Sociologie et histoire des mécanismes de dépacification du jeu politique

f Responsables

Paula Cossart (Gracc, Université Lille III) cossart.paula@free.fr
Emmanuel Taïeb (IEP de Grenoble) emmanuel.taieb@iep-grenoble.fr

f Date limite : 15 octobre 2008
Les propositions de communications sont à envoyer par courriels aux responsables de la ST.

 

De nombreux travaux de sociologie historique ont été consacrés au processus de pacification du jeu politique dans les démocraties occidentales. Ils ont mis en évidence une « civilisation des mœurs » politiques, une routinisation de répertoires non-violents de la protestation sociale, une forclusion de la violence par l’acte électoral, et d’une façon générale la délégitimation du recours à la violence physique dans la compétition politique (Y. Déloye, A. Garrigou, O. Ihl, M. Offerlé). Désormais pour les acteurs politiques, au-delà des clivages partisans, la pacification et ses effets procèdent de la règle partagée, conduisant à condamner régulièrement tous ceux qui ne s’y conforment pas.
Pour autant, la pacification n’est jamais achevée. Et en pratique, le jeu politique est travaillé par des processus opposés de dépacification, qui contestent, résistent ou détournent les acquis de la pacification, et obligent les acteurs et groupes politiques à s’articuler, se définir et se recomposer par rapport à eux. Ces mécanismes de dépacification sont consubstantiels au jeu politique, et en testent les frontières. Impliquant alors des délimitations et des redéfinitions des pratiques jugées « déviantes » ou « hors-jeu », allant éventuellement jusqu’à leur criminalisation ou leur judiciarisation.
En science politique, ces contre-mécanismes ont été rarement étudiés ou isolés théoriquement, sinon sous l’angle classique de la violence politique, qui n’en est en réalité qu’une dimension. Sans nier la tendance de fond, qui est effectivement à la pacification, l’objectif de cette section thématique est d’étudier les formes prises par ces mécanismes de dépacification de la lutte politique, et d’étudier les résistances, les refus et les subversions apportés au principe de pacification, comme autant d’autres manières de participer au jeu politique.

Les communications pourront porter sur :

• Les formes verbales et symboliques de la dépacification. En particulier, l’attention pourra être portée aux réactions et qualifications indigènes des acteurs politiques lorsqu’ils sont confrontés à ce qui leur apparaît comme exorbitant du jeu politique normal et des standards implicites de concurrence entre pairs. Typiquement alors, la dépacification peut s’incarner dans l’injure publique, la diffamation, le dérapage, le « coup bas », avec des arguments jugés infra ou non-politiques, les allusions déplacées (à l’orientation sexuelle, l’origine sociale, la religion, la couleur de peau), les caricatures « limites », ou les lynchages médiatiques.

• L’usage de la violence, dans ses liens avec la dépacification. Ce seront par exemple le terrorisme ou les assassinats politiques, la « violence d’État », des violences sporadiques et spontanées de moindre intensité, type saccages, séquestrations, occupations/incendies de locaux, l’irruption de la violence dans des manifestations ou dans des grèves, soit par l’arrivée de « casseurs », soit de manière endogène (O. Fillieule), ou le fait d’en « venir aux mains » dans une assemblée parlementaire ou lors d’une campagne électorale.

• L’examen théorique de la notion de dépacification ; en particulier dans ses liens possibles avec des notions connexes, comme le processus de décivilisation (Elias), la brutalisation des consciences (Mosse), ou tous les processus d’informalisation-déformalisation des « manières » politiques (Wouters).

• Il faudra enfin interroger la relation causale entre dépacification et propriétés sociales et politiques des acteurs concernés, notamment pour savoir si la dépacification émane d’acteurs hostiles au régime, à la démocratie pacifiée, exclus du champ politique, situés à sa périphérie, ou socialisés dans l’acceptation et la banalisation de la violence physique. On pourra examiner également les cas historiques de changements de standards politiques, où ce qui était perçu comme dépacifiant devient un coup politique légitime (nouveaux standards visibles par exemple dans les condamnations molles qui l’accompagnent, son amnistie, voire sa réutilisation par l’ensemble des acteurs ensuite).

Les responsables de la section sont ouverts aux approches relevant de l’histoire, de la science politique, de la sociologie, de l’anthropologie, et d’une façon générale aux approches socio-historiques et interdisciplinaires. Ils privilégieront les propositions relevant du comparatisme entre pays, du comparatisme diachronique, les monographies de phénomènes contemporains, comme les études sur la longue durée attentives à l’historicisation des comportements, et travaillant à partir d’archives ou de matériau empirique inédit.