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Section Thématique 66

Le partage public-privé : généalogie et recompositions
Genealogy and Reshaping of the Private/public Divide

Responsables

Camille FROIDEVAUX-METTERIE (Université de Reims Champagne-Ardenne / IUF) cfroidevaux.metterie@free.fr
Jean-Vincent HOLEINDRE (Université Panthéon-Assas Paris II) jvholeindre@gmail.com

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Hannah Arendt a défini le public comme ce qui est commun aux membres d’une même société politique et le privé comme ce qui est propre aux individus qui la composent. Cette définition revêt une portée toute particulière dans le contexte néolibéral qui caractérise aujourd'hui les démocraties. La séparation entre le public et le privé est en effet un élément clef de la pensée politique des différents auteurs libéraux, mais aussi du dispositif libéral adopté par les États démocratiques dans la période moderne et contemporaine. Dans ce cadre, la société civile est circonscrite comme le lieu des engagements contractuels, des rapports marchands et du droit privé, tandis que l’État, organe central du droit public, est pensé comme une institution mise au service de la société, source du pouvoir, et des citoyens dont il doit garantir les libertés individuelles.

Or, la conception libérale qui fait de chaque membre du corps social à la fois un citoyen participant à la vie publique et un individu soucieux de s’épanouir dans la sphère privée est intrinsèquement problématique : comment tenir ensemble ces deux horizons sans favoriser l'un au détriment de l'autre ? L’épanouissement de l’individu ne se fait-il pas de plus en plus au détriment de son rôle citoyen ? Par ailleurs, sur le versant public, l'intervention croissante de l'Etat dans la prise en compte de thématiques et de problèmes privés vient heurter le dispositif libéral de distinction des deux ordres. Que reste-t-il de "privé" quand l'action du législateur s'étend à la quasi totalité des domaines de l'existence individuelle ? Ce qu'il s'agit de repérer donc, ce sont les logiques de redéfinition et de recomposition du partage public/privé. Au sein des différentes sous-disciplines de la science politique, de nombreux travaux ont montré qu’on assistait, au sein des sociétés démocratiques contemporaines, à un double mouvement de publicisation du privé et de privatisation du public qui nous invite à repenser la bipartition classique.

D’une part, de nombreuses questions liées jusque-là à la vie privée, comme celles ayant trait à la procréation, à la parentalité, à l’identité sexuelle et au genre, sont devenues de véritables problèmes publics, contribuant à une redéfinition des rapports entre l’État, la société et l’individu. Ces études posent la question importante de la frontière public/privé comme objet de politique publique. Elles circonscrivent un champ de recherche inédit interrogeant le sens d’un englobement politique de thématiques et de problèmes privés, voire intimes. Dans quelle mesure cette dynamique signale-t-elle une maîtrise croissante de l’agenda politique par des acteurs privés ? Que révèle-t-elle des évolutions et des transformations du processus de la décision politique ? Parallèlement, les media studies ont interrogé la porosité de plus en plus forte entre sphère privée et sphère publique, dans le contexte d'Internet et de la "libre circulation de l'information" : transparence des affaires publiques (WikiLeaks, open source, open data, etc.), exposition des données personnelles, volontaires (médias sociaux) ou non (captation par des entreprises privées ou des autorités publiques à des fins de profilage, prédation de type hacking).

On assiste d'autre part à une privatisation du public, au sens d’une participation croissante des acteurs privés aux mécanismes de l’action publique et aux processus de la décision politique. Certains domaines qui étaient traditionnellement du ressort exclusif de l’État, comme par exemple les "services publics", ont été progressivement privatisés. Les acteurs privés peuvent émaner directement de la société civile, qu’ils soient des professionnels érigés au rang d’experts ou des groupes d’intérêt. Si la légitimation d’opérateurs privés dans le champ politique est repérable depuis longtemps à l’échelle nationale, elle a fait l’objet d’un intérêt scientifique récent à la mesure de son importance dans la compréhension des phénomènes de la gouvernance et de l’État régulateur. Ce phénomène n’épargne pas le domaine régalien. Ainsi, les États font appel à des sociétés militaires privées pour assister l’armée régulière, mais aussi pour mener des missions spécifiques, souvent à la frontière de la légalité.

Notre parti pris dans cette section thématique est d’interroger dans un même mouvement des phénomènes qui sont la plupart du temps examinés séparément. Le public et le privé forment en effet un couple de notions couramment mobilisé dans les différentes disciplines de la science politique, sans que la diversité de ses usages en soit véritablement explorée. Ce parti pris est étroitement liée à une hypothèse de travail : considérer la redéfinition du partage public-privé comme le reflet d’un réordonnancement en profondeur des conditions de la vie commune. Dans cette perspective, deux axes d’analyse seront privilégiés :

- Dans un premier temps, il s’agira de revenir sur la généalogie du partage public/privé, non seulement dans la pensée politique occidentale, mais aussi dans l’action politique telle qu’elle se pratique dans des contextes historiques et sociaux spécifiques. L’approche comparée permettra d’interroger la diversité des trajectoires historiques du politique. L’objectif ici est de mettre au jour les fondements de la distinction public/privé tout en demeurant attentifs à la pluralité de ses actualisations.

- On examinera d’autre part les recompositions du partage public/privé à l’œuvre dans les sociétés contemporaines. Elles se manifestent pour une série de phénomènes qui sont en général pensés séparément : redéfinition du périmètre de l’État, processus d’individualisation, mise à l’agenda politique de phénomène liés à l’intime (que ce soit  dans le registre sexuel, familial ou médical). A partir du postulat d'une remise en cause du partage public/privé, il s'agira de lancer une réflexion commune et d'ouvrir quelques pistes d'analyse relatives aux conditions nouvelles de la vie commune, que ce soit au niveau collectif de l'élargissement de la prise en charge publique de problèmes privés, ou au niveau individuel de la réarticulation des deux pôles personnel et citoyen.

L'objectif de la Section thématique sera ainsi d'interroger à la fois les fondements classiques et libéraux du partage public-privé tout en explorant la diversité de ses recompositions contemporaines. Cette approche implique un souci particulier de la transversalité disciplinaire et une volonté de dialogue intradisciplinaire.


The separation between the public and the private spheres is central to the liberal authors’ political thought, but also to the liberal regulations adopted by the democratic states. Within this framework civil society is circumscribed as the place for contractual commitments, trade relations and private law, whereas the State, the central organ of public law, is conceived of as an institution at the service of society, which is the source of power, as well as of the citizens whose individual liberties have to be guaranteed.

But the liberal view according to which every member of society is both a citizen participating in public life and an individual desirous of achieving personal development in the private sphere is intrinsically problematic. To what extent is it possible to seek both ends without favouring one to the detriment of the other ? Is personal self-fulfilment not achieved more and more at the expense of citizenship ? Besides, in the public sphere, the State’s growing interference in the consideration of private themes and concerns is at odds with liberal regulations which clearly separate the two sectors. Is there any space left for “privacy” when legislators extend their actions over most domains of individual existence ? What is consequently important is to identify the processes of redefinition and reshaping of the public/private divide. A number of studies have shown that, in contemporary democratic societies, there was a double movement of publicisation of the private sphere and privatisation of the public sphere.

On the one hand, a number of questions regarding private life, such as reproduction, parenthood, sexual identity and gender, have become major public issues, thus contributing to the redefinition of the relations between the State, society and the individual. It delineates an unexplored field of research questioning the meaning of a political coalescence of private, and even intimate, themes and concerns. On the other hand, the current privatization of the public sphere takes the form of an increasing participation of private actors in the mechanisms of public action and in the process of political decision. A number of domains that traditionally fell under the exclusive competence of the State, like for example "the public services", have gradually been privatized.
 By looking into the genealogy of the private/public divide and its current evolution the Thematic Section will strive to show that we are today witnessing a thorough reorganization of the conditions of social life.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 2 : 10 juillet 2013 14h-16h45
Session 3 : 11 juillet 2013 15h15-18h

Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle S10 pour la session 2 et amphi Claude Erignac pour la session 3


Programme

Axe 1 / Généalogie

Discutante : Annabelle Lever (Université de Genève)

Axe 2 / Recompositions

Discutant : Pierre Muller (CNRS - CEE)


Résumés des contributions

Stéphanie Roza (Université Paris 1, CHSPM)

Aux origines de la conception française du partage public/privé : de Rousseau à la Révolution Française

La pensée de Rousseau compte comme une importante source dans l'émergence d'une conception moderne des sphères publique et privée sous la Révolution française. Cependant, la position du citoyen de Genève sur cette question est ambiguë. On a d'abord la dimension proprement politique de l'œuvre, dans laquelle la sphère privée semble subordonnée aux exigences du public (la mère spartiate des premières pages de l’Emile court au temple célébrer la victoire de la cité malgré la mort de ses fils). En outre, un paradigme rousseauiste bat en brêche le principe d'une séparation du public et du privé. On le trouve aussi bien dans L’Emile que dans la Nouvelle Héloïse : la petite société intime et vertueuse apparaît comme un contre-modèle susceptible de participer à la réforme générale de la société. Les révolutionnaires, au premier rang desquels les Jacobins, s'inspirent de cette conception complexe dans leur tentative de constitution d'un nouveau modèle républicain, producteur d'une articulation inédite du public et du privé. On s'efforcera de montrer comment la Révolution, de la Terreur au Directoire, effectue une trajectoire qui la conduit d'un Rousseau à l'autre, du Rousseau penseur de la subordination républicaine classique du privé au public, à celui de la valorisation de la sphère privée comme fondement de la république des propriétaires.

The origins of the French conception of the public/private division : from Rousseau to the French Revolution

Rousseau's ideas are one of the most important source of the modern conception of public and private spheres during the French Revolution. However, Rousseau's position on this question is ambiguous. Concerning the political aspect of his work, he seems to subordinate private sphere to public requirements : this idea can be illustrated through the symbol of the spartan mother in the first pages of Emile, she celebrates the victory of her city in spite of her sons killed in action. This model is problematic and can be interpreted in different ways. More important is the existence of an alternative to the private/public model in some of Rousseau's writings. In Emile and in La Nouvelle Héloïse for instance, the intimate and virtuous small society appears like another pattern of collective life, which can inspire the reform of the broader society. The revolutionaries, and first of all the Jacobins, draw their inspiration from this complex conception in order to try to constitute a new republican model, producing a new articulation of public and private spheres. We assume that, in a certain way, the Revolution, from the Terror to the Directoire, moves from one Rousseau to another - from a classical Rousseau, republican thinker of the subordination of the private to the public sphere, to the theorizing of the private as foundation of the owners' republic which is, in a way, an other aspect of Rousseau's theory.


Nicolas Piqué (Université Grenoble 1)
 
Signes et sécularisation du visible. Eléments pour une généalogie de la sphère publique

On a l’habitude de repérer au XVIIIe siècle l’origine de la constitution de l’espace public ; les analyses de Foucault mais aussi celles d’Habermas ont été à l’origine de ce schéma. Je me propose de faire remonter le mouvement de partage plus haut dans le temps, à partir d’un lieu apparemment paradoxal puisqu’il concerne la religion. Je voudrais soutenir que ce partage public/privé est, en partie, le résultat de questions religieuses. A partir de textes de Luther (De la liberté du chrétien) et Calvin (Institution de la religion chrétienne), mais aussi de Pascal (Trois discours sur la condition des Grands, ne serait-ce que pour éviter un malentendu consistant à identifier dans la Réforme la source privilégiée de la modernité politique), je montrerai comment s’autonomise la sphère publique du vivre-ensemble sur le mode de la visibilité. En effet, le ressort de ce partage prend la forme de ce que l’on pourrait appeler une sécularisation du visible, dont les enjeux religieux sont, à l’époque, cruciaux. Les propositions les plus décisives concernent la notion de signe religieux. Mon hypothèse de travail ne tient donc pas uniquement à un enjeu chronologique ; elle concerne également le lieu (le champ religieux) et la modalité (la question du sens du visible) du partage public/privé.
 
Signs and secularization of the visible. Elements of a genealogy of the public sphere.

We use to locate in the 18th century the origin of the building of the public sphere ; Foucault's analyzes (on the text of Kant What is Enlightenment?) but also those of Habermas have embedded this pattern. I suggest that the dividing process has occured much earlier, in an apparently paradoxical field, that is religion. I would like to argue that the public/private division is the result of religious questions and debates ; modernity is thus more complex in its advent, and therefore its meaning. Using texts of Luther (Of the freedom of the Christian), Calvin (Institutes of the Christian religion) but also Pascal (Three discourses on the condition of the Great, to avoid a misunderstanding consisting in identifying in the reformation the main source of political modernity), I will show how the public sphere has emerged as an autonomous field on the mode of visibility. The public/private division has indeed been shaped as a secularization process of the visible, whose religious issues were, at the time, decisive. The most crucial proposals concern the notion of religious sign. My working hypothesis is therefore not only based on a chronological issue, it also concerns the place (the religious field) and modality (the question of the meaning of the visible) of the public/private division.
 
Camille Froidevaux-Metterie (Université de Reims Champagne-Ardenne)

La révolution féministe ou la désexualisation du partage public-privé

En s'attaquant à l'enfermement dans l'ordre domestique, les féministes de la seconde vague ont suscité une dynamique irrésistible par laquelle les femmes ont investi l'espace social jusqu'à produire un bouleversement d'ampleur : la ligne de séparation pluriséculaire entre un monde privé féminin et un monde public masculin s'est progressivement effacée au point de disparaître dans la période récente. Le processus à l'œuvre est celui d'une désexualisation des rôles et des fonctions. Par un côté, les statuts sociaux ont été rendus neutres, les femmes pouvant prétendre les endosser tous ; par l'autre côté, les rôles familiaux ont été disjoints des attributions sexuées, les pères devenant peu à peu des mères comme les autres. Il faut le préciser immédiatement, ce double constat n'est tenable à ce jour que sur le plan des principes, tant il est avéré que la division sexuelle du travail demeure fermement enracinée. Mais, à trop insister sur les retards et les incomplétudes, on ne voit pas qu'il se joue là une véritable révolution : en initiant le décloisonnement du partage public-privé, le mouvement féministe a transformé en profondeur notre monde commun. Après des siècles de dichotomie, l'ancienne bipartition a laissé la place à un nouvel ordonnancement articulant trois ordres : le public-politique, le privé-social et l'intime, trois ordres au sein desquels les hommes et les femmes possèdent la même légitimité.

The feminist revolution or how the public-private division has been desexualized

By tacking on the female confinement in the domestic sphere, the Second-wave feminists have entailed a compelling process by which women have moved into the social realm to the point of creating a huge upheaval : the long-lasting dividing line between a private female world and a public male world has gradually been erased until its recent vanishing. What is at stake is a desexualization of roles and functions. On one hand, social statutes have been made neutral, women being able to shoulder them all ; on the other hand, family roles have been separated from sexued assignments, fathers becoming mothers as others. To put it straight away, these observations are valid on the mere level of principles inasmuch as the sexual division of labour is still deeply rooted. But, by stressing delays and incompletnesses, one miss the point of the true revolution which is here spreading : initiating the decompartmentalization of the public-private division, feminist movements have deeply transformed our common world. After centuries of dichotomy, a brand new order has appeared centered around three spheres : public-political, private-social and intimate, within which men and women alike are legitimate.


Benjamin Loveluck (Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH) et Télécom ParisTech)

Permanence et recomposition du partage public/privé à l’ère d’Internet

Avec la constitution de la sphère publique comme espace politique à l’époque moderne, une démarcation nette a pu séparer la communication publique (livres, journaux puis radio- et télé-diffusion) et la correspondance d’ordre privé (lettres, télégraphe, téléphone). À l’ère d’Internet, cette distinction semble s’être brouillée, tandis que certains critiques brocardent les excès de transparence dont le réseau serait le théâtre : exposition de l’intime, parole débridée, rumeurs et diffamations, atteintes au droit d’auteur et accusations de « piraterie », ou encore mise en circulation d’informations à caractère confidentiel. A contrario, d’autres s’enthousiasment pour ce qui représenterait un accès plus égalitaire à la sphère publique et à l’expression politique, et un rapport plus immédiat de la société à elle-même. L’objet de cette communication est de proposer un éclairage sur les reconfigurations du partage public/privé sur Internet, à partir des discours sur la « libre circulation de l’information » qui ont accompagné son avènement. Il s’agira ici d’en retracer quelques épisodes significatifs, depuis l’inspiration cybernétique initiale jusqu’aux actions des hackers et des militants de WikiLeaks. Nous mettrons ainsi en lumière les continuités que ces discours manifestent avec le cadre théorique général du libéralisme, ainsi que les ruptures inédites qu’ils introduisent.
 
Permanence and Reshapings of the public/private division in the Internet age

With the entrenchment of the public sphere as a political space during the modern period, a clear-cut demarcation could separate public communications (books, newspapers and later broadcasting) from private correspondence (letters, telegraph, telephone). This line seems to have been blurred with the Internet, and many critics have lamented what they describe as an excess of transparency: exhibition of the self, unbridled speech, rumours and defamation, breach of copyright and accusations of “piracy”, and the disclosure of confidential information. Others, on the contrary, have shown enthusiasm for what they see as a more egalitarian access to the public sphere and to political expression, and a more immediate relationship of society unto itself. The aim of this paper is to provide insights on the reconfigurations of the public/private split on the Internet, through an enquiry on the discourses on the “free flow of information” which have accompanied its advent. Some revealing episodes will be highlighted, from the initial cybernetic inspiration to the actions carried out by the activists and hackers from WikiLeaks. We will thus examine the continuities of these discourses with liberalism as a theoretical framework, as well as the ruptures which can be identified.
 
Auriane Guilbaud (CERAPS/Université Lille 2)
 
L’hybridation des politiques mondiales de lutte contre le Vih/Sida et les maladies négligées à travers le développement des partenariats public-privé

La formation des politiques sanitaires à l’échelle mondiale résulte des interactions entre de nombreux acteurs, traditionnellement répartis entre plusieurs catégories : public, privé à but non-lucratif, privé à but lucratif, voire privé « intermédiaire » (fondations privées issues du capital d’un entrepreneur par exemple). Depuis la fin des années 1990, on observe l’implication croissante des acteurs privés, notamment liée à la création de partenariats public-privé sanitaires internationaux (PPPSI). Notre contribution vise à analyser les bouleversements introduits par cette nouvelle forme d’action publique sanitaire internationale sur les acteurs (la répartition des acteurs en différentes catégories autour d’une dichotomie public/privé est-elle toujours pertinente?) et sur la production de l’action sanitaire internationale (comment des politiques qui visent l’intérêt général « public » s’accommodent-elles de la participation d’acteurs privés, et notamment d’acteurs privés à but lucratifs ?). A travers une analyse qui s’inscrit au croisement de la sociologie des relations internationales, de la sociologie de l’action publique multilatérale et de la sociologie des organisations, nous montrerons en particulier que se produit une double dynamique d’hybridation.

The hybridization of global health policies against Hiv/Aids and neglected diseases. The example of the rise of public-private partnerships

Global health policies are built through the interactions of several actors, usually divided into different categories: public, private for-profit, private not for profit, and even “private intermediary” (for instance private foundations constituted with the capital of a private entrepreneur). The participation of private actors in global health policy has risen since the end of the 1990s, a process that can be linked to the development of global public-private health partnerships. This paper seeks to analyze the changes introduced by this new form of public health action, especially at two levels. First, at the level of actors: is it still relevant to divide actors into categories according to a grand dichotomy between “public” and “private”? Second, at the level of the production of global health policy: how can policies, whose aim is the “public” general interest, deal with the participation of private actors, especially for-profit ones? Through an analysis at the crossroads between the sociology of international relations, the sociology of multilateral public policy and the sociology of organizations, we will show that this remodeling of the public/private border introduces a double process of hybridization.
 
Céline Borelle (PACTE / IEP de Grenoble)
 
Le soin : un enjeu politique ? Collectivisation et privatisation du soin dans le cas de l’autisme

Joan Tronto (1993) a étudié comment le « care », défini comme l’ensemble des activités visant à prendre soin d’autrui, a été relégué comme prédisposition féminine dans la sphère privée. Elle a initié une dénaturalisation et une politisation du « care » par la remise en question de trois frontières : entre morale et politique, morale et affects, privé et public. Elle a ainsi posé que le partage du privé et du public n’existait pas en soi mais qu’il était produit par une série d’actes de nature politique dans un contexte donné. Sur cette base, nous défendons l’idée que le soin, au sens large de « care », peut faire l’objet de formes de politisation et de dépolitisation, une ambivalence qui s’explique par la coexistence de processus contradictoires de collectivisation et de privatisation du soin se déployant dans des temporalités et à des échelles différentes. Notre communication entend proposer une sociologie politique du diagnostic médical à partir du cas de l’autisme. Selon une démarche ethnographique, elle intègre l’observation des espaces d’évaluation des cas dans les mondes médical, administratif, et scolaire ; la réalisation d’entretiens avec des acteurs associatifs, politiques, et des professionnels de santé ; et le suivi de quatre cas familiaux pendant un an et demi à partir à partir du moment où une démarche diagnostique a été programmée pour l’enfant.  
 
Is care a political stake ? Collectivization and privatization of care in the case of autism

Joan Tronto (1993) studied how care, defined as the set of activities aiming at taking care of someone, has been relegated as a feminine predisposition in the private sphere. She has initiated a double process of denaturalization and of politicization of care through questionning three boundaries : between morals and politics, morals and affects, private and public. Thus, she insisted on the fact that the division between private and public was not given but rather produced through a series of political acts in a specific context. This presentation defends the idea that care may be the object of joint forms of politicization and depoliticization. This ambivalence is explained by the coexistence of contradictory processes of collectivization and privatization of care taking place at different scales through different temporalities. This presentation tries to propose a political sociology of medical diagnosis from the case of autism. My field work, in an ethnographic approach, consists in observing the different evaluation spaces in the medical, administrative and school worlds ; interviewing politicians, associative actors and health professionnals ; and following up four family cases during one year and a half from the moment when a diagnostic process was scheduled for a child in an evaluation centre specialized in autism diagnosis.
 
Caroline Frau (LaSSP / IEP de Toulouse)
 
Du mercantilisme au risque sanitaire comme mode de justification de l’intervention de l’Etat. Transformation et recomposition de l’action publique sur le marché du tabac.

Au XVIIe siècle, la monopolisation par le Royaume de l’importation, de la fabrication et de la vente du tabac s’inscrit dans un processus d’accumulation des richesses au cours duquel le détenteur de la couronne rassemble des ressources financières par le monopole fiscal et contribue à l’agencement d’un espace économique unifié. Au fil des siècles, les transformations des rationalités économiques et les actions protestataires de différents acteurs remettent en cause ce monopole. Cette évolution permet de réinterroger la séparation entre sphère publique et sphère privée à travers deux dimensions. D’une part, elle montre que les formes de statuts hydrides des entreprises ou des personnels d’Etat n’apparaissent pas avec le tournant libéral mais dès la construction de l’Etat moderne. D’autre part, le fonctionnement de ce marché met en évidence que si la raison économique ne justifie plus l’intervention de l’Etat, la raison sanitaire l’autorise à maintenir son activité régulatrice. Plus qu’un désengagement de l’Etat ou une privatisation de son activité économique, c’est une recomposition des frontières entre le public et le privé qui se donne à voir ; elle peut s’expliquer par les transformations des formes de rationalités, légitimement invoquées et invocables, dans des contextes socialement et historiquement situés.
 
From mercantilism to sanitary risk as mode of justification for State intervention. Transformation and reformulation of public policy on the tobacco market.

In the XVIIth century, the monopolization by the Kingdom of the import, the manufacturing and the sale of tobacco is part of a process of wealth accumulation, basis of building modern Nation-State. The king was bringing together financial resources by means of tax monopoly and he contributed to the building of a unified economic area. Over the centuries, economic rationalities change and protest activities question this monopoly. Tobacco market development gives us the opportunity to question anew the division between the public and the private sphere through two dimensions. On the one hand, it shows that business regulations and certain staff rules don’t appear during the liberal shift and exist as soon as the construction of modern State. On the other hand, the functioning of this market highlights that if the economic reason does not justify any more the State intervention, the sanitary reason authorizes to maintain its regulatory activities. More than disengagement, privatization or reduction of State involvement in economic activities, it is a reorganization of the boundaries between the public and the private, which can be attributed to the rationalities transformations, legitimately cited and invoked, in socially and historically specific environment.
 
Amandine Montagut (Centre Emile Durkheim / IEP de Bordeaux)
 
Interroger l’exercice de missions du service public postal ou la mise en question de la garantie de l’intérêt général

L’entreprise La Poste est présente dans un ensemble de processus de politiques publiques. Elle négocie la définition et l’exercice de ses missions de service public. De plus, elle participe à la construction de politiques locales. Dès lors, une première série de questions se pose sur le gouvernement de ces politiques. Une autre série de questions émerge sur la garantie de l’intérêt général. Notre analyse s’appuie sur les données empiriques recueillies dans le cadre d’une CIFRE au sein de l’entreprise. Nous recourrons à une analyse de l’action publique comme « construction collective d’acteurs en interaction », en mobilisant l’analyse des réseaux d’action publique. Notre analyse, alors campée dans le champ de la sociologie politique, s’orientera ensuite vers un questionnement en termes de théorie politique portant sur la transformation du service public postal. Nous pourrons alors nous pencher sur la modernisation de ce service public, et sur sa distanciation par rapport à la théorie classique du service public. En recourant à l’analyse en termes de transcodage de la stratégie de développement durable de l’entreprise, nous montrerons comment elle tente de rassurer ses interlocuteurs publics quant à son attachement à la protection de l’intérêt général.
 
The French Post Office, ‘service public’ and challenges to the general interest.

In charge of public services, the French Post Office is a part of local policy-making. The company defines and determines the practices of this service. Moreover, it is a part of problem definition, decision-making and policy implementation concerning many social policies. However, research provides new information first about the government of these policies, then about the extent to which the general interest is currently being respected. Grounded in my participation and observation within the La Poste over three years, in this paper, I analyse public action as a collective construction by actors in interaction. I use the concept of policy network and other tools from political sociology to question existing theories of the transformation of postal public utilities. In particular, by returning to theories of public utilities, I will question the modernisation of this public utility. Finally, through the concept of “transcodage”, I will show how the company in question has try to reassure public actors through its discourses on sustainable development.


Participants

BORELLE Céline cborelle@yahoo.fr
FRAU Caroline caroline.frau@gmail.com
FROIDEVAUX-METTERIE Camille cfroidevaux.metterie@free.fr
GUILBAUD Auriane auriane.guilbaud@sciences-po.org
HOLEINDRE Jean-Vincent jvholeindre@gmail.com
LEVER Annabelle annabelle@alever.net
LOVELUCK Benjamin b.loveluck@gmail.com
MONTAGUT Amandine A.montagut@hotmail.fr
MULLER Pierre pierre.muller@sciences-po.fr
PICQUÉ Nicolas nicolas.pique@wanadoo.fr
ROZA Stéphanie stephanieroza@yahoo.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

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Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciences-po.fr