique a donc fortement influencé les fondements de la discipline. La rareté des ressources est perçue comme un enjeu principal dans le domaine. D’un coté, le débat sur la sécurité environnementale a favorisé un discours “néo-malthusien” qui lie, dans une approche déterministe, la croissance démographique des pays pauvres et la pression induite sur les ressources naturelles aux risques de détérioration sécuritaire et environnementale. Les pénuries d’eau sont donc sources de conflits entre États-riverains. Pour d’autres, la raréfaction des ressources hydrauliques induit plutôt une logique de coopération entre acteurs interdépendants. Le stress hydrique a donc représenté le critère dominant d’investigation des relations hydropolitiques, aux dépens de l’approche institutionnelle si présente dans la littérature plus générale sur la politique internationale de l’environnement. Le rôle des institutions supra-nationales dans la gestion de bassins et les différents modes et niveaux de gouvernance (local, national, régional, et global) nécessitent une attention particulière dans la question plus globale de l’hydropolitique.
Les thèmes suivants seront donc abordés dans le cadre de trois séances sur l’hydropolitique, à savoir :

Plusieurs études de cas, notamment au Nord et au Sud de l'Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique centrale, au Canada et dans les régions polaires feront l’objet d’études de cas précises.

Hydropolitics and international relations

The strategic importance of water is a central issue in international relations. By virtue of crossing national boundaries, water forces riparian states to a situation of interdependence. There are today 263 internationally shared water basins and alarming forecasts on the impact of climate change on transboundary water resources. Despite the strategic, economic and political dimensions of water, hydropolitics have surprisingly triggered little interest in Francophone political science literature.

Hydropolitics has essentially been understood as the study of inter-state conflict and cooperation along international watercourses. While taking distance with deterministic conclusions on “water wars”, the purpose of this panel is to better assess the impact and scope of water in intrastate dynamics. Does interdependence over shared surface and groundwater rather favour cooperation to conflict?

The scholarly debate has recently shifted towards the assessment of water as a catalyst for cooperation. In addition, the need to go beyond a state-centric approach is clearly at stake in the management of transboundary water resources. Hydropolitics cannot ignore the development of international norms for the management of international rivers, as well as aquifers (the forgotten side). One can also question whether the strategic importance of water can really be separated from economic and environmental aspects linked to the management of international resources. Finally, social issues, and in particular the question of access to clean water, could well take on increased strategic significance.  Indeed, the lack of access to water could trigger significant international tensions following the displacement of populations.
Research on water also requires to look more precisely at governance-related issues. Much of the literature relating to environmental security has focused essentially on scarcity as the explanatory variable for cooperation or conflict. There is clearly a need to reflect more precisely on the importance of institutions along a multi-level governance approach.
The three different panels will therefore look at:

Various case studies, ranging from the Middle East and North Africa, to southern Africa and the poles will be discussed.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 7 septembre 2009 14h-16h20
Session 2 : 7 septembre 2009 16h40-19h
Session 3 : 8 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 12)


f Programme

Axe 1
La re-définition (ou non) de l’hydropolitique en relations internationales: concepts, normes et institutions

Présidence : Marwa Daoudy & Jeremy Allouche
Discutant : Barah Mikaïl

Axe 2
La définition et l’évaluation de la coopération et des conflits transfrontaliers: enjeux théoriques et cas d’étude empiriques au Moyen Orient et en Afrique du Nord

Présidence : Jeremy Allouche & Marwa Daoudy
Discutant : Frédéric Julien

Axe 3
La définition et l’évaluation de la coopération et des conflits transfrontaliers: enjeux théoriques et autres cas d’étude empiriques

Présidence : Marwa Daoudy & Jeremy Allouche
Discutante : Raya Marina Stephan


f Résumés des contributions

Axe 1

Paquerot Sylvie (Université d’Ottawa)

Globalité du cycle hydrologique et changement climatique; équité et responsabilités communes : de l’hydropolitique à la politique de l’eau

Les relations internationales ont accordé leur attention presqu’exclusivement aux conflits transfrontaliers et aux conditions de coopération dans le domaine des ressources en eau, mais le concept d’hydropolitique appelle à une considération plus large : celle de la « politique de l’eau ». Or, la question de l’eau ne peut plus se poser uniquement, ni même principalement en termes de relations entre États et de conflits transfrontaliers. Certains facteurs ont contribué, dans les dernières années, à re-poser de manière originale la problématique de l’eau à l’échelle mondiale. D’une part, l’enjeu de la gouvernance mondiale de l’économie a ouvert, paradoxalement, à cette échelle, la question de l’accès à l’eau, considérée auparavant comme une question locale ou nationale, à laquelle pouvait s’appliquer l’aide internationale. D’autre part, dans le contexte du changement climatique, les interactions avec le cycle hydrologique qui affecteront les ressources en eau apparaissent de plus en plus clairement, pointant vers la nécessité d’une « préoccupation commune » et de normes conséquentes. Enfin, des zones de conflits potentiels autour des ressources en eau identifiées par l’ONU, la large majorité renvoie à des conflits internes et de développement. Les règles, normes, coutumes régissant les rapports entre États ne suffiront pas à faire face à ces défis, ce que nous discuterons à travers l’examen des limites et du potentiel des principes et des règles développées jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine.

The Global Nature of the Hydrological Cycle and Climate Change: Equity and Shared Responsibilities: From “Hydropolitics” to the Politics of Water

International relations have focused almost exclusively on cross-border conflicts and the conditions for cooperation in the matter of water resources. The concept of “hydropolitics”, however, refers to a broader framework: that of the politics of water. The subject of water cannot be approached uniquely, nor principally in terms of inter-state relations and cross-border conflicts. In the last years, some factors have led us to raise again, in an original manner, the issue of water on a global scale. Firstly, world economic governance led us to consider at global level the problem of access to water, previously thought as a local or national issue to which international aid could apply. Secondly, in the context of climate change, various interferences with the hydrological cycle which will affect water resources becomes more and more apparent, pointing to the necessity of a “common preoccupation” and consequent norms. Finally, of the potential conflict zones surrounding water resources identified by the UN, the vast majority are related to internal conflicts and development dilemmas. The rules, norms and customs that regulate relationships between states are not sufficient, in our view, to face these new challenges. We will discuss this topic by examining the limitations and potentials of the guidelines and rules established to date in this field.

Stephan Raya Marina (UNESCO-HPI)

La coopération transfrontalière sur les eaux souterraines : un processus en évolution

Ces dernières années ont vu l’émergence sur la scène internationale des aquifères transfrontaliers. En effet, longtemps ignorés, les aquifères, qui présentent souvent un caractère transfrontalier, ont suscité un intérêt croissant du fait des réserves en eau douce qu’ils contiennent. Si dans la plupart des cas, ces réserves sont exploitées de part et d’autre de la frontière sans concertation aucune, une certaine volonté affichée de coopération, encore balbutiante commence à émerger. Cette nouveauté est encouragée et développée par des organisations internationales telles que l’UNESCO, l’UN ESCWA ou le FEM qui mettent en place des projets scientifiques autour des ressources aquifères transfrontalières, dont le but est de promouvoir la connaissance commune de ces ressources partagées. A un autre niveau, divers instruments du droit international de l’eau tels que la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation (1997) offrent un cadre possible permettant la formalisation de la coopération transfrontalière sur les eaux souterraines. Suivant cette mouvance, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté une Résolution sur le droit des aquifères transfrontaliers incluant le projet d’articles préparé par Commission du Droit International. Ce papier s’attachera donc à présenter ces processus parallèles en cours, autour des aquifères transfrontaliers et dont l’objectif est de développer la coopération.

Transboundary Cooperation on Groundwater : A Process under Evolution

Transboundary aquifers have recently emerged on the international arena. While they had been ignored during so many years, aquifers, which often cross boundaries, are experiencing growing interest as they represent important freshwater reserves. If in most of the cases the water reserves are developed on each side of the boundary without any concertation, a certain will for cooperation, still in its infancy, is appearing. This new element is encouraged and developed by international organizations such as UNESCO, UN ESCWA or GEF which are executing scientific projects concerning transboundary aquifer resources. On another level, several international water law instruments such as the Convention on the Law of the Non-navigational Uses of International Watercourses (1997) offer a possible framework allowing to formalize transboundary cooperation over groundwaters. Following this same move, the UN General Assembly adopted a Resolution on the law of transboundary aquifers including the draft articles prepared by the International Law Commission. This presentation will deal with these ongoing parallel processes regarding transboundary aquifers the objectives of which are to develop transboundary cooperation.

Julien Frédéric (Université d’Ottawa)

L’eau dans les relations internationales : la guerre ou la paix? D’un déterminisme à l’autre

Le spectre de guerres de l’eau occupe une place de choix dans l’espace public. Au sein de l’Université, cette thèse est cependant accusée de déterminisme géographique. C’est plutôt la notion de l’eau comme vecteur de paix qui y fait consensus : la coopération hydropolitique s’imposerait d’elle-même parce que plus efficace que le conflit pour garantir l’accès à l’eau à long terme. Au déterminisme géographique hydro-centré des pessimistes s’oppose donc le déterminisme économique logo-centré des optimistes. L’étroitesse de ce débat rationaliste et dichotomique – le partage de l’eau comme ressource naturelle cause-t-il la guerre ou la paix? – nuit à une compréhension fine de la scène hydropolitique. En effet, l’eau n’est pas qu’une ressource naturelle et peut être à la fois un enjeu de coopération et de conflit, et ce, à divers degrés. La question n’est donc pas tant de savoir si le partage international de la ressource eau est une activité intrinsèquement conflictuelle ou coopérative, mais plutôt de comprendre comment dans certains cas l’eau en arrive à devenir un enjeu de sécurité, alors qu’elle demeure une matière politique la plupart du temps. Un tel recadrage du débat implique de dépasser les principales théories des Relations internationales pour y introduire une perspective ouvertement constructiviste; au-delà des déterminismes, l’hydropolitique est ce que les sociétés en font.

Water in International Relations: War or Peace? From one Determinism to Another

The water wars spectre is widespread in the public sphere. Among scholars, however, this thesis is accused of geographic determinism. Actually, the notion of water for peace has become the epistemic consensus inside the Academy: hydropolitical cooperation would be imperative as it is more efficient than conflict to ensure water access in the long run. To the pessimists’ hydro-centric geographic determinism is therefore opposed the optimists’ logo-centric economic determinism. The narrowness of this rationalist and dichotomous debate – is the sharing of water as a natural resource a cause of war or peace? – impedes the understanding of hydropolitics’ subtleties. Indeed, water cannot be reduced to its natural resource status and it is linked to a range of both conflictive and cooperative behaviors. Consequently, the question is not so much to determine if the international sharing of water resources is an intrinsically cooperative or conflictive activity, but rather to understand why in some cases water becomes a security issue whereas in most cases it remains a political matter. Reframing the debate along those lines requires going beyond mainstream International Relations theorizing to introduce an explicitly constructivist approach; beyond determinisms, hydropolitics is what societies make of it.

Axe 2

Mikaïl Barah (Institut de Relations Internationales et Stratégiques)

Vers la première guerre du troisième millénaire ? Impact potentiel des évolutions inter-soudanaises sur l’avenir du Nil

Les eaux du Nil ont toujours suscité des convoitises. Au 19ème siècle déjà, les prétentions des acteurs politiques du monde nilotique, combinées aux stratégies de puissances impériales, ont souligné le rôle de l’eau en tant qu’enjeu de pouvoir. Cette situation mènera à terme au traité de 1959 sur le partage des eaux du Nil, toujours d’actualité. Celui-ci reconnaît théoriquement un droit de prélèvement intégral du Caire et de Khartoum sur les eaux du Nil. Ce dispositif est pourtant critiquable, puisqu’il exclut de son champ les droits du pourvoyeur de 80% des eaux concernées : l’Ethiopie. Or, les rapports de force régionaux ont connu une évolution considérable ces dernières années. L’Egypte dispose de moins en moins de leviers d’action politiques et militaires régionaux ; l’Ethiopie, comme par effet mécanique, se sent renforcée ; quant au Soudan, il a connu récemment une forme de désagrégation politico-territoriale qui confirme cette double tendance. L’Initiative du Bassin du Nil (IBN, 1999) ayant montré jusqu’ici sa relative inconsistance, faut-il voir dès lors dans le cas de ce fleuve l’incarnation potentielle du premier des conflits hydrauliques du troisième millénaire ? La réponse à cette question reste encore hypothétique. Mais le morcellement politico-territorial du Soudan semble annoncer la récupération par des acteurs étatiques, sub-étatiques et/ou non étatiques des eaux du Nil à des fins politiques, vitales, voire commerciales.

Towards the First War of the Third Millennium ? The Potential Impact of Inter-Sudanese Evolutions on the Future of the Nile River

Nile waters have always aroused keen interest. Yet, in the 19th century, claims of the Nile world’s local actors, associated to the strategies of imperial powers, did underline the importance of water as an issue of power. This situation would lead eventually to the signature of the Nile Basin Treaty of 1959, still relevant today. This agreement recognized, in theory at least, Egypt and Sudan’s full rights of appropriation on the Nile waters. But this situation is open to criticism, as it doesn’t recognize any right to Ethiopia, a country which is the origin of 80% of the total volume of this river’s waters. Still, regional battle of wills have evolved sharply in recent years. Egypt has lost some of its regional political and military action levers; Ethiopia, as by mechanical effect, felt reinforced; and Sudan is currently submitted to a politico-territorial disintegration that insists on these two tendencies. As the Nile Basin Initiative (1999) didn’t reveal yet to be of great value, should we foresee the Nile as a potential incarnation for the third Millennium’s first hydraulic war ? Answering such a question remains highly hypothetical. But it looks as if the politico-territorial fragmentation of Sudan was already announcing the recuperation of the Nile waters by State, Sub-State, and non-State actors for political, vital, or even commercial means.

Zeitoun Mark (University of East Anglia)

L’incertidude, le pouvoir et l’hydro-hégémonie dans le cadre de deux aquifères transfrontaliers

L’étude examine deux aspects particuliers relatifs à l’hydropolitique des aquifères transfrontaliers, au niveau international. Premièrement, la grand incertitude liée a l’invisibilité des aquifères les rend particulièrement susceptibles à la manipulation politique. A l’incertitude s’ajoute un déséquilibre de pouvoir entre les acteurs riverains qui conduit, dans certains cas, à un bilan à la fois inéquitable et non-durable. En établissant une distinction entre aquifères fossiles et ceux renouvelables, l’étude s’attachera à analyser les cas de Palestine-Israël et Jordanie-Arabie Saoudite. L'attention étant, par exemple, focalisée sur le niveau du Lac de Tibériade, les baisses du niveau de la nappe phréatique passent inaperçues. Les retrait israéliens excèdent régulièrement les limites renouvelables de l'aquifère et font paraître les abstractions palestiniennes comme dérisoires. La ‘course vers le fond’ de l’aquifère de Disi, qui traverse l'Arabie Saoudite et la Jordanie, se produit aussi en catimini. Cette compétition empêche une utilisation optimale de l’eau, lorsque les récoltes désertiques sont irriguées à partir d’eaux fossiles non-renouvelables. L’asymétrie de pouvoir empêche la Jordanie d’utiliser cette eau pour la consommation domestique à Amman. L’étude conclut que bien qu’elles constituent des facteurs négatifs dans les cas d’étude choisis, l’incertitude et le déséquilibre de pouvoir peuvent – dans le cadre d’un « leadership » politique plus clairvoyant et juste – contribuer à une gouvernance de l’eau durable et effective.

Uncertainty and Power Asymmetry: Impediments or Catalysts to Equitable Allocation of Transboundary Groundwater?

This paper explores two under-examined features influencing transboundary aquifer governance: a) the uncertainty regarding their physical characteristics and low visibility, which make them particularly susceptible to political manipulation, and b) the cross-border power asymmetry that locks-in otherwise unsustainable outcomes. A further distinction is made between fossil and renewable aquifers, with analysis applied to resources shared by Palestine - Israel, and Jordan - Saudi Arabia. With attention concentrated on the level of the Lake of Tiberias, for example, drops in groundwater in the Western Aquifer Basin go un-noticed. Israeli groundwater abstractions routinely exceed the aquifer’s sustainable limits, and dwarf Palestinian abstractions. The ‘race to the bottom’ of the Disi aquifer between Saudi Arabia and Jordan also occurs out of sight. The competition precludes optimal water use, with crops in the desert irrigated with non-renewable fossil water. Power asymmetry prevents Jordan from executing its plans to pump the water for drinking purposes to Amman. The paper concludes that while they discourage sustainable cooperative efforts in the cases examined, both uncertainty and power asymmetry are enabling (not determining) factors. Under enlightened political leadership, they may in fact lead to more effective transboundary water governance.

Gülçin Erdi Lelandais (Centre d’études sur les conflits, EHESS)

L’hydro-politique de la Turquie comme instrument stratégique dans sa politique de puissance régionale

L’hydro-politique de la Turquie ne se repose pas uniquement sur la simple volonté d’approvisionnement énergétique. De ce fait, nous tenterons d’analyser les thèmes suivants :
- les paramètres sécuritaires : l’Etat, en réaménageant la région à majorité kurde, envisage de désamorcer à moyen terme le PKK en permettant le décollage économique de cette région mais aussi en rendant difficile, par la construction des barrages, la mobilité de la guérilla dans les montagnes et grottes de la région.
- les paramètres géostratégiques : volonté de l’Etat turc d’être un acteur régional puissant. Profitant d’une position de force résultant de sa situation géographique de riverain amont, elle veut affirmer sa prééminence sur les riverains de l’aval qui prétendent être ses rivaux, en l’occurrence la Syrie et l’Irak.
- les paramètres géopolitiques : la Turquie fait partie du Réseau euro-méditerranéen de l’énergie, financé par le MEDA. Sa participation au programme du MEDA et au Charte de l’énergie montre que ce pays s’insère dans le processus de construction des politiques et normes européennes sur l’énergie. Dans ce cadre, elle se présente à la fois comme fournisseur d’énergie pour l’Europe en transmettant les sources d’énergie de l’Asie mineure et du Caucase, et comme productrice d’énergie en lançant de grands projets d’aménagement hydraulique.
Turkey’s Hydro-Politics as a Strategic Tool in its Policy as Regional Power

The Hydro-politics of Turkey does not rest solely on the desire of energy supply. Therefore, we will analyze the following topics:

- Security parameters: State by rearranging the Kurdish-majority region, plans to defuse the medium term the PKK by allowing the economic development of this region, but also making difficult, by the construction of dams, the mobility of the guerrilla in the mountains and caves of the region.
- Geo-strategic parameters: the willingness of the Turkish state to be a powerful regional actor. Taking advantage of a position of strength due to its location of upstream riparian, it wants to assert its leadership on the downstream riparian who claim to be its rivals, namely Syria and Iraq.
- Geopolitical parameters: Turkey is in the Euro-Mediterranean network on energy policy, financed by MEDA. His participation in the program of MEDA and to the Energy Charter shows that it fits into the process of building policies and standards on energy. In this context, the country is presented both as an energy supplier for Europe in transmitting energy from Asia Minor and the Caucasus, and as a producer of energy in launching large-scale hydraulic programs.

Kharouf-Gaudig Rana (Université Paris Descartes – Faculté de droit)

Le droit international de l’eau douce au Moyen-Orient : source de conflits ou élément de coopération ?

Élément vital aux enjeux multiples, l'eau douce prend une dimension juridique majeure lorsqu'elle traverse les frontières internationales et place les États riverains dans une situation d’interdépendance. Dans certains bassins du Moyen-Orient, cette dépendance mutuelle connaît une évolution particulièrement défavorable qui s’explique par des facteurs multiples. À partir de l'analyse du droit international qui régit la répartition des eaux internationales, le présent article met en évidence les lacunes juridiques qui rendent difficile la gestion des bassins les plus critiques, à savoir les bassins de l’Euphrate, du Tigre, du Jourdain, et du Nil. Résultant d’un régime conventionnel régi par le droit international coutumier, les accords internationaux relatifs à l’eau sont caractérisés par un fondement théorique controversé, et leur application est dominée par l'attachement à la notion de souveraineté. Afin de pouvoir faire face au défi de la pénurie de l'eau au Moyen-Orient, le droit international de l’eau douce doit prendre en compte l'ensemble des nouvelles données écologiques, économiques, démographiques et géopolitiques. Toutefois, en renforçant la solidarité entre les pays riverains, ce droit pourra contribuer à la prévention et au règlement des conflits et devenir également un catalyseur de la paix.

International Freshwater Law in the Middle East: From Sovereignty to Co-operation

As a vital element in multiple respects, fresh water takes on a major legal dimension when it crosses international borders and links riparian states in situations of interdependency. Due to environmental, climatic, demographic, economic, and political factors, the evolution of such mutual dependency has been especially detrimental in some Middle East basins. Based on an analysis of the international law governing the sharing of international waters, this thesis points out the legal deficiencies that make it difficult to manage the more critical basins, i.e. the Euphrates, Tigris, Jordan, and Nile basins. In this analysis, emphasis is laid on international groundwaters, which are particularly threatened by over-exploitation and pollution. The result of a conventional system governed by customary international law, international agreements on water are characterized by a disputed theoretical foundation, and their application, dominated by the insistence on the notion of sovereignty, disregards recent developments in the international law of fresh water resources. In order to be able to respond to the challenge of water shortages in the Middle East, international water law must take all of the latest ecological, economic, and demographic data into account; by strengthening the ties of solidarity between riparian states, it will become a factor of conflict prevention and resolution and also a catalyst for peace.

Axe 3

Carles Alexis (Institut Européen de Recherche sur la Politique de l’Eau) & Maupin Agathe (Université de Bordeaux 3)

Le Zimbabwe en crise: Le rôle des commissions de bassins transfrontaliers du Limpopo et du Zambèze

Le Zimbabwe est en crise profonde depuis avril 2008, notamment à cause du renforcement de l’autoritarisme du régime du parti au pouvoir depuis 1980, le ZANU-PF, principal responsable de la crise institutionnelle actuelle venue renforcer la crise politique, économique et sociale croissante depuis 2000. Suite à l’effondrement du système monétaire, matérialisé par une hyperinflation latente, de nombreux citoyens ont fui des conditions de vie en constante dégradation (épidémie de choléra, crise alimentaire…) vers l’étranger. Les relations du Zimbabwe avec ses voisins se sont fortement détériorées. A ce sujet, la LIMCOM et la ZAMCOM (Limpopo and Zambezi Watercourse Commissions), institutions de coopération pour la gestion commune des ressources en eau du Limpopo et du Zambèze, ont un rôle à jouer. Elles voient leur efficacité compromise par cette crise, mais elles permettent également aux états riverains de conserver un certain dialogue avec le Zimbabwe. Cette communication a pour but de présenter la crise actuelle au Zimbabwe et le rôle des institutions de bassins dans cette situation. Comparer les actions et l’efficacité de la LIMCOM et de la ZAMCOM en ce qui a trait aux relations hydriques internationales du Zimbabwe, mais aussi aux relations en général avec ses pays riverains, permettra d’évaluer dans quelle mesure la gestion des ressources en eau peut être un instrument de sortie de crise.

Crisis in Zimbabwe: The role of the Limpopo and Zambezi transboundary basins’ commissions

The continuous reinforcement of the authoritarian regime by the political party in place in Zimbabwe (ZANU-PF) since the beginning of the 1980s is significantly responsible of the institutional crisis currently at stake in this country since 2008. The latter strengthened an already complex political, economic and social crisis on the rise since 2000. The national monetary system collapsed; therefore the population is the victim of hyperinflation, forcing people to run away abroad from deteriorating life conditions (cholera plague, food crisis, etc.). As a consequence, relations between Zimbabwe and its neighbors have deteriorated since then.
LIMCOM and ZAMCOM, respectively the Limpopo and the Zambezi Watercourse Commissions have a key role to play as cooperative institutions for the joint management of both transboundary rivers’ water resources. Although their efficiency is put into question because of the crisis, those institutions help maintaining a dialogue with Zimbabwe. The objective of this communication is to present the current crisis in Zimbabwe and the role of river basins’ institutions at the heart of this situation. It will then consist in a comparison of the role of both the LIMCOM and the ZAMCOM in what relates to Zimbabwe’s international water relations, but also its international relations in general with its neighboring countries, in order to evaluate to what extent water resources’ management could be a tool for solving international political crises.

Argounes Fabrice (Sciences Po, Université de Bordeaux)

Hydropolitique des pôles : Les normes des eaux transfrontalières au miroir polaire : Arctique et Antarctique

Les océans arctiques et antarctiques, en retrait des grands enjeux internationaux depuis la fin de la guerre froide apparaissent en pleine (r)évolution, suite au réchauffement climatique et à la volonté du contrôle des routes maritimes par les grandes puissances. Récemment médiatisée, la situation dans l’espace arctique, ou les Etats riverains souhaitent profiter de la fonte des glaces, semble évoquer les enjeux de certaines mers intérieures du globe. A l’opposé, l’océan antarctique, bordant le sixième continent, ne connaît pas les mêmes enjeux. Néanmoins, les récents accords bilatéraux entre la France et l’Australie, évoquent la gestion transfrontalière de problèmes régionaux. Ces accords symbolisent également la volonté des pays riverains de ‘normer’ l’espace maritime antarctique à partir d’un nouveau modèle transnational. Dans ces deux régions polaires, les récentes demandes russes et australienne, par exemple, entrainent une réflexion nouvelle sur le partage de ses espaces maritimes, autrefois eaux internationales.
Notre communication se divise en trois parties. Nous partons d’une hypothèse idéaliste, à partir de la spécificité des espaces arctiques et antarctiques, pour constater une évolution : les normes des eaux transfrontalières se développent dans ces régions, aux dépens de la gestion internationale multilatérale. Enfin, nous réfléchirons aux diverses causes de cette évolution, et nous tenterons de proposer une grille d’analyse constructiviste.

Hydropolitics and the poles : Arctic and Antarctic

The Arctic and Antarctic oceans, setback from the major international issues since the end of the cold war, appear in revolution, due to global warming, and the desire to control maritime roads by the major Powers. Situation in the Arctic, where bordering states want to enjoy the ice melted, seems remind destiny of some inland seas of the world. In contrast, the Antarctic Ocean, near the sixth continent, is another world. However, recent bilateral agreements between France and Australia, refer to cross-border management of regional problems.
These agreements symbolize the willingness of bordering countries to 'norm' the Antarctic maritime area on a new transnational model. In both polar regions, recent demands from Russia or Australia, for example, have led new issues on the sharing of its maritime areas, and bordering powers have absorbed the international vocabulary (IGOs and NGOs) to strengthen their presence and sovereignty.
Our communication on this issue is divided into three parts. We start from an assumption of idealism, from the specificity of the Arctic and Antarctic areas, to find an evolution: Transboundary watercourses and international lakes uses are developing in these regions, based on power relations, at the expense of multilateralism. Finally, our communication will reflect on the various causes of this change, and we will try to propose a constructivist analytical framework to study these oceans.

Kauffer Edith (Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social)

Ni coopération, ni conflit ouvert : l’hydropolitique dans les bassins versants internationaux à la frontière entre le Mexique, le Guatemala et le Belize

Le Mexique partage avec le Guatemala et le Belize, trois fleuves internationaux. Six bassins versants internationaux de superficie variée constituent un réseau hydrographique considérable dans une région aux fortes précipitations. Le Guatemala se trouve dans la partie amont de tous les bassins partagés, ce qui représente un avantage stratégique alors que le Mexique possède une influence politique et économique régionale qui pèse considérablement en matière de relations internationales. Etudier l’hydropolitique dans les bassins versants internationaux à la frontière entre le Mexique, le Guatemala et le Belize a partir d’une définition traditionnelle centrée sur la dynamique de coopération et conflits entre les Etats en matière de ressources hydriques représente un sérieux défi pour l’analyse. En effet, aucune coopération en matière de gestion des bassins versants partagés n’est inscrite sur les agendas bilatéraux et trilatéraux. De plus, aucun conflit apparent sur l’eau n’est actuellement à l’ordre du jour entre les trois Etats. Ainsi, nous suivons la suggestion de Turton (2003) qui préconise une redéfinition du concept d’hydropolitique. Ceci nous permet d’inclure la diversité des acteurs existants dans l’analyse et de développer une approche centrée autour des principaux thèmes (issues) liés à l’eau dans les six bassins versants.

Neither Cooperation, nor Open Conflict: Hydropolitics in Transboundary River Basins at the Border between Mexico, Guatemala and Belize

Mexico shares with Guatemala and Belize three international rivers. Six transboundary river basins with varied surface form a main hydrographic network in a rainy region. Guatemala is located upstream, which represents a strategic advantage meanwhile Mexico holds a political and economical influence that weighs on international relations. Studying hydropolitics in transboundary river basins at the border between Mexico, Guatemala and Belize from a traditional definition focused on the dynamics of cooperation and conflicts on water between states represents a real challenge. The cooperation on water in transboundary river basins management is not registered as an issue on bilateral and trilateral agendas. Moreover, no visible conflict on water is currently put on schedule. As a consequence, we are following Turton’s suggest (2003) about redefining hydropolitics. It allows us to include the diversity of existing stakeholders for the analysis and to develop a water issues centered research applied to water for the six transboundary river basins.


f Participants

Allouche Jeremy jeremy.allouche@politics.ox.ac.uk
Argounes Fabrice fabriceargounes@hotmail.com
Ayeb Habib hayeb@hotmail.com
Carles Alexis carles_alexis@hotmail.com
Daoudy Marwa marwa.daoudy@graduateinstitute.ch
Julien Frédéric frederic.julien@uottawa.ca
Kauffer Edith ekauffer@ciesas.edu.mx
Kharouf-Gaudig Rana kharoufrana@yahoo.fr
Lelandais Gülçin Erdi gulcin.lelandais@wanadoo.fr
Maupin Agathe agathe.maupin@gmail.com
Mikaïl Barah mbarah@yahoo.fr
Paquerot Sylvie sylvie.paquerot@uottawa.ca
Stephan Raya Marina raya.stephan@yahoo.com
Zeitoun Mark m.zeitoun@lse.ac.uk