Section thématique 46

Sociologie historique des "changements de régimes"

f Responsables

Christophe Le Digol (Université Paris X-Nanterre, Groupe d’Analyse Politique) cledigol@orange.fr
Christophe Voilliot (Université Paris X-Nanterre, Groupe d’Analyse Politique) christophe.voilliot@u-paris10.fr

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

Cette section thématique sera composée de deux panels regroupant chacun quatre communications. Le premier portera sur la sociologie comparative des périodes de transition et le second sera plus particulièrement consacré aux processus de légitimation/délégitimation à l'œuvre avant, pendant et après les changements de régime. L'objectif de ces deux panels est de repérer, à partir des phénomènes variés que l'on associe spontanément à ces séquences historiques, des lignes d'action, des luttes de définition, des groupements mobilisés autour d'enjeux qui se cristallisent peu ou prou, et pas nécessairement de manière synchrone, sur la question des institutions politiques.

Session 1

L'étude des transitions vers la démocratie repose encore largement aujourd'hui sur une géo-chronologie qui isole des vagues (Vawes) de changements de régime, chacune d'entre elles étant spatialement et temporellement située : l'Europe du sud dans les années soixante-dix, l'Amérique latine dans les années quatre-vingt, l'Europe centrale dans les années quatre-vingt-dix... Sans remettre en cause a priori cette géo-chronologie, on peut néanmoins constater qu'elle présente l'inconvénient de conforter nos présupposés démocratiques et d'accréditer l'idée d'une mondialisation vertueuse qui reposerait – au niveau institutionnel – sur la généralisation des modèles occidentaux de démocratie représentative. Le comparatisme peut, comme le soulignait Christophe Charle dans son livre sur La crise des sociétés impériales (Le Seuil, 2001), être un « outil d'auto-analyse de [nos] propres préjugés » à condition de combiner analyses diachroniques et synchroniques. Dans cette perspective, nous nous proposons de comparer des changements de régime intervenus au cours des dernières décennies en Europe centrale et orientale (en Russie, en Bulgarie et en Roumanie) avec la période d'institutionnalisation de la IIIème République française dans les années 1870-80. Cette démarche s'inspire librement des analyses de l'historien américain Philip Nord dont l'ouvrage The Republican Moment (Harvard University Press, 1995) étudie les mouvements d'opposition aux institutions du Second Empire en mettant l'accent sur les similitudes avec les phénomènes de résurgence de la société civile (Resurrection of Civil Society) théorisés par les spécialistes des transitions contemporaines. En s'affranchissant du préjugé selon lequel on ne compare bien que ce qui est contemporain, nous souhaitons mettre l'accent sur les processus et les agencements institutionnels homologues qui caractérisent les changements de régime à l'époque moderne.
Cette manière de faire est aussi un appel à sortir du jeu croisé des références qui caractérise aujourd'hui la « transitologie » (cf. l'article de Michel Dobry en introduction du numéro spécial de la RFSPsur les transitions démocratiques - vol. L, n°4-5, 2000) en s'appuyant en premier lieu sur les acquis de la sociologie historique tout en étant vigilant à ne pas réintroduire la philosophie spontanée de l'histoire qui trop souvent inspira ces travaux et, en second lieu, en (ré)inscrivant les périodes de transition dans une perspective plus longue qui est celle de la construction d'institutions étatiques. Une attention toute particulière sera donc accordée aux continuités et discontinuités repérables, s'agissant à la fois des différentes fractions d'élites monopolistiques, au sens de Norbert Elias, et des formes de domination et des entreprises collectives variées qui apparaissent, disparaissent ou se recomposent durant ces périodes. L'enjeu scientifique n'est évidemment pas d'élaborer un « grand » modèle des transitions, qui condenserait vraisemblablement tous les défauts des théories existantes, mais, par une comparaison raisonnée d'enquêtes menées sur des terrains différents de mettre en perspective ce qui ressort, en première analyse, comme des analogies potentielles.

Session 2

À l’occasion de cette session thématique, nous souhaitons encourager le dialogue entre des approches qui, en monopolisant des terrains, en transformant ces terrains en territoires, en s’autonomisant comme champs de références, empêchent toute discussion entre elles. Il s’agit donc de substituer à une logique de terrains une logique de l’objet, seule à même de rapprocher des façons de voir (et des façons de se rendre aveugle) relevant soit de l’étiquette « transitologie » soit de l’étiquette « sociologie historique », étant entendu que ces étiquettes ne sont que des points de vue réifiés sur ces objets.

Aborder la question du « changement de régime » à différentes époques et en différents lieux offre aux chercheurs l’opportunité de s’interroger aussi sur la dimension symbolique des entreprises de mobilisation, sur la manière dont certains groupes font usage des ressources disponibles, soit pour préserver, soit pour subvertir un ordre politique. Pouvons-nous rendre compte de la même façon de ces entreprises de mobilisation symbolique sous la Restauration, au début de la IVème République, dans l’Argentine de Nestor Kirchner ou au Kenya ? Dans une perspective comparative, il peut être fructueux de rendre compte des formes, spécifiques ou non, que prennent ces mobilisations symboliques (les conditions de mobilisations, les acteurs engagés dans ces entreprises comme le type de ressources mobilisées). Cependant, identifier ces entreprises de mobilisation symboliques, dans leurs spécificités, suppose aussi de les rapporter à des modes de domination – et aux pratiques qui leurs sont associées - qui, de la France de la Restauration à la France de la IVème république, de l’Argentine au Kenya, ne présentent pas non plus les mêmes caractéristiques.

Aussi cette session thématique sera-t-elle l’occasion d’éprouver et d’explorer la proposition de Max Weber qui rapportait, dans Économie et Société (Plon, 1971), des types de légitimité à des modes de domination. Cette proposition, reprise telle quelle la plupart du temps, appartient à l’ordre des évidences sociologiques, de celles qui sont partagées et mobilisées de façon récurrente et routinière par les chercheurs. De cette manière, nous tendons spontanément à réduire les entreprises de mobilisation symbolique aux types de légitimité identifiées par Max Weber. C'est accorder aux prétentions du pouvoir politique une cohérence et une efficience que le recours à la notion d’« entreprises de mobilisation symbolique » permet à l'inverse de remettre en question tout en préservant l’idée qu’à des formes de domination distinctes correspondent des types de légitimité différents. C'est parce qu'un « changement de régime » est aussi un changement dans l'ordre symbolique qu'il se donne à voir sur des terrains et à travers des pratiques variés, qui reflètent tout à la fois l'activité tactique des acteurs (qu'ils veuillent subvertir ou préserver l'ordre social ou tout simplement faire face aux aléas des conjonctures de crise) et l'ajustement des habitus, repérables a posteriori dans ces séquences historiques. Soit tout un ensemble de phénomènes sociaux qui, sous certaines conditions, peuvent donner naissances à des nouvelles formes d'activité politique, voire à de nouveaux modes de domination.

Historical sociology of “changes of government system”

This thematic section will consist of two panels, each one including four communications. The first will focus on the sociology of comparative periods of transition and the second will be especially devoted to the processes of legitimation at work before, during and after the change of government system. The purpose of these panels is to identify, from the varied phenomena that are associated with these sequences spontaneously historical lines of action, struggles definition, groups mobilized around issues that crystallizing more or less, not necessarily occur synchronously, on the question of political institutions.

The study of transitions to democracy today is still based largely on a geo-chronology that isolates waves of regime change, each of which are located spatially and temporally. We propose to compare changes in speed during recent decades in Central and Eastern Europe (Russia, Bulgaria and Romania) with the period of institutionalization of the Third French Republic in the years 1870-80. We want to focus on processes and institutional arrangements that characterize regime change in modern times.

Addressing the issue of regime change at different times and different places, allows researchers to consider the symbolic dimension of mobilization dynamics, how some groups make use of available resources, either to preserve or to subvert a political order. In a comparative perspective, it is interesting to report on forms that take these symbolic mobilizations (the conditions of mobilizations, the actors engaged in such dynamics as the type of resources mobilized). However, identifying these symbolic mobilization dynamics, with their specificities, also requires to report them to domination patterns and practices associated with them.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Session 6 : 9 septembre 2009 14h-16h20
Voir planning général...

Lieu : IEP (salle 16)


f Programme

Axe 1

Axe 2


f Résumés des contributions

Axe 1

Michonova Roumiana (CENS - Université de Nantes)

Le processus de changement sociopolitique en Bulgarie (1989-2007)

Depuis la chute des régimes communistes dans les pays de l’Europe centrale et orientale, les travaux sur les «voies et les modalités de sortie du communisme» se sont considérablement multipliés. Pendant plus d'une décennie c'était l'angle d'approche dit «transitologique» qui prédominait dans les travaux de recherche ; une approche qui pense le processus de transition démocratique comme un modèle de parcours défini allant d’un point précis à un autre tout aussi défini. L’analyse du processus de transformation sociopolitique en Bulgarie depuis 1990 proposée ici implique une rupture avec les façons de penser qui posent «le processus de transition» comme une réalité en soi à laquelle on prête volontiers une force et une volonté propre. Le point de vue adopté consiste à envisager le processus du changement comme une production issue d’une histoire particulière au cours de laquelle des groupements distincts d’agents sociaux ont été amenés à se rencontrer et à se combattre. Penser le changement conduit à historiciser son cheminement en introduisant au centre de l’analyse les rapports de forces entre des groupes politiques et sociaux, en tenant compte et en croisant les pratiques et les phénomènes politiques avec les expériences individuelles et collectives en tant qu’expression des changements. Une attention particulière est accordée aux mécanismes de légitimation/délégitimation, conversion/reconversions des anciennes et des nouvelles élites politiques et économiques.

Process of socio-political change in Bulgaria (1989-2007)

After the collapse of communist regimes in Central and Eastern Europe, researches on the “means and methods of exiting communism” have significantly increased. For more than a decade, the “transitology” approach was prevailing. According to this approach, the process of democratic transition is seen as a model of a definite path, going from one precise point to another, equally definite. The analysis of the process of socio-political transformation in Bulgaria since 1990 that we suggest here implies a break with the way of thinking according to which “the process of transition” is seen like a reality in itself, and to which we readily attribute a strength and a will of its own. The point of view adopted consists in considering the process of change as a production resulting from a specific history during which distinct groups of social agents were led to meet and fight. Taking change into account leads to historicise its progression by introducing at the centre of the analysis the balance of power between social and political groups, taking into account and relating political practices and phenomena with individual and collective experiences, as an expression of the changes. Specific attention is given to the mechanisms of legitimisation/delegitimisation and conversion/reconversion of the old and new political and economic elites.

Ramambason Maryse (CERCEC - EHESS)

De l'URSS à la Fédération de Russie: les conditions sociales d'émergence d'un nouvel espace politique

La Conférence constitutionnelle, convoquée par le Président Boris Eltsine pour examiner un projet de nouvelle Constitution pour la Fédération de Russie, est le point d'orgue d'une crise politique qui voit depuis plusieurs mois s'affronter deux institutions essentielles au nouvel ordre politique russe, la présidence et le parlement. Le 5 juin 1993, ce ne sont pas moins de 800 personnes, représentant tous les groupes sociaux et politiques qui s'y pressent. Représentants de partis politiques, de groupes parlementaires, de grandes entreprises, syndicaux et organisations sociales y sont convoqués et leur expression y est attendue. De ce point de vue, elle est présentée comme une assemblée concurrente de l'assemblée parlementaire. Au-delà de l'affrontement entre ces deux institutions, présidence et parlement, elle est aussi le lieu d'une renégociation des poids respectifs d'un ensemble d'organes et d'organismes sociaux dans leur rapport avec le centre. Dans cette lutte pour l'accès aux ressources de l'État, nous voudrions identifier les groupes et les réseaux qui s'affrontent, tantôt pour affaiblir l'État fiscal et obtenir le transfert à des groupes privés des ressources et de biens matériels appartenant à l'État, tantôt tous ceux qui à un titre ou à un autre ne peuvent laisser s'effectuer ce transfert sans obtenir une médiation sociale et économique sous peine de voir purement et simplement une menace de péril et de dissolution pour le groupe social qu'ils représentent.

From the USSR to the Russian Federation: the social conditions of emergence of a new political space

The Constitutional Assembly convened by President Boris Yeltsin to discuss a proposed new constitution for the Russian Federation is the culmination of a political crisis, the struggle between two key institutions of the new Russian political order : the Presidency and the Congress of Soviets of RSFSR. On June 5 1993, 800 people – representatives of political parties, parliamentary groups, large corporations, trade unions and social organizations – are convened and their expression is expected. From this point of view, the Assembly is a rival of the Congress of Soviets. Apart from this confrontation, the Assembly is also the place of a renegotiation of the influence on the “center” of a group of bodies and social organizations. In this struggle for access to State resources, we would identify groups and networks that compete to weaken the fiscal State, sometimes to get the transfer to private resources and property belonging to the State, sometimes to obtain the social and economic mediation of this transfer under penalty of dissolution as a social group.

Vieru Mihaela

Les partis politiques roumains en tant qu’acteurs dans un changement de régime politique (1944-1948)

Mon analyse concernera le cas de la Roumanie au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Après avoir connu un régime autoritaire jusqu’en août 1944, le régime politique du pays développe les traits propres au pluripartisme et à la démocratie naissante (stillborn democracy, Linz, 1978). D’un point de vue constitutionnel, entre 1944 et 1948, la Roumanie est une démocratie sui generis, alors que de facto un glissement vers un régime non-démocratique (la république populaire) s’opère.
Dans ce contexte et en m’appuyant sur l'examen des archives politiques de l'époque, je propose de dépasser l'approche récurrente prenant les rapports de forces internationaux et la domination de l’URSS comme seules variables pertinentes dans l'étude de la disparition du pluripartisme et de la démocratie en Roumanie. J’aborderai ainsi l’effondrement du régime compétitif (soit-il à compétition limitée) en me concentrant sur l'existence d’une opposition interne, d’une crise dans les relations de pouvoir et en analysant les différents choix opérés par le leadership des partis politiques concernés par la vie démocratique.

Romanian political parties as actors of a political regime change (1944-1948)

My contribution deals with the case of Romania after the Second World War. Having known an authoritarian regime until August 1944, the political system of the country develops the specific features of a multiparty system and a “stillborn democracy” (Linz, 1978). Constitutionally speaking, between 1944 and 1948, Romania is a democracy “sui generis”, while “de facto” a sliding towards a non-democratic regime (the people's democracy) takes place.
Studying this problem from the perspective of several archives of the Romanian Communist Party would permit one to compensate for the recurrent approach of the international forces and USSR’s domination as the only relevant variables in the study of the multiparty system and democracy collapse in Romania. Thus I will deal with the breakdown of the competitive system (though of limited competition ), first, by focusing on the existence of an internal opposition and a crisis of internal power relations and, second, by analyzing different choices operated by the leadership of the political parties concerned by the democratic life.

Axe 2

Bernadou Vanessa (IRISSO – Université Paris-Dauphine)

Problématisation autour d’une sortie de crise de type charismatique : le cas du président argentin, Néstor Kirchner

Le 18 mai 2003, le péroniste Néstor Kirchner est devenu, de manière inattendue, le premier Président à être légitimé par les urnes depuis la très grave crise politique, économique et sociale qui avait touché l’Argentine deux ans auparavant. Le 28 octobre 2007 : c’est son épouse, Cristina Kirchner qui lui succède en gagnant dès le premier tour l’élection présidentielle, et confirme la domination des « kirchnéristes » sur la scène politique. Pourtant, l’histoire de l’ascension au pouvoir de N. Kirchner rappelle qu’il ne disposait que de soutiens extrêmement fragiles et peu stabilisés tant sur la scène politique nationale qu’internationale. Comment saisir et rendre compte d’une situation de sortie de crise et d’un retour à l’ordre dans un régime politique ? C’est à cette question que cette contribution se propose de répondre en partant de l’hypothèse d’un retour à la puissance et à la coopération politique autour de la construction d’une figure charismatique. Le parti pris ici sera de détourner le regard de l’action et des intentions prêtées à N. Kirchner pour saisir les moments où les différents protagonistes vont évaluer le changement, se situer et situer les autres, et participer à leur manière au processus engagé de sortie de la crise. Nous analyserons alors les premières politiques publiques du gouvernement de N. Kirchner au prisme de cette hypothèse de reprise des transactions entre secteurs sociaux et de formation des soutiens qui s’y constituent.

Problematization around a crisis resolution of the charismatic type: the case of the Argentinian President, Néstor Kirchner

May 18th, 2003, the Peronist Néstor Kirchner unexpectedly became the first President to be legitimized by general elections since the very serious political, economic and social crisis that Argentina had experienced two years before. October 28th, 2007 : it was his wife, Cristina Kirchner who succeeded him by winning the presidential election in the first ballot, confirming the "kirchnerists" domination on the political stage. However, the story of N. Kirchner’s ascent to power reminds us that at first he had only extremely fragile and little stabilized supports both on the national and international political stages. How may one capture and account for a post-crisis situation and a return to order in a political regime? This is the question this contribution is taking up, starting with the assumption that the restoration of power and political cooperation took place around the construction of a charismatic figure. The approach taken here diverts attention from the action and intentions attributed to N. Kirchner. Rather it focuses on the moments when the various protagonists assessed the change, took a stand and attributed one to others, and took part in their own way to the crisis resolution process that was under way. We shall analyze the early policies of N. Kirchner’s government in the framework of this hypothesis : as the resumption of exchanges between social sectors and the supports that result from them.

Emmanuel Blanchard (Centre d’histoire sociale, Université Paris 1-CNRS)

Les policiers parisiens acteurs de la délégitimation de la IVe République

L’effondrement de la IVe République et la prise du pouvoir par le général de Gaulle ont fait l’objet de multiples récits mettant l’accent sur la « crise » du parlementarisme. Curieusement, certains des acteurs sociaux dont le rôle pourrait asseoir les interprétations fondées sur la rupture avec les rapports politiques routiniers sont tombés dans l’oubli. Il en est ainsi des polices, en particulier des policiers parisiens.
La manifestation des agents de la préfecture de police achevée devant l’Assemblée nationale (13 mars 1958), n’est ainsi que très rarement mentionnée au nombre des actions collectives qui ont fragilisé le gouvernement de Félix Gaillard. Les archives disponibles permettent de rendre compte des acteurs mobilisés au cours de cette journée et de la replacer dans le contexte d’un « malaise » policier qui se traduisait à la fois par la défiance vis-à-vis des gouvernants et par la mobilisation d’une partie des agents au service de groupes luttant pour le retour au pouvoir du général de Gaulle. Si l’on prend en compte, que quelques semaines après cette manifestation, le ministre de l’Intérieur savait ne plus pouvoir compter sur ses « troupes », la question se pose de savoir dans quelle mesure la « subversion » policière n’avait pas précédé celle de l’armée. Pour le moins, il apparaît que dès mars 1958, les coalitions gouvernementales de la IVe République avaient perdu le « soutien » policier sans lequel elles ne peuvent perdurer.

The Paris Police and the Delegitimazation of the Fourth Republic

The fall of the Fourth Republic and the rise to power of Charles de Gaulle have been related in many memoirs. Without fail, they stress France’s dysfunctional parliamentary system. Curiously, some social groups that brought on the collapse using unusual political strokes have been overlooked. Thats is particurlarly true of the role played by the most important police forces in the country, the Paris Prefecture of Police.
A massive demonstration of Paris police officers that ended in front of the Palais Bourbon’s gates weakened Felix Gaillard’s government. Elements from the archives allow us to know who joined the protest and to place their action within a broad context, calling attention to a growing malaise within the Paris police and a disenchantment on the part of officers towards the regime. They also allow us to demonstrate the commitment of some members of the Paris police to support de Gaulle’s bid for power. A few weeks after this demonstration, the Home Office knew that police troops weren’t loyal. The question is†: might this subversion have preceded the army. In any case, early as march 1958, governmental coalitions have lost the police support they required to remain in power.

Connan Dominique (CRPS-Université Paris-I / IFRA Nairobi)

Changement de régime et « assimilation réciproque » des élites anciennes et nouvelles : L’United Kenya Club, une forme de sociabilité « multiraciale » dans l’Etat colonial tardif au Kenya (1946-1963).

La création de l’United Kenya Club prend place dans le contexte troublé des années d’après guerre au Kenya, et des incertitudes quant à l’avenir menacé d’un territoire organisé sur le principe d’une colour bar explicite. L’UKC, crée en 1946 par un groupe de « libéraux » britanniques, fut le premier avatar « multiracial » de cette forme de sociabilité masculine exclusive importée par les colons britanniques. Dans le contexte d’une ville fortement ségrégée tant socialement que spatialement, le Club fut, dans ses jeunes années, un lieu unique de sociabilité qui réunissait élites européennes, asiatiques, et élites africaines émergentes. Etudier les pratiques du Club, s’attacher à en décrire le fonctionnement dans ses premières années, en tentant de restituer avec précision les parcours individuels dans cet espace restreint, permet de mettre en valeur certains mécanismes concrets de ce que J.-F. Bayart nomme après Gramsci « les processus moléculaires d’assimilation réciproque des différents segments de l’élite ». Elle permet d’en cerner quelques limites, car il s’avère que l’United Kenya Club ne fut pas un théâtre exempt de débats, de divisions, voire de ruptures. Les équivalences entre élites anciennes et émergentes, permises par une forme de sociabilité aux règles de comportement contraignantes et par la sélection de ses membres, furent ainsi remises en question à plusieurs reprises.

Change of political system and « reciprocal assimilation » of new and former elites. The United Kenya Club, a multiracial form of sociability in the late colonial State in Kenya (1946-1963)

The creation of the United Kenya Club took place in the confused context of the post-war years in Kenya, where the future of the colour bar on which Kenya was ruled was becoming uncertain. The United Kenya Club, formed in 1946 by a set of liberal Britons, was the first of its kind, as other clubs remained exclusively for the use of male Europeans or Asians. As Nairobi was a segregated city, UKC became quickly a unique place of socialization which gathered European, Asian, and the new emerging African elites. Studying the club in its early years, with a focus on its practical specificities and on the individual curriculum of its members, enlightens certain mechanisms of what some scholars named “the process of reciprocal assimilation” of different elite segments. Nevertheless, the UKC was not a place free of debates, conflicts, and divisions. The equivalences between former and new elites, supposedly permitted by stiff rules of behavior and the selection of the members, were often put into question. Consequently, making a history of this club gives a framework to analyze some of the limits of the process of elitist replacement and reciprocal assimilation in the case of Kenya.

Landrin Xavier (GAP - Université Paris-Ouest Nanterre)

Changement politique et travail de classement : les modes de reconversion du personnel politique en France dans les années 1814-1816

A partir d’exemples extraits d’une recherche en cours sur les classifications politiques sous la Restauration, menée sur une échelle nationale, cette contribution questionne l’intérêt et les difficultés d’un aller-retour entre analyse des contextes de changement politique et sociologie des groupes élitaires. En restant au plus proche des exigences empiriques de l’observation de l’univers politique de la Restauration, cette analyse permet de saisir les transformations cognitives et sociales associées à une période de changement de régime : l’émergence d’entreprises de classement politique (dictionnaires et journaux), la dénonciation de l’opportunisme politique, la justification de stratégies de stabilisation dans des positions d’Etat, et la mise en place d’un dispositif de justice transitionnelle. Contre une approche limitée à la description de la rationalité des acteurs collectifs en contexte de transition (J. Elster), l’analyse se focalisera, à partir d’un cas particulier (le groupe des « constitutionnels » de la Faculté des lettres de Paris), sur le sens pratique de placement des groupes, sur leurs trajectoires, leurs justifications rétrospectives et leurs stratégies de construction identitaire.

Political change and political taxonomy : the forms of symbolic reconversion of political elites during the 1814-16 period in France

On the basis of examples taken from research in progress on political taxonomies under the french Restoration, carried out a national scale, this paper questions the difficulties and benefits of reciprocal exchanges between contextual analysis of political change and sociology of political elites. Remaining as close as possible to the empirical requirements of analysis of the politics of the french Restoration, this study permits an understanding of the particular forms (social and cognitive) of transformations connected with a context of political change : the emergence of collective strategies of political categorization (political dictionaries and newspapers), the denunciation of political opportunism, the justification of the necessity of the stabilization of power, the implementation of a politics of transitional justice (reparations, trials and purges). As against an approach limited to the description of the rationality of actors in a transitional context (J. Elster), this analysis focuses on a case study (the “royalist” group in the Faculty of letters in Paris) to describe a set of micro processes: the strategies of position taking, the anticipatory and retrospective justifications, and the symbolic strategies of building collective identities.


f Participants

Bernadou Vanessa vanessa.bernadou@hotmail.fr
Blanchard Emmanuel blanchard@cesdip.com
Connan Dominique dominique.connan@gmail.com
Le Digol Christophe christophe.digol@orange.fr
Landrin Xavier landrin@free.fr
Michonova Roumiana michonovaroumi@gmail.com
Ramanbason Maryse mramambason@aol.com
Vieru Mihaela dvieru@ulb.ac.be
Voilliot Christophe christophe.voilliot@u-paris10.fr