Section thématique 3

L’Etat de la France. La « fin d’une exception » mise en perspective comparée

f Responsables

Jean-Michel EYMERI-DOUZANS (IEP de Toulouse-LaSSP) eymeri-douzans@aliceadsl.fr
Alistair COLE (Université de Cardiff) coleA@cardiff.ac.uk

Présentation scientifique

Dates des sessions

Programme Résumés Participants

 

f Présentation scientifique

L’Etat, forme d’organisation politique des sociétés perfectionnée en Europe occidentale, en un processus de sociogenèse où la France a joué un rôle de « fille aînée », connaît des transformations et « recompositions ».

Des années 1990 jusqu’aux mois récents, il n’était question que de « crise », de « retrait », d’« évidement de l’État », « par le haut » (construction européenne, globalisation), « par le bas » (dévolutions, décentralisations) ou horizontalement (réseaux, PPPs). D’où des tentatives pour requalifier cet Etat déqualifié sinon disqualifié : Etat « régulateur », « modeste », « stratège », « animateur », « propulsif », « activateur » – litanie propre à susciter le vertige. Las ! Survient en 2008 la plus grave crise financière internationale depuis 1929. Sous le coup de l’urgence, les dirigeants de l’économie et nos gouvernants redécouvrent les vertus de l’Etat prêteur de dernier ressort, refinanceur de l’économie voire nationalisateur : nos « opinions publiques » redécouvrent que l’Etat est encore et toujours le garant de l’ordre politique, économique et social. Et les commentateurs d’entonner le couplet du « retour de l’Etat ». « Etat creux » à l’ère de la « gouvernance » hier, « retour de l’Etat » à l’ère de la « crise systémique du capitalisme » aujourd’hui : est-il donc possible de tenir sur l’Etat un discours empreint de raison critique et qui se garde des excès de langage ?

Une perspective de sociologie politique de l’Etat, sensible à l’histoire, porte au scepticisme face aux modes : l’Etat connaît des transformations qui sont dans l’ordre historique des choses car l’État, comme toute institution, est de nature processuelle. Ces transformations s’opèrent souvent par des évolutions lentes, à bas bruit, à peine perceptibles des contemporains qui « font leur propre histoire sans savoir l’histoire qu’ils font » ; en de rares périodes critiques elles sont plus intenses et plus visibles, les contemporains étant saisis par cette accélération qui les grise et les inquiète. C’est ce second type de conjoncture que nous connaissons depuis un quart de siècle, et a fortiori depuis l’automne 2008 – mais la direction du mouvement n’est plus forcément la même. Cela emporte-t-il pour autant que la « fin de l’État » était proche en 2007, et que l’Etat « est de retour » en 2008 ? Que d’excès de langage ! Mieux vaut relire Max Weber : « Forment une institution avant tout l’État et l’Église ». Dans les sociétés occidentales modernes et capitalistes, l’Etat est cette institution par excellence, en quelque sorte une institution des institutions au sens où il n’y a guère d’institution sociale qui, médiatement ou immédiatement, ne tire sa légitimité de lui, ou du moins son autorisation à agir d’un consentement de l’Etat. A ce circuit de la légitimation s’ajoute une réalité plus concrète que la crise financière rappelle avec éclat : quand la faillite touche les institutions de crédit qui sont le « cœur » du capitalisme, c’est sur l’Etat qu’elles viennent en dernier ressort s’étayer, car l’Etat est précisément l’institution qui ne peut pas mourir (tant que ses forces armées garantissent sa domination sur le territoire et la population dont il tire sa « base matérielle »). Ceci étant, il est vrai qu’un ensemble de dynamiques internationales et transnationales a déstabilisé dans les décennies récentes la figure classique de l’État-nation « souverain ». Cette déstabilisation est le propre d’une période d’importante transition, transition dont la crise de 2008 illustre que le « sens de l’histoire » (si tant est qu’il y en ait un) vers lequel tend cette transition est loin d’être donné d’avance. Car l’État a fait montre au fil des siècles d’une solidité due à la combinatoire de son extraordinaire plasticité, déniée comme telle sous une apparente permanence, avec la robustesse de son appareil. Or ce qui se joue pour l’heure est trop incertain pour autoriser quiconque à juger, péremptoire, qu’aurait disparu cette remarquable capacité de la forme institutionnelle Etat à persister dans l’être dans et par sa plasticité même – ce que certains désignent par la « résilience de l’Etat ». Aussi est-ce bien aux modalités à la fois communes et dans chaque cas national partiellement différenciées des recompositions en cours de l’Etat qu’il faut réfléchir.

Dans une perspective comparée, ce travail s’impose avec acuité en France, identifiée dans la littérature anglophone comme patrie d’un « État-en-majesté » (French statism). Ici plus qu’ailleurs, l’Etat a eu la prétention, sinon de former « une membrane qui recouvre le corps de la société française et en bouche tous les pores » (Marx), du moins de s’élever tel un « État fort » imposant – pour le dire avec Foucault – sa « gouvernementalité excessive » à une société conçue comme « surface d’application » de ses « dispositifs de savoir-pouvoir » symboliques et physiques. C’est une « exception française », au regard des démocraties occidentales, que notre État tutélaire ait été tout à la fois l’unificateur du territoire, le créateur de la nation et de sa culture commune, l’instituteur du social, le directeur de l’économie (en des formes évolutives de « colbertisme »), puis le modernisateur du capitalisme d’après-guerre et le constructeur, avec les partenaires sociaux, de la Sécurité sociale – le tout dessinant un « capitalisme d’Etat ». Même si cette ambition tutélaire n’est qu’une prétention pour une sociologie politique sensible au décalage entre discours du pouvoir et ratés de la mise en œuvre (phénomène qui touche au demeurant tous les pays), les Etats européens sont loin d’avoir été égaux dans cette prétention : la France a eu un État à prétention - ou propension - anormalement tutélaire vu son caractère démocratique.

Dès lors, les recompositions de l’Etat ont en France un relief particulier, sur un double plan. Tout d’abord, l’enjeu concret est de taille pour les acteurs politico-administratifs, économiques et sociaux participant à nos processus de gouvernement : leurs ressources pour agir, répertoires d’instruments, et modes opératoires se transforment ; leurs « chances de puissance », rapports de force et « transactions collusives » en sont modifiés. Par ailleurs, sur le plan des recherches comparées sur les trajectoires nationales d’étatisation, l’« étaticité », les convergences et différentiations persistantes entre « formes » ou « types » d’Etat et « styles de gouvernement » qui y sont liés, l’enjeu n’est pas moindre : car la France et son Etat font figure de « type » dans les travaux comparés. C’est pourquoi la question lancinante posée dans les espaces anglophones de la science politique internationale doit être abordée durant ce Congrès visant à un état de la science politique francophone : où en est la France avec son Etat (et vice versa) ? L’exceptionnalisme français en matière d’Etat est-il en train de perdre de son intensité ? La France est-elle en passe de se « normaliser » à cet égard ?

C’est à ce questionnement, simple à formuler mais délicat à traiter car il s’agit de travailler à une sociologie de notre Etat aujourd’hui, sous un éclairage comparé, que le Groupe SPCA se propose de contribuer par une ST en deux temps :

· 1ère séance : quelques communications en forme de vastes synthèses, confiées à des collègues ayant pour mission de faire un « state of the study of the state » et de lancer des pistes prospectives.

· 2ème séance : sur cette base, débat portant sur les traits saillants et le degré de rémanence de l’exceptionnalité étatique française avec nos invités étrangers : B. G. Peters (E-U), E. Page (R-U), C. de Visscher (Belgique), Y. Papadopoulos & F. Varone (Suisse) et nos intervenants P. Birnbaum, J. Leca, F. Dreyfus, A. Cole, J.-M. Eymeri-Douzans.

The State in France: The End of a Comparative Exception?

Since the 1990s, the prevailing intellectual frame has been one of a “crisis”, “retreat”, or “hollowing out” of the state, challenged from above (Europeanization, globalization), below (devolution, decentralisation), and horizontally (networks, PPPs). Since the global financial crisis of autumn 2008, everybody seems to rediscover that the state remains the guarantor of the political, economic and social order. “Weakening of the state” in the era of governance yesterday, “come-back of the State” in the era of “systemic crisis of capitalism” today: is it possible to develop a scientific discourse upon the state which avoids immoderate language? Our Section addresses the need for an ongoing political sociology of the state, marked by scepticism towards fashions: the state – as all major institution – go through major transformations. The “sovereign” nation-state has indeed been challenged in recent decades by trans-national, international and national pressures. Yet, from a longue durée perspective, the state has shown remarkable persistence, due to a combination of extraordinary plasticity and organizational robustness – sometimes referred to as the “resilience” of the state.

If the state is everywhere undergoing processes of transformation, this process has a particular significance in France. More than anywhere else, in France a “state-in-majesty” has believed in its capacity to impose its “governmentality” to a society conceived as a vast field of implementation. This “French statism” has long fascinated foreign observers. Though debates on the French exception are often misguided, they have had the merit of identifying core features of the ideal-typical French state, a State that unified very diverse territories, constructed a powerful nation and inculcated a powerful, homogeneising political culture. The French state has adapted to cope with changing challenges, inventing a set of new roles to cope with the development of economy and society: the educational and social tutor, the economic director, the modernizer of capitalism, the guarantor of a system of social protection managed by the social partners. The state in France has held the pretension (or maintained the fiction) that it is in a position to direct society and economy far more than in comparable democracies. That is the reason why the French state is often used as one important type of state in comparative studies: it is thus important to address from a comparative point of view the core facets of its contemporary form: what is the state of the State in France today? Is French exceptionalism as regards the state fading away?

Two panels will address this question. The first one will present a small set of synthetic broad papers. A second panel will bring together French and foreign specialists for a debate: B. G. Peters (USA), E. Page (UK), C. de Visscher (Belgium), Y. Papadopoulos & F. Varone (Switzerland) and our contributors P. Birnbaum, J. Leca, F. Dreyfus, A. Cole, J.-M. Eymeri-Douzans.


f Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 4 : 8 septembre 2009 16h-18h20
Session 5 : 9 septembre 2009 9h-11h20
Voir planning général...

Lieu : UPMF / Galerie des Amphis (Amphi 5)


f Programme

Axe 1

Les 5 communications écrites seront introduites et mises en débat par les discutants internationaux, et les auteurs réagiront en un second temps.

Axe 2

La seconde session, prolongement direct de la précédente, avec les mêmes participants, consistera en un débat intitulé : Un Etat en quel état ? Regards comparés sur la France.


f Résumés des contributions

Birnbaum Pierre (Université Paris 1)

Le type d’Etat tient-il toujours face à la revendication culturelle ? Réflexions sur la comparaison entre la France et les Etats-Unis.

La sociologie comparée de l’Etat se trouve, de nos jours, remise en question aussi bien par les tenants de la globalisation ou du transnationalisme que par les spécialistes des politiques publiques et de la gouvernance qui récusent les uns et les autres la dimension explicative des types d’Etats. On souhaite pourtant montrer que le type d’Etat tient toujours en prenant pour exemple la France et les Etats-Unis, deux types d’Etats confrontés l’un et l’autre aux enjeux de la sécularisation mais aussi des revendications culturelles. On mettra l’accent sur la laïcisation actuelle de l’espace public américain comme processus de différenciation d’un Etat historiquement peu différencié qui le rapproche ainsi de l’exemple français. Les types d’Etat demeurent néanmoins distincts même si, de son côté, l’Etat en France commence à tenir compte, à l’américaine, des revendications multiculturalistes.

Can we still use the type of State to deal with the cultural issue? Some remarks on a comparison between France and the United States.

The sociology of the state is nowadays being contested by those who underline the processes of growing globalization and transnationalism, but also by those who are dealing with questions of public policy and
governability. They all questioned the validity of the state as an explanatory variable. In this paper, we argue that analysis in terms of type of state remains nevertheless crucial; we will use France and the United States, two different types of states, and look at their policy toward secularization and cultural claims. One can witness a kind of “laicization” of the American public sphere implying some process of differentiation in a state historically weakly differentiated, the American state being now closer to the French one. But differences between types of states are still meaningful even if the French state is also confronted, like the American one, to some multiculturalists claims.

Dreyfus Françoise (Université Paris I/CRPS)

État en héritage, État de réforme(s).

« La France est incapable de se réformer », ce lieu commun sur lequel nombre d’auteurs ont bâti leur succès contredit une réalité historique riche en réformes, non seulement politiques mais également administratives. Ces dernières se caractérisent – au fil du temps – par le fait qu’elles ne consistent pas en des ruptures brutales mais bien plus en des transformations progressives. Cette affirmation ne peut être démentie au vu de certaines réformes constituant des changements radicaux, rendues possibles grâce à une fenêtre politique : en effet, la décentralisation de 1982 ou la LOLF adoptée en 2001 – pour ne prendre que ces exemples – ont une histoire. Les prétentions rhétoriques à la « rupture », illustrées par exemple par la Révision générale des politiques publiques, ne sauraient faire illusion : si la rupture est manifeste dans la méthodologie de la réforme, les mesures de fond s’inscrivent dans un processus entamé avec la LOLF, voire antérieurement. Les solutions « innovantes » se limitent depuis une vingtaine d’années à des transferts de modèles mis en place ailleurs ; n‘étant pas le fruit d’une réflexion indigène, il convient d’analyser leur compatibilité institutionnelle et, partant, leur acceptabilité par les fonctionnaires mais aussi par le public. On le sait, la « naturalisation » des réformes s’opère dans la durée, de manière non linéaire, et le changement – symbole permanent et ostensible de modernité – ne dépend pas du seul volontarisme politique.

Inherited State, state of reform(s)

« France is unable to reform itself », such a commonplace that was many authors’ base for fame contradicts our rich history of political as well as administrative reforms. The former ones are characterised - all along time- by the fact that they are not disruptive but better incremental. This statement cannot be challenged when looking on some reforms introducing radical changes that were made possible thanks to a political window, e.g. the devolution law in 1982 or the new budgetary statute (LOLF) passed in 2001 do have a history. The rhetorical emphasis on « breaking », illustrated by the general review on public policies cannot be taken for granted: whether the reform methodology is clearly breaking, the content is encapsulated within the process that has started with the LOLF and even earlier. Since the last twenty years the innovating solutions are mainly transferred models from elsewhere. As they do not result from indigenous thinking, we must analyse their institutional compatibility and therefore their acceptableness by the civil servants as well as the public. We know that reforms are naturalised through time without following a straight path and change – as a permanent and ostensive symbol of modernity – does not depend only upon political wilfulness.

Eymeri-Douzans Jean-Michel (IEP de Toulouse-LaSSP)

L’Etat en France aujourd’hui : quelle « entreprise politique » pour quelle « direction administrative » ?

Dans la perspective d’ensemble d’une sociologie des institutions sensible aux dynamiques des groupes qui peuplent l’institution, la servent et s’en servent, cette communication cherchera à poser la question des transformations concomitantes qui remettent en cause le caractère « tutélaire » de l’entreprise de domination politique (au sens wébérien) qu’est l’Etat en France et remettent en question, de multiples façons, la prééminence dont a longtemps joui au sein de cet Etat – comme de la sphère publique en général – une « direction administrative » composée de corps/« groupes de statut » de hauts fonctionnaires qui voient les « bases matérielles », et tout uniment idéelles, de leur puissance se fragiliser aujourd’hui.

The State in nowadays France: which “political enterprise” for which “administrative direction”?

Within the general frame of a sociology of institutions which is interested in the dynamics affecting the groups which populate institutions, serve them and make use of them, this paper will try to question the transformations that both affect the “tutelary” nature of the French state as an enterprise of political domination (in the sense of Weber) and affect, in various ways and means, the prominence enjoyed for long within that state – and the public sphere at large – by an “administrative direction” composed of corpses/”status groups” of top civil servants who are now facing a fragilization of the “material” and ideational basis of their power.

Cole Alistair (Université de Cardiff)

L’Etat face aux défis de la territorialisation

La conception que se fait de la France la science politique anglophone insiste sur la cohésion d’un « centre » politique et d’un « référentiel » global, donateurs d’orientation, et sur les hiérarchies propres à un Etat porteur de l’intérêt général. La France est d’ordinaire perçue comme représentant un pôle de centralisation étatiste parmi les Etats européens. Bien que l’Etat connaisse partout des processus de transformation, ce mouvement a dès lors une signification particulière en France. Considérant les trente dernières années, cette communication s’attache aux défis que connaît l’Etat territorial français, défis venus « du bas » (décentralisation politique, déconcentration administrative), « de l’intérieur » (réformes administratives managériales) et « de côté » (réseaux, nouvelles formes d’action publique tels les partenariats public-privé). Il en résulte un jugement comparatif nuancé, qui intègre les dynamiques spatiales, temporelles et sectorielles dans un cadre comparatif élargi : le cas français, par maints aspects majeurs, est globalement comparable à d’autres expériences européennes. La réforme de l’Etat a pris une forme plus substantielle dans les collectivités territoriales qu’au niveau central, où les anciens modèles de domination se sont avérés fort résistants. Bien qu’une forme de gouvernance infra-étatique se soit développée en France, elle reste limitée par les opportunités qu’offre et les contraintes qu’impose la forme de l’Etat unitaire. L’Etat unitaire autorise une certaine différenciation, mais laisse moins d’espace à l’autonomie institutionnelle territoriale que les Etats « unionistes » (Royaume-Uni, Espagne) ou fédéraux.

The State and its territorial challenges

An Anglophone perspective on France has often insisted on a coherent centre, a global référentiel, a sense of direction, and the hierarchy topical of a state acting in the general interest. France is usually seen to represent a centralising statist pole amongst European states. If the State is everywhere undergoing processes of transformation, this movement has a particular significance in France. Considering the past thirty years, this communication considers challenges to the French territorial state from below (administrative and political decentralisation), from within (administrative and managerial reforms) and horizontally (networks, new forms of policy delivery such as public private partnerships). This allows a balanced comparative judgment to be reached that integrates spatial, temporal and sectoral dynamics in a broad comparative framework: the French case is considered, in some key respects, to be broadly comparable with other European experiences. The Reform of the State has assumed a more substantive form in French localities, départements and regions than at the central level, where older patterns of domination have proved highly resistant. Though a distinctive form of sub-national governance has developed in France, it remains bounded by the opportunities provided and constraints imposed by the unitary state form. Unitary state can make a certain differentiation possible, but allows much less scope for territorial-institutional autonomy than union states (UK, Spain) or federal ones.

Leca Jean (IEP de Paris-AFSP)

L’Etat entre politics, policy et polity, ou « comment sortir du triangle des Bermudes ? »

L’étude de l’Etat en France est dispersée entre la sociologie politique, qui étudie la politics, ce qui se passe dans l’Etat, en particulier ses « hauteurs » gouvernementales et parlementaires ; les politiques publiques analysant les policies, ce qui se passe quand l’Etat « traite » des « problèmes » dans divers « secteurs » ; la théorie politique qui analyse la polity et comment « l’être » de l’Etat est plus ou moins différencié de « l’être » de la société, comment l’Etat compense le fonctionnement du marché et l’action des intérêts organisés et vice versa. Ces trois sous-disciplines ont toujours été plus ou moins disjointes. Pour compliquer, l’Etat est aussi étudié par l’histoire, le droit public et l’économie politique. La sociologie politique voit l’Etat comme une organisation, ou un « groupe », un personnel et des jeux de compétition politique : elle s’intéresse aux « racines sociales de la politique ». Les politiques publiques le voient comme « démembré » en plusieurs organisations, arènes, secteurs et « instruments », où s’éploient des jeux de compétition « politico-administrative » dont il est responsable de la coordination. La théorie politique le voit comme une institution produite par « une constellation sociale de l’autorité » et présidant à « la légitimation morale des intérêts » (formules de Weber). Cette division a fonctionné tant que l’Etat, identifié à « l’Etat-nation », s’est vu attribuer un statut moral dominant par la théorie politique, à un moment où l’analyse des politiques publiques était dans l’enfance, et où la sociologie politique s’intéressait surtout aux jeux de la politique partisane, de la « représentation » et de la participation politique, la « boîte noire » de l’appareil de production des policies étant jugée moins intéressante. A partir du moment où, sous les termes vagues de « globalisation » et « transnationalisation », l’on est confronté à des phénomènes que les internationalistes regroupent sous des noms génériques (« trading state », « market state ») concurrencés par d’autres termes pour parler du « national » (« Etat creux », « Etat post-moderne »), comment recomposer l’articulation des trois sous-disciplines pour rendre compte de phénomènes apparemment contraires témoignant que l’Etat, quand il n’est pas « écroulé », reste le plus gros dispensateur d’allocation/coercition et la principale cible des demandes sociales, ce qui lui assure une forte légitimité par les outputs et/mais un affaiblissement de celle par les inputs ? (pour une version complète de cet abstract, voir le site du Congrès).

The state between politics, policy and politics, or “how to get out of the Bermuda triangle ?”

The study of the French State is usually broken down in three sub-disciplines: political sociology studies politics, what is going on inside the State, especially its governmental and parliamentary “ heights”; policy analysis scrutinizes what is going on when the State “treats” some “problems” in various “sectors”; political theory studies the polity, how the State as a substance is separated from society as a substance, and how does (and should) the State compensate for the action from the market. Those three sub-disciplines have always been more or less disjointed. To complicate things, the State is also studied by history, public law, and political economy. Political sociology sees the State as an organization or a “group”, a set of agents and of competitive games: its core topic is “the social roots of politics”. Policy analysis sees the State as “dismembered” into several organizations, arenas, sectors and “instruments”, where competitive “political-administrative” games are played and have to be coordinated. Political theory sees it as an institution brought about by a “social constellation of authority” and managing the “moral legitimization of interests” (in Weber’s terms). That [dis]articulation has worked as long as the State, indeed the “Nation-State”, was endowed by political theory with a prominent moral status, while policy analysis was in its infancy and political sociology mainly interested into partisan and electoral politics, the “black box” of the policy making machine being viewed as less important. Things begin to change since, under the fuzzy terms of “globalization” and “transnationalization”, one is faced with phenomena covered up by generic names such as “trading states” or “market states”, or, in domestic affairs, “hollow state” or “post-modern state”. How can the three sub-disciplines be re-articulated to account for seemingly contrasted phenomena showing that the State, when not “collapsed”, is still the major provider of allocations/coercion as well as the main target of social demands, which makes it the beneficiary of a strong output legitimacy and/but a weaker input legitimacy?


f Participants

Birnbaum Pierre pierre.birnbaum@univ-paris1.fr
Cole Alistair ColeA@cardiff.ac.uk
Dreyfus Françoise francoise.dreyfus@univ-paris1.fr
Eymeri-Douzans Jean-Michel eymeri-douzans@aliceadsl.fr
Leca Jean jean.leca@sciences-po.fr
Page Ed e.c.page@lse.ac.uk
Papadopoulos Yannis ioannis.papadopoulos@unil.ch
Peters B. Guy bgpeters@pitt.edu
Varone Frédéric frederic.varone@unige.ch
Visscher Christian de devisscher@spri.ucl.ac.be