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Section Thématique 8

Impôt et politiques publiques
Taxation and public policies

Responsables

Clémence LEDOUX (DCS, Université de Nantes / Centre d’études européennes de Sciences Po) clemence.ledoux@gmail.com
Julie POLLARD (IEPI, Université de Lausanne / Centre d’études européennes de Sciences Po) julie.pollard@unil.ch

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Largement investi par les juristes et les économistes, l’impôt peut sembler technique et difficile à appréhender par la science politique. Pourtant, les questions fiscales sont capitales pour les politiques publiques et leur analyse. Les décisions en matière de fiscalité sont porteuses de choix politiques, économiques et sociaux, qui renvoient à des questions de justice sociale, de redistribution et d’efficacité économique (Leroy, 2010). L’impôt tisse des liens entre l’individu et la société, entre le contribuable et l’État (Martin, Mehrotra, & Prasad, 2009). L’objectif de cette section thématique est de (re)considérer l’instrument fiscal comme une entrée stimulante pour travailler sur l’action publique, et notamment sur le lien entre les politiques publiques et leurs bénéficiaires.
Constituant un thème important chez certains fondateurs de la science politique, comme Alexis de Tocqueville (Tocqueville, 1985 (1835)), l’impôt fait plutôt figure d’objet délaissé dans les recherches de science politique française actuelles, alors même que la sociologie, l’histoire, l’économie et le droit s’y intéressent de manière croissante (Delalande & Spire, 2010; Leroy, 2010; Landais, Piketty, & Saez, 2011; Weidenfeld, 2011). Aux Etats-Unis, les différences entre les systèmes fiscaux nationaux font l’objet d’une attention soutenue depuis plus longtemps (Steinmo, 1993) et les travaux plus récents sur les dépenses fiscales – c'est-à-dire les différentes exemptions d’impôt – ont renouvelé l’étude des welfare state (Howard, 1997; Hacker, 2002).
L’impôt est crucial pour l’analyse des politiques publiques, aussi bien dans ses fondements et mécanismes de collecte, que dans les actions et dispositifs visant à s’y soustraire. A travers ces deux dimensions, la section thématique vise à étudier comment l’impôt nous renseigne sur les transformations de l’action publique – et participe à celles-ci.
(1)  La collecte de l’impôt comme fondement des politiques publiques.
La première session de travail renverra aux questions de financement de l’action publique. Travailler sur l’impôt est une manière d’aborder les choix – et leurs significations et implications politiques – d’instruments et de techniques de financement des dépenses publiques. Ainsi, dans les pays bismarckiens, le financement de la protection sociale par la cotisation sociale régresse au profit de l’impôt (Palier & Martin, 2008). Comment interpréter cette transformation ? Comment positionner le recours à l’impôt par rapport au financement par la dette et par l’inflation et quelles sont les conséquences de ces choix? En quoi l’évolution des différents types d’impôts informe-t-elle sur la transformation de l’action publique? Réfléchir sur la collecte de l’impôt peut également se faire « par le bas » : à travers les relations au guichet, qui construisent la confiance dans la relation fiscale, à travers l’étude des révoltes fiscales ou des valeurs des citoyens. Ces éléments renseignent sur les conditions du consentement à l’impôt et sur les fondements de l’Etat fiscal.
(2)  Les dépenses fiscales comme instrument de politiques sociales et économiques.
La deuxième session de travail s’attachera à l’évitement de l’impôt comme principe de politique publique. A travers les exemptions, dérogations et avantages consentis par la puissance publique, il s’agira d’explorer différents enjeux autour des dépenses fiscales. Depuis les travaux fondateurs de C. Howard et J. Hacker (Howard, 1997; Hacker, 2002), les dépenses fiscales ont été davantage prises en compte pour évaluer l’ampleur des politiques publiques (Gilbert, 2010). Cette approche peut alors permettre de modifier l’analyse faite de certaines politiques publiques car les dépenses fiscales se différencient fortement des dépenses budgétaires dans leurs objectifs, dans les publics qu’elles visent, et dans leur évaluation (Ledoux, 2011; Pollard, 2011). Cette progression des dépenses fiscales renvoie à une transformation majeure dans certains secteurs d’action publique (comme les politiques sociales et environnementales). Comment la qualifier ? Signale-t-elle l’existence d’un Etat qui inciterait plus qu’il n’allouerait ? Des communications pourront porter sur les mobilisations collectives dont sont l’objet les dépenses fiscales. Alors que la dépense fiscale est souvent caractérisée par sa moindre visibilité par rapport aux dépenses budgétaires, les conditions de sa mise en visibilité et de son évaluation pourront également être interrogées.

While taxation was a significant theme for the founders of political science, it is often neglected in French contemporary political science. Largely studied by law scientists and economists, taxation issues can be seen as technical and difficult to grasp for political scientists. Yet fiscal issues are crucial, they are connected to social justice, redistribution, and economic efficiency. Decisions concerning taxation display political, economic and social choices. Tax systems link individuals to the larger society and taxpayers to the state.
Certain aspects of taxation are essential to policy analysis, for instance: the foundations of taxation, the mechanisms of tax collection, the strategies of individuals and firms to benefit from tax exemptions and thus to get around the general fiscal rules.
This thematic session will (re)consider taxation as a stimulating way to investigate public policies and especially the relation between policies and their beneficiaries.
Through the two following dimensions, we will examine how taxation both reflects policy change and how it is part of it.
(1)  Taxation collection
The first session will analyze the financing of public policies. Studying taxation is a way to understand political choices of policy instruments, as well as their meaning and consequences. How to explain the choice to finance a policy by debt, by inflation, by social contribution, or by income taxes? What can the evolution of the different methods of taxation tell us about the transformations of public policies? How does the average taxpayer feel about taxation and how it is administered? Do they feel it is fair or overly burdensome? These are some of the issues we will examine in this section.
(2)  Tax breaks as an instrument of social and economic policies
The second session will be devoted to the study of tax avoidance as a principle of public policy. Several kinds of tax exemptions, derogations, and advantages granted by public authorities will be analyzed in order to explore different aspects of tax breaks. The development of tax breaks is especially evident in certain policy domains, such as environmental policies and welfare policies. How to qualify this transformation? Does it embody the development of a state policies based on initiatives rather than on the allocation of resources? While tax breaks are often characterized as invisible, the conditions for making them more visible and evaluated will be examined in this section.


Références bibliographiques

Delalande, N., & Spire, A. (2010). Histoire sociale de l'impôt. Paris: la Découverte.
Gilbert, N. (2010). « Comparative Analyses of Stateness and State Action: What Can we Learn from Patterns of Expenditure ? » In United in diversity ? : Comparing social models in Europe and America, Oxford : Oxford University Press, Vol. 1, pp. 133-145.
Hacker, J. S. (2002). The divided welfare state : the battle over public and private social benefits in the United States. New York: Cambridge University Press.
Howard, C. (1997). The hidden welfare state : tax expenditures and social policy in the United States. Princeton, N.J.: Princeton University Press.
Landais, C., Piketty, T., & Saez, E. (2011). Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle. Paris : Seuil, la République des idées.
Ledoux, C. (2011). L’Etat-providence et les mondes professionnels : la construction politique des métiers féminisés d’intervention dans la sphère privée. Une comparaison France-République fédérale d’Allemagne depuis les années 1970. Doctorat en Science Politique, Centres d'études européennes, Sciences Po.   
Leroy, M. (2010). L'impôt, l'État et la société : la sociologie fiscale de la démocratie interventionniste. Paris: Économica.
Martin, I. W., Mehrotra, A. K., & Prasad, M. (2009). The new fiscal sociology : taxation in comparative and historical perspective. Cambridge ; New York: Cambridge University Press.
Palier, B., & Martin, C. (eds.) (2008). Reforming the Bismarckian welfare systems. Malden ; Oxford: Blackwell.
Pollard, J. (2011). « L'action publique par les niches fiscales. L'exemple du logement ». In P. Bezes & A. Siné (Eds.), Gouverner (par) les finances publiques. Paris: Sciences Po Les Presses.
Steinmo, S. (1993). Taxation and democracy : Swedish, British, and American approaches to financing the modern state. New Haven ; London: Yale University Press.
Tocqueville, A. d. (1985 (1835)). De la démocratie en Amérique (Éd. rev. et corr. ed.). Paris: Gallimard.
Weidenfeld, K. (2011). À l'ombre des niches fiscales. Paris: Economica.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Session 3 : 11 juillet 2013 15h15-18h

Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle J 201 (9 juillet) et J 103 (11 juillet)


Programme

Axe 1 / Les dépenses fiscales comme instrument de politiques sociales et économiques

Discutant : Philippe Bezes (CERSA)

Axe 2 / La collecte de l’impôt comme fondement des politiques publiques

Discutant : Marc Leroy (Université de Reims)


Résumés des contributions

Alexandre Lambelet (CEE, Sciences Po Paris)

Quelle fiscalité pour l’action publique « privée » ? Les fondations philanthropiques et l’impôt

L’action philanthropique revendiquant des dimensions de redistribution, d’efficacité, de changement social et de pluralisme dans la conduite de son action, et cette dernière portant largement sur des domaines possibles d’intervention de l’Etat, la question de la légitimité d’une telle action – ou de ses formes légitimes – est l’enjeu de nombreux débats dans l’arène politique qui se cristalisent largement autour de la question fiscale. Que ce soit la possibilité même de créer une Fondation, ou la mise en œuvre d’incitations financières, la politique fiscale (et les débats qui entourent cette politique) donne à voir, en creux, les déplacements toujours possibles des frontières entre l’Etat, le marché et le tiers secteur. A travers l’étude des cadres légaux entourant le statut des fondations tant en France, en Suisse qu’aux Etats-Unis, et dans une prespective de sociologie des mobilisations, il doit s’agir non seulement d’éclairer les acteurs et cadrages qui ont structuré les différentes réformes des droits des fondations dans ces pays, mais surtout mettre au jour les évolutions des conceptions de l’Etat  et du tiers secteur qu’elles éclairent.
 
 How and Why to tax the "private" public action? The philanthropic foundations, the State and the tax system

Philanthropy claims a dimension of redistribution, efficiency, social change and pluralism in the conduct of its action, which is led in domains where the (Welfare) State is also committed. The legitimacy of such action is at stake in numerous debates in the political arena, and more particularly around the fiscal question. Whether it is the possibility to create a Foundation, or the implementation of financial incentives, the fiscal policy (and the debates which surround this policy) give to see the possible movings of the borders between the State, the market and the third sector. Through the study of the legal frames surrounding the status of foundations both in France, in Switzerlandand and in the United States, and in a prespective of sociology of mobilizations, this paper will give informations on the actors and the framings which structured the various reforms of the rights of foundations in these countries, but especially bring to light the evolutions of the conceptions of the State and of the third sector which they enlighten.

 
Mélanie Péclat (Université de Versailles-St-Quentin en Yvelines, Laboratoire CESDIP)
 
Les représentations de la déviance fiscale en France : La question du consentement à l'impôt comme point d'entrée dans l'analyse des politiques publiques en matière de fiscalité

Cette communication se fonde sur les résultats d’un questionnaire sur les représentations de la déviance fiscale en France. Il s’agira de donner une réponse nouvelle à la question du consentement à l’impôt en mettant au jour les représentations que construit l’opinion publique sur les questions de fraude et d’évasion fiscales. Cette enquête a permis de questionner les représentations du système fiscal par le biais du rapport des citoyens à l’Etat, à l’administration fiscale et à la déviance fiscale, offrant ainsi une possibilité inédite en France de mieux saisir le rapport du contribuable à l’impôt et par là-même ses attentes en terme de politiques publiques dans le domaine fiscal. Cette présentation sera étayée d'une comparaison avec les études sur le consentement à l'impôt menées aux Etats-Unis, en Australie et en Suisse mais sera aussi le point de départ d'une réflexion plus large sur l'influence des valeurs publiques portées par l'Etat sur la perception du système fiscal que construit par lui-même et pour lui-même le citoyen.
Les analyses des résultats de ce questionnaire ont permis de mettre en lumière l'importance des valeurs morales et politiques dans le consentement ou le non-consentement à l'impôt. Ces valeurs, bien que portées individuellement, sous-tendent non seulement l'impôt comme concept, mais aussi l'impôt tel qu'il est défini par une époque particulière, en fonction du contexte historique et économique et de la sensibilité politique dominante.  
 
Representations of fiscal deviance in France: The question of tax compliance as entry point to an analysis of public policies in taxation matter

This communication is based on the results of a questionnaire on the representations of fiscal deviance in France. It will aim to give a new answer to the question of tax compliance by revealing the representations that public opinion has built about fiscal evasion and fiscal avoidance. This survey allowed us to question representations of the fiscal system through the study of the relationship that citizens entertain with the State, Fiscal Administration and fiscal deviance. It offers an unprecedented possibility in France to understand the taxpayer’s relationship with taxes and hence his expectations in terms of public policies in matter of taxation.
This communication will be supported by a comparison between our survey and American, Australian and Swiss surveys about tax compliance and will be a starting point of a broader reflection on how the State’s public values influence the fiscal system perception, that the citizen builds by himself and for himself.
The analyses of the questionnaire’s results have allowed us to reveal the importance of the moral and political values in tax compliance or non-compliance. These values, although they are carried individually, underlie tax as a concept but also show how it is deeply rooted in a specific historical and economical context as well as in the dominant political sensibility.

 
Sabine Rozier (IRISSO/ Université de Paris-Dauphine)
 
« La France doit rattraper son retard ! » : logiques et impensés des mobilisations collectives en faveur de la hausse des avantages fiscaux consentis aux donateurs
 
Cette communication vise à rendre compte des conditions au travers desquelles, durant les années 1980-2000, en France, les avantages fiscaux offerts aux donateurs, jugés peu incitatifs, ont été construits comme la principale cause de la moindre propension des Français à donner, inscrits dans un grand récit accréditant l’idée d’un « retard » français, et érigés en problème prioritaire à résoudre - processus qui a finalement conduit les pouvoirs publics à faire inscrire dans le droit, entre 2003 et 2008, l’une des réglementations les plus attractives au monde en faveur des donateurs. L’enquête - qui se situe à la croisée de la sociologie des problèmes publics, de la sociologie de l’action collective et de la sociologie des modes d’intervention étatiques - explore les conditions de mobilisation, entre les années 1980 et les années 2000, des porte-parole des donateurs et des fondations en faveur de l’accroissement des incitations fiscales en faveur de ces derniers. Elle montre que la focalisation des collectifs mobilisés sur la seule question des incitations fiscales a laissé dans l’ombre un élément crucial de la compréhension de l’évolution des pratiques de dons en France (les restrictions apportées, dans le droit civil français, à la liberté de tester) et en interroge les raisons.
 
« France has to catch up ! « : logics and unthoughts of collective actions for the increase of donors’ tax advantages
 
This communication intends to analyze the mobilization, in France, during years 1980-2000, for the increase of donors’ and foundations’ tax advantages. It shows how these tax measures, so far considered as little incentive, were built up as the main cause of the low propensity of the French people to make donations (compared with the practices noticed in other countries), embedded in a story giving credence to the idea of a « French delay », and set up as a primary problem to solve - process which finally led French public authorities to adopt, between 2003 and 2008, one of the most attractive legislation in the world in favour of donors and founders. The research - at the crossroads of the sociology of public problems, the sociology of collective action and the sociology of public policies - shows that - and wonders why - the emphasis on the question of tax advantages kept in the dark a crucial element of the understanding of the development of donations in France : the restrictions, in the civil law, on the rigth to freely dispose of one’s property, and the high level of protection granted to heirs.
 

Martin Baloge (Université Paris I, CRPS-CESSP)

Défendre l’ISF. Mobilisations et discours des parlementaires en France et en Allemagne

L’ISF est incontestablement un impôt clivant, peut être celui qui marque le plus clairement les lignes partisanes parmi les parlementaires français. Défendu pour sa dimension symbolique par les uns, critiqué pour être « impôt idéologique » pour les autres, l’ISF résiste à l’épreuve du temps et aux alternances politiques. Fortement allégé à la fin de la présidence de Nicolas Sarkozy, l’ISF n’a pas été supprimé au moment de l’abrogation du bouclier fiscal, ce qui tend à prouver que 1) la dimension symbolique de cet impôt rend sa suppression difficile pour ses détracteurs et que 2) ses défenseurs sont parvenus à acquérir son maintien. En Allemagne la question de l’ISF est également débattue. Supprimé en 1997, différents partis (le SPD, Die Grünen, Die Linke) militent pour son rétablissement. On peut alors se demander sous quelles formes et pour quelles raisons des mécanismes de défense de l’ISF se donnent à voir dans les deux pays. Nous nous intéressons principalement aux prises de position des parlementaires français et allemands, aux raisons symboliques et économiques mises en avant par ces acteurs et aux liens entre les propriétés sociales de ces acteurs et leurs visions de l’ISF. La comparaison doit nous permettre de proposer des causes explicatives qui expliqueraient comment se structure le rapport à l’impôt des parlementaires français et allemands et comment se caractérise la défense des politiques fiscales dans les deux pays.
 
Supporting the ISF.  Political mobilizations and MP's vision in France and Germany

The ISF (The solidarity tax on wealth) is unquestionably a tax which divides the political field and marks the partisan cleavages between French MPs. Defended for its symbolic dimension by left-wing parties and criticized by right-wing parties for being an “ideological tax”, the ISF has resisted through time and change in power.  The ISF's reach was reduced during Nicolas Sarkozy’s presidency but it was maintained when the “bouclier fiscal” was abrogated. It proves that 1) the symbolic dimension of this tax makes difficult to suppress it and that 2) its defenders have succeed in maintaining it. In Germany, the question of the ISF is also debated. Suppressed in 1997, several parties like the SPD, die Grünen, Die Linke have campaigned for its re-establishment. Thereby, we can ask ourselves how and why MPs take position on this issue, what the symbolic and economic arguments are being proposed and what the connections between MP’s social properties and their vision of the ISF are. The comparison would allow us to propose explanatory causes, which could shed light how MP’s vision on the tax is structured and how the defense of tax policies is characterized in both countries.  

 
Josua Gräbener (Laboratoire Pacte, UMR 5194, Grenoble Universités)

Une « para fiscalité » sous contrôle ? Etats et Régions face à la gestion paritaire de la formation continue en France et en Italie (2001–2011)

 En France et en Italie, une part significative des cotisations obligatoires pour la formation professionnelle continue des salariés est gérée par des organismes paritaires. Pour justifier cette délégation de ressources publiques vers des acteurs privés, ces derniers sont présentés comme plus à même que les administrations publiques de synthétiser les intérêts parfois contradictoires du travail et du capital. Cet argument justifie aussi les subventions publiques (régionales, nationales, européennes) permettant d’en abonder plusieurs actions. L’institutionnalisation croissante de cette « para fiscalité » reste néanmoins fragile et semble en partie soumise aux aléas politiques et économiques, amenant de sensibles variations de statut dans le temps et l’espace. A l’appui de l’analyse des évolutions juridiques qu’ont connu les organismes paritaires collecteurs agréés en France et en Italie depuis 2001, et d’une soixantaine d’entretiens semi directifs menés dans ces deux pays dans le cadre d’un doctorat, cette communication se propose d’interroger les conditions, les modalités et les limites de l’autonomie de cette « para fiscalité » face aux Etats et Conseils Régionaux. Cette démarche s’avère indispensable pour saisir ensuite au mieux les usages différenciés du Fonds Social Européen dans différents contextes politiques et institutionnels.
 
A  para fiscal tax  under control ? States and Regions facing labour capital joint management of lifelong learning resources in France and Italy (2001-2011)

 In France and Italy, a significant part of compulsory employers’ contributions for the workers lifelong learning is managed by labour capital joint management commissions, French OPCA and Italian FPI being very representative of these ‘paritarian’ institutions. In order to justify this devolution of public resources to private actors, the latter are presented as being more able than public administrations to synthesize the sometimes contradictory interests of labour and capital. This argument also justifies the public subsidies (either regional, national, European) given to reinforce their actions. Despite of its growing institutionalization, this “para fiscal tax” seems fragile and partly subject to economical and political changes, carrying sensible status variegations in time and space. Based on the analysis of the legal evolutions experienced by these joint management commissions in France and Italy since 2001, and on sixty semi structured  interviews conducted in the two countries during a PhD research, this paper aims to question the conditions, modalities and limits of this “para fiscal tax” against States and Regional authorities. This effort is not only useful but essential to then understand at best the differentiated usages of European Social Fund through time in different political and institutional contexts.

 
Louise Lartigot-Hervier (CEE, Sciences Po Paris)

La fiscalisation du financement de la protection sociale ou le moyen d’évincer les syndicats

Historiquement, des choix politiques ont confié aux bénéficiaires des assurances sociales bismarckiennes leur financement et leur gestion. Les représentants patronaux et syndicaux s’accordaient alors sur l’éviction de l’Etat de ces secteurs. Dans le contexte du tournant néo-libéral, ce compromis historique et néo-corporatiste s’est rompu en France et en Allemagne, permettant à l’Etat d’introduire une fiscalisation croissante du financement. Le paritarisme a dès lors été remis en cause permettant aux Etats allemand et français de récupérer la main sur ces secteurs.
Ce choix politique est lourd d’implications : renforcement des pouvoirs de l’Etat (législatif mais surtout exécutif) aux niveaux du financement, de la gestion et des décisions. Le choix politique recoupe aussi un choix social : le monde du travail et ses représentants traditionnels (syndicats et patronat) n’apparaissent plus comme les référents légitimes des assurances sociales. Par ailleurs, l’influence du patronat en fait aussi un choix économique : il faut baisser les « charges sociales » pour favoriser la compétitivité des entreprises.
Cette évolution nous informe sur les transformations de l’action publique : contrairement à de nombreux secteurs, l’Etat ne s’est pas désengagé des assurances sociales. Il y a renforcé ses prérogatives et s’est notamment servi du recours à la fiscalisation pour contourner les veto players.
 
Taxing the financing of social protection as a mean for ousting unions

Historically, political choices have given to the beneficiaries the financing and management of bismarckian social insurances. Employers and unions’ representatives agreed then on the eviction of the state in these sectors. In context of the neo-liberal turn, this historic and neo-corporatist compromise is broken in France and Germany, allowing the state to introduce a increased funding by taxation. Self-administration is therefore at issue which allows the German and French states to recover these sectors on hand.
This policy choice has significant implications: at first, the strengthening of state’s powers (legislative but also executive) at the funding, management and decision-making levels. It’s also a social choice: the working world and the traditional representatives (unions and employers) no longer appear as the legitimate referents for social insurances. In addition, the influence of employers also makes an economical choice: we have to lower the "social burdens" to promote the competitiveness of enterprises.
This informs us about the evolution of policy changes: unlike many sectors, the state has not disengaged from social insurance. It strengthened there its prerogatives and used especially taxation to circumvent the veto players.


Jules-Mathieu Meunier (Institut d’urbanisme de Paris, Université Paris Est Créteil)
 
Derrière la question du financement, celle du mode de production de l’action publique. Le cas du 1 % logement et de sa reprise en main par l’Etat

A travers l’exemple du 1 % logement, notre communication s’intéresse à la question du financement de l’action publique et à la manière dont les choix opérés dans ce domaine tendent à peser sur le mode de production et le contenu des politiques publiques. Pour cela, nous nous efforçons de revenir sur les modifications opérées à partir des années 1980 dans la définition de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), puis de saisir en quoi elles s’inscrivent dans le contexte plus global du financement de l’action publique (redéfinition du rôle de la cotisation sociale par rapport à l’impôt dans le financement de la protection sociale, restructuration de l’aide au logement). Les modifications définies dans l’organisation du 1 % logement ne sauraient cependant se réduire à cette seule dimension financière. Elles ont également une portée proprement politique. Elles s’accompagnent d’un glissement dans le mode de gouvernement de l’institution (reprise en main de sa « gouvernance » par l’Etat et remise en cause du pluralisme attaché au paritarisme). Elles impliquent également une contribution croissante du 1 % logement aux politiques gouvernementales qui participe de la transformation de la politique du logement (substitution d’une approche « résiduelle » à l’approche « universaliste » dominante après-guerre).
 
The means used to finance public policy influence its orientation. The case of France’s 1% housing tax system, and how the government is affirming its control over the system’s management

Through the example of France’s 1% housing tax system, this paper addresses how public policy is funded, and how funding methods influence the means and content of public policy. We focus on the modifications begun in the 1980s to the PEEC, the obligatory housing contribution paid in France by employers, to understand the broader context of funding for public policy in which those modifications were made (a recalibration between taxes on companies and on individual income in the financing of the French social protection system, and the transformation of the financial instruments of housing policy). However, the changes made to the 1% housing tax system should not be understood as solely financial, but also political. Firstly, modifications were progressively made to the management of the 1% housing tax system. The French government is reinserting itself into the system’s  « governance », calling into question the pluralism inherent in the existing system of co-management between social partners. Secondly, this evolution contributes to the transformation of French housing policy, substituting a « residual » approach in place of the « universal » approach prevalent after the Second World War.


Melina Rocha Lukic (Fundação Getúlio Vargas – Direito/RIO)

La crise de la fiscalité au Brésil et les disputes entre les coalitions de cause : un changement de paradigme inachevé ?

Cette communication s’attache à étudier comment le paradigme de la fiscalité s’est formé en 1988 à partir de la crise du paradigme précédent et quels ont été les enjeux de sa mise en œuvre. Nous reconstruirons le processus d’émergence et création de ce nouveau paradigme, tout en analysant les acteurs et discussions issues de la Constitution de 1988. La caractéristique de cette réforme a été la décentralisation des compétences et recettes fiscales. La mise en œuvre du paradigme et le contexte économique du Brésil à partir des années 1990 ont entraîné des conséquences négatives (notamment l’augmentation de la pression fiscale, recentralisation et des oppositions entre les parties de la Fédération). En raison de ces problèmes, une nouvelle crise et de nouveaux acteurs ont émergés, soit pour défendre les conquêtes obtenues en 1988 – c’est le cas de certains États et Municipalités – soit pour demander une fiscalité plus efficace et égale – tel que les acteurs liés aux entreprises et aux groupes sociaux. A partir de 1992, des propositions de réformes fiscales ont commencé à être faites auprès du Parlement. Cependant, les disputes entre les acteurs ont empêché la question d’avancer. Ces désaccords soulèvent, au fond, des problèmes liés à la question fédérative, à des questions économiques et financières, ainsi qu’aux inégalités régionales et sociales.
 
The crisis of taxation in Brazil and disputes between advocacy coalitions: an unfinished paradigm change?

This paper attempts to examine how the paradigm of taxation was formed in 1988 based on the previous paradigm crisis and what were the challenges of its implementation. We will analyze the process of emergence and creation of this new paradigm, through the analysis of actors and discussions from the 1988 Constitution. The main feature of this reform was the decentralization of tax responsibilities and revenues. The implementation of this paradigm and the Brazilian economic context during the 1990s led to negative consequences (including tax burden increase, fiscal recentralization and oppositions between the parts of the Federation). Because of these problems, new actors and a new crisis have emerged. Interest groups have mobilized either to defend the achievements of 1988 - this is the case of some States and Municipalities - either to demand changes to make the taxation system more effective and equal – particularly like the actors related with enterprises and social groups. In 1992, proposals of tax reforms began to be submitted to the Parliament. However, the disputes between the actors have prevented progress on this agenda. The disagreements are, basically, related to the federal, economic and financial issues, as well as regional and social inequalities.


Participants

BEZES Philippe philippe.bezes@cersa.cnrs.fr
BALOGE Martin martinbaloge@hotmail.com 
GRÄBENER Josua josua.grabener@iepg.fr 
HERVIER Louise louisehervier@hotmail.com
LAMBELET Alexandre alexandre.lambelet@sciences-po.org
LEDOUX Clémence clemence.ledoux@gmail.com
LEROY Marc marc.leroy@univ-reims.fr
MEUNIER Jules Mathieu julesm.meunier@yahoo.fr
PÉCLAT Mélanie melaniepeclat@gmail.com
POLLARD Julie julie.pollard@unil.ch
ROCHA LUKIC Melina melina.rocha@fgv.br
ROZIER Sabine sabine.rozier@dauphine.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

© Copyright 2012 Association Française de Science Politique (AFSP)
27 rue Saint-Guillaume 75337 Paris Cedex 07 France
Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciences-po.fr