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Section Thématique 29

La participation politique des musulmans dans les sociétés occidentales
Political participation of Muslims in Western societies

Responsables

Julien O’Miel (Ceraps/Université Lille 2) Julien.omiel@gmail.com
Julien Talpin (CNRS/Ceraps, Université Lille 2) julientalpin@hotmail.com

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Du fait de l’histoire coloniale et postcoloniale et des flux migratoires plus ou moins récents selon les pays, le nombre de musulmans dans les sociétés occidentales (en Europe et en Amérique du Nord principalement) a fortement cru au cours des cinquante dernières années (Cesari, Mac Laughlin, 2005 ; Sinno, 2008). Se pose dès lors la question de la pertinence de la prise en compte de la variable religieuse dans l’analyse de la participation au jeu politique, de l’arène électorale à des formes plus informelles d’engagement civique de ceux qui se déclarent musulmans ou pratiquent le culte de façon plus moins intensive (prière, jeune, fêtes rituelles, ou simple sentiment d’appartenance). Il ne s’agit pas dès lors de surestimer le poids de la variable religieuse, ou de ne la prendre en compte que pour les musulmans, mais de l’intégrer à l’analyse quitte à conclure qu’elle est dénuée de pertinence ou qu’elle ne joue que pour certains groupes ou acteurs. Selon les pays, le statut des individus de confession musulmane se pose de façon très contrastée, entre ceux où l’immigration ancienne et les politiques de nationalité ont conduit à la participation pleine et entière au jeu politique, et ceux où l’immigration plus récente rend juridiquement plus compliquée l’engagement civique.

Ces interrogations croisent des questionnements plus anciens relatifs au rôle de la religion dans la politisation et le rapport au politique des individus. Du fait du poids de ces religions dans les sociétés occidentales, la plupart de ces travaux portent sur le rôle du catholicisme (Michelat, Simon, 1977 ; Putnam, 1993) ou du protestantisme (Verba, Scholzman, Brady, 1996 ; Wuthnow, 2004 ; Lichterman 2005), davantage que sur l’islam. Si les travaux se sont multipliés ces dernières années (Fuchs, 2009 ; Bowen, 2010), il nous semble qu’une sociologie politique de l’islam et de ses fidèles dans les sociétés occidentales reste à conduire. Il ne s’agit évidemment pas de réifier la catégorie de « musulmans », tant le rapport à la croyance et les pratiques sont différenciés selon les acteurs (en fonction de la position sociale, de l’âge, de l’ascendance, du genre, cf. Amiraud, 2004), mais d’interroger la pertinence de la prise en compte de cette variable dans l’analyse du rapport au politique de ceux qui se déclarent comme tels. Il s’agira également de dépasser une perspective individualisée du rôle civique et politique de la religion – où les croyances intériorisées produiraient tel ou tel comportement – afin d’embrasser une approche « culturelle-interactionniste » du rôle public de la religion (Lichterman, 2012), en s’intéressant notamment aux organisations, associations ou institutions définies sur une base religieuse, et à leur éventuelle force politisante.  Cette section thématique s’articulera par conséquent autour de deux axes problématiques principaux.

1/Espaces et vecteurs de la politisation des musulmans

Alors qu’il a été montré par ailleurs que dans les pays où l’islam constitue la religion majoritaire la mosquée et les associations qui lui sont affiliées constituent des espaces importants de mobilisation et de politisation des individus (Bennani-Chraibi, Fillieule, 2003 ; Vannetzel, 2008), dans quelle mesure des phénomènes similaires peuvent-ils être mis en évidence dans les sociétés occidentales où l’islam est une religion minoritaire ? C’est ainsi à une sociologie politique des mosquées et de ceux qui les fréquentent, ainsi que des associations cultuelles et culturelles qui les entourent, que nous invitons ici. Qui sont les vecteurs d’un éventuel travail de politisation au sein de ces institutions religieuses ? Quels rôles en particulier les imams jouent-ils de ce point de vue ? Peut-on repérer l’équivalent des prêtres ouvriers du mouvement catholique au sein des institutions musulmanes ? Est-il tout simplement possible de parler de politique dans ces enceintes religieuses ? Si oui, où, quand et comment ? Par quel canal passe cet éventuel travail de politisation ? Par le prêche, l’action sociale ou culturelle ?

Alors que de nombreux travaux, socio-historiques en particulier, ont mis en évidence le rôle d’espaces sociaux spécifiques dans la politisation des classes populaires, des chambrées aux tavernes et pubs (Aghulon 1970; E.P. Thompson 1988), des dortoirs d’esclaves aux églises évangéliques et aux barbiers aux Etats-Unis (Harris-Laswell, 2004), la mosquée pourrait-elle constituer un espace équivalent ? Et si oui, quels types de politisations seraient alors produits ?

Au-delà de ce questionnement sur le rôle des mosquées, un autre axe mérite d’être creusé : la politisation comme réponse à la stigmatisation. Alors que les luttes sociales et politiques pour faire valoir ses droits sont souvent présentées comme de puissants vecteurs de politisation (Fantasia 1986; Scott, 1990), et alors que les populations musulmanes sont souvent présentées comme stigmatisées ou discriminées dans les sociétés occidentales (Hajjat, 2010 ; Helbing, 2012), et le vivent souvent comme tel (Kepel, 2012), ce sentiment de relégation constitue-t-il un vecteur de politisation collective et individuelle ? Alors que certains indiquent une montée de l’islamophobie en Europe et en Amérique du Nord (Geisser, 2003 ; Deltombe, 2005 ; Estève, 2012), la réaction à celle-ci prend-elle la forme d’un engagement politique, civique ou associatif ? Le sentiment de discrimination est-il cependant principalement religieux dans ces cas ou d’ordre social, ethnique ou territorial ? Comment ces différentes catégories s’articulent-elles en pratique ?

Deux angles méritent d’être approfondis de ce point de vue. Tout d’abord, le conflit (ou son anticipation) comme vecteur éventuel de mobilisation. Les controverses autour de la création de lieux de cultes musulmans, qui se sont multipliées au cours de la dernière décennie (Cesari, 2005 ; Allievi, 2010) constituent-ils à cet égard un vecteur de politisation voire d’empowerment des communautés musulmanes (Torrekens, 2009 ; O’Miel, Talpin, 2012) ? Si oui, sous quelles formes et à quelles conditions ? Enfin, si la stigmatisation et les conflits qu’elle occasionne sont vecteurs d’engagement, quelle forme prend-il ? Il serait de ce point de vue intéressant d’étudier des trajectoires d’engagement de fidèles musulmans, afin de repérer les organisations les plus propices à les accueillir, des associations aux partis politiques, des syndicats aux collectivités locales (Benbassa, 2011). Il conviendra également de s’interroger, dans une perspective comparative, dans quelle mesure ces mobilisations varient selon le statut des populations musulmanes : citoyens de plein droit ou étrangers sans accès au vote. Dans ce second cas, la question de l’accès au vote constitue-t-il un enjeu central d’engagement, ou les mobilisations para-politiques incarnent-t-elles des formes alternatives de participation ?

2/ Le rapport des musulmans au jeu électoral : du licite à l’illicite, au vote ethnique

Le deuxième axe que nous souhaiterions approfondir est celui du rapport des citoyens de confession musulmane au jeu électoral dans les sociétés occidentales. Deux aspects méritent d’être approfondis à cet égard : la participation électorale en tant que telle, et l’orientation éventuelle des suffrages. Un aspect à ce jour très peu étudié par la science politique est la question du rapport au vote des citoyens (c'est-à-dire ici ceux détenant le droit de vote) de confession musulmane. Un débat important anime en effet certains groupes musulmans dans les sociétés occidentales : peuvent-ils, en tant que fidèles de l’islam dans des pays où la religion majoritaire n’est pas celle-ci, prendre part au jeu électoral ? Certains – reste à déterminer qui, comment et pourquoi – avancent que voter est « haram », illicite au regard de la loi islamique, d’autres à l’inverse invitent à prendre part activement aux élections dans les pays dont ils sont citoyens. Ce débat anime tant les institutions représentatives musulmanes (CFCM, UOIF, etc. en France) que les citoyens eux-mêmes. Il serait par conséquent nécessaire de développer une sociologique politique du rapport des musulmans au vote. Quelles organisations encouragent ou, à l’inverse, desincitent les musulmans à participer au jeu électoral, et pourquoi ? Comment ces injonctions contradictoires sont-elles vécues ? Des discussions ont-elles lieu dans l’espace public à ce sujet ? Faut-il à l’inverse rechercher des traces de ces interrogations dans des arènes moins publiques, voire infra-politiques, à la mosquée ou sur des sites internet spécialisés ? Face au manque de connaissances sur ces questions, nous envisageons cette section thématique comme le lancement d’un programme de recherches sur ces enjeux.

Dernier axe problématique que nous souhaiterions approfondir ici est la question d’un éventuel vote musulman. Quand ces derniers prennent par au jeu électoral, où vont leurs suffrages ? Existe-t-il une tendance lourde ici, ou d’autres variables, générationnelles, sociales, de genre ou éducatives prévalent-elles dans ce cas ? Peut-on constater des variations selon le type de scrutins (local ou national) ? Selon les générations ou les pays d’origine ? Si des travaux commencent à être accumulés sur cette question (Tiberj, Brouard, 2005 ; Braconnier, Dormagen, 2010 ; Rea et al. 2010) il conviendra de s’interroger sur la nature de ce vote : ethnique, religieux, ou relevant d’autres facteurs explicatifs.

Due to colonial and postcolonial history and to more or less recent migrations, the number of Muslims in Western societies (North America and Europe mainly) has increased in the last 50 years. The question is raised, therefore, of the pertinence of the religious variable to analyze the participation of these new citizens, from the electoral arena to more informal settings of civic engagement (especially for those who cannot vote – recent migrants rarely having a citizenship status). The point is not, however, to overemphasize the role of religion, or to take it into account for Muslims only, but to assess its impact; even if it might lead to deny its pertinence or circumscribe it to only certain groups or individuals. These questions echo a long standing research tradition on the civic and potentially politicizing role of religion. While many research have been conducted on the role of Catholicism and Protestantism, the literature remains limited concerning Islam.

The point is not to reify the “Muslim” category, as the relationship to belief and practices are heterogeneous depending on actors (given their social position, age, ascendance, gender, etc.), but to question the pertinence of the religious variable. The goal is as well to overcome an overly individualized perspective on the civic role of religion – where internal beliefs cause behavior – to adopt a “cultural interactionist” perspective (Lichterman, 2012), by focusing also on the role of organizations, associations and institutions and to their potential politicizing consequences. This panel will therefore unfold in two different sessions. Firstly, we will tackle the settings and processes fostering Muslims political participation. Are some arenas (mosques, religious organizations, etc.) especially important in the politicization of followers, and what are the conditions of felicity for such processes to happen? To what extent conflict or controversies (on the construction of a mosque, on women wearing the veil, etc.), that might be link to discrimination, lead to civic engagement and eventually to politicizing actors? Then, we will focus especially on the voting behavior of Muslims citizens. Can any specificity be noticed, linked to the importance of the religious variable? And more broadly what is the relationship of Muslims to elections? To what extent debates on its “haram” or illicit nature are widespread among the communities or remain only marginal?

In a nutshell, this panel aims at setting the ground for a political sociology of Islam in Western societies.


Bibliographie

M. Agulhon, 1970. La République au village. Paris, Plon.
S. Allievi (dir.) Mosques in Europe. Why a solution has become a problem, Londres, alliance Publishing Trust, 2010.
V. Amiraux « Les musulmans dans l'espace politique européen », Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2/2004 (no 82), p. 119-130.
E. Benbassa, (dir.) Minorités visibles en politique, Paris, CNRS editions, 2011.
M. Bennani-Chraibi et O. Fillieule (eds.), Résistances et protestations dans les sociétés musulmanes, Presses de Sciences Po, Paris, 2003.
J. Bowen, Can Islam be French ? Pluralism and Pragmatism in a Securalist State, Princeton, Princeton University Press, 2010.
C. Braconnier, J.-Y. Dormagen, “Le vote des cités est-il structuré par un clivage ethnique ? », RFSP, 60 (4), 201
S. Brouard, V. Tiberj, Français comme les autres ? Enquête sur les Français issus de l’immigration africaine et turque, Paris, Presses de Sciences Po, 2005
J. Cesari, “Mosques conflicts in European cities”, Journal of ethnic and Migration Studies, 31, 6, 2005
J. Cesari, S. Mc. Loughlin, (eds.), European Muslims and the Secular State, Aldershot: Ashgate, 2005
T. Deltombe, L’islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2005.
O. Estèves, De l'invisibilité à l'islamophobie. Les musulmans britanniques (1945-2010), Paris, Presses de science-po, 2012
R. Fantasia, Cultures of solidarity: Consciousness, action and contemporary American workers, Berkeley, University of California Press, 1988.
N. Fuchs, Les transformations du militantisme d’origine maghrébine dans les cités », Thèse de science politique, IEP de Paris, 2009.
V. Geisser, La nouvelle islamophobie, Paris, La Découverte, 2003;
A. Hajjat , « "Bons" et "mauvais" musulmans. L'État français face aux candidats "islamistes" à la nationalité », Cultures & Conflits, n°79/80, 2010.
M. Harris-Lasswell, Barbershops, Bibles, and BET: Everyday Talk and Black Political Thought, Princeton, Princeton University Press, 2004
J. Helbing, (dir.), Islamophobia in the West. Measuring and Explaining Individual Attitudes, Londres, Routledge, 2012.
G. Kepel, Banlieue de la république. Société, politique et religion à Clichy-sous-bois et Montfermeil, Paris, Gallimard, 2012.
P. Lichterman, Elusive Togetherness. Church Groups Trying to Bridge America’s Divisions, Princeton, Princeton University Press, 2005.
P. Lichterman, “Religion in Public Action: From Actors to Settings”, Sociological Theory, 30 (1), 2012, p. 15-36.
G. Michelat, M. Simon, Classe, religion et comportements politiques, Paris, Presses de la FNSP, 1977.
O’Miel, J., Talpin, J., « Se discuter l’espace. Comment les pratiques participatives toscanes structurent la controverse autour de la localisation d’une mosquée à Florence », communication au colloque « s’engager dans les espaces publics », Paris, CERI, 4-5 avril 2012.
R. Putnam, Making democracy work, Cambridge, Cambridge University Press, 1993.
A. Réa, “Les comportements électoraux des minorities ethniques à Bruxelles”, RFSP, 60(4), 2010.
J. Scott, La domination et les arts de la résistance, Paris, Editions Amsterdam, 2010 [1990].
A. Sinno, (ed) (2008) Muslims in Western Politics Bloomington, IN: Indiana University Press.
J. Stavo-Debauge, « Prendre position contre l’usage de catégories “ethniques” dans la statistique publique. Le sens commun constructiviste, une manière de se figurer un danger politique », in Pascale Laborier, Danny Trom (dir.), Historicités de l’action publique, Paris, PUF, 2003, p. 293-327.
Edward P. Thompson, 1988. La formation de la classe ouvrière anglaise. Paris, Gallimard, Seuil
C. Torrekens, L’islam à Bruxelles, Ed. de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2009.
S. Verba, K.H. Scholzman, G. Brady, Voice and equality. Civic voluntarism in American Politics, Cambridge: Harvard University Press, 1995.
M. Vannetzel, « Les voies silencieuses de la contestation : les Frères musulmans égyptiens, entre clientèlisme et citoyenneté alternative », Raisons politiques 1/2008 (n° 29), p. 23-37.
R. Wuthnow, Saving America ? Faith based services and the future of civil society, Princeton, Princeton University Press, 2004.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Session 2 : 10 juillet 2013 14h-16h45

Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle J S09


Programme

Axe 1 / Rapport au politique et pratiques électorales : ce que pèse la variable religieuse

Discutant : Patrick Simon (INED / CEE)

Axe 2 / Engagement associatif, action collective et politisation des musulmans

Discutant : Franck Frégosi (Université de Strasbourg / DRES)


Résumés des contributions

David Gouard (Université Montpellier 1, CEPEL UMR 5112)

Le rapport à la politique des musulmans dans l’ancienne banlieue rouge
 
À partir des années 1950, la banlieue industrielle de Paris a accueilli un flux croissant de travailleurs immigrés en provenance du Maghreb. Dans le cadre de la politique de regroupement familial débutée dans les années 1970, de nombreuses familles arabes se sont installées dans les habitats HLM ouvriers. De fait, il y a aujourd’hui une forte concentration de familles de confession ou de culture musulmane dans plusieurs quartiers populaires des villes communistes constitutive de l’ancienne banlieue rouge.
Cette communication vise à interroger les formes de participation politique des populations musulmanes et, plus globalement, la constitution de leur rapport à la politique dans ce type de territoire dominé par le PCF. L’investigation s’est portée sur le quartier populaire Youri Gagarine à Ivry-sur-Seine, bastion communiste depuis les années 1920. Depuis trente ans, le renouvellement générationnel s’y est doublé d’un renouvellement ethnique.
Malgré une sympathie pour la gauche, ces populations apportent un soutien faible aux représentants communistes. Le caractère musulman n’est qu’un élément d’une identité ressentie comme stigmatisée, en tant qu’« arabe », « précaire » ou « jeune de cité ». Néanmoins, dans le cadre de mouvements de contestation politique portés par de jeunes leaders, cette identité religieuse peut engendrer des processus de politisation en opposition à ce qu’il reste de l’autorité politique locale.
 
Muslim’s Political Participation in the Former Red Belt
 
Since the 1950’s, workers from north-Africa started to settle in the working-class suburbs in Paris. In the 1970’s, the policy of familial settlement, Arabian families established in the working-class housing estates. Nowadays, there are a lot of families from Muslim community or Muslim culture in several working-class areas in communist cities of the former Red Belt.
The aim of this paper is to analyze the political participations of Muslims and, more generally, their relation with politic in this type of territory which still to be dominated by the French Communist Party. My survey focused the Yuri Gagarin area in Ivry-sur-Seine, communist bastion since the 1920’s. For thirty years, in this area the renewal of generations contributed to ethnic transformations.
Despite their alignment for the left-wing, their support for the communist candidates is limited. The Muslim dimension is just one of their identity felt as a stigmatized identity as “Arabian”, “poor” or “offender”. Nevertheless, through political protests encouraged by young leaders, this religious identity can cause politicization process in opposition of the former political authority at the local scale.


Marie-Claire Willems (Université Paris X, Laboratoire Sophiapol)

Etre « musulman » et « patriote » : Un engagement politique et religieux
 
Nombres de productions autant scientifiques que médiatiques posent de manière antagoniste l’identité nationale et celle de « musulman ». Pourtant, la revendication patriotique émerge chez des individus, ou des groupes, se considérant à la fois comme « musulmans » et « patriotes ». Le cadre national est alors compris comme un espace propice à l’islam permettant l’épanouissement de valeurs considérées comme patriotiques et islamiques : la solidarité, le droit, le type de gouvernance ou encore le réinvestissement du triptyque « travail, famille, patrie ». De ce fait, le « musulman » devient inexorablement défenseur de la France, de son identité, de son histoire, de ses symboles voire de son terroir. Toutefois, cet engagement patriotique se manifeste également par le rejet du libéralisme économique et social comme celui de la mondialisation et ce, au profit du souverainisme. S’il n’existe aucune prescription religieuse permettant de se positionner sur l’échiquier politique français ; être « musulman » et « patriote » mène à l’engagement, par choix ou par dépit, en faveur de partis considérés généralement à droite et à l’extrême droite tels que « Debout La République » ou encore le « Front National ». Cette revendication politique vient tout autant conforter un positionnement en faveur de l’arrêt de l’immigration, tout en nuançant l’usage du concept d’islamophobie et revendiquant le processus d’acculturation comme une étape indispensable au vécu à la fois « patriotique » et « musulman » en France.

Being A “Moslem” and A “Patriot”: A political and religious commitment

Many scientific and media publications adversely contrast national identity and “Moslem” identity. However, a claim of patriotism is emerging among individuals or groups that consider themselves as being both “Moslem” and “patriotic”. In this case, the national framework is seen as lending itself to Islam by allowing the blossoming of values considered as both patriotic and Islamic - solidarity, law, the type of governance or renewed support for the “work, family, fatherland” triplet. Hence, the “Moslem” undeniably becomes a defender of France, upholding its identity, its history, its symbols and its very being. Yet this patriotic commitment is also reflected in the rejection of economic and social liberalism and globalization in favour of autonomy. Although there is no religious barrier to taking a position on the French political arena, being “Moslem” and “patriotic” often leads, by choice or in desperation, to support for parties generally considered to stand on the right or far right wing such as “Debout La République” or “Front National”. This political claim consolidates a position in favour of stopping immigration, while moderating the use of the concept of islamophobia and seeing the process of cultural integration as an essential stage in becoming a “patriot” and a “Moslem” in France.


Mohamed-Ali Adraou (CERI, Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, Institut Universitaire Européen de Florence / Programme Max Weber)

Le salafisme quiétiste en France : un exemple d’apolitisme militant ?
Le salafisme compte parmi les courants islamiques les plus visibles et les plus craints aujourd’hui. Comptant pourtant plusieurs tendances, dont certaines s’opposent, les rapports au politique observables auprès des adeptes de chacun d’entre eux méritent d’être différenciés. On trouve notamment l’approche quiétiste, majoritaire, qui considère comme hérétique toute politisation assumée.
Ses adeptes ne se reconnaissent pas dans la possibilité de voter ou de se positionner dans l’espace public à partir des chemins classiques du militantisme. Cette dimension est encore renforcée par la centralité de la migration salutaire (hijra)  vers les pays musulmans pour s’émanciper d’une société « impie ».
Cependant, la réalité est plus complexe. Si les logiques liées généralement aux activités politiques ne semblent pas s’appliquer à ce courant puritain, il faut néanmoins nuancer ce constat. Promouvoir une telle éthique amène à se positionner dans le champ politique. Cela nous pousse ainsi à évoquer une forme d’apolitisme militant assez proche du mode d’action et de pensée de nombreuses organisations humanitaires.
En raison d’une forme de dégoût inspiré par la politique sensée corrompre à la différence du religieux supposé purifier, comment alors conjuguer l’impératif de rappeler autrui à la morale sacrée tout en justifiant l’interdiction de l’activisme classique ? Sur quelles pratiques politiques débouche la socialisation au sein du salafisme quiétiste ? Que révèlent-elles du paysage du croire islamique et, plus largement, de l’évolution du rapport au politique dans notre société ?
 
Purist Salafism in France: an illustration of militant non-political stand?
 
Salafism is one of the most visible and feared Islamic branches today. Gathering several currents, among which some oppose to each other, followers relations with politics must be distinguished. We can especially find this the purist approach which largely predominant and sees as heretical any kind of bore politicization.
Its supporters do not recognize for instance the possibility of voting or being activist and campaigning for their purpose within the public sphere. This dimension is even reinforced by the fact that the salutary migration (hijra) towards Islamic countries in order to protect from an impious society is something central.
However, reality is much more complex. If political reasoning that is usually made do not seem to define Salafist views, we must nevertheless add touches to this assertion. Promoting such an ethical code leads believers to adopt political stands. This brings us to consider a form of activist non political character quite close to the way some relief agencies conceive their role within our society?
Because of a kind of aversion feeling for politics which is said to corrupt contrary to religion which is supposed to purify, the question therefore becomes how combining the duty to remind people of Islamic morals by the same time justifying classical activism’s prohibition? Which political behaviors are induced by socialization within Purist Salafism? What teachings can we make about Islamic believes current dynamics and, more largely, about the evolution of relations with politics in our society?

 
Etienne Pingaud (CESSP-EHESS)

 
Entrepreneurs islamiques et mobilisations de « musulmans » dans les quartiers populaires
 
A partir d’une enquête ethnographique menée dans une commune de la « ceinture rouge » parisienne, on voudrait s’intéresser ici aux agents et aux mobilisations qui contribuent à faire exister, dans l’espace local, les « musulmans » comme catégorie d’action publique et politique. Constructions de lieux de culte, viande halal dans les cantines, droit aux « mamans » accompagnant les sorties scolaires de porter le hijab… les actions de revendications axées sur l’islam se sont en effet multipliées au cours des dernières années. Dans la grande majorité des cas, elles s’appuient sur la mobilisation de ressources et de registres similaires : des évènements locaux particuliers (exclusion de lycéenne, refus de subvention municipale,…) sont retraduits en terme de discriminations faites à l’islam par des militants associatifs de terrain, bénévoles en soutien scolaire, éducateurs, professeurs d’arabe, etc. Ils cherchent à produire un sentiment d’indignation et utilisent leur « capital social » pour sensibiliser et mobiliser au nom des musulmans ainsi offensés, se muant en agents de politisation et entretenant un sentiment d’identification. En faisant exister la cause, en obligeant les interlocuteurs visés (Mairie, préfecture, directeurs d’établissement scolaire) à se saisir de la question et à y apporter une réponse, ils participent à l’inscription progressive des « musulmans » dans l’arsenal des catégories politiques légitimes.
 
Islamic entrepreneurs and « Muslims » mobilizations in suburbs
 
Based on an ethnographic exploration led on a city within the communist « red belt » around Paris, this article will focus on collective mobilizations of « Muslims » and local leaders who impulse them, contributing to the existence of  the « Muslims » as a category for public policies. The number of these mobilizations grew up in the last years, on such various themes as building of new mosques, halal meat in school restaurants, women wearing headscarves in public spaces,… In most of the cases, the activist leaders try to gather people by presenting their cause as a struggle about state discriminations  against Muslims, aiming to create anger and to increase identification around Islam. By forcing authorities to react, they are part of political legitimization of Muslims as a considered category in a secular field of action.


Julien Beaugé (CURAPP-ESS)
 
Une politique de la piété. Des musulmanes voilées face à leur statut de « paria »
 
Cette communication s’intéressera à la manière dont les musulmanes voilées peuvent réagir aux stéréotypes qui les infériorisent et aux exclusions qui les frappent. Parce qu’elles sont exclues de l’espace politique, elles espèrent en général faire changer les choses par leurs actes quotidiens. Il s’agit de donner une image exemplaire des musulmanes portant le hijab et d’agir par « en bas ». Il s’agit aussi pour les musulmans d’être meilleurs musulmans pour être « délivrés » des tourments actuels, parfois pensés comme une sorte de punition divine. Ainsi, la politique contre le voile a en quelque sorte l’effet pervers de susciter une « politique de la piété ».
 
A politics of piety. Veiled Muslims confronted to their « pariah » position
 
This presentation will focus on the way veiled Muslims can react to exclusions, discriminations and stereotypes which portray them as being inferior. Because they are excluded from political space, they generally hope to make things change by their daily acts. They want to show an exemplary image of Muslim women who wear Hijab. Muslims also wants to be better Muslims in order to be freed up from current difficulties, sometimes perceived as a kind of divine punishment. As a consequence, the political actions against the veil lead to the « pernicious effect » of a politics of piety development.

Corinne Torrekens (FNRS, Université libre de Bruxelles, GERME)

La participation et la représentation politiques des musulmans en Belgique
 
La représentation politique de candidats et d’élus ayant une origine « musulmane » est importante, proportionnellement, en Belgique et, en particulier à Bruxelles. Ceci étant, la participation politique des musulmans ne peut être uniquement appréhendée par ce biais et se développe aussi dans le cadre d’espaces infra-politiques dans lesquels les autorités locales négocient, choisissent et créent des représentants de la communauté musulmane locale. Ceux-ci peuvent à la fois collaborer mais également entrer en tension avec les « élus d’origine » issus de la démocratie représentative voire être eux-mêmes tentés d’entrer dans le jeu électoral. De plus, la question de la « diversité » fut extrêmement débattue lors des élections locales du 14 octobre 2012 amenant une série de secousses au sein de l’associatif musulman et de sa représentation politique. Certaines candidates voilées furent rejetées des listes en raison de leur voile, d’autres pas, une liste intitulée Islam obtint 3 sièges à Bruxelles sur des revendications communes (halal, voile, jours confessionnels) et se déclara post-élections pour l’introduction de la sharia en Belgique soulevant une levée de boucliers et de nouveaux débats sur l’opportunité d’introduire le concept de « laïcité » dans la Constitution belge, un think thank musulman appela au vote blanc en raison du non respect des droits fondamentaux des belges de confession musulmane, un mouvement réunissant différents acteurs musulmans lança un site internet en vue de signaler et d’enregistrer les actes islamophobes, etc. C’est l’ensemble de ces enjeux ayant tant, une fois de plus, révélés les contradictions de la société belge et fait bouger les lignes de clivages au sein de la « communauté » musulmane que je souhaite aborder dans cet exposé.
 
Political participation and representation of Muslims in Belgium
 
Elected people having a Muslim background is, proportionally, quite important in Belgium especially in Brussels. During the nineties, modifications of the Nationality Act and the introduction of ius soli “forced” Brussels localities to put an end to institutional racism that characterized the eighties and to engage into a negotiation process with “Muslim representatives”. As an important side effect, the management of local issues related to Islamic faith has gained prominence on the local policy agenda of municipalities. In order to response to certain demands of the Muslim communities and to organize the collective life, local authorities have begun to include Muslim representatives in the process of decision making. The goal of this contribution is to evaluate how this situation creates (or not) a window of opportunity for Muslims to access the political system and to give sense to their citizenship and, in return, how this has effects on Muslim leadership and identity processes. Finally, I intend to explore how these new Muslim representatives both collaborate and compete with elected political representatives of Muslim origin and to expose the results of the local elections of the 14th of October 2012 that have brought significant modifications in the Muslim field. Indeed, the “diversity” issue has been once again highly debated before and after the local elections of the 14th of October 2012. A political movement, ISLAM, has obtained two seats in Brussels and has based its program on three main claims: halal meals, holidays for Muslim pupils and the veil in public schools. These issues have revealed the incapacity of elected persons having a Muslim background to defend the fundamental rights of the Muslim community.

 
Fuchs Nathalie (Marie curie International Fellow Berkeley University/ CERI Sciences Po)
 
Croie en islam et multi engagement dans les cités

Plusieurs travaux de sociologie du militantisme religieux ont montré que la politisation des individus (Pagis 2010, Donegani 1979) pouvait résulter d’une rupture entre la sphère religieuse et la sphère politique. Or, notre enquête sur le militantisme musulman de cité en région parisienne révèle, au contraire, une continuité entre ces deux systèmes de croyances obéissant à une éthique religieuse qui valorise le militantisme. Hypothèse est faite que cette continuité recompose les voies de la politisation. L’enquête porte sur l’association Eveil fondée en 1996 au Val-Fourré (Mantes-la-Jolie), mais aussi sur les liens qu’elle entretient notamment avec d’autres organisations islamiques, et plus particulièrement avec le CMF (Collectif des Musulmans de France). Cette étude se place au niveau macro, meso et micro-sociologique en considérant les motivations individuelles qui incitent à s’engager en islam, tout en prenant en compte les caractéristiques sociologiques des enquêtés (position socio-économique, sexe, culture, âge, nationalité) mais aussi leurs croyances et pratiques, et leurs expériences sociales vécues au cours de leurs socialisations primaires et secondaires qui interagissent avec le contexte socioéconomique et politique, tant dans ses ancrages temporels que spatiaux.
 
Believe in islam and multi activism in suburbs
 
Several studies in  sociology of religious activism have shown that the politicization of individual actors (Pagis 2010, Donegani 1979) could result from a rupture between the religious sphere and the political sphere. However, our survey on Muslim activism in the Paris region reveals a continuity between these two belief systems obeying a religious ethic that promotes activism. Assumption is made that continuity reconstructs the ways of politicization. The survey focuses on the association Eveil founded in 1996 in the Val-Fourré (Mantes-la-Jolie), but also including its links with other Islamic organizations, especially with the CMF (Collectif des Musulmans de France). Macro, meso and micro sociological levels will be considered for this analysis, i.e. the individual motives and perceptions of social reality,  the beliefs and practices, their sociological characteristics (socio-economic position, gender, culture, age, nationality), but also their social experiences during their primary and secondary socialization which conduct to action, under the interaction with the socioeconomic and political context, both in its temporal than spatial anchors.

 
Alexandre Piettre (Université de Paris 7, CSPRP & Université de Lausanne, ISSRC)

L'islam (im)politique en ville. Le renouveau islamique comme support de politicité dans deux mobilisations politiques locales en Seine-Saint-Denis

A partir de deux recherches ethnographiques menées pendant plus d'un an auprès de deux mobilisations politiques locales en 2001-2002 et 2011-2012 dans deux communes de Seine-Saint-Denis, cette communication se propose d'analyser en quoi le renouveau islamique a opéré dans les deux cas comme support de politicité plutôt que comme référentiel idéologique. En effet, si ces mobilisations ont porté des revendications « identitaires », elles ont surtout pris en charge des problèmes « classiques » (citoyenneté, jeunesse, habitat, prévention de la délinquance...), au travers desquels l'enjeu est d'abord de supplanter les réseaux d'acteurs qui s'estiment légitimes dans l'espace social. En outre, dans les deux cas les acteurs islamiques mobilisés ne peuvent pas être identifiés à un courant spécifique de « l'islamisme », leur affiliation religieuse revendiquée relevant d'un bricolage personnel entre plusieurs références contradictoires (soufisme, frérisme, salafisme). La comparaison entre les deux mobilisations croisera donc une analyse processuelle et interactionniste de l'engagement militant de ces acteurs avec la façon dont les discours, les techniques et les procédures à travers lesquels ils forment leurs subjectivités pieuses acquièrent une portée politique.  De façon à montrer, avec la pragmatique, que l'échec ou la réussite de l'action collective dépend moins de leurs intentions théologico-politiques que de leur capacité à générer un public à travers leur visibilité disruptive.
 
The (im)political islam in town. The islamic renewal in two local political mobilizations in Seine-Saint-Denis
 
From two ethnographical researchs leaded during more than a year with two local political mobilizations in 2000-2011 and in 2011-2012 in two towns of Seine-Saint-Denis, this communication proposes to analyse how the islamic renewal operated in the two cases as support of politicity more than ideological system of reference. Indeed, if these mobilizations carried on claims for identity recognition, above all they took charge of « classical » problems (citizenship, youth, housing, prevention...), through which the issue is at first to supplant the actors networks who consider themselves as legitimate in the social  space. Moreover, in the two cases, the islamic actors who were mobilized can't be identified to a specific movement of « islamism », their religious affiliations being the concern of personnal bricolages between several contradictory references (sufism, muslim brotherhood, salafism). Thus, the comparison between the two mobilizations will cross a processual and interactionnist approach of political engagement of these actors, with the way which the processes of formation of their pious subjectivities take on a political dimension In order to show, with the pragmatics, that the failure or the success of collective action less depend on their theologico-political intentions than on the public generated by their disruptive visibility.


Participants

ADRAOUI Mohamed-Ali mohamedali.adraoui@sciences-po.org
BEAUGÉ Julien j.beauge@yahoo.fr
BRACONNIER Céline celine.braconnier@univ-montp1.fr
DORMAGEN Jean-Yves jean-yves.dormagen@univ-montp1.fr
FUCHS Nathalie nafuchs@wanadoo.fr
GOUARD David gouardd@yahoo.fr
O'MIEL Julien julien.omiel@gmail.com
PIETTRE Alexandre a_piettre@yahoo.fr
PINGAUD Etienne etienne.pingaud@gmail.com
PONS Vincent vpons@mit.edu
TALPIN Julien julientalpin@hotmail.com
TORREKENS Corinne corinne.torrekens@ulb.ac.be
WILLEMS Marie-Claire marie-claire.willems@u-paris10.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

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