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Section Thématique 64

Approches du Normatif. La Théorie Politique entre Philosophie et Sociologie.
Foundations of Normativity. Political Theory between Philosophy and Sociology

Responsables

Jean Marie DONEGANI (IEP de Paris) jeanmarie.donegani@sciences-po.fr
Carlo INVERNIZZI ACCETTI (IEP de Paris) carlo.invernizziaccetti@sciences-po.org

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

La question de la normativité – c’est à dire du statut théorique des jugements de valeur – pose des problèmes fondamentaux pour la science politique. Pour préserver son statut scientifique, est-il nécessaire que cette discipline, se « purifie » le plus possible de ce genre de jugements ? (Bourdieu, 1982) Ou bien ne serait-ce qu’une illusion, refoulant la dimension normative inhérente à tout savoir, et spécialement inévitable lorsqu’on traite de politique ? (Lefort, 1986) Et encore : s’il est vrai que toute compréhension du politique suppose une précompréhension normative, comment une science du politique pourrait-elle légitimer sa propre normativité ? (Leca, 2001)
Ces questions interrogent d’abord le statut épistémologique de la théorie politique mais aussi le type d’objectivité auquel peut prétendre la science politique dans son ensemble. Prise entre l’empirisme sociologique d’un coté, et la philosophie normative de l’autre, la théorie politique semble en recherche d’une identité qui lui soit propre. Nous proposons donc d’ouvrir un débat sur la méthodologie de la théorie politique et sur le rapport entre la normativité qu’elle déploie et les dimensions descriptive et explicative de l’approche sociologique dominante en science politique.
Ce débat s’adresse en premier lieu aux théoriciens du politique, mais notre intention est d’inclure aussi les spécialistes d’autres sous-disciplines intéressés à une réflexion théorique sur la place de la normativité au sein de la science politique. Précisément en raison de cette transversalité, mais aussi de l’importance de ce débat pour l’auto-compréhension de la discipline, nous articulerons la discussion autour de deux séances complémentaires.
La première abordera la question centrale de la légitimité même d’une approche normative en science politique. La prétention à l’objectivité déployée par la construction d’un savoir scientifique sur la politique implique-t-elle de suspendre toute évaluation des phénomènes observés ou bien cette objectivité même fait-elle signe nécessairement vers le déploiement d’une normativité dont il resterait à établir la légitimité ? La question ne porte pas seulement sur la garantie des jugements émis mais sur la nécessité même de leur émission et sur leur portée quant à l’orientation de l’action politique. C’est autour de ces questions qu’il serait fécond de confronter les perspectives de la théorie politique avec celles des autres sous-disciplines afin de circonscrire les divisions du travail scientifique, leurs apports respectifs et leur compatibilité.  
Une fois admise la légitimité d’une approche normative du politique, la deuxième séance sera consacrée à l’examen des conditions de validité de ce type de savoir. Si l’on accepte qu’une dimension normative est inhérente à tout savoir sur le politique, comment pourrait-on parvenir à fonder cette normativité de manière scientifique ? Comparant les différentes approches épistémologiques et méthodologiques proposées par la théorie politique, il s’agirait d’établir un bilan de son apport à la connaissance du politique et de préciser la manière dont les autres sous-disciplines pourraient être conduites à l’intégrer.
Trois axes peuvent servir de repères à la discussion tout au long de ces deux séances :
1)     Une remise en cause de l’opposition entre ‘faits’ et ‘valeurs’ (ou description et prescription), qu’il faudrait peut-être interroger à la lumière de la notion d’objectivité dont se réclame la science politique.
2)     Une comparaison entre la méthodologie constructiviste (ou néo-kantienne), qui cherche à fonder la normativité de la théorie politique sur un ensemble de principes transcendants valables rationnellement a priori, et un approche historique (ou néo-marxiste) qui propose au contraire de partir d’une critique immanente de la réalité sociale pour fonder la normativité de la science politique.
3)     Une analyse de la façon dont les différents systèmes de valeurs qui structurent aujourd’hui le champ de la théorie politique – libéralisme, républicanisme, communautarisme etc. – correspondent à des épistémologies différentes, et donc à différentes conceptions de la normativité.
Bien entendu, par la proposition de ces trois axes on ne veut ni restreindre le champ des interventions, ni le prédéterminer : on ne fait qu’offrir des points de départ à la discussion, qui pourra se développer dans d’autres directions. On encourage d’ailleurs des propositions diverses, abordant la problématique de façon originelle.

 
The question of the theoretical status of normative judgments is central for contemporary political science. In order to establish itself as a ‘science’, is it necessary for the discipline to “purify” itself as much as possible from this sort of judgments? (Bourdieu, 1982) Or would that be an illusion, masking the normative dimension inherent in all forms of knowledge, and especially inevitable in matters relating to politics? (Lefort, 1986) And if it is true that every kind of political knowledge supposes a normative pre-comprehension, how could a science of politics found its own normativity? (Leca, 2001).
This set of questions concerns first of all the epistemological status of political theory as one of the sub-disciplines of political science, but also more broadly the kind of ‘objectivity’ to which the discipline as a whole can lay claim. For this reason, we propose to open a debate on the specific methodology of political theory and its relationship with the interpretive and explicative dimensions of the ‘empirical’ approach that is currently dominant in many Political Science departments, both in France and abroad.
The discussion will be articulated around two complementary panel sessions. In the first, it will be a matter of examining the legitimacy of a normative approach to political questions in the first place. Does the claim to objectivity implicit in the idea of a ‘scientific’ study of politics suppose a suspension of the normative evaluation of the phenomena observed, or is it within the scope of political science to orient political action at the level of ultimate ‘ends’ as well as ‘means’?
Granted the legitimacy of such a normative approach, the second session will then proceed to examine some of the possible grounds for producing a normative science of politics in a philosophically defensible way. This will offer the opportunity for a comparison of different methodologies
within the field of normative political theory, aimed specifically at establishing their capacity for contributing to the other sub-disciplines in the field.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Session 2 : 10 juillet 2013 14h-16h45
Voir planning général...

Lieu : Bâtiment B (56 rue des Saints-Pères), salle B401


Programme

Axe 1/ Le normatif en théorie politique : questions épistémologiques

Président : Jean-Marie Donegani (IEP de Paris)

Axe 2 / La normativité démocratique : un cas particulier ?

Président : Philippe Urfalino (EHESS)


Résumés des contributions

Aurélia Bardon (IEP de Paris)

Le statut épistémologique de la théorie politique
 
Cet article vise à étudier le statut épistémologique de la théorie politique. L’argument défendu est que la théorie politique est fondamentalement normative, ce qui la rend différente des autres sous-disciplines de la science politique ainsi que de la science en général, sans en faire un simple discours moral ou philosophique.  
Cette question nécessite de définir ce qu’est la science, pour pouvoir déterminer le juste degré de scientificité de la théorie politique. La science peut être divisée en trois temps : le premier temps est celui des axiomes ; le second est celui du raisonnement qui applique les axiomes à un objet d’étude ; le dernier est celui de la conclusion, le plus souvent formulée comme une loi créant une relation directe et nécessaire entre une cause et une conséquence. La théorie politique repose sur des axiomes d’un type très particulier, puisque qu’ils ne sont pas des propositions visant à permettre la description de phénomènes mais des principes normatifs. Seul le premier temps fait intervenir de la normativité, mais cette normativité a des conséquences sur les deux autres temps du raisonnement et de la conclusion.
Cependant, bien que la théorie politique soit nécessairement normative, cette normativité est nécessairement limitée, puisque penser le politique n’oblige pas à prendre position sur la question de la vie bonne. La théorie politique est alors distincte de la science autant que de la morale ou de la philosophie.
 
The epistemological status of political theory

This paper examines the epistemological status of political theory. The argument is that political theory is fundamentally normative, which makes it different from the other sub-disciplines of political science as well as from science in general, without turning it into a mere moral or philosophical discourse.
This question requires defining science, in order to be able to identify the right measure of science of political theory. Science can be divided into three steps; the first step is that of the axioms; the second of the reasoning that applies the axioms to a specific object of study; the last one is the conclusion, usually formulated as a law stating a direct and necessary relation between a cause and a consequence. Political theory relies on axioms of a very specific nature, since they are not statements aiming at making the description of phenomena possible but normative principles. Normativity intervenes only in the first step, but this normativity has consequences on the two other steps of reasoning and conclusion.
However, although political theory is necessarily normative, this normativity is necessarily limited, since doing political theory does not require taking a position on the question of the good life. Political theory is then distinguished from science as well as from morals and philosophy.

Charles Bosvieux (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

L’habitus politiste et son rapport à l’objectivité

Il existe au sein de la science politique une lutte évidente entre des démarches concurrentes pour définir ce qu’est cette discipline. Si on prend les deux pôles les plus extrêmes de celle-ci, il est difficile de ne pas voir une opposition dirimante entre le travail de terrain et la théorie politique. Il n’est cependant pas certain que cette pluralité dans la manière de faire de la science politique affecte la nature de celle-ci. Car si l’on accepte de mettre entre parenthèses le normativisme implicite qui nous pousse à dire « la science politique doit être ceci ou cela », et si l’on cherche surtout à saisir des frontières qui correspondent à autre chose qu’à des traditions de division du travail scientifique, on peut poser comme problème principal de la science politique celui de son objectivité. Si l’un des premiers principes revendiqués par la sociologie est que le fait social doit être conquis sur les illusions du sens commun, on ne peut pas non plus tenir caché le fait que le chercheur est lui-même un être incarné, avec une position sociale qui lui est propre, une famille, des opinions politiques, etc. Dès lors, quelle possibilité s’offre au politiste qui ne veut pas abdiquer l’élément d’objectivité ? On soutiendra qu’on ne peut que tendre à l’objectivité dans la subjectivité, en défendant la thèse selon laquelle il existe un habitus propre au politiste, lequel se situe au mitan d’une sociologie éclairée et d’une philosophie qu’on dirait volontiers « déniaisée ».

The political thinker’s habitus, and its relationship with objectivity

There is in political science an obvious struggle between different approaches in order to define what the field is. If we take the two most extreme sides of political science, it is difficult not to see an endless opposition between work in the field and political theory. It is not certain though that this plurality in the way political science is done affects its nature. Indeed, if we accept to put aside the implicit normativism which leads us to say “Political science must be this or that”, and if we focus on the limits that are not the mere traditional divisions within science or between university faculties, it can be seen that the main problem for political science appears to be its objectivity. One of the earliest principles claimed by sociology is that the social fact must be a conquest over common sense’s illusions. It is therefore impossible to conceal the fact that researchers in political science are real human beings, with a particular social positioning, a family, political opinions, etc. How should objectivity be dealt with then? The view that shall be maintained is that objectivity can only be aimed at within subjectivity, and that there is in political science a specific habitus, which is to be found in-between an enlightened sociology and a philosophy whose “innocence” would have been taken away.


Philippe Corcuff (IEP de Lyon - CERLIS/ Université Paris Descartes - CNRS)

Questionnements autour du normatif : usages de Levinas entre sociologie et philosophie politique

Pour explorer la question du normatif au carrefour de la sociologie et de la philosophie, cette communication prend appui sur deux enquêtes aux registres cognitifs différenciés et pourtant travaillés de manière convergente par des thèmes levinassiens : 1) une enquête de sociologie empirique sur l'action publique à l'hôpital, à l'ANPE et dans des caisses d'allocations familiales (1993-1996) faisant fonctionner un modèle d'interpellation éthique dans le face à face dérivé de l'œuvre d'Emmanuel Levinas, et s’inscrivant dans le cadre de la sociologie pragmatique initiée par Luc Boltanski et Laurent Thévenot ; et 2) une investigation de philosophie politique s'intéressant à l'au-delà des théories de la justice dans l'hypothèse d'une « social-démocratie libertaire » empruntant à Emmanuel Levinas. Le premier volet prend sociologiquement pour objet le normatif et le second volet construit philosophiquement une normativité politique renouvelée. Une comparaison est alors effectuée entre ces deux démarches au moyen de la notion de « jeux de connaissance », inspirée au biologiste Henri Atlan par le second Wittgenstein. Cela permet d'analyser des différences et des intersections quant au statut de la normativité dans le jeu de connaissance de la sociologie et dans celui de la philosophie politique. Au final, des conséquences épistémologiques en sont tirées pour la théorie politique.

Questions of normativity : uses of Levinas between sociology and political philosophy.

To investigate the question of the normativity in the crossroads of the sociology and the philosophy, this paper takes support on two inquiries with differentiated cognitive registers but in a convergent way by levinassian themes: 1) a survey of empirical sociology on the public action at hospital, in employment agencies and in family agencies (on 1993-1996) putting on a model of ethical questioning in face to face interactions, derived of Emmanuel Levinas's work, within the framework of the pragmatic sociology introduced by Luc Boltanski and Laurent Thévenot; and 2) an investigation of political philosophy being situated beyond the theories of justice in the hypothesis of an “anarchist social democracy” derived from Emmanuel Levinas. The first pole takes sociologically for object normativity and the second pole builds philosophically a renewed political normativity. A comparison is then made between these two poles by means of the notion of  “games of knowledge”, inspired in the biologist Henri Atlan by the second Wittgenstein. It allows analyzing differences and intersections in the status of normativity in the games of knowledge of sociology and political philosophy. In the end, epistemological consequences are formulated for political theory.


Audric Vitiello (Université F. Rabelais de Tours - LERAD)

 
Philosophie politique, théorie politique, éthique appliquée : quelle réflexion conceptuelle ?
 
Cette communication se propose de réfléchir au statut et à la spécificité de la théorie politique, à la lumière de deux autres formes d’analyse conceptuelle, bien implantées dans le champ académique contemporain : d’une part la philosophie politique, d’autre part l’éthique appliquée. En effet, l’éthique appliquée constitue désormais une perspective spécifique dans de nombreux champs universitaires occidentaux, en particulier en Amérique du Nord ; en tant que telle, elle fournit un point d’appui efficace pour mesurer la spécificité de la théorie politique rompant avec le face-à-face entre philosophie politique et théorie politique.
Comparées à la philosophie politique, la théorie politique et l’éthique appliquée présentent un point commun essentiel : l’attention portée aux acquis et aux recherches des sciences humaines. Leurs corpus de références intègrent, au-delà de la réflexion philosophique, les sciences sociales – sociologie, histoire ou anthropologie. La démarche est celle d’une interaction assumée entre travail conceptuel et étude des faits sociaux, réintroduisant la logique inductive dans l’élaboration des concepts.
Mais théorie politique et éthique appliquée se distinguent sur plusieurs points, en particulier sur leur rapport à la société et au débat public. L’éthique appliquée adopte une posture, ouvertement normative, de réponse aux questions posées à la régulation publique. La théorie politique adopte une posture différente, plus critique : moins qu’une réponse, elle se veut une interrogation, cherchant à comprendre les dynamiques et à expliciter les enjeux sous-estimés de l’évolution sociale ou conceptuelle. Moins qu’une solution, il s’agit d’une problématisation – même si celle-ci possède de fait une portée normative au niveau du cadrage du débat politique ou scientifique.
 
Political theory: what kind(s) of conceptual analysis?
 
This contribution aims at analyzing the specificity of political theory, through a comparison with two other forms of conceptual analysis well-integrated in the academic field – namely, political philosophy in the first hand, and applied ethics in the other hand. Contrary to the French case, applied ethics have recently conquered a specific position in many western universities; by the way, it allows escaping from the classical – and quite sterile – opposition between political philosophy and political theory.
Both political theory and applied ethics try to integrate the analysis of social science to their reflexion. Their references include not only classical philosophic texts, but also results or even questions from scientific disciplines such as sociology, history or anthropology. Both try to articulate the conceptual analysis with other ways of understanding social reality, what implies to take into account the inductive way of constructing or redefining concepts.
But this common point must not obliterate their differences, especially their different positions facing society and socio-political controversies. Applied ethics explicitly endorse a normative perspective: the aim of the analysis is to answer the questions, to solve the problems that rise in democratic societies, rather than to investigate on the meaning or the effects of these stakes. It seems that political theory has a more complex, and perhaps more ambiguous logic. Indeed, the priority of this kind of analysis is to understand what is going on, what led to a more critical point of view, and to ask questions, or to raise problems, rather than to create new consensual norms. But this descriptive commitment does not mean an absence of any normative consequence; norms, and normative effects, are present, but act on a more indirect way, by framing the political or scientific discussion.

Elise Rouméas (IEP de Paris)
 
Qu’est-ce qu’une « doctrine compréhensive » ? Une critique de la distinction théorique entre « politique » et « compréhensif »

Je propose un examen critique du concept rawlsien de « doctrine compréhensive » – ou « englobante ». L’expression doit être employée avec prudence et ce, pour deux raisons. D’une part, le concept est délibérément vague et par conséquent, imprécis. Il ne permet pas de distinguer une doctrine religieuse d’une théorie éthique ou d’une idéologie politique. Il échoue à rendre compte de la diversité épistémologique et éthique qui traverse les « doctrines compréhensives », donnant ainsi une image tronquée d’homogénéité doctrinale. Enfin, il néglige la pluralisation et la dissémination des croyances qui sévissent à l’âge séculier. La notion de doctrine compréhensive est trop englobante pour être précise empiriquement. D’autre part, la frontière entre doctrine « compréhensive » et conception politique « autonome » (freestanding) est floue. Il ne s’agit pas d’une différence de nature mais de portée (scope) : la conception politique limite son propre champ en évitant, par exemple, les questions ultimes controversées. Cependant, ce projet se heurte au problème de la définition d’un objet politique autonome et de valeurs spécifiquement politiques. La frontière du politique est elle-même une question controversée. Plutôt que d’opposer les théories « compréhensives » des théories politiques « autonomes », nous suggérons en conclusion d’évaluer les mérites et les limites respectifs de ces deux types de postures normatives en théorie politique.

 
What is a ‘Comprehensive Doctrine’? A Critique of the Theoretical Distinction between ‘Political’ and ‘Comprehensive’
 
This paper is a critical examination of Rawls’s concept of a ‘comprehensive doctrine’. This expression, I believe, should be used with much care. My argument is twofold. First, the concept is deliberately loose and therefore imprecise. It doesn’t help us to distinguish between, say, religious doctrines, ethical theories, and political ideologies. It fails to acknowledge epistemological and ethical diversity within ‘comprehensive doctrines’, thus providing us with a wrong picture of doctrinal homogeneity. Last, it undermines the pluralization and dissemination of beliefs of the secular age. The notion of a ‘comprehensive doctrine’ is overall too comprehensive to be empirically accurate. Second, I argue that the boundary between ‘comprehensive’ and ‘political’ (or ‘freestanding’) theories is blurred. It is not a matter of nature but a matter of scope: the political conception limits its own scope by excluding, for example, controversies about ultimate concerns. However, the project encounters the difficulty of defining an autonomous political object and specifically political values. The boundary of the political is itself a controversial question. Rather than merely opposing ‘comprehensive’ and ‘freestanding’ political theories, I suggest in conclusion to assess the respective merits and limitations of these two types of normative positions in political theory.


Yael Hirsch (IEP de Paris)
 
« L’hypothèse de la rationalité intacte,  un emprunt nécessaire de la théorie politique à la sociologie ? »
 
La théorie politique se heurte, comme l’ensemble des sciences humaines, à la question de l’objectivité. Et son meilleur garde-fou contre toute forme de normativité semble être l’hypothèse de la rationalité. En évitant de juger les buts des actions qu’elle observe pour se concentrer sur la cohérence de leur mise en œuvre, elle parvient à mettre à distance les croyances. Mais, avec l’expérience de la mort de masse au 20ème siècle, cette rationalité, que l’on croyait pouvoir dégager des notions de bien ou de mal, s’est trouvée radicalement mise en question. La prise de conscience que la raison  n’a pas pu empêcher - et a peut-être même créé la possibilité - des destructions systématiques de populations ouvre une brèche. Les sciences humaines ont pris en compte ce doute et s’y référent dans les fondements de leurs méthodes. La discipline qui semble être allée le plus loin dans ce retour sur soi est la philosophie, revenue sur le cogito cartésien. Et celle qui n’a peut-être pas encore tout à fait affronté la question est la sociologie. Qu’en est-il alors de la théorie politique lorsqu’elle effectue un mouvement de balancier entre sociologie et philosophie? Nous nous proposons de montrer que, tout comme la sociologie, la théorie politique maintient fermement une « hypothèse de rationalité intacte », mais également qu’elle n’hésite pas à emprunter à plusieurs autres disciplines pour affronter la question du doute sur la raison.
 
‘The intact rationality hypothesis, the implications for political theory of a borrowing from sociology.’
 
As most social sciences, political theory confronts the question of objectivity. And the hypothesis of rationality seems to be its best safeguard against any type of normativity. As political theory avoids judging the observed actions by their goals, it focuses on the coherence of their implementation. Thereby, political theory achieves to distance itself from comprehensives doctrines. Nevertheless, in the 20th century, the experience of mass murders challenges the hypothesis of rationality. Awareness that reason could not prevent – and may even have set the scene for - systematic destruction of populations shakes the traditional view on rationality. In that respect, Human sciences took this doubt into account and revised their methodologies. Philosophy seems to have gone as far as possible in that direction, as it questioned the Cartesian cogito, which might not have been the case for sociology. What about political theory, that balances between philosophy and sociology? It will be suggested that political theory, as well as sociology, firmly maintains the ‘intact rationality hypothesis’, but it will also be argued that political theory addresses the doubt cast on reason when it calls on other disciplines in the humanities.


Lisa Disch (University of Michigan)
 
Penser la représentation politique : L’impossible dialogue entre théorie normative et recherche empirique
 
Cette communication analyse le rapport entre théorie normative et recherche empirique à l’endroit même où leur rencontre est peut-être le plus improbable : la représentation politique. Au contraire de la norme qui veut que les élus « répondent aux attentes des citoyens » (Pitkin), les études empiriques états-uniennes qui analysent la formation de l’opinion publique affirment que les préférences des électeurs sont dépendantes du contexte. Ce résultat ouvre une brèche entre les attentes normatives envers la représentation politique et la réalité de sa pratique quotidienne. Quel est le sens de cette brèche ?  Marque-t-elle l’échec de la démocratie représentative ? Ou celui de la théorie politique ? La présente communication aborde la question fondamentale de cette session, c’est-à-dire le statut théorique des jugements de valeur, en proposant de repenser la représentation politique comme une mobilisation. Je défends par l’exemple une théorie politique « problem driven », qui ne fonde sa normativité ni sur le fait objectif ni sur une raison transcendante, mais qui, au contraire, dérive cette normativité de son interaction dialogique avec la recherche empirique.

The Gap Between Normative Theory and Empirical Research: Political Representation
 
This essay examines the relationship between normative theory and empirical scholarship at one site where, arguably the two do not meet: political representation. Contrary to the norm of “responsiveness to constituent preferences” (Piktin), contemporary empirical research on public opinion formation by US scholars affirms that citizen preferences are context-dependent. This result opens a gap between normative expectations regarding political representation and its daily practice. What does this gap indicate? A failure of representative democracy? Or a failure of political theory? This essay takes up the fundamental question of this panel—that of the theoretical status of value judgments—by proposing to reconceptualize political representation as mobilization. It, thereby, both models and argues for a “problem-driven” political theory, one that refuses to ground normativity in either objective fact or transcendent reason but, rather, develops it out of dialogic engagement with empirical research.


Paula Diehl (Humboldt Universität zu Berlin)
 
Peut-on parler de normativité dans les pratiques symboliques de la démocratie moderne ?

Peut-on parler de pratiques symboliques légitimes de la démocratie ? Et, si on le fait, quels sont les critères d’analyse, voire de jugement, pour cela mobilisables ? Deux réponses diamétralement opposées peuvent alors être apportées. La première voit dans les pratiques symboliques le produit des normativités démocratiques. Selon cette approche, les pratiques qui ne sont pas conformes à la structure normative sont automatiquement disqualifiées. On s’appuie alors sur une théorie de la démocratie afin de définir a priori les bases normatives de toute société démocratique. La deuxième approche est plutôt d’ordre sociologique et voit dans les pratiques politiques (symboliques et non symboliques) les générateurs de mécanismes de la légitimation de l’ordre démocratique. Autrement dit, ce serait dans la pratique même que les principes normatifs émergeraient et se sédimenteraient.
Dans notre communication, nous essaierons de montrer que la dimension normative est en effet inhérente à la politique ainsi qu’à toute connaissance du politique. Il demeure néanmoins que la normativité du politique ne peut pas être supposée a priori mais émerge au grès des transformations historiques et dépend de l’impact symbolique des événements concrets sur l’imaginaire politique.
La démarche théorique proposée a ainsi pour but de combiner les deux approches mentionnées ici afin de prendre en compte l’historicité et les dynamiques de transformation de l’imaginaire politique. Pour cela, nous nous appuierons sur les travaux de Claude Lefort et Cornelius Castoriadis d’un côté et sur la sociologie de la connaissance allemande telle qu’elle a été développée par Alfred Schütz, Peter Berger et Thomas Luckmann.
 
The Question of Normativity in Symbolic Practices of Modern Democracy

Is it possible to speak of legitimate symbolic practices in democracy? And if so, what would the criteria of analysis or even judgment encompass? This question can be answered in two diametrically opposed ways. The first would define symbolic practices as being the result of democratic normativity. This approach denounces all symbolic practices not corresponding to the normative structure of democracy. Conceived in this manner, democratic theory is used to outline the normative foundations of democratic society. A second, more sociological approach, characterizes political practices (symbolic and non-symbolic) as the producer of legitimation in a democratic political order. From this point of view, the emergence of normative principles takes place in the process of political practice itself.
In my paper, I argue that normativity is inherent to both politics and the knowledge of politics. Moreover, the fact remains that political normativity can never be assumed a priori, but is always embedded in the historical process and depends on the symbolic impact of concrete historical events on the political imaginary.
In order to understand both the historicity of the political imaginary and the dynamics of its transformation, I will attempt to construct a theoretical framework combining the two approaches just mentioned. In this context, I will focus on the one hand on the theories of Claude Lefort and Cornelius Castoriadis, and on the other hand on studies in German sociology of knowledge as formulated by Alfred Schütz, Peter Berger and Thomas Luckmann.


Bernard Reber (Université Paris Descartes - CNRS)

Evaluer la délibération entre sciences politiques et théories politiques.

La théorie de la démocratie délibérative inspire de nombreux travaux en sciences politiques. A quelles conditions cet emprunt à des travaux philosophiques s’impose-t-il pour traiter de problèmes de sciences politiques, voire pour les analyser de façon plus convaincante ? Pourquoi choisir cette théorie plutôt qu’une autre ? Quel travail de traduction méthodologique est nécessaire pour rendre ces théories pertinentes pour des travaux empiriques en sciences politiques et avec quelle prise de risque ? En quoi ce double éclairage rend-il mieux compte des problèmes à étudier ?
Plutôt qu’un partage des tâches confié à chaque discipline, nous plaiderons pour une plus grande circulation entre elles. Soucieux d’embrasser la normativité au-delà des seules valeurs, nous intégrerons d’autres éléments normatifs et explorerons la place que peuvent prendre les jugements éthiques, distincts des jugements politiques. En effet grâce à des études de cas nous entendons aller au-delà des travaux portant sur le seul design institutionnel (R. Goodin) des procédures, mais aborder en même temps le contenu des échanges langagiers dans les délibérations que sous-entend la théorie de la démocratie délibérative, puisqu’elle descend jusqu’au niveau des arguments.
Nous nous appuierons plus spécifiquement sur le domaine de l’évaluation du débat public et de l’évaluation participative des technologies controversées, compris aujourd’hui sous la notion de Recherche et Innovation Responsables (RRI).
 
Assessing deliberation between political sciences and political theory.  

A lot of researches in political sciences are inspired by the theory of deliberative democracy. What are the relevance and the conditions of this borrowing from philosophical works? Are they helping to analyse theses issues more convincingly? Why to choose this theory among others? What translating task is needed to make theses theories relevant for empirical works in political sciences and with which risk-taking? How this double perspective does it account better for the issues at stake?
Rather than a disciplinary task division, I will plea for a better circulation between the disciplines. I will consider the normativity beyond the values only, integrating other normative elements. I will explore the place of ethical judgments, unlike political one. Indeed, through case studies, I will go beyond the works around the institutional design (R. Goodin) of the procedures, but approaching in the same time the language exchanges in the deliberations, as the theory of deliberative goes until this level.
We will consider more specifically the domain of the assessment of the public debate and the participatory assessment of controversial technologies, now understood under the notion of Responsible Research and Innovation (RRI).


Carlo Invernizzi Accetti (IEP de Paris)
   
La normativité démocratique, entre vérité et procédures. Pour une critique des théories « épistémiques » de la démocratie
 
Cette communication propose une analyse critique d’un courant de plus en plus influent au sein de la théorie politique contemporaine, dont la caractéristique distinctive est qu’il cherche à fonder la légitimité des institutions démocratiques sur l’hypothèse qu’elles seraient le meilleur moyen pour arriver à des décisions approximant un critère objectif de « vérité » normative. Les travaux récents d’auteurs comme David Estlund, Hélène Landemore et Josiah Ober, par exemple, estiment qu’un régime politique n’aurait le droit d’exiger l’obéissance des individus qu’à condition de pouvoir fournir des bonnes raisons pour justifier la validité « épistémique » de ses décisions. Une telle conception de la normativité suppose pourtant que le critère de validité « épistémique » ne soit pas lui-meme sujet à contestation ; c’est à dire, qu’il n’y ait pas de conflit légitime sur les fins de l’agir politique. Si l’on accepte que ceci n’est pas le cas, au moins pour ce qui concerne les sociétés « pluralistes » contemporaines, il se pose le problème d’asseoir la légitimité politique en absence d’un horizon de normativité partagé. La thèse avancée ici est que cette absence elle-meme peut fournir de repère, dans la mesure où elle implique une forme d’égalité entre les différentes systèmes de valeurs, dont découle un droit de chacun à n’etre gouverné que par soi-meme. De là, on peut arriver à une conception procédurale de la normativité démocratique, en tant que régime qui institutionnalise le principe d’auto-gouvernement à l’échelle politique. De ce point de vue, la légitimité des décisions démocratiques ne revient pas au fait qu’elles correspondraient à un critère de « vérité » objectif, mais au fait qu’elles découlent d’un processus qui respecte la liberté et l’égalité de ses membres.
 
The normativity of democracy between truth and procedures. Towards a critique of « epistemic » theories of democracy
 
This paper proposes a critical analysis of an increasingly influential strand of democratic theory, characterized by the attempt to ground the legitimacy of democratic institutions on the hypothesis that they are the most adequate means for approximating an objective standard of normative « truth ». The recent work by authors such as David Estlund, Hélène Landemore and Josiah Ober is for example based on the premise that political regimes may legitimately require individual compliance only if there is good reason to believe that their decisions are « epistemically warranted ». Such a conception of the grounds of democratic normativity supposes that the standards of epistemic validity are not themselves open to question ; that is to say, that there is no legitimate scope for conflict over the ultimate
ends of political action. If we agree that this is not the case, at least for what concerns contemporary « pluralist » societies, the problem emerges of how to ground political legitimacy in absence of a shared horizon of normativity. The argument advanced is that this absence itself may serve as a possible stepping-stone, in the sense that it implies a form of equality amongst competing systems of values, from which there follows an individual right not to be governed by anyone but oneself. From this, in turn, it is possible to arrive at a procedural conception of democratic normativity as a regime that institutionalizes principle of individual self-government at the collective level. From this point of view, the legitimacy of democratic institutions does not stem from the fact that they somehow approximate an objective standard of normative « truth », but rather from the fact that they emerge from a process that respects the individual freedom and equality of its members.  


Giulia Oskian (IEP de Paris)
 
Identités normatives : un nouveau tournant du constitutionnalisme libéral
 
Mon intervention porte sur un nouveau courant de la théorie libérale, définissant la légitimité politique comme la conformité des lois démocratiques à l’ ‘identité constitutionnelle’. Employée pour désigner un ensemble de valeurs morales issues de l’histoire et soustraites à la politique, cette notion d’identité constitutionnelle, sert à la fois de limite à la souveraineté populaire et de fondement pour une conception non-positiviste de l’ordre juridique. Ayant recours à ce concept d’identité constitutionnelle, F. Michelman, R. Dworkin et R. Weiler ont essayé de repenser la normativité démocratique en termes d’auto-congruence : ils ont ainsi proposé de considérer légitimes seul les lois dans lesquelles il est possible de reconnaître l’expression formalisée d’une identité collective. Ces auteurs prônent, donc, la transition d’un ‘paradigme de la justice’ qui imposait à la souveraineté des limites procédurales, à un ‘paradigme du jugement’ qui mesure la légitimité des décisions démocratique à l’aune de leur cohérence avec des valeurs substantielles. Bien que ce ‘paradigme du jugement’ gagne de plus en plus de consensus dans le champs libéral, une analyse de ses prémisses épistémologiques n’a toujours pas été faite. Le propos de mon intervention est donc premièrement d’analyser la manière spécifique dont ce courant de pensée se sert de la notion d’identité pour faire un pont entre les faits et les valeurs et, deuxièmement, d’esquisser une critique des conclusions politiques ainsi que de l’épistémologie de ce nouveau tournant du libéralisme.
 
Normative identities: a new turn of liberal constitutionalism.

My paper focuses on a recent strand of liberal political theory, which makes political legitimacy rely on the conformity of democratic laws to a ‘constitutional identity’. This notion of constitutional identity refers to a set of ethical values, which, being received through tradition instead of posited by the legislator, are fit to limit popular sovereignty and allow a non-positivistic interpretation of the legal system. Thus, authors as F. Michelman, R. Dworkin and R. Weiler have used the concept of constitutional identity as the pivot for rethinking normativity in terms ‘self–congruence’ and have advanced the idea that laws, in order to be fully legitimate, need to be the formalization of an underlying identity. These authors, therefore, strongly encourage the transition from a ‘paradigm of justice’, which imposed to popular sovereignty some procedural constraints, to a ‘paradigm of judgment’, which subordinates the legitimacy of democratic decisions to their consistency with a set substantive values. Although the popularity of the ‘paradigm of judgment’ in the liberal field is growing, an analysis of its distinctive epistemological assumptions is still lacking. Hence, the purpose of this paper is firstly to clarify the epistemology of the discourse that bridges facts and norms through the notion of identity, and secondly to critically address both the philosophical frame and the political stance of this new kind of liberalism.


Participants

BARDON Aurélia aurelia.bardon@gmail.com
BOSVIEUX Charles charles.bosvieux@normalesup.org
CORCUFF Philippe philippe.corcuff@sciencespo-lyon.fr
DIEHL Paula paulaDiehl@gmx.com
DISCH Lisa ldisch@umich.edu
DONEGANI Jean-Marie jeanmarie.donegani@sciences-po.fr
HIRSCH Yael ybhirsch@gmail.com
INVERNIZZI ACCETTI Carlo carlo.invernizziaccetti@sciences-po.org
OSKIAN Giulia g.oskian@gmail.com
REBER Bernard bernard.reber@parisdescartes.fr
ROUMÉAS Elise elise.roumeas@gmail.com
URFALINO Philippe philippe.urfalino@ehess.fr
VITIELLO Audric audric.vitiello@sciences-po.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

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