Accueil

Inscriptions

Programme

Sessions
(CP, ST, MPP, MTED)

Evénements

Index

Partenaires

Infos pratiques
(accès, transports, hébergement)

Contacts

Congrès organisé en partenariat avec

Section Thématique 33

Affaires sexuelles, questions sexuelles, sexualités
Sex Scandals, Sexual Issues, Sexualities

Responsables

Sandrine LÉVÊQUE (Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UMR CESSP) sandrine.leveque882@orange.fr
Frédérique MATONTI (Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UMR CESSP) frederique.matonti@wanadoo.fr

Présentation scientifique Dates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Lorsqu’en mai 2011, D. Strauss-Kahn est accusé de viol sur N. Diallo, commence en France la première « affaire sexuelle » touchant un professionnel de la politique de premier plan. L’affaire bouleverse l’agenda politique et modifie les représentations médiatiques et ordinaires du viol, de la séduction et du consentement ainsi que la définition de la « vie privée » qui avaient prévalu jusque-là au sein de la société française. Par la suite, la séquence présidentielle de 2012 a conduit les partis de gauche, souvent sous l’action des associations féministes et LGBT à proposer de transformer certaines questions sexuelles (mariage pour tous, ouverture de la PMA) en politiques publiques, tandis que le début du quinquennat est marqué par la polémique à leur propos.
Scandales sexuels et questions sexuelles intéressent donc la science politique. C’est le cas des controverses, au principe de lois et de politiques publiques, les unes et les autres se déclinant selon les configurations politiques et les contextes nationaux. Faut-il ou non autoriser l’avortement et avec quels limites, pénaliser le client de prostitué-e-s, autoriser la contraception aux mineures sans contrôle parental ? Comment prévenir les violences sexuelles ? Faut-il ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe ? Doit-on et comment autoriser les réassignements de sexe ? Ces controverses sont aussi au cœur de la théorie politique notamment anglophone, parfois inspirée de Michel Foucault, théorie politique elle-même renouvelée par la pensée queer ou la critique de la pensée straight. Ces questions sont également au principe des mobilisations féministes ou à l’inverse masculinistes, des mouvements gays et lesbiens, plus récemment transgenre et intersexe, ou encore des « travailleurs du sexe ». Ensuite, la féminisation du personnel politique, le rôle pivot de la communication dans les campagnes électorales et dans l’exercice du métier politique invitent à analyser le poids des ressources corporelles dans les carrières, ainsi que les représentations sexualisées des professionnelles de la politique ou les rappels à l’ordre sexué que constituent la présence des épouses des candidats. Le début d’une série d’affaires sexuelles conduit de même à s’interroger sur d’éventuelles nouvelles exigences du métier politique. Enfin, la pratique du viol de guerre depuis la Guerre d’Espagne, quasi routinisée lors des conflits en ex-Yougoslavie, fait des questions sexuelles un objet d’interrogation pour les relations internationales.
En France, nombre de ces questions sexuelles (« amours paysannes », « tribunal de l’impuissance », « filles de noce », « manières de jouir », « viols en temps de guerre », « virginité féminine ») ont été traitées par les historiens, également promoteurs de l’histoire des femmes et de l’histoire de la virilité. La sociologie et la démographie se sont longtemps cantonnées à l’analyse de l’évolution des pratiques sexuelles — le bilan récent sur la sexualité en France publié en anglais par Nathalie Bajos et Michel Bozon en témoigne. Mais, grâce à l’importation et la progressive acclimatation des gender studies, des gays and lesbian studies, des problématiques liées à l’intersectionnalité ainsi qu’au renouvellement de la sociologie des sciences, les objets « sexe » ou « sexualité » sont au cœur de travaux récents en sciences sociales comme le montrent des thèses remarquées sur la « gaytrification » des villes, le tourisme sexuel,  le métier de pornographe.
Le vote des lois sur le PACS et sur la parité, les débats sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ont conduit à faire le constat que la France a connu dans les dix dernières années une véritable « politisation des questions sexuelles ». Alors que l’APSA dispose d’un groupe de recherche consacré à la sexualité en politique (http://www.apsanet.org/content_42186.cfm ) et qu’un numéro spécial de PS a déjà été consacré à ce thème, la science politique française est restée en retrait, à l’exception de travaux pionniers autour des « lois de l’amour », de la pédophilie, de la prostitution, de la lutte contre le SIDA, relevant des politiques publiques comme de l’étude du militantisme ou des mouvements sociaux. En 2009, une section thématique organisée par Bruno Perreau et David Paternotte avait réalisé un premier bilan de ces travaux de science politique sur « la sexualité en francophonie » signalant le rôle majeur des pionnier-es comme Janine Mossuz-Lavau, Olivier Fillieulle, Christophe Broqua, Pierre Lascoumes ou Daniel Borillo dans l’étude de ces objets (voir le bilan du congrès 2009 section thématique n°16). Au-delà des questions évoquées plus haut, certaines interrogations autour de l’orientation politique des minorités sexuelles n’ont fait l’objet que d’essais ou de débats journalistiques. Et alors que la désaffection des classes populaires pour la gauche a parfois été expliquée par la préférence supposée des think tanks pour les politiques en direction de ces mêmes minorités sexuelles, la sociologie électorale ne s’est pas encore emparée de l’hypothèse.
Les questions sexuelles et de sexualité permettront donc aux spécialistes des sous-disciplines de la science politique de partager leurs connaissances et de constituer à terme un réseau équivalent à ceux des espaces académiques étrangers notamment anglophones. Il s’agira par delà les thématiques abordées par les spécialistes des politiques publiques, de sociologie politique, de théorie politique, de relations internationales de s’interroger d’un point de vue méthodologique et épistémologique sur la spécificité ou non du traitement des questions sexuelles et de la sexualité par les sciences sociales en général et la science politique en particulier. Il s’agira aussi de montrer que ces objets ne sont pas seulement intéressants en eux-mêmes et pour eux-mêmes mais que leur étude révèle de nouveaux rapports de force et de domination (et en renforce des anciens) et d’apprécier les frontières mouvantes du champ d’intervention légitime de l’Etat et/ou des groupes sociaux mobilisés, en repensant notamment les limites respectives des espaces public et privé. Les questions sexuelles désormais au centre des débats publics sont ainsi de puissants révélateurs des logiques du champ politique et permettent de revisiter les objets classiques de notre discipline.

The DSK case is the first sex scandal in which a proeminent french politician has been indicted. As a result, the political agenda has been completely shakened and the ordinary and the mediatic representations of consent, rape and seduction as the definition of « privacy » have been modified.
Beyond this event, political science is concerned by a considerable amount of sexual issues : controversies about future public policies during the campaigns (abortion, same-sex mariage, prostitution and so on). Political theory, and particularly the northamerican, partly inspired by Michel Foucault’s theory, is often dealing with these questions. Numerous collective mobilizations (feminist, LGBT, sex-workers, masculinist) are also based upon sexualities issues. At last, the increasing role of the political communication and the feminization of political staff are leading to an analysis on how the bodily ressources, the sexualized representations of political women, the recalls of conventional « first ladies » tasks are playing a great part in political life.  
French historians were pionneers. Nowadays, sociologists and demographers, after they exclusively tackled sexual practices, have new field works about sex working or urban « gaytrification ». Because of Parity, PACS, and the coming same sex mariage law, some scientists diagnozised a « politization of sexual issues ». But unlike APSA, french political science, except when it comes to focus on some public policies and some social mobilizations, is just beginning to deal with these questions. Is there a link beetween sexuality and political orientation ? Are public policies regarding sexual minorities giving ground to the political disaffection of the working class towards leftist parties ? For the moment, only journalists and essayists are writing about these questions, among other ones.
The AFSP Congress will be the opportunity for encounters beetween representatives of different political science sub-disciplines dedicated to these studies and, further, to build a network.
 


BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Achin (C.) et alii, Sexe, genre et politique, Paris, Economica, 2007
Ballmer-Kao (T.-H), Engeli (I.) Muller (P.), Les politiques du genre, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques politiques », 2008
Bajos (N.), Bozon (M.) (eds), Sexuality in France : Practices, Gender and Health, Research coordinated by Nathalie Beltzer, Oxford, The Bardwell Press, 2012
Bereni (L.), Chauvin (S.), Jaunait (A.), Revillard (A.), Introduction aux gender studies. Manuel des études sur le genre, Bruxelles, De Boeck, 2ème édition augmentée, 2012.
Boussaguet (L.), La pédophilie, problème public. France, Belgique, Angleterre, Paris, Dalloz, 2008
Branche (R.), Virgili (F.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011
Broqua (C.), Agir pour ne pas mourir ! Act-Up, les homosexuels et le sida, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Académique », 2006.
Broqua (C.), Fillieule (O.), « Les mouvements homosexuels » in Crettiez (X.) et Sommier (S.), La France Rebelle, Paris, Michalon, 2002.
Chauncey (G.), Gay New-York. 1890-1940, Paris, Fayard, 2003 [1994]
Chauvin (S.), Jaunait (A.), Matonti (F.), (dir.) « Le Consentement sexuel », Raisons Politiques, n°46, mai 2012
Corbin (A.), Les Filles de noces. Misère sexuelle et prostitution (XIXe siècle), coll. « Champs » no 118, Paris, 1982 et L’harmonie des plaisirs. Les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement de la sexologie, Paris, Perrin, 2007
Darmon (P.), Le Tribunal de l’impuissance. Virilité et défaillances conjugales dans l’ancienne France, Paris, Seuil, « L’Univers Historique », 1979
Dorlin (E.), Sexe, genre et sexualités, Paris, PUF, coll. « Philosophie », 2008
Dworkin (A.), Pornography : Men Possessing Women, New York, Plume, 1991.
Fassin (E.), Le sexe politique. Genre et sexualité au miroir transatlantique, Paris, EHESS, 2009
Fausto-Sterling (A.), Sexing the body. Gender Politics and the construction of sexuality, New-York, Basic Books, 2000,
Flandrin (J.-L.), Les Amours paysannes. Amour et sexualité dans les campagnes de l’ancienne France XVIème-XIXème, Paris, Gallimard, coll. « Archives », 1975 [réed. « Folio », 1993]
Foucault (M.), Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard, 3 vol., 1976-1984.
Knibiehler, Histoire de la virginité, Paris, Stock, 2012
Lauretis de (T.), Théories queer et cultures populaires, [trad. Bourcier M.-H.], Paris, La Dispute, 2007.
Laqueur (T.), La fabrique du sexe, Paris, Gallimard, 1992 [1990].
Mathieu (L.), Mobilisations de prostituées, Paris, Belin, coll. Socio-histoire, 2001
Mossuz Lavau (J.), Les lois de l’amour. Les politiques de la sexualité en France de 1950 à nos jours, Paris, Payot, 2002
Muchembled (R.), L’orgasme et l’occident : une histoire du plaisir du XVIème siècle à nos jours, Paris, Seuil, 2005
Pateman (C.), Le Contrat Sexuel, Paris, La Découverte, 2011 [1988].
PS : Political Science and Politics, Symposium The State of LGBT/ Sexuality Studies in Political Science, Vol. 44, No. 1, January 2011
Roux (S.), No money, no honey. Économie intime du tourisme sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte, coll. « Genre et Sexualité », 2011.
Rubin (G.), Surveiller et jouir. Anthropologie politique du sexe, Paris, EPEL 2010.
Vigarello (G.), Histoire du viol du XVIe au XXe siècle, Paris, Seuil, 1998
Virgili (F.), La France « virile ». Des femmes tondues à la Libération, 2000, Paris, Editions Payot et Rivages, 2000


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : 9 juillet 2013 14h-16h45
Session 3 : 11 juillet 2013 15h15-18h

Voir planning général...

Lieu : Batiment J (13 rue de l'Université), salle J S10  


Programme

Afin de laisser une place la plus importante possible à la discussion, les auteur-e des papiers ne présenteront pas leur communication. Un discutant introduira la séance par une présentation des textes des différent-es auteur-es, ce qui favorisera les échanges entre les intervenant-es et la salle.

Axe 1 / Politisation et Normalisation

A / Politiser les sexualités
Discutante : Bibia Pavard (Institut Droit et Santé de l'Université Paris Descartes, Centre d'histoire de Sciences Po)

B / Normer les sexualités et les corps
Discutant : Bruno Perreau (MIT)

Axe 2 / Corps sexuels et corps politiques

A / Les corps sexués des militant-es
Discutante : Catherine Achin (Université Paris 12, CSU)

B / Le corps sexués des dominants
Discutante : Muriel Darmon (ENS CESSP)


Résumés des contributions

Caroline Muller (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes)

La sexualité des femmes, instrument de salut du corps politique ?

A la suite de la Révolution Française, les élites catholiques s’inquiètent du salut de la France, coupable d’avoir offensé Dieu par son comportement politique. A partir des années 1870, les confréries laïques vouées au Sacré Cœur se multiplient, liant explicitement la prière et le salut national. Le développement de cette spiritualité trouve un écho spécifique auprès des femmes : elles sont identifiées par la société comme les actrices de la régénération de l’humanité, ce qui leur donne un rôle essentiel au point de vue religieux : elles sont bientôt chargées du Salut des pécheurs, c’est à dire des incroyants et des révolutionnaires. Cette responsabilité s’inscrit dans leur corps selon deux logiques : la virginité consacrée, ou la maternité patriotique. La souffrance du corps est un outil de sanctification et de purification. La chasteté apparaît dès lors comme une voie d’intercession auprès de Dieu. L’intégrité physique, acquise dans la souffrance, autorise les femmes à jouer un rôle particulier dans l’expiation des péchés nationaux. Ainsi, il semblerait que la sexualité soit le lieu où s’incarne un projet politique. Le maintien de la virginité spirituelle dans le mariage, c’est à dire l’abstention de toute activité sexuelle, devient une ressource pour la rédemption de la communauté nationale. La sexualité est dès lors politique : la virginité spirituelle serait un témoignage de la lecture critique opérée par les élites catholiques sur les événements politiques du temps, mais aussi outil d’action spirituelle au service du collectif national.
 
Women’s sexuality as a tool for the political corps’ salvation?

After the French revolution, catholic elites worried about the salvation of France, a country then believed to have offended God through political behaviour. From the 1870s, lay brotherhoods devoted to the Sacré Cœur grew and explicitly linked prayer to national salvation. This developing spirituality specifically struck a chord with women and society identified them as responsible for the regeneration of humanity. They were put in charge of sinners’ salvation, which is to say the salvation of nonbelievers and revolutionaries. This was a responsibility of the body, according to two principles: blessed virginity or patriotic maternity. Physical suffering was a tool for sanctification and purification. Chastity was regarded as a means of intercession before God. Physical integrity, acquired through suffering, allowed women to play a specific role in the atonement of national sins. Therefore it seemed sexuality was the embodiment of a political project. The upholding of spiritual virginity in marriage (total absence of any sexual activity) became a resource for the redemption of the national community. Sexuality was therefore political: spiritual virginity could be seen as a testimony of the catholic elites’ critical view of contemporary political events, but also as a lever for spiritual action in the national common interest.
 
Jean Bérard (Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, Centre de recherches historiques de l’Université Paris 8-Saint-Denis)

Le consentement des mineurs. Controverses sur la majorité sexuelle dans les mouvements militants des années 68

Pour évidente qu’elle paraisse aujourd’hui, la distinction qui sépare le registre des revendications politiques homosexuelles et des déviances criminelles pédophiles ne correspond pas à la manière dont ont été problématisées, par les mouvements des « années 68 », les enjeux liés à la majorité sexuelle. En particulier, les luttes contre la loi abrogée en 1982, ont soulevé centralement la question de la majorité sexuelle : dans les mouvements militants des années 1970, à l’occasion d’affaires judiciaires médiatisée, a été discutée la question de l’abrogation de toute majorité sexuelle et la possibilité d’avoir des relations sexuelles avec des personnes mineures. Cette contribution voudrait éclaircir les conditions de l’émergence et de la transformation des revendications liées à la modification de l’âge de la majorité sexuelle dans les débats militants homosexuels des « années 68 », et jusqu’au début des années 1980. Elle s’appuie sur des formes d’expressions militantes qui déclenchent aujourd’hui des réactions souvent virulentes : celles qui, au cours des années 1970 ont voulu politiquement mettre en discussion les relations sexuelles entre adultes et enfants et ont milité pour l’abrogation de la définition légale de la majorité sexuelle ; et celles qui, durant ces années, se sont opposées à des revendications de ce type.
 
Underage consent. Controverses on the sexual legal age in the militant movements around 1968.  

As obvious as it may seem nowadays, the difference between political homosexual demands and deviant pedophilic criminal behaviour doesn’t match how the issues related to the age of consent were problematized by post-68 movements.  In particular, the struggle against the law abrogated in 1982, brought under the spotlight the issue of the age of consent.  Indeed, in the seventies' militant movements, on the occasion of intensely publicized court affairs, the abrogation of the age of consent as well as the possibility of having sexual intercourse with underage persons were discussed. This contribution aims at elucidating  how the debate connected with an alteration of the age of consent  arose and evolved among gay activists from 1968 until the beginning of the eighties. This account relies essentially on two kinds of militant manifestations which today often trigger violent reactions :  on the one hand, those emanating from militants which wanted to challenge in the political arena the mainstream views on sexual intercourse between adults and children and campaigned thereby for the abrogation of the legal definition of the age of consent ;  and on the other hand, those stemming from the movements opposing those views.

Lucile Ruault (CERAPS/Lille 2)

Politiser l’avortement par la mise en images et en mots des corps : l’exemple des formes d’action mobilisées par le MLAC lors du « procès d’Aix » (1976-77)

L’histoire de l’avortement est emblématique de l’emprise étatique sur les corps et les conduites sexuelles des femmes. Pourtant, la reconnaissance des implications politiques de cette problématique ne va pas de soi. Le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception occupe une place fondamentale dans le processus de publicisation et légitimation de thèmes communément pensés comme privés.
Ériger en problèmes publics les questions (non-)reproductives, le « pouvoir médical », l’ordre sexuel et conjugal, nécessite des stratégies de requalification variées ; nous nous proposons de les éclairer à travers le répertoire d’action singulier mobilisé lors du « procès d’Aix » en 1977 (six militantes comparaissant pour exercice illégal de la médecine) qui symbolise l’ultime séquence fédératrice de ce mouvement contestataire. À partir d’un terrain en cours associant archives et entretiens auprès de militant.e.s du MLAC, il s’agit d’étudier la conquête collective de modalités de politisation par des femmes sur des revendications scandaleuses, inaudibles et illégitimes au regard du monopole masculin de la parole publique. Cet engagement discursif et pratique dans l’espace public sollicite des registres festifs, pédagogiques et symboliques opérant un détournement ainsi qu’une appropriation des contraintes de l’ordre judiciaire et politique.
Cette contribution à l’étude des pratiques des mouvements sociaux sexués tente ainsi de mettre le modèle dominant de la participation politique à l’épreuve d’une perspective de genre.
 
Politicizing abortion by putting into pictures and words: the case of the MLAC’s forms of collective actions during the “procès d’Aix” (1976-77)

The history of abortion is emblematic of the State’s hold on women’s bodies and sexual behaviors. However, acknowledging the political implications of this issue is not obvious. The MLAC (the Movement for the Liberation of Abortion and Contraception) occupies a prominent place in the publicizing and legitimization process of topics usually regarded as private.
Bringing sexual and (non-)reproductive questions, “medical power”, sexual and marital order into the political foreground requires militant strategies of requalification; we set out to explore them through the unusual repertoire of collective action used during the “Aix trial” in 1977 (six militants of the MLAC charged with unauthorized practice of medicine) which symbolizes the ultimate federative sequence of this contestation movement. Based on fieldwork in progress that combines the analysis of archives and interviews with some MLAC activists, this presentation examines the collective conquest of different means of politicization by women so as to make scandalous, inaudible and illegitimate claims with regard to the masculine monopoly of public speech. This discursive and practical engagement in public space relies on festive, instructive and symbolic registers which allow a diversion along with an appropriation of judicial and political constraints.
This contribution to the analysis of gendered social movements’ practices thus tries to put the dominant model of political participation to the test by gender perspectives.


Alexandre Jaunait (Université de Poitiers)

La transidentité, la médecine et l’État : l’élaboration d’une pensée institutionnelle du genre

Cette communication abordera l’historicité de la question du genre à travers la double problématique transsexuelle/transgenre qui a acquis une visibilité accrue en France depuis les vingt dernières années, autour de trois arènes distinctes : celle des mouvements sociaux Trans, celle de la sphère médico-psychiatrique et celle du droit. L’inscription de la question trans dans le contexte de ses évolutions historiques permettra de mieux comprendre la façon dont le législateur propose aujourd’hui d’introduire la notion de genre dans le droit français au travers de l’analyse des débats parlementaires menés, depuis décembre 2012, relativement à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l’état civil. Cette communication examinera le paradoxe de cette introduction de la notion de genre dans le droit en soulignant la façon dont celle-ci « dé-réalise » ce qu’elle prétend décrire : l’identité de sexe.
 
Transidentity, Medicine and the State: the Development of an Institutional Thought of Gender

This paper will deal with the historicity of gender through the double issue of transsexuals and transgenders which gained considerable visibility in France in the last twenty years, in particular in three different arenas: the Trans social movements, the medical and psychiatric field, and law. Analyzing the Trans issue in the evolution of its historical contexts will allow us to understand the way the French legislator proposes ton introduce the concept of gender in French law. To do so, we will analyze the parliamentary debates which have been held since December 2012 regarding the simplification of the procedure of sex change in the civil status certificate. This paper intends to examine the paradox of this introduction of the concept of gender in the law, by underlining the way it « de-realizes » what it pretends to describe: sex identity.

Anne Verjus (Triangle (UMR 5206), Université de Lyon)

L’asymétrie des sexualités au XVIIIème siècle : désir des hommes et travail des femmes ?

La deuxième moitié du XVIIIème siècle est considérée comme une époque de basculement dans l’histoire de la sexualité. C’est le moment où une forme de désexualisation des femmes se met en place : elles sont redéfinies comme nourricières et aimantes, sans besoins sexuels, pures moralement, désintéressées et sans appétit sexuel.
L’intérêt pour l’histoire des sexualités se développe depuis une vingtaine d’années. L’accent ayant été placé sur l’évolution des normes et des représentations, on sait peu de choses des pratiques. Notamment, de la manière dont les femmes ont vécu cette asymétrie des libertés sexuelles. Et ce, malgré l’attention croissante portée aux écrits du for privé.
Je m’attacherai, dans cette communication, à explorer cette asymétrie en m’appuyant sur la correspondance intime d’une famille lyonnaise entre 1759 et 1807. Sur trois générations, des hommes et des femmes s’expriment à mots plus ou moins couverts sur la sexualité, la leur ou celle des autres : que ce soit pour détourner son fils du « monstre » de la masturbation ; pour inviter son épouse à la « complaisance » ; se réjouir de l’apparent bonheur sexuel de sa fille ; ou encore, pour minimiser l’adultère masculin. Dans ces discours, je chercherai à situer les mots dans leur contexte historique, culturel et familial et à décrire les conditions d’énonciation afin de comprendre, au plus près des situations personnelles et des enjeux matériels, la mise en place, le vécu et la transmission de cette asymétrie des sexualités.
 
Unequal sexualities in late eighteenth-century France: male desire and female duty?

The second half of the eighteenth century is considered as marking a turning point in the history of sexuality.  It was in this period that the conception of women as de-sexualised beings made its appearance, as they were progressively redefined as nurturers and companions for their men-folk; the selfless embodiment of moral purity, and devoid of any sexual needs or appetites.
This question began to interest historians of sexuality some twenty years ago. Existing research has tended to concentrate, however, on the development of norms and representations; much less is known about the practices and attitudes of real women. In particular, despite the growing interest in personal records of the period (diaries, letters, journals, etc.), it remains unclear just how women experienced the constraints placed on their sexual freedom.  
This paper will seek to explore the nature of these sexual constraints, drawing on the personal correspondence of a family from the French city of Lyons, covering the period 1759-1807.  Over a period of three generations, male and female family members wrote, often elliptically, about sex and sexuality, their own and that of others. Subjects raised included the attempt to wean their son off the “monstrous” vice of masturbation, a wife’s sexual “duties”, the shared pleasure in a daughter’s apparent sexual fulfilment, or again the issue of how to minimise male adultery. In this paper, emphasis will be placed on situating these texts in the broader historical and cultural context of the period, paying attention at the same time to the particular circumstances of this family, both material and affective. The result, it is hoped, will give us a clearer understanding of the construction, experience and transmission of this unequal conception of sexual freedom in eighteenth-century France.  


Clyde Plumauzille (Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, EA 127 / Institut d’Histoire de la Révolution française)

La « dépénalisation silencieuse » de la prostitution : contrôle policier et administration des filles publiques au tournant du XIXe siècle (1789-1799)

La période révolutionnaire constitue une étape essentielle pour saisir l’institutionnalisation des maisons de tolérance au XIXe siècle. Celle-ci contribue à une « dépénalisation silencieuse » de la prostitution en plaçant les filles publiques littéralement « en dehors de la loi », mais sous l’étroit contrôle de l’appareil policier. L’absence d’une véritable politique de la prostitution au niveau étatique invite ainsi à développer une analyse sociohistorique du contrôle policier de la prostitution afin de saisir « par le bas » les nouveaux cadres de régulation qu’il élabore.
Plusieurs échelles d’analyse seront mobilisées : celle de la rue, à travers les procès-verbaux des commissaire du quartier du Palais-Royal alors haut lieu du commerce sexuel ; au niveau de la capitale, les rapports quotidiens du Bureau central, ancêtre de la préfecture, qui procède à une mise en statistique et un traitement comptable de la prostitution adressés aux ministères de la Police et de la Justice ; enfin, les directives ponctuelles de ces derniers qui produisent pragmatiquement un nouveau régime de droit pour les prostituées.
Questionner ce traitement de la prostitution permettra d’éclairer sous un nouveau jour les normes sexuelles à l’œuvre dans la redéfinition des cadres politiques et sociaux du régime républicain inauguré par la Révolution française et reviendra sur les étapes de la mise en administration de la sexualité vénale par l’État français au tournant du XIXe siècle.
 
The « silent decriminalization » of prostitution: police control and administration of prostitutes at the turn of the nineteenth century (1789-1799)

The Revolutionary era is a critical step towards the institutionalization of brothels in nineteenth century France. It contributes to a « silent decriminalization » of prostitution by placing prostitutes literally « outside the law », but strictly supervised by the police. This lack of a real state level policy of prostitution therefor calls on a socio-historical analysis of the policing of prostitution in order to seize the new regulatory frameworks it develops “from below”.
Several levels of analysis will be mobilized: the street-level, through the minutes of the Commissioner of the commissioner of the Palais-Royal, a high place of sex trade in the capital; the city-level with the daily reports of the Bureau central, the ancestor of the Préfecture de police, which provide an accounting presentation of prostitution for the departments of Police and Justice; and finally, through those institutions and their pragmatic legal regime of prostitution, the state-level.
Questioning this handling of prostitution will shed a new light on sexual norms at work in redefining the political and social frameworks of the republican regime inaugurated by the French Revolution, and will investigate the process of fabricating an administration of prostitution.


Anaïs Bohuon (UFR STAPS Paris Sud)

Sport et discriminations de genre, de classe et de race : l’exemple du « test de féminité »

Cette communication vise à analyser d’un point de vue socio-historique les tests de féminité, des contrôles médicaux instaurés dès 1966, visant à empêcher les hommes de concourir au sein des compétitions internationales féminines. Certaines sportives font l’objet d’un véritable procès de virilisation en raison de morphologies et de records jugés trop masculins. Face à ces athlètes qui bouleversent la représentation d’une construction binaire entre le sexe masculin et le sexe féminin, le monde sportif tente de maintenir une bicatégorisation sexuée inhérente à la logique interne de principe de compétitions.
Cette communication a pour ambition de revisiter l’histoire sociale et politique des « contrôles de féminité » et de montrer en quoi ils constituent un véritable dispositif de domination, afin d’appréhender la naturalisation du pouvoir et les rapports de domination qui s’y jouent.
Je reviendrai plus précisément sur la suppression « symbolique » du test depuis 2000. Dorénavant, les autorités s’appuient uniquement sur une appréciation esthétique et visuelle des corps féminins et elles n’appliquent plus le test, de façon systématique et obligatoire. Ce changement est à l’origine d’une actualité sportive brûlante, marquée par la suspension de la Sud-Africaine Caster Semenya. Cette affaire révèle la frontière mouvante subjectivement tracée entre le masculin et le féminin, encore plus floue quand les « marqueurs de la race et de la classe » interfèrent avec les « marqueurs du sexe ».
 
Sport and gender, class and race discriminations : the case of « femininity tests »

This communication aims to analyze femininity tests from a socio-historical point of view. These medical controls, established as of 1966, aim to prevent men from competing in female international competitions. Some female athletes are put through a masculinization trial, because of morphologies and records judged as too masculine. Facing these athletes who disrupt the representation of a binary construction between the male sex and the female sex, sports institutions attempt to maintain a sexed bi-categorization inherent to the internal logics of the principle of competitions.
This communication aims at revisiting the social and political history of “femininity controls” and showing to what extent  they constitute a real domination device, in order to comprehend the naturalization of power and the relations of domination that are at stake.
More precisely, I will present the “symbolic” suppression of the test since 2000. Thereafter, authorities only rely on an esthetic and visual assessment of female bodies and no longer use the test in a systematic and obligatory fashion. This change is at the origins of current sports news, marked by the suspension of the South-African athlete Caster Semenya. This affair reveals the moving boundary subjectively traced between the masculine and the feminine, which become all the more blurred when the “race and class markers” interfere with the “sex markers”.

 
Aurore Le Mat (Université de Lille 2, CERAPS)

Quand la sexualité des « jeunes » devient un enjeu de santé publique : le cas des programmes de lutte contre l'homophobie et de lutte contre la pornographie en milieu scolaire.

L'éducation sexuelle des élèves fait partie depuis 1973 des missions officielles de l'Éducation nationale. C'est au cours de la dernière décennie que la lutte contre l'homophobie et la « protection des jeunes » vis-à-vis de la pornographie ont rejoint les objectifs plus traditionnels de santé publique, de prévention et de réduction des risques. Malgré l'apparente diversité des enjeux définis par le ministère de l'Éducation nationale, il semble que tous les « problèmes » identifiés s'inscrivent dans une problématique commune, celle de la santé sexuelle. Cette communication propose de se concentrer sur deux thématiques qui ne relèvent pas a priori du domaine de l'action sanitaire – la lutte contre l'homophobie et la lutte contre la pornographie – afin de montrer comment, sur des sujets considérés comme controversés, la santé sexuelle est apparue comme un langage et un champ d'intervention consensuel pour légitimer l'intervention étatique. Cette hypothèse d'une « sanitarisation » des enjeux relatifs à la sexualité sera étudiée en mobilisant une sociologie des controverses afin de voir comment des problèmes publics relatifs à la sexualité font l'objet de luttes et de rapports de force à l'intérieur des institutions comme à l'extérieur. Ce cadre théorique nous semble en effet pertinent pour saisir les enjeux de lutte qui structurent une action publique où la frontière entre sphère privée et sphère publique est sans cesse re-discutée.
 
When sexuality among young people becomes a matter of public health: Cases of anti-homophobia programs and anti-pornography programs within French educational policy.

Sex education among French pupils has been an official goal of the Ministry of Education since 1973. It has been during the last decade that the struggle against homophobia and “the protection of young people” from pornography has re-joined the more traditional elements within public health, namely prevention and risk reduction. In spite of the apparent diversity at stake defined by the Ministry of Education, it seems that all the identified "problems" are categorized in a similar way; those of sexual health concerns. This paper will focus on two themes which don't belong, a priori, to the public health field – the struggle against both homophobia and pornography. It aims at demonstrating how sexual health has appeared as an entry point to establish a consensus over these two controversial issues and has legitimized state intervention. The sociology of controversies will be mobilized to see how public problems linked with sexuality are at the centre of the struggles within and outside these institutions. This theoretical framework is relevant to analyse a public action where the boundaries that separate the public from the private are constantly in question.
 
Laurent Gayer (CNRS-CERI, Paris)

Faire l’amour et la guerre : le problème des « relations physiques » au sein de l’Armée de libération populaire du Népal (PLA)

De 1996 à 2006, le Népal a été le théâtre d’une « guerre populaire » animée par un parti maoïste militarisé. Comme la plupart des groupes armés maoïstes apparus dans le sous-continent indien depuis les années 1960, l’Armée de libération populaire (PLA) – la branche armée du Parti communiste népalais (maoïste) (CPN [M]) – a ouvert ses rangs aux jeunes gens des deux sexes. Cette mixité sexuelle et sociale (le brassage des castes et groupes ethniques s’ajoutant à celui des sexes) était encouragée par la direction maoïste, en particulier par ses cadres féminines au nom d’un « féminisme martial » défendant le droit à la guerre des jeunes Népalaises. Cette revendication portée par les cadres féminines du mouvement s’est accompagnée de celle d’un droit à l’amour, en rupture avec les pratiques conjugales dominantes (mariage arrangé et dans certains groupes ethniques mariage d’enfants). Les théoriciennes du « féminisme martial » maoïste partagent cependant les inquiétudes de leurs camarades masculins quant aux risques de dérive libidinale de leur mouvement : la révolution sexuelle ne doit pas se faire aux dépens de la révolution tout court. En réponse à ce qu’ils qualifient de problème des « relations physiques » (śaririk sambamdh), les maoïstes népalais ont alors développé une « méthode scientifique » et un appareil répressif chargé de réprimer les pratiques déviantes. C’est à cette méthode fortement hétéronormée, résumée par la formule maoïste « amour-mariage-sexe », que l’on s’intéressera ici, à partir de l’analyse d’un corpus de textes maoïstes (articles ou interviews de cadres masculins et féminins publiés dans la presse du parti) complétée par une série d’entretiens avec les théoriciennes du « féminisme martial » du mouvement ainsi qu’avec une trentaine de combattants et combattantes dans plusieurs camps de la PLA en novembre 2010.
 
Make Love and War: the Problem of “Physical Relations” in the People’s Liberation Army of Nepal (PLA)

Between 1996 and 2006, Nepal was confronted with a « People’s War » led by a militarized Maoist party. In conformity with most Maoist groups that emerged in the Indian subcontinent from the late 1960s onwards, the People’s Liberation Army (PLA) – the armed wing of the Communist Party of Nepal (Maoist) – opened its ranks to male and female recruits. The leadership of the CPN (M) actively promoted the recruitment of young women into the PLA, a policy which was endorsed by the female cadres of the Maoist movement in the name of a “martial feminism” that claimed simultaneously a right to love and a right to wage war for young Nepali women. However, these women cadres shared the anxieties of their male comrades regarding the risk of libidinal withdrawal of female recruits, as marriage, pregnancy and motherhood were considered to be detrimental to the full political commitment of individual recruits. In order to counter this problem of “physical relations” (śaririk sambamdh), the Maoist leadership designed a “scientific method”, which was summed up in the formula “love-marriage-sex” and which was supplemented by a set of disciplinary practices and punishments against deviant sexual behavior. It is this method and this disciplinary apparatus that constitutes the main focus of this contribution, on the basis of a corpus of Maoist texts supplemented by a series of interviews conducted with male and female cadres of the PLA in November 2010.

Mathieu Trachman (IRIS / EHESS), Colin Giraud (Université Nanterre Paris Ouest / Sophiapol, Centre Max Weber)

Occultation des classes populaires et normalisation de l’homosexualité ? Gayfriendliness et gaytrification à Paris

Les luttes en faveurs des homosexuels font l’objet de contestations. Certains dénoncent la valorisation des questions sexuelles, « sociétales », au détriment des questions de classe, « sociales » ; d’autres soulignent que cette revendication des droits relève d’une normalisation de l’homosexualité, blanche, masculine, de classe moyenne et supérieure. Deux enquêtes, l’une sur les populations homosexuelles masculines habitant dans le Marais à Paris, l’autre sur les populations hétérosexuelles des quartiers gays, permettent de donner à ces questionnements une assise empirique et de questionner les impensés de ces problématisations. L’analyse de la gaytrification montre que si les rapports au quartier de ces habitants peuvent se comprendre comme des rapports classiques de citadins fortement dotés en capitaux économiques et culturels, l’homosexualité colore spécifiquement ces rapports au quartier et la place qu’il occupe dans leurs parcours. La sociologie de la gayfriendliness établit que la tolérance n’est pas sans contrepartie, la revendication d’une proximité spatiale et symbolique vis-à-vis des gays n’empêchant pas la définition de la bonne homosexualité. La promotion des questions sexuelles ne justifie pas la reproduction des rapports de classe, de genre et de race, mais participe d’une recomposition des rapports de domination.
 
Gayfriendliness and gaytrification in Paris

Gay right movements have been contested. Some people consider that sexual and gay issues tend to occult “social class” issues, some other people underline that gay liberation has only concerned gay men, white and upper class people. Based on two empirical researches, this paper will discuss these points in Paris’ gay neighbourhood, le Marais. On one hand, gay men who moved there and became inhabitant of le Marais have specific lifestyles: they can be described as usual gentrifiers from upper class (ways of life, tastes, attitudes), but, at the same time, being gay has many effects on how they invest and live in that neighbourhood. On the other hand, in that kind of urban space, tolerance for gay people is clear but also kept under control. Straight inhabitants interviewed in that research insist on their open-minded attitudes towards homosexuality but especially towards a “good homosexuality”. In that case, we can describe how they define this “homosexuality”.    
 
Vanessa Jérome (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CESSP)
 
(In)égalités des droits et questions sexuelles chez les Verts français

Historiquement, les Verts se sont engagés pour l’égalité des droits civils et civiques sans distinction de genre, de race, de classe, ou de territoire. De prime abord, ils passent pour être un paradis de l’égalité des droits entre les sexes et les genres, de l’ouverture d’esprit et du respect des différences et des orientations sexuelles. Il faut connaître les Verts depuis longtemps, et de près, pour s’entendre compter les adultères des uns et les histoires d’amour des autres, pour que se révèlent le harcèlement moral sur épouse, les violences conjugales commises par tel parlementaire et les plaintes pour harcèlement sexuel, finalement retirées, contre telle figure masculine du parti. Les affaires sexuelles et le sexisme, chez les Verts, existent bel et bien, tout comme dans n’importe quel autre parti politique, moins exemplaire en matière de parité électorale. Mais ici peut-être moins qu’ailleurs, ils ne se disent. Pour préserver la façade institutionnelle du parti et pour rendre hommage aux militants sincères et vigilants de l’égalité des droits et des statuts, les violences sont cachées, parfois même, forcloses. Les découvrir permet de prendre conscience de la réalité pratique et des limites de leurs engagements en matière d’égalité des droits. Les analyser permet de rendre compte de la pluralité des figures du genre et du féminisme que les Verts ont, consciemment ou à leur insu, et au-delà de leurs prises de position officielles, porté ou reproduit dans le champ de la compétition politique.

(In)equality of rights and sexual questions in the french green party

Historically, the Greens are committed to equal civil and political rights without distinction of gender, race, class, or territory. At first glance, they are said to be a paradise of equality of rights between the sexes and genders, openness and respect for differences and sexual orientation. You need to have known the Greens for a long time and from the inside, to hear from adulterers and conversely, love stories to discover moral harassment, domestic violence committed by this or the other member and complaints of sexual harassment, which are finally withdrawn, against this or that male party’s figurehead. Sexual matters and sexism in the Greens do exist, just like in any other political party, however they are less than an example in terms of voter cross-sections. However, here perhaps more than elsewhere, it is not spoken about. To preserve the institutional façade of the party and to pay tribute to loyal militants of equal rights and status, violence is hidden, sometimes even foreclosed. Discovery raises awareness of the practical realities and limitations of their commitments to equal rights. Analysis allows to account for the plurality of figures of gender and feminism that the Greens have, consciously or unconsciously, and beyond their official pronouncements, shown or reproduced in the field of political competition.
 
Alexandra Oeser (Université Paris Ouest), Fanny Tourraille (LaSSP-IEP Toulouse)
 
Représentations et pratiques sexuelles genrées et mobilisation politique

Dans la continuité des mouvements homosexuels, transgenre, ou encore queer qui ont sorti les pratiques sexuelles minoritaires de l'ordre du privé pour en faire un objet de revendication politique et tenter de les « normaliser », les LGBTQI studies ont travaillé à mettre en lumière la centralité des questions sexuelles dans l'analyse des phénomènes politiques. Dans cette communication, il s’agira de s’inspirer de ces travaux sur le caractère politique de la sexualité pour élargir la réflexion aux pratiques majoritaires, hétérosexuelles. A travers l'étude de mobilisations, les pratiques hétérosexuelles seront envisagées comme pratiques potentiellement politiques pouvant constituer une ressource et/ou un handicap genré pour l’engagement politique. Si certaines mobilisations collectives tentent de faire advenir les questions sexuelles dans l'espace public, d'autres tendent au contraire à refouler à l'arrière-plan des impensés de la domination aussi bien les catégories genrées sur lesquelles se structure la lutte que les rôles sexuels attachés à ces catégories.
 
Gendered sexual representations and practices and political mobilization

In the continuity of homosexual, transgender or queer mouvements, which have taken minority sexual practices out of the private sphere in order to transform them into objects of political claims and trying to normalize them, the LGBTQI studies have put light on the centrality of sexual questions for the analysis of political phenomena. In this paper, we will take our inspiration on the works of the political character of sexuality to enlarge it to majority, heterosexual practices. Through the study of mobilizations, heterosexual practices will be looked at as potentially political; they can be a resource and/or a handicap to political engagement. If some mobilizations try to bring sexual questions onto the political arena, others will on the contrary neglect them; they thus constitute the black box of processes of domination which take place during social movements. Gendered categories structure not only the organization of social movements, but also the sexual roles taken within/during the political fight.

Lucie Bargel (Université de Nice, ERMES et CESSP), Éric Fassin (Université Paris-VIII, IRIS), Stéphane Latté (Université de Haute Alsace, SAGE)

Liaisons illégitimes.  Les « explications » de la réussite politique

Peut-on, doit-on solliciter des éléments de la « vie privée » pour rendre compte de la « vie publique » ? L’impératif déontologique s’oppose-t-il à l’exigence scientifique ? Si depuis l’élection présidentielle de 2007 la question est d’actualité au niveau national, pendant les 8 années d’une enquête de terrain menée auprès de l’équipe municipale d’une ville moyenne dès 2001, nous avons été confrontés à des rumeurs et des confidences relatives à la sexualité de nos enquêté(e)s. Ces « révélations » se sont plus particulièrement portées sur deux nouvelles élues paritaires qui ont connu des trajectoires ascendantes d’une rapidité d’autant plus improbable qu’il s’agissait de femmes jeunes, liées aux quartiers populaires et issues des « minorités visibles ». Or leur ascension politique était imputée aux relations amoureuses qu’elles auraient entretenues avec des hommes mieux dotés qu’elles en capital politique : la réussite politique s’expliquerait par les succès sexuels. Prendre pour objet ces discours, ce n’est pas les considérer comme des informations sur la vérité du sexe politique, mais plutôt s’en saisir comme un révélateur du fonctionnement des sociabilités politiques locales, comme un indicateur des frontières de l’entre-soi municipal, bref, comme un analyseur des rapports sociaux de sexe en contexte paritaire. Car, à l’instar du genre selon l’historienne Joan W. Scott, la sexualité doit être appréhendée comme « une façon première de signifier les rapports de pouvoir ».
 
Extramarital Affairs as “Explanations” of Political Success

Can, should political sociology deal with “private life” in order to account for “public life”? Is there a contradiction between the respective requirements of deontology and science? While at the national level, this issue has become news starting with the 2007 presidential election, at the local level, following the 2001 implementation of parité laws, during eight years of fieldwork among elected officials in a medium-sized city, we have heard rumors and “revelations” concerning two women in particular. Both have experienced a quick rise to power, all the more unlikely for young women linked to working-class districts who belong to (so-called) “visible minorities.” In both cases, their political trajectories have been attributed locally to their alleged affairs with men better endowed politically than them: political success is thus explained in terms of sexual conquests. Making such discourses into an object of study does not entail treating them like actual information about the truth of political sex; rather, it helps understand how local political sociability functions, delineate the boundaries of in-groups in municipal life, in a word, reveal the logic of gender relations in the context of parité. Like gender according to historian Joan W. Scott, sexuality should thus be apprehended as “a primary way of signifying relationships of power.”
 
Elsa Dorlin (Université Paris VIII, Labtop)
 
Christiane Taubira/François Hollande : Après l’universalisme : le néant, le verbe et la chair

Prenant pour acquis les travaux et enquêtes antérieurs (principalement Achin/Dorlin, 2007, 2008), il s’agira de mettre à l’épreuve les outils élaborés lors de la campagne présidentielle de 2007 en proposant les résultats d’une enquête sur la production, la mise en scène et l’usage des capitaux corporels identitaires des deux présidentiables de 2012 et en s’intéressant tout particulièrement à François Hollande. Le point de départ de cet exercice de théorie politique est d’appliquer les outils utilisés traditionnellement sur les groupes et identités minorisés ou stigmatisés à la « majorité » (bourgeoise, blanche, masculine, hétérosexuelle) et à sa partie hégémonique (« le chef » de l’Etat). Dans cette perspective, il s’agit d’expérimenter une généalogie du corps du président à partir d’un double chantier : d’une part, mener une enquête sémiologique sur le corps du pouvoir (genre, sexualité, couleur, classe…) et ses métamorphoses – notamment en termes de mythologies nationales et de déclin de l’universalisme –, à partir d’une analyse des controverses et stratégies discursives (incluant bien sûr le langage corporel) des acteurs de la campagne présidentielle de 2012 et de leurs différentes tactiques d’incorporation et d’incarnation des identités partisanes ; d’autre part, de mener un examen épistémologique des catégories d’analyses critiques employées en 2007 afin d’en éprouver la pertinence (et alors même que nous sommes en présence des mêmes acteurs mais que la scénographie et le « texte » politiques sont bouleversés, notamment par « l’affaire Strauss-Kahn », à commencer par les liens conjugaux ou filiaux des couples Sarkozy/Cécilia-Carla, Hollande/Royal, Strauss-Kahn/Sinclair-Diallo, Jean-Marie/Marine Le Pen). Concernant ce second objectif, la grande partie de ce papier portera sur l’émergence d’un nouveau corps/texte, d’une nouvelle figure, celle de Christiane Taubira. Il s’agit, à travers l’analyse du parcours de Christiane Taubira et l’étude de la mise en scène et du texte de ses discours et interventions (notamment celles à l’Assemblée nationale au moment des débats sur le projet de loi sur le mariage pour tous et l’adoption), de montrer à quelles conditions l’usage de ressources et capitaux corporels identitaires déterminés en termes de genre et de couleur ont permis ici de redonner paradoxalement corps à une autre tradition de l’universalisme.
 
Christiane Taubira/François Hollande:After universalism: nothingness, spoken words and flesh

Based on the assumptions of previous works and studies (mainly Achin/Dorlin, 2007, 2008), this paper will test the tools developed during the 2007 presidential campaign by providing the findings of a study on the production, the staging and the use of corporal identity capital of the two presidential candidates in 2012, with a particular focus on François Hollande. The starting point of this exercise in political theory is to apply the tools traditionally used on the groups and identities excluded or stigmatized to the "majority" (bourgeois, white, male, heterosexual) and to its hegemonic party ("the leader" of the State). In this perspective, this entails testing a genealogy of the Presidential body from a double construction: firstly, to conduct a semiotic study of the body of power (gender, sexuality, color, class, etc.) and its metamorphoses — particularly in terms of national mythologies and the decline of universalism — from an analysis of the discursive strategies and controversies (including, of course, body language) of actors in the 2012 presidential campaign and their different tactics of incorporating and embodying partisan identities; secondly, to conduct an epistemological review of the categories of critical analysis used in 2007 in order to test its relevance (and even though we are in the presence of the same actors, the scenery and the political "text" have been upset, especially by "the Strauss-Kahn affair," — starting with the filial or conjugal relationships of the couples Sarkozy/Cécilia-Carla, Hollande/Royal, Strauss-Kahn/Sinclair-Diallo, Jean-Marie/Marine Le Pen). Regarding this second aim, the bulk of this paper will concentrate on the emergence of a new body/text and a new figure — those of Christiane Taubira. Through the analysis of Christiane Taubira’s life and the study of the staging and the text of her speeches and interventions (including those at the National Assembly during the debates surrounding the bill on marriage for all and adoption), it will be shown under what conditions the use of corporal identity resources and capital defined in terms of gender and color have allowed here to paradoxically return the body to another tradition of universalism.
 
Annik Dubied (Département de Sociologie, Université de Genève), Nicolas Hubé (Université Paris1 Panthéon-Sorbonne CESSP – UMR 8209)
 
Les célébrités comme des élites (sexuellement) irresponsables? L’affaire Polanski dans les journaux français, polonais et suisses

Si les questions sexuelles et de sexualités sont au cœur du politique, nous aimerions nous interroger sur les cas « en creux » où des affaires de sexualité échappent à une telle typification. Nous proposons une analyse d’un cas transnational impliquant une personnalité de premier plan du monde artistique (Roman Polanski), impliquée dans une « affaire de mœurs » (une relation sexuelle avec une mineure, sous l’emprise de drogues). Ce cas sera observé depuis l'arrestation de Roman Polanski au Festival de Zürich en 2009 qui a fait naître un débat virulent dans les médias de trois pays européens avec lesquels Roman Polanski a une relation : la Suisse, la France et la Pologne. Nous analyserons ce récit à travers une analyse de contenu thématique de neuf journaux dans les trois contextes nationaux. Alors que le débat sur la pédophilie est à l’agenda dans chacun de ces pays depuis une dizaine d’années, à aucun moment, les faits reprochés par le juge américain ne semblent avoir eu d’importance. Le débat se porte sur le droit, sur la figure du « génie incompris », de l’icône nationale. Dans les trois pays, le débat porte quasi exclusivement sur la légitimité de l’expulsion. Pas même le télescopage avec l’ « affaire Frédéric Mitterrand » ne viendra, en France, cadrer différemment le cas Polanski. Il ressort de l’analyse comparative des positions que nous sommes ici dans le cas d’une célébrité perçue comme une « élite irresponsable », échappant de facto au droit commun pour défendre son statut. Cette construction de l’irresponsabilité est sensible dans la manière dont les intervenants dans les médias ont de confirmer ou de contester ce statut. Au-delà des variations nationales, nous verrons que cette figure est assez identique dans les trois pays. Nous verrons que dans le cas français, l’affaire DSK ne viendra pas altérer cette construction de l’irresponsabilité
 
Celebrities as (sexually) irresponsible elites? The Polanski case in the French, Polish and Swiss newspapers.

In this paper, we analyse a transnational celebrity case study: the arrest of Roman Polański  at the Zürich Film Festival in September 2009 and the following virulent media debate from three European countries that Roman Polański has a relation with. We analyse this narrative from the day of Polański ’s arrest until his release on bail through a thematic content analysis of nine newspapers in three national contexts: French, Swiss and Polish. We are therefore able to compare coverage of this affair in three countries - as the Polish filmmaker Polański  has been arrested in Switzerland and used to live in France – as well as track down familiarity bridges, i.e. relations that very often determine the way this incident is covered. Through this comparative content analysis, we analyse the positions presented by different actors in this binary debate and the way the celebrities' "powerless elite" defends its status as well as the way the publics confirm or contest this status in three different national contexts. Interesting is that the sexual case never appears as a reason of the scandal. The scandal is always a judicial one and a protection of a “genius”. No “moral entrepreneur” has occurred to impose this dimension in the debate.


Participants

ACHIN Catherine achincat@yahoo.com
BARGEL Lucie lucie.bargel@unice.fr
BÉRARD Jean jeanberardfr@yahoo.fr
BOHUON Anaïs anaisb1981@yahoo.fr
DARMON Muriel  mdarmon@jourdan.ens.fr
DORLIN Elsa elsadorlin@gmail.com
DUBIED Annik Annik.Dubied@unige.ch
FASSIN Eric eric.fassin@gmail.com
GAYER Laurent laurent.gayer@gmail.com
GIRAUD Colin giraud.colin@gmail.com
HUBÉ Nicolas Nicolas.Hube@univ-paris1.fr
JAUNAIT Alex alexjaunait@hotmail.com
JÉRÔME Vanessa vanessa0jerome@gmail.com
LATTÉ stephane stephane.latte@gmail.com
LE MATAurore aurore.le-mat@orange.fr
LÉVÊQUE Sandrine sandrine.leveque882@orange.fr
MATONTI Frédérique frederique.matonti@wanadoo.fr
MULLER Caroline caroline.muller@ens-lyon.fr
OESER Alexandra alexandra.oeser@ens.fr
PAVARD Bibia bibiapavard@gmail.com
PERREAU Bruno bperreau@MIT.EDU
PLUMAUZILLE Clyde Marlo clyde.plumauzille@gmail.com
RUAULT Lucile lucile.ruault@yahoo.fr
TOURRAILLE Fanny fanny.tourraille@live.fr
TRACHMAN Mathieu mathieutrachman@yahoo.fr
VERJUS Anne anne.verjus@ens-lyon.fr

 

12ème Congrès de l’AFSP à Paris du 9 au 11 juillet 2013 à Sciences Po

© Copyright 2012 Association Française de Science Politique (AFSP)
27 rue Saint-Guillaume 75337 Paris Cedex 07 France
Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciences-po.fr