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Congrès organisé en partenariat avec

Section Thématique 58

Cinéma, Film et (science) politique
Cinema, Film, Politics and Political Science

Responsables

Laurent GODMER (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) laurent.godmer@univ-mlv.fr
David SMADJA (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) david.smadja@univ-mlv.fr

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

En proposant de s’intéresser aux rapports entre politique et cinéma, cette section thématique vise à aborder un champ de recherche original encore peu défriché en science politique tout en se situant dans le prolongement des publications de dossiers d’ores et déjà consacrés à cette question notamment dans les revues Politix en 2003 et Raisons politiques en 2010 et de l’utilisation par de nombreux politistes de films pour leurs recherches ou leurs enseignements.

Le film comme outil d’observation du politique
Le premier axe de recherche, essentiellement méthodologique, appréhende le film comme un instrument d’observation dont la capacité de reproduction et d’extension supérieure à celle du magnétophone permet de renouveler les techniques disponibles de recueil de données. En effet, du fait de sa « mécanique impassible », qui permet une reproduction objective et impersonnelle - « dont l’homme est exclu » écrivait André Bazin -, l’enregistrement d’images et de sons peut par la neutralité qui le caractérise contribuer, d’une part, à la cumulativité des résultats de l’observation et, d’autre part, à prolonger l’apport de l’observation ethnographique du politique. Comme l’indique Madeleine Grawitz,  au sujet de l’observation de défilés ou de meeting : « (…) le cinéma permet une observation globale  à laquelle des individus isolés ne peuvent parvenir (…) un seul observateur ne peut tout voir (…) En revanche, ayant participé ou observé la réalité, il peut grâce au film compléter son information » (Grawitz 2001, 598-599). Plus encore, le document cinématographique n’est pas réductible à un simple contenant d’informations politiques puisqu’il affecte, par son réalisme même, la « nature » et la « portée » de cette information en permettant de reconstituer de manière plus fidèle le ton, la mimique, le geste et l’expression, autrement dit la vie elle-même. Il est donc plus que légitime que la science politique se saisisse directement de ces objets cinématographiques.
 
Le film analyseur du politique
Le deuxième axe, empirique, consiste  à appréhender le film comme analyseur des attitudes et comportements politiques. Le film constitue un lieu d’observation privilégié des phénomènes sociopolitiques où « le sens émerge de rapports motivés entre des signes et des acteurs sociaux » (Esquenazi 2000, 26). De ce fait, loin de n’exister qu’en « un cabinet noir » où ne régnerait que l’intention toute puissante et surplombante d’un auteur, le cinéma suppose au contraire une relation et une interaction ininterrompues avec des conditions de production, d’interprétation et de réception par les professionnels et par le public. Par exemple, dans le prolongement des recherches séminales de Frédérique Matonti consacrées à la nouvelle critique cinématographique (Matonti, 2006), les travaux d’Audrey Mariette au sujet de la mise en scène cinématographique des classes populaires (Mariette, 2010) s’appuient sur une perspective de ce type en privilégiant une analyse de « l’engagement par les œuvres ». Par ailleurs, dans cette optique, les films et surtout certains réalisateurs spécifiques peuvent être considérés comme de véritables auteurs d’une pensée politique, qui se déploie sous une forme filmique, mais repose sur un système d’analyse très riche du politique (Godmer, 2010). Ainsi, la célèbre « politique des auteurs » française n’a pas forcément produit des analystes du politique, mais plusieurs de ces auteurs ont proposé des films qui sont autant d’œuvres « politiques ».
 
Le film, le cinéma et les cinéastes comme sources d’explication du politique
Le troisième axe, plus théorique, consiste  à appréhender le film  comme source d’hypothèses explicatives du politique. Il s’inscrit notamment dans le sillage des travaux de Jacques Rancière pour lequel le cinéma constitue l’une « des formes de la visibilité qui structurent un monde commun. » (Rancière, 2009, 278). Ici, la production d’un agencement d’images en mouvement s’apparente à la mise au jour des structures sous-jacentes des phénomènes politiques, par exemple du fait qu’elle permet de reconstituer le cadrage qui détermine la perception et la compréhension des phénomènes politiques. A titre d’illustration de cette approche, on peut évoquer le travail de Philippe Corcuff qui vise à reconstituer le rapport entre philosophie politique et cinéma à travers la mise en évidence du lien entre le perfectionnisme démocratique de Emerson et les comédies du remariage des années 1940 et plus généralement entre l’expérience de la liberté individuelle propre à la vie ordinaire et celle du cinéma.

By focusing on the bond between politics and cinema, this workshop intends to explore an original, both specific and unexpected, field of research, and while although seldom tackled in political science, was emphasized in a few publications in French reviews of Political Science  (Politix, 2003, Raisons politiques, 2010).
The first axis, concerning mainly methods used, consists in apprehending the film as a new process of collecting data, which is more relevant than audio recordings. Since it’s a mechanical process – “from which every man is set aside” as A. Bazin wrote  -, the recording of both sound and images could fulfill the scientific requirements of neutrality and in addition to being an innovative way to achieve an ethnographic observation. Moreover, films should not be apprehended exclusively as sources of political information since, far beyond this function, its esthetic form, genuinely realistic, manages to portray the very meaning of political life.
The second axis, a more empirical one, consists in apprehending the film as an analyzer of political attitudes and behaviors. The film constitutes a place where the observation of sociopolitical phenomena is made easier, where “the meaning emerges from the motivated relations between signs and social actors” (Esquenazi 1999). As a result, the cinema does not exist only as exist as a dark place where would only reign the almighty intention of an author. On the contrary, the cinema supposes an uninterrupted interaction and a relation with production conditions, interpretation conditions and reception conditions given by the professionals of the movie industry and by the public. For instance, prolonging the research made by Frédérique Matonti on the new film criticism (Matonti 2006), Audrey Mariette (Mariette 2010) based her study of the way the working class is filmed by privileging an analysis of the “involvement by works”.
The third axis, a more theoretical one, consists in apprehending film as a source of explanation hypotheses for political issues. It follows Jacques Rancière’s works. For him, the cinema is one the “forms of visibility that structure a common world” (Rancière 2009).

Bibliographie

Corcuff, Philippe et Laugier, Dandra, « Perfectionnisme démocratique et cinéma », Raisons politiques, n°38.
Grawitz, Madeleine, « Les instruments d’observation », Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 2001, paragraphe 315.
Esquenazi, Jean-Pierre, « Le film, un fait social », Réseaux, 2000, vol. 18, n° 99, pp. 13-47.
Godmer, Laurent, « Science politique et cinéma : Penser le politique et le local avec Éric Rohmer », Raisons politiques n° 38.
Mariette, Audrey, « Scénariser le “social” pour le filmer. La mise en scène cinématographique des classes populaires entre art et politique » Raisons politiques, n° 39, 2010, p. 9-28.
Matonti, Frédérique, « Une nouvelle critique cinématographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 2006/1, n° 161-162.
Politix, dossier « Politiques du cinéma », 2003, n° 60, vol. 6.
Rancière, Jacques, « Le cinéma, un art contrarié », Et tant pis pour les gens fatigués, Entretiens, Paris, 2009, Editions Amsterdam.
Smadja, David (dir.), Raisons politiques, dossiers « Cinématographies du politique », vol. 1 et 2, n° 38 et 39, 2010.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Session 3 : 11 juillet 2013 15h15-18h

Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle J 211 pour la session 1 et J 307 pour la session 3


Programme


Résumés des contributions

Boris Gobille (ENS de Lyon)

Figure du hors-la-loi et politisation pratique dans les années 1960 A bout de souffle et Pierrot-le-Fou de J.-L. Godard
 
La communication proposée vise à explorer l’articulation entre des œuvres cinématographiques et le « nouveau partage du sensible » (J. Rancière) qui s’opère dans les années 1960. L’approche privilégiée consiste à interroger les formes et les ressorts spécifiques par lesquels ces films mettent en question les assignations sociales et symboliques communes et fonctionnent comme des « récits perfectionnistes » au sens de S. Cavell (Philosophie des salles obscures, 2011), appelant chacun à explorer les discordances vécues entre la vie menée et la « bonne manière de vivre », entre la vie réellement menée et la vie désirée ou désirable. Loin de n’être que la traduction cinématographique de transformations éthiques et sensibles qui émergent dans l’espace social, ces films contribuent directement, par les moyens qui leur sont propres (Raisons politiques, n°38 et n°39, 2010), à la politisation pratique de la vie quotidienne et à la sédimentation de ce qu’ailleurs on a appelé des « vocations d’hétérodoxie », dont Mai-juin 68 est une expression collective inédite. On a choisi de le montrer en revisitant deux œuvres canoniques de Jean-Luc Godard. A cinq ans d’intervalle, dans un contexte de plus en plus marqué par des revendications d’émancipation où le désir de se faire maître de son destin est central, A bout de souffle (1960) et Pierrot le Fou (1965) mettent en scène non seulement de nouvelles perceptions du temps (Gilles Deleuze, L’image-temps. Cinéma 1,1985) à travers la figure de la vie vécue à bout de souffle, mais aussi un défi à la loi (symbolique autant que légale) à travers la figure de la cavale délinquante et amoureuse.

The figure of the outlaw and the practical politicization during the Sixties. On Jean-Luc Godard’s A Bout de souffle and Pierrot-le-Fou.

The aim of this communication is to show how movies can be regarded as contributing to the Sixties’ “new distribution of the sensible” (J. Rancière). Movies sometimes reassess symbolic and social assignments. As “perfectionist narratives” (S. Cavell, Philosophie des salles obscures, 2011), they invite one to call into question the dissonance one may feel between one’s real life and the “good life” which would be worth living. As such, this kind of movie is to be investigated as both expressing and reshaping the transformations of ethics and sensibilities. With its specific forms and means, cinema can politicize daily life and give a political meaning to the “vocations to the unorthodox” that paved the way to the May 68 mass protest and collective “prise de parole” (M. de Certeau). Two works of Jean-Luc Godard’s – A bout de souffle (1960) and Pierrot-le-Fou (1965) – will  be used as a basis for our examination. In a context characterized by more and more emancipatory demands and the desire of ordinary people to master their own lives, J. -L. Godard provides news perceptions of time (G. Deleuze, L’image-temps. Cinéma 1, 1985) through the pattern of breathless life, and also challenges the legal and symbolic law through the figure of mad love and delinquent getaway. 
 

Gwendal Châton (Université d’Angers)

Le cinéaste et le politique. Clint Eastwood est-il un réalisateur engagé ?
 
Cette communication prendra pour objet l’œuvre cinématographique d’un réalisateur américain aujourd’hui mondialement consacré : Clint Eastwood. On s’y interrogera sur la dimension politique du cinéma de celui que l’on présente désormais rituellement comme « le dernier des classiques ». Cette réflexion a pour origine le rapport spécifique qu’entretient Clint Eastwood avec la politique : non seulement il n’a jamais caché ses préférences républicaines, mais il s’est de surcroît régulièrement engagé aux côtés des candidats du Grand Old Party. Depuis 1951, date de son adhésion au GOP, jusqu’à l’élection présidentielle de 2012, Clint Eastwood n’a jamais remis en question cet engagement partisan, dont l’acmé correspond sans doute au moment Reagan. Pour autant, ce cinéaste « classique » n’est pas un républicain « classique » : il revendique en effet une sensibilité clairement libertarienne et assume, sur de nombreux points, des positions hétérodoxes par rapport au conservatisme traditionnel. Cette trajectoire politique, plutôt atypique dans un microcosme hollywoodien majoritairement acquis au camp démocrate, conduit naturellement à questionner l’œuvre foisonnante et éclectique de ce réalisateur prolifique : de Play Misty for Me en 1971 jusqu’à J. Edgar en 2011, il a tourné plus d’une trentaine de longs-métrages, relevant de genres très divers, en quatre décennies. Cette communication cherchera ainsi à élucider sa portée politique par le biais d’une analyse des thématiques les plus récurrentes : il s’agira en un mot de se demander si Clint Eastwood peut être considéré comme un « cinéaste engagé », s’il a développé quelque chose comme une « politique eastwoodienne ».
 
Charles Bosvieux (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CRPS-CESSP)

L’exercice de l’État, ou l’invisible politique mis à nu
 
Film passé relativement inaperçu à sa sortie en salles – 500 000 entrées tout de même, et quelques distinctions non négligeables – L’exercice de l’État de Pierre Schœller n’en est pas moins d’un grand intérêt pour qui s’aventure à regarder le cinéma avec un œil de politiste. Plus encore que son sujet, c’est par son parti pris de filmage que cette œuvre semble mettre en pratique l’orientation épistémologique défendue par Pierre Bourdieu dans Sur l’État, et qui consiste à saisir la logique étatique au travers des objets en apparence les plus insignifiants : une circulaire, une commission, un parapheur, même. Ce film peut donc être analysé par la science politique comme un moyen d’accès à ce que nous ne voyons pas habituellement, un instrument d’observation sui generis sur les coulisses des décisions politiques aussi bien que sur leur effectivité.
Il convient par ailleurs de rendre justice à l’œuvre de Pierre Schœller en relevant que son film ne prend pas parti : « Oublions pendant une heure cinquante les questions de droite ou de gauche », dit Schœller dans le dossier de presse qui a accompagné le film à sa sortie, « regardons le pouvoir, ses rituels et ses humeurs, la sueur, le sang, la libido ». On pourra ainsi se demander in fine si L’exercice de l’État n’est pas une bonne illustration de l’esthétique sceptique dont parle Stanley Cavell dans La projection du monde : ce sentiment d’étrangeté, qui fait que nous avons l’impression que la réalité est toujours loin de nous, n’est-il pas pris en charge dans le rapport à la démocratie qui transparaît du film de Pierre Schœller, fondé sur le divorce grandissant entre « eux » et « nous » ?
 
L’exercice de l’État: an insight into invisible politics

A film that didn’t have an impressive marketing campaign when released – although it had 500 000 spectators, and received a few important awards – L’exercice de l’État is nonetheless a very interesting film to whoever ventures to watch cinema with a political eye. Even more than by its topic, it’s by its filming outlook that this work seems to implement the epistemological orientation advocated by Pierre Bourdieu in Sur l’État, which consists in comprehending the State logic through apparently insignificant objects: a circular letter, a committee, even a signature book. This film can therefore be analysed by political science as a means to access what we usually cannot see, a way to observe the backstage of political decisions as such, as well as their effectiveness.
Incidentally, one must give justice to Pierre Schœller’s work by pointing out that his film does not take a stand on politics: “Let’s forget about the right and the left for an hour and fifty minutes”, said Schœller in the press-book handed in when the film was released, “let’s look at power, its rituals and its moods, sweat, blood and libido”. Finally, we’ll be able to wonder whether L’exercice de l’État is a good illustration of the sceptic aesthetics mentioned by Stanley Cavell in The world viewed: reflections on the ontology of film: isn’t the feeling of strangeness, which gives us the impression that reality is always far away from us, carried out by the relationship to democracy that encompasses Pierre Schœller’s film, based on the increasing gulf between “them” and “us”?


Alex Macleod (Université du Québec à Montréal)

Hitchcock : spectateur ironique des pratiques de la sécurité nationale américaine
 
Pour la plupart des observateurs, les films d’Alfred Hitchcock étaient peu aventureux sur le plan politique et ne faisaient qu’appuyer implicitement le statu quo. En prenant le cas de la question de la sécurité nationale américaine dans les années 1950 et 1960, cette communication démontre que loin de consolider les idées reçues et les conventions de l’époque, Hitchcock adopta plutôt la position du spectateur ironique, et n’hésitait pas à montrer sous une lumière peu reluisante, voire à ridiculiser, la manière dont les représentants de l’État américain géraient la sécurité nationale.
Nous analysons en profondeur quatre films, deux de chaque décennie, dont deux traitent de la situation interne et deux de la conjoncture externe, pour montrer que même dans ces périodes où la sécurité nationale était devenue un sujet extrêmement sensible, Hitchcock sut tirer son épingle du jeu et se moquer gentiment mais fermement des obsessions politiques de l’époque, tout en donnant l’impression qu’il ne cherchait qu’à distraire ses spectateurs. Autrement dit, son cinéma était beaucoup plus subversif qu’il en avait l’air.
Les films choisis pour les années 1950 sont Fenêtre sur cour (1954) et La mort aux trousses (1959), et pour les années 1960, Les oiseaux (1963) et L’étau (1969).
 
Hitchcock: An Ironic Spectator of the Practices of the National Security State

For most observers, the politics of Alfred Hitchcock’s films were not very adventurous and simply gave implicit support to the status quo. Taking the case of the National Security State during the 1950s and 1960s, this paper shows that far from consolidating the established ideas and conventions of the times, Hitchcock adopted the position of the ironic spectator, and had no qualms about offering an unflattering image of the way the representatives of the American state handled national security, and even ridiculing them.
The paper analyzes in detail four films, two taken from each decade, of which two deal with the domestic situation and two with external events, and shows that even in these moments when national security had become an extremely sensitive issue, Hitchcock managed to take advantage of the situation and to mock the political obsessions of the times gently but firmly, whilst giving the impression that he was only trying to entertain his audience. In other words, his cinema was far more subversive than it looked.
The films chosen from the 1950s are Rear Window (1954), and North by Northwest (1959), and for the 1960s the Birds (1963) and Topaz (1969)

Dan O’Meara (Université du Québec à Montréal)

La trilogie de la cavalerie de John Ford et l’enseignement de la mythologie du National Security State

Tout au long de sa carrière, le réalisateur John Ford a eu comme préoccupation principale d’explorer et de raconter la nature des archétypes de la mythologie américaine. Il s’est surtout servi d’un genre tout particulier au cinéma américain, le western, pour interroger la nature des contradictions inhérentes à la communauté et à l’identité nationale américaines, ainsi que les menaces devant lesquelles l’Amérique se retrouvait. Cette communication examine la célèbre « Trilogie de la cavalerie » tournée par John Ford entre 1948 et 1950 (Fort Apache, She Wore a Yellow Ribbon et Rio Grande) en la resituant dans son contexte historique, soit la période où l’administration Truman s’était lancée dans la construction du National Security State et l’élaboration d’un nouvel imaginaire sécuritaire. Le texte met en lumière l’évolution de la façon dont Ford aborde et résout les questions de l’identité américaine, de l’altérité, de la menace, et du rôle des forces armées dans la construction de la communauté américaine. En ce, cette communication analyse les représentations de classe, de genre, d’ethnicité et d’empire au cœur de ces films. L’auteur conclut que la Trilogie de la cavalerie de John Ford anticipe et projette des transitions importantes dans le récit mythologique de l’imaginaire sécuritaire américain qui s’est forgé pendant la guerre froide.

The Cavalry Trilogy of John Ford and the imaginary of the new National Security State

Throughout his long and distinguished Hollywood career, John’s Ford’s principal concern lay in recounting and exploring the archetypes of American mythology. As the acknowledged master of the Hollywood Western, Ford used the genre western to explore and develop archetypes of the American community and national identity, to probe their contradictions and to debate notions of threat and identity. This paper examines the contribution of Ford’s classic “Cavalry Trilogy” filmed between 1948 and 1950  (Fort Apache, She Wore a Yellow Ribbon and Rio Grande) to the projection of an emerging security imaginary which underlay the construction of the new National Security State by the Truman administration. Focusing on Ford’s treatment of issues of identity, difference and threat, of the role of the military in forging an American community, and on depictions of class, gender, ethnicity and empire, the paper argues that the films of the Cavalry Trilogy anticipate, reflect and project fundamental transitions in the narrative of the U.S. Cold War security imaginary.
 
Philippe Teillet (Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, Pacte CNRS)

Le métier politique au cinéma, entre désenchantement et réenchantement

Cette communication a pour projet d’étudier la façon dont le cinéma montre les professionnels de la politique. Elle mettra en valeur sa propension à démystifier la vie politique mais aussi à la (re)mystifier, y compris lorsqu’il se montre critique. Ces deux aspects seront examinés successivement. Il s’agira dans un premier temps de s’attacher à la différenciation du politique (la situation exceptionnelle des leaders et les efforts qu’ils produisent pour paraître ordinaires), puis aux traitements des campagnes électorales et de l’engagement de forces armées dans des conflits internationaux, enfin, à la mise en scène des relations entre les champs politiques et journalistiques. Mais ces mêmes matériaux témoignent d’écarts sensibles entre les représentations proposées et la réalité des faits. Il en va ainsi de la formation au métier politique essentiellement décrite comme une affaire de tempérament et d’aptitudes personnelles. De son côté, le thème de la corruption occupe dans le cinéma une place massive, présentée comme une pathologie consubstantielle à cet univers en collusion avec des intérêts financiers, voire mafieux. Enfin, les médias y sont traités comme une force de persuasion incontestable. On soulignera enfin la portée et les limites de ces matériaux filmiques pour les enseignements de sociologie politique.
 
The political job in movies, between disillusionment and reenchantement

This communication will deal with the way movies show professional politicians. It will underline its propensity to demystify the political life but also to (re)mystify it, including when it shows itself critical. These two aspects will be successively examined. It will thus be a question at first of regarding the political differenciation (both the exceptional situation of political leaders and the efforts they produce to seem ordinary), then in the cinematografic treatments of electoral campaigns and commitment of armed forces in international conflicts, and finally, the way movies represent the evolution of relations between the political and journalistic fields. But the same materials testify of sensitive distances between the proposed representations and the reality. It is the case of the training in the political job essentially described as a matter of temperament and personal capacities. From its part, the theme of the corruption occupies in movies a massive place, presented as a pathology consubstantial with this universe in collusion with financial interests, even maffioso. Finally, the media are treated as a strength of indisputable persuasion there. We shall underline in conclusion the impact and the limits of these cinematic materials for the teachings of political sociology.  

Antoine Faure, Emmanuel Taïeb (IEP de Grenoble-PACTE-PO)

La mise en série de représentations du réel : comment les séries télévisées ordonnent le temps politique
 
Prenant acte du développement de séries télévisées américaines possédant un niveau d’écriture de haute qualité, et explorant souvent de façon naturaliste des thèmes socio-politiques forts, cette communication entend montrer comment cette forme narrative contribue à discuter l’ordre politique, économique et social des sociétés occidentales, voire à le subvertir. Via des opérations narratives et techniques spécifiques, les séries mettent d’une part en scène des figures  et des conflits sociaux habituellement délaissés par la fiction ; elles prescrivent et organisent, d'autre part, le regard du téléspectateur par l’activation d’une topographie des possibilités et des impossibilités futures ; elles tressent, enfin, la trame d'un récit jamais vraiment achevé qui tord le temps politique sous l'attraction de trois forces : une origine, une loi naturelle considérée comme possible et nécessaire (lecture anatomique du passé) ; un fondement, l’histoire partagée qui valide un mode de vivre ensemble (validité sociale du présent) ; et une utopie, le destin transcendantal donné à une communauté pour arriver à sa fin (cartographie du futur).  
 
This paper takes as its starting point the recent development of well-written American television series that explore crucial social and political themes in an often naturalistic way, to show how this particular narrative form discusses, or undermines, the political, social and economic order of western societies. These series use specific narratives and techniques to dramatize figures and social conflicts that are often neglected by fiction, and provide a topography of future possibilities and impossibilities to organize and impose how the viewer receives them. Finally, their framework of the almost-never-ending story twists political temporality via three different forces. Each series presents the story of an origin, or natural law which is considered as both plausible and necessary (an anatomical understanding of the past), a foundation, or common history which validates a certain way of living together (a validation of the present), and a utopia, or transcendental destiny that a community is given in order to reach its ends (a charting of the future).


Participants

Bosvieux Charles charles.bosvieux@normalesup.org
Châton Gwendal gwendal.chaton@free.fr
Faure Antoine antoinelucienfaure@gmail.com
Gobille Boris boris.gobille@ens-lyon.fr
Godmer Laurent laurent.godmer@univ-mlv.fr
Matonti Frédérique frederique.matonti@wanadoo.fr
Mc Leod Alex macleod.alex@uqam.ca
O’Meara Dan omeara.dan@uqam.ca
Smadja David david.smadja@univ-mlv.fr
Taïeb Emmanuel emmanuel.taieb@iepg.fr
Teillet Philippe Philippe.teillet@sciencespo-grenoble.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

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