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Les données et le gouvernement de la ville

Urban governance and data

Responsables scientifiques
Fabrice Bardet (Ministère de l’Environnement, Laboratoire EVS-RIVES, Université de Lyon, ENTPE) fabrice.bardet@entpe.fr
Antoine Courmont (Centre d’études européennes, Sciences Po Paris) antoine.courmont@sciencespo.fr

La ST « Les données et le gouvernement de la ville » vise à progresser dans l’analyse de l’impact de l’avalanche des nouvelles données issues des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur les mécanismes de gouvernance des sociétés. Il est proposé une focalisation sur le terrain des grandes villes, lieux privilégiés d’implantation des nouvelles TIC. La perspective scientifique retenue est issue de la sociologie des outils quantitatifs de gouvernement initiée par Alain. Desrosières.

Comment les nouvelles données changent-elle le gouvernement des sociétés ?
Il y a très peu de temps encore, les données quantitatives de l’activité gouvernementale étaient majoritairement issues de la production d’enquêtes spécifiques ou de l’exploitation de fichiers administratifs [Desrosières, 2005]. La dissémination des TIC, qui se traduit notamment par une croissance inédite du volume des données liées aux comportements individuels (identifié aujourd’hui à travers la notion de big data), apparaît en mesure de provoquer le bouleversement des sources de données gouvernementales, celui de l’activité gouvernementale elle-même.
Dans l’évocation de cette « révolution numérique », l’accent est souvent mis sur le nouveau traitement des données : l’expansion des réseaux de communication, l’augmentation considérable de la puissance de calcul des processeurs, ou la diminution des coûts de stockage des données. Mais la bascule concerne d’abord la production des données elle-même, leur recueil. Il s’est en effet opéré une multiplication des capteurs de données. Les téléphones portables constituent naturellement la première source de données nouvelles, leurs utilisateurs produisant d’innombrables informations sur leurs comportements, qui ont rapidement fait l’objet d’utilisations commerciales. A ces sources s’en ajoutent d’autres, liées à des capteurs fixes (caméras, zones wifi, antennes réseaux téléphoniques, etc.).
Puis interviennent donc les capacités nouvelles de traitement des données qui font miroiter en particulier une gestion des problèmes en temps réel. « L’agilité » ou la réactivité des systèmes est prônée partout. Ce faisant, ne focalise-t-on pas trop l’attention sur la réactivité à des situations conjoncturelles ? L’espoir de durabilité des programmes d’action peut-il en particulier coexister avec cette focalisation sur le temps réel ? Les mérites de la gestion en « temps réel » méritent aujourd’hui d’être réinterrogée dans cette perspective.
Un des enjeux de cette section est de progresser dans ces questionnements en prolongeant le programme de recherche de sociologie de la quantification développé en France par A. Desrosières et qui bénéficie aujourd’hui d’une dynamique internationale très forte [Bruno et alii, 2016]. En prolongeant la grille d’analyse qui a permis d’associer des types de quantification spécifiques à des formes distinctes d’Etat, il s’agit d’alimenter les réflexions engagées sur les changements introduits par les big data dans la gouvernance des organisations et des politiques publiques [Margetts et Dunleavy, 2013].
Le terrain des villes
L’espace urbain a contribué à une expansion considérable de l’usage des données dans l’action publique. Les grosses collectivités, associées le plus souvent au secteur privé, multiplient aujourd’hui les programmes expérimentaux de collecte de données personnelles pour proposer des services en temps réels, notamment dans les secteurs des transports de l’énergie ou du tourisme [Townsend, 2013 ; Albino et alii, 2015 ; Kitchin, 2015]. De manière plus spécifique, certaines métropoles développent également des programmes dédiés à la production ou à la diffusion de nouvelles données, comme des plates-formes « open data » ou des laboratoires d’expérimentation de partage de données. Autant d’initiatives systématiquement relayées par les élus locaux pour chercher à promouvoir l’image de la « smart city » chargée d’alimenter l’attractivité du territoire.
Au croisement des études urbaines, de la sociologie de la quantification et de l’analyse de l’action publique, la ST s’inscrit dans une perspective de sociologie politique des données urbaines pour envisager deux pistes de questionnement.

1. La donnée comme instrument de gouvernement de la ville
Un premier axe questionne, de manière classique, les données en tant qu’instrument de gouvernement des villes. Comment les nouvelles données changent-elles la conduite des politiques métropolitaines sectorielles ? La question, très large, pourra être traitée selon plusieurs directions. Une possibilité sera de s’intéresser aux nouvelles représentations de la réalité sociale et économique produites par ces données, susceptibles de faire émerger de nouveaux enjeux, et de placer au second rang d’autres enjeux plus anciennement identifiés. Le regard sera porté sur les groupes professionnels en charge de la gestion des nouvelles données.
De manière connexe pourra être abordée la question de l’éventuelle réorientation des programmes d’action métropolitains en lien avec les nouvelles données. Dans cette perspective, seront favorisés les propositions discutant la possible orientation de la gestion des problèmes publics en « temps réel » produite par les big data, au détriment, le cas échéant, de la prise en compte de problématiques urbaines de long terme [Bardet, 2014]. Un tel angle permettrait de nourrir la discussion avec la littérature sur la gestion de la ville néolibérale.
Les contributions décriront les mécanismes de mobilisation des nouvelles données par les acteurs du gouvernement urbain. Quels sont les acteurs légitimés ou a contrario marginalisés par ces nouveaux dispositifs de quantification ? Tous les secteurs de l’action publique urbaine pourront être retenus.

2. La donnée comme objet / enjeu de gouvernement
La production et l’usage croissants font émerger les données comme un enjeu spécifique de gouvernement à l’échelle des métropoles. Plusieurs acteurs tentent d’agir sur la circulation de l’information par des stratégies de régulation des flux de données aux formes variées (open data, régie de données, etc.). Cet axe questionne l’émergence et l’institutionnalisation de politiques publiques de la donnée. En quoi la donnée est-elle devenue un enjeu de gouvernement ? Qui gouverne la donnée ? Quels sont les moyens (financiers, techniques, humains) accordés à cette politique ? Quel est le rôle des nouvelles professions qui apparaissent dans l’administration (Chief data officer, data scientist, etc.) ? En quoi le gouvernement de la donnée recompose les pouvoirs locaux ?

The session aims to address the impact of big data on the governance of societies, especially urban societies where Information and Communication Technologies are widely spread. The scientific perspective is fed by the one shaped by Desrosières to develop a sociology of quantitative data.

How new data change the governance of societies?
Until recently, quantitative data used in governmental activities were either the product of dedicated surveys or the out product of administrative files. But sources of governmental and organizational data have been largely extended with the unpreceded development of Information and Communication Technologies that has opened the era of “Big Data”.
In the discussions around the “Revolution of Big Data”, the focus is very often made on the treatment of data (circulation, processors, storage). But the first shift concerns the change that occurred in the production (or the gathering) of Data. We benefit from a multiplication of sensors. Phone cells provide an extensive new source of data. And other sources are provided by cameras, wifi zones, GPS, etc. This diversification of sources of data must first be addressed.
Then we have to consider the new capacities for data treatment and management. “Real time” management is presented as the ultimate stage of rationalization. Agility or reactivity is promoted in organizations. But does the hope of sustainability fit well with such reactive paradigm? How the long term can be taken into account in such a focus on the real time management?
In the perspective of the analytical framework forged by Alain Desrosières to connect, at a national level, types of quantifications with forms of government, this session wants to feed the discussion around changes occurred in the governance of organizations and public policies in the big data era.

Urban field
Urban spaces offer an unmatched perspective on the development of uses of big data in the management of public policies. In metropolitan areas, public administrations as well as private actors have developed important programs to collect and use data from ICT, especially in transportation, energy or tourism policies. At a global level, some programs are implemented like “open data platforms” or “datalab experiments”. In all cases, politicians try to promote a “smart city” image, supposed to foster the attractivity of the territory.
At the crossing of sociology of quantification and public policy analysis, the session wants to promote a political sociology of urban data programs through two main complementary lines:

1. Data as a tool for urban governance
In a classical perspective, it is useful to have an in-depth look at how new data are produced and used in the management of the metropolitan policies. How new data have change sectorial policies? Several questions can be addressed in this perspective. First, it would be interesting to focus on the way new data promote new representations of reality, setting new public problems at the metropolitan agenda. The focus will be made on professional skills required in the management of new data.
Proposals can also focus on the shift in traditional programs caused by new data. In this direction, a specific attention will be made to proposals discussing the hypothesis along which big data could promote “real time” management at the expense of long-term planning (in a sustainable perspective).
Contributions will describe precisely the production and the uses of new data by urban actors. A specific attention will be paid to the professional of political groups in charge of these activities. All the sectors of urban affairs are welcome.

2. Data as the object of a specific policy
The growing uses of new data have contributed to the development of specific metropolitan programs. Several actors, either urban or extra-urban, try to manage the circulation or regulation of data (open data platforms for example). This line focuses on the politics of new data. Who governs data production and data mobilization programs? What are the resources of such policies (budgetary, technical and human)? How are defined the new professional skills needed of the implementation of these programs (Chief data officer, data scientist, etc.)? How does it redefine the local governance?

REFERENCES

Albino Vito, Umberto Berardi et Rosa Maria Dangelico (2015), « Smart Cities: Definitions, Dimensions, Performance, and Initiatives », Journal of Urban Technology, 22, 1, p. 3-21, http://dx.doi.org/10.1080/10630732.2014.942092.
Bardet Fabrice (2014), La contre-révolution comptable. Ces chiffres qui (nous) gouvernent, Les Belles Lettres, Paris, 372 p.
Bruno Isabelle, Florence Jany-Catrice et Béatrice Touchelay (dir.) (2016), The Social Sciences of Quantification: From Politics of Large Numbers to Target-Driven Policies, Springer.
Desrosières Alain (2005), « Décrire l’Etat ou explorer la société : les deux sources de la statistique publique », Genèses, 58, p. 4-27.
Kitchin Rob (2015), « Making sense of smart cities: addressing present shortcomings », Cambridge journal of regions, economy and society, 8, p. 131 – 136.
Margetts Helen et Patrick Dunleavy (2013), « The second wave of digital-era governance: a quasi-paradigm for government on the Web », Philosophical Transactions of the Royal Society A, 371, 1987.
Townsend Anthony M. (2013), Smart Cities: Big Data, Civic Hackers, and the Quest for a New Utopia, W.W. Norton & Cie, 384 p.

Axe 1 / L’écosystème des données urbaines

Thoma Lamb (CERSA, Université Paris II Panthéon-Assas), Gouverner l’énergie par la donnée, les nouveaux enjeux de politique énergétique sur la métropole Lyonnaise

Marie Veltz (LATTS, Ecole des Ponts ParisTech), La donnée au service de l’action publique : vers une dépolitisation par la technicisation ? Le cas de Nice

Olivier Trédan (CRAPE, Université de Rennes 1) et Laurence Dierickx (ReSIC, Université Libre de Bruxelles), L’open data à Rennes ou en quoi l’open data ne change pas le gouvernement des villes

Axe 2 / Usage des données et évolution des modes de gouvernement

Jordan Parisse (Triangle, Sciences Po Lyon), La cartographie statistique interactive, un instrument du dialogue entre territoire et localité dans l’administration de la ville

Benoit Granier (Institut d’Asie Orientale, Université Lyon 2) et Nicolas Leprêtre (Institut d’Asie orientale, ENS Lyon), Gouverner la consommation d’énergie par la donnée. La ville comme terrain d’expérimentation de l’action publique

Bilel Benbouzid (LISIS, Université Paris Est Marne la Vallée), Sociologie des algorithmes : le cas de la police prédictive

Thoma Lamb (CERSA, Université Paris II Panthéon-Assas)

Gouverner l’énergie par la donnée, les nouveaux enjeux de politique énergétique sur la métropole Lyonnaise
Cette communication se propose de suivre la redéfinition des enjeux énergétiques urbains à partir de l’étude d’une série d’expérimentations sur le territoire lyonnais, autour du compteur communicant Linky. Il s’agit ainsi d’analyser le rôle de la donnée énergétique fournie par ce compteur à la fois comme instrument inédit de politique publique métropolitaine, mais également comme enjeu stratégique, dont la captation et la maîtrise est une priorité tant pour les acteurs publics que privés. Deux séries d’attentes conduisent à ces enjeux. D’abord sur le plan individuel, les données récoltées par Linky sont censées contribuer à l’implémentation de formes plus ajustées de régulations techniques et économiques afin d’aider chaque foyer équipé à mieux maîtriser sa consommation d’électricité. Ensuite, sur le plan collectif, la fourniture en temps réel d’une information détaillée de la consommation de chaque individu à l’échelle d’un territoire est supposée augmenter et diversifier la capacité d’action de tous les acteurs du secteur de l’énergie. C’est ce double postulat que cette communication se propose de questionner afin de déterminer notamment quels sont les acteurs, publics et privés, exploitant les opportunités offertes par le compteur sur le territoire Lyonnais, en fonction de quelle stratégie et comment l’usage des données a-t-il contribué à modifier la conduite des politiques énergétiques locales, devenant un véritable enjeu de gouvernance.

Governing Energy by the data, new policy issues over energy in the metropole of Lyon
This communication’s aim is to follow the redefinition of urban energetic issues by studying a series of experimentations that are based over the territory of Lyon, concerning the electricity smart meter “Linky”. To do so, we will analyze the role of the data which is produced by this meter and consider it as both a new tool of metropolitan public policy and a strategical issue, whose appropriation and control is a priority for public and private actors. Two sets of expectations lead to these issues. First, from the individual side, the data sets that are collected by Linky are supposed to contribute to the implementation of new types of technical and economical regulation adjusted to each household in order to reach energy efficiency. Secondly, on a collective perspective, the real time supply of detailed consumption information coming from every consumer living on a defined territory is supposed to extend and diversify the capacity of action of every actor of the energy sector. This communication seeks to question this double assumption, specially to determine who are the actors on the territory of Lyon, public and private, that exploit the opportunities offered by the smart meter, what kind of strategy are they following and how did the use of this data contribute to modify the management of local energy policies so that it became an actual governance issue.

Marie Veltz (LATTS, Ecole des Ponts ParisTech), La donnée au service de l’action publique : vers une dépolitisation par la technicisation ? Le cas de Nice

Olivier Trédan (CRAPE, Université de Rennes 1) et Laurence Dierickx (ReSIC, Université Libre de Bruxelles)

L’Open Data à Rennes ou en quoi l’Open Data ne change pas le gouvernement des Villes
Le développement de l’Open Data, entendu comme la libération des données publiques, a fait et fait miroiter tour à tour l’espoir d’un renouveau démocratique local, d’une amélioration de la relation aux administrés, un nouveau levier pour le développement économique local.
Dans cette communication, nous souhaitons prendre le contre-pied des discours d’accompagnement à travers l’analyse d’une démarche pionnière en matière d’Open Data en France, celle de Rennes. Bien que régulièrement citée en exemple, la qualité de la démarche n’a pour ainsi dire jamais été évaluée.
Notre approche repose sur le croisement de deux approches. La première, qualitative, permet de retracer, à travers son histoire, les développements initiaux, les difficultés rencontrées, les diverses tentatives de relance du projet Open Data à Rennes. La deuxième, quantitative, vise à évaluer la qualité du portail et de ses données à partir d’indicateurs de qualité définis au regard des usages du portail. Cette approche croisée permet de mettre en évidence que les conditions en faveur d’une réutilisation des données publiques – qui constitue la finalité de la démarche Open Data – ne sont pas réunies. Il n’en demeure pas moins que la politique Open Data de la Ville de Rennes a constitué un formidable levier en termes de notoriété pour la collectivité. Elle continuera à l’être tant que le regard sur la qualité des données n’est pas porté avec plus d’acuité.

Open Data in Rennes or how Open Data does not change the Cities governing
The development of Open Data, understood as the release of public data, has given rise to the hope of a local democratic renewal, an improvement in the relationship with administrations, a new lever for local economic developments.
In this paper, we wish to take an opposite view to the accompanying speeches with analyzing a pioneering approach to Open Data in France, that of Rennes. Although it is regularly cited as an example, the quality of this approach has never been assessed.
Our approach is a crossing point between two approaches. The first one is qualitative and allows us to retrace, trough the history of the Open Data Portal, its initial developments as well as the difficulties encoutered and as the different attemps to launch the process. The second one is quantitative, with the definition of quality indicators for assessing the quality of the data portal, with the aim to identify a reality regarding the uses. This interdisciplinary approach has permitted us to point that quality is not achieved to realize the goals of the data portal : the effective reuse of data. Altough, the Open Data Portal of the City of Rennes is a formidable lever in terms of notoriety for the collectivities. And it will be so while the look at the data quality will not be carried out with more acuity.

Jordan Parisse (Triangle, Sciences Po Lyon)

La cartographie statistique interactive, un instrument du dialogue entre territoire et localité dans l’administration de la ville
Comment territoire et localité, en suivant la distinction opérée par Alain Desrosières, peuvent-ils interagir dans l’administration de la ville ? Cette communication analysera cette problématique en revenant sur l’introduction, au sein d’une mission d’observation sociale d’une ville française de plus 100 000 habitants, d’un outil de cartographie statistique interactive dont la vocation, telle qu’envisagée par ses concepteurs, est d’animer des démarches de travail collaboratives pouvant mobiliser élus, techniciens et/ou citoyens. La communication reviendra, dans un premier temps, sur la genèse de l’outil en montrant comment se sont articulés, dans son processus de conception et de développement, des trajectoires biographiques d’acteurs multipositionnés, des fondements théoriques et politiques, ainsi que des traductions techniques en matière de représentation des données. Dans un second temps, la communication étudiera les conditions d’introduction et les usages d’un tel outil et de la démarche qui l’accompagne au sein de la collectivité territoriale observée, en les comparant à d’autres cas d’utilisation similaires. Elle montrera ainsi comment des facteurs organisationnels, techniques et politiques influent sur la manière dont une administration municipale est en mesure de s’approprier, ici a minima, un instrument visant à organiser une interaction entre la donnée statistique et l’expérience locale vécue.

The interactive statistical cartography, an instrument of dialogue between territory and locality in the administration of the city
How territory and locality, following the distinction operated by Alain Desrosières, can interact in the administration of the city ? This communication will analyse this issue by returning to the introduction, within a social observation mission of a french city with more than 100 000 inhabitants, of an interactive statistical cartography tool whose vocation, as envisaged by its designers, is to conduct collaborative working approaches with elected officials, technicians, and citizens. The communication will return, firstly, on the genesis of the tool in showing how were articulated, in the process of conception and development, biographical trajectories of multipositioned actors, theoretical and political foundations, and technical traductions in the data representation. Secondly, the communication will study the conditions of introduction and uses of this tool and its accompanying approach within the local government observed, by comparing them with other cases of use in similar situation. It will show how organizational, technical and political factors impact the way in which a city administration can appropriate, as a minimum, an instrument aiming to organise an interaction between statistical data and the lived local experience.

Benoit Granier (Institut d’Asie Orientale, Université Lyon 2) et Nicolas Leprêtre (Institut d’Asie orientale, ENS Lyon)

Gouverner la consommation d’énergie par la donnée. La ville comme terrain d’expérimentation de l’action publique
Les améliorations technologiques énergétiques qui ont émergé au cours des années 2000 ont permis de mesurer plus efficacement les modes de consommation. L’introduction de TIC dans le mobilier urbain et dans l’habitat pose toutefois la question des objectifs et de l’impact de la production de nouvelles données dans la formulation de l’action publique. Cette communication croisera la sociologie de la quantification et les études urbaines afin de mieux appréhender les logiques sous-jacentes à la production de données et à leur utilisation au sein de l’action publique. Nous soulignerons que la ville peut être appréhendée comme un terrain d’expérimentation au sein duquel les données de consommation énergétique sont produites avant d’être mobilisées dans l’action publique aux niveaux aussi bien urbain que national. Les nouvelles capacités de collecte et de traitement des données ont alors deux effets majeurs. D’une part, elles permettent aux entreprises, aux chercheurs et à l’Etat d’évaluer les effets de mesures incitatives de réduction et de report de consommation d’énergie domestique, préfigurant le développement de politiques de changement des comportements inédites. D’autre part, la maîtrise de ces nouvelles technologies permet l’irruption de nouveaux acteurs dans la production de l’urbain. Nous nous appuierons sur le cas du Japon, où la mise en place d’expérimentations de « smart communities » témoigne de l’utilisation de données de consommation énergétique dans la formulation de politiques publiques.

Governing energy consumption through data. The city as an experimentation field of public action
The improvement of energy technologies during the 2000s offered an opportunity to measure more efficiently consumption behaviors. The introduction of ICT both on street furniture and houses (i.e. smart homes) questions the goals and the impact of new data’s production on public action. This presentation will combine a sociology of quantification and urban studies to understand the reasons to produce data and their use to implement public policies. We argue that the city can be understood as an experimentation field in which energy consumption’s data are produced and then used in public action both at urban and national levels. We will show that the new capacities of collecting and treating data have two major effects. First, it allows companies, researchers and the national government to evaluate the effect of incentive measures to reduce or report energy consumption in the households, prefiguring the development of new behavior change policies. Second, the control of these new technologies allows new actors to get involved in urban policies. This presentation will be based on the study of ‘smart communities’ experimentation projects in Japan, which highlight the use of energy consumption’s data to implement public policies.

Bilel Benbouzid (LISIS, Université Paris Est Marne la Vallée)

Sociologie des algorithmes : le cas de la police prédictive
Dans le champ d’étude émergent sur les algorithmes en sciences sociales (Dourish 2016), l’approche juridique et foucaldienne (Rouvroy et Berns 2013) est celle qui montre le mieux, à partir de la notion de « gouvernementalité algorithmique », les transformations profondes permises par le machine learning dans l’exercice du pouvoir. En montrant que la « norme sociale émerge du réel lui-même » (Rouvroy et Berns, ibid.), par le processus d’apprentissage statistique, l’approche foucaldienne éclaire tout autant le sociologue de la statistique qu’elle le trouble. Les ruses de la gouvernementalité algorithmique ne permettraient plus d’envisager la quantification du point de vue de la sociologie de la statistique comme une opération d’institution de la réalité et de transformation du monde (Desrosières 2002; Porter 1996; Hacking 1999; Anderson 1990). Si les formes de quantification propre à la statistique d’apprentissage embarrassent la critique, la sociologie de la statistique devrait-elle s’effondrer ? Faut-il renoncer à l’analyse sociologique des algorithmes du machine learning ? Aussi pertinente soit-elle, l’analyse en termes de dépossession de la critique élaborée par Berns et Rouvroy limite les possibilités concrètes d’émancipation face aux algorithmes de gouvernement car elle enferme les acteurs, et les sociologues eux-mêmes, dans une posture d’impuissance. A partir du cas du predictive policing, nous voudrions montrer dans cette présentation qu’une sociologie du machine learning est possible en mobilisant conjointement trois perspectives : une sociologie de la prédiction en lieu et place de la sociologie de la quantification ; une sociologie du droit comme point de passage obligé ; et une sociologie impliquée et embarqué procédant d’une rétro-ingénierie sociale.

A sociology of algorithm : the case of predictive policing
In algorithm studies, Foucauldian legal scholarship (Rouvroy and Berns, 2013) has demonstrated the profound transformations enabled by machine learning algorithms in the exercise of power. Showing that the « social norm emerges from reality itself » through the process of statistical learning, the Foucauldian approach illuminates and disturbs the sociology of statistics in equal measure. The ruses of algorithmic governmentality make it impossible to continue viewing quantification from the classical point of view, as an operation of institution of reality and a transformation of the world (Desrosières 2002; Hacking 1999; Anderson 1990; Porter 1996). If learning statistics undermine critical approach, then the sociology of statistics could collapse. Should we therefore give up the sociological analysis of algorithms altogether? As penetrating as it is, the Foucaldian theoretical analysis in terms of critical dispossession limits concrete possibilities for emancipation in the face of “algorithms of government”, because it confines actors in a stance of powerlessness. From the case of predictive policing, we want to show the possibility of a sociology of algorithms drawing jointly three perspectives: a sociology of algorithms as a sociology of prediction (or automation); a sociology of law as an obligatory point of passage for the sociology of algorithms (how do jurists go about making the regulatory principle of predictive power possible? ); an engaged sociology playing with algorithms ( only machine learning can disassemble machine learning).

Mercredi 12 juillet 2017 9h00-13h00

BARDET Fabrice fabrice.bardet@entpe.fr
BENBOUZID Bilel bilel.benbouzid@u-pem.fr
COURMONT Antoine antoine.courmont@sciencespo.fr
DIERICKX Laurence https://twitter.com/ohmyshambles
GRANIER Benoit benoit.granier@ens-lyon.fr
LAMB Thoma thoma.lamb@gmail.com
LEPRETRE Nicolas nicolas.lepretre@sciencespo-lyon.fr
PARISSE Jordan jordan.parisse@sciencespo-lyon.fr
TREDAN Olivier olivier.tredan@gmail.com
VELTZ Marie veltz.marie@gmail.com