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Section Thématique 14

Ouvriers, mouvement syndical et mouvements sociaux de 1968 à nos jours
Workers, labor and social movements from 1968 up to the present day

Responsables

Sophie BEROUD (Lyon 2, Triangle) sophie.beroud@univ-lyon2.fr
Karel YON (Ceraps, Lille 2) karel.yon@univ-lille2.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Les ouvriers et le mouvement syndical ont été au cœur de la conflictualité sociale jusque dans les années 1970. S’ouvre ensuite une phase où les mobilisations ouvrières sont avant tout perçues comme des luttes défensives pour préserver un passé dépassé, celui du capitalisme industriel. La conflictualité sociale se porte vers de nouveaux terrains et les luttes ouvrières apparaissent comme les feux désespérés d’un monde en déclin. À la destruction des emplois répondent les menaces de destruction de l’outil de travail ou de l’environnement.
Pour convaincante qu’elle puisse spontanément apparaître, cette représentation doit être prise pour ce qu’elle est : une mise en récit. En réalité, beaucoup de luttes ouvrières sont défensives dès les années 1960 : la restructuration de l’appareil productif français se répercute déjà sur des secteurs comme les mines, le textile et les chantiers navals. Ces luttes pour l’emploi n’en sont pas moins dans le même temps perçues comme des moments importants de production d’utopies : le symbole par excellence étant la mobilisation des Lip qui contribue au rayonnement de la thématique autogestionnaire. À la fin des années 1970, quand le thème de la crise du syndicalisme se formule déjà, des groupes supposés emblématiques de « nouveaux mouvements sociaux » s’appuient sur le répertoire d’action du mouvement ouvrier. Ainsi les Associations populaires des familles, issues de la mouvance chrétienne, se rebaptisent Confédération syndicale du cadre de vie en 1977, soulignant que la lutte des classes se joue autant au travail que dans les quartiers et réclamant des conventions collectives de l’habitat et de la consommation. En 1982, des militantes féministes tentent de fonder une Confédération syndicale des femmes et s’insurgent contre le Ministère du travail qui leur refuse le statut d’organisation syndicale.
 
Dans le sillage de travaux consacrés à la généalogie de l’altermondialisme (Agrikoliansky et al., 2004) ou à l’histoire des mouvements sociaux (Pigenet et Tartakowsky, 2012), le but de cette section est d’apporter un nouvel éclairage sur la place des ouvriers dans les mouvements sociaux depuis les « années 68 » et sur les articulations entre les différentes formes d’engagement, du syndicalisme à d’autres formes d’action. Alors que l’abandon de la distinction canonique entre « anciens » et « nouveaux » mouvements sociaux semble désormais acquise, et même si les analyses contemporaines du syndicalisme et des conflits du travail n’hésitent plus à recourir aux outils théoriques de la sociologie des mouvements sociaux, l’imbrication entre les différentes formes de contestation reste peu travaillée par les politistes pour ce qui concerne le passé. Les travaux de science politique consacrés aux évolutions du mouvement ouvrier/syndical depuis les années 1970 ont surtout insisté sur les dynamiques confédérales et le rapport au champ politique national, de l’unité d’action CGT-CFDT aux vicissitudes du programme commun (Kesselman, Groux, 1984 ; Defaud, 2009). Ce sont surtout les historiens et socio-historiens qui, en privilégiant notamment les sources locales (Vigna, 2012) ou des causes spécifiques (Pitti, 2006), ont pu mettre à jour une contestation ouvrière multiforme et révéler, derrière le « mouvement ouvrier », des « ouvriers » aux attaches et aux engagements multiples. Dans une perspective généalogique, le travail de la sociologue étatsunienne Penny Lewis a fait émerger un contre-récit du mouvement contre la guerre du Vietnam aux États-Unis (Lewis, 2013). Critiquant l’image, relayée dans la littérature scientifique comme dans la culture populaire, d’un mouvement de classes moyennes intellectuelles auquel se serait opposé un mouvement syndical acquis à la guerre, elle montre qu’en réalité les ouvriers et leurs organisations ont joué un rôle important dans la contestation pacifiste et décortique les raisons de leur invisibilité.
 
Chacun à leur manière, ces travaux contribuent à déconstruire le « mouvement ouvrier », longtemps considéré comme une entité homogène, en documentant ses manifestations plurielles et contradictoires. Xavier Vigna préfère d’ailleurs parler de « centralité ouvrière » pour souligner la puissance sociologique, politique et symbolique des ouvriers dans la période post-68 (Vigna, 2007). L’étude de configurations locales, la reconstitution de trajectoires individuelles et collectives d’engagement permettent de documenter empiriquement cette centralité ouvrière autant que son délitement progressif.
 
Trois pistes peuvent ainsi être investies :
- Une première consiste à saisir la dimension symbolique de la centralité ouvrière. Dans quelle mesure le mouvement ouvrier fournit-il une grammaire de l’action collective ? Dans quelle mesure, agir collectivement dans les années 68 suppose-t-il de se définir en particulier par rapport au mouvement syndical, pas seulement contre lui, pour se différencier, mais aussi en positif, au travers de la réappropriation de ses répertoires d’action, d’organisation et de symbolisation ? De quelle manière l’inflation des discours sur la classe ouvrière contribue-t-elle à remettre en cause le monopole légitime qu’en avaient jusqu’alors le Parti communiste et la CGT ?
- La deuxième piste conduit à étudier cette centralité dans sa dimension socio-spatiale. La centralité ouvrière passe par celle des sites industriels dans la conflictualité sociale. Certaines usines constituent des lieux d’investissements militants divers (gauchistes, chrétiens, féministes…), à la fois en raison de l’attention que leur accordent des militants extérieurs et des pratiques d’ouverture qui se développent à l’occasion de nouvelles formes de conflits et d’occupations. La restitution de ces mobilisations sur un site donné permet de repérer la contribution des groupes non ouvriers à la conflictualité usinière, mais aussi la façon dont se nouent les liens entre intellectuels et ouvriers. Elle permet aussi de chercher les traces de mobilisations exclues des mémoires légitimes de la contestation : quid, par exemple, d’un féminisme ouvrier ?
- Enfin, une troisième piste porte sur la perte de centralité ouvrière dans sa dimension diachronique : travailler plus finement sur la centralité ouvrière, c’est aussi s’interroger sur les conditions de son affaiblissement, sur une chronologie plus fine qui peut varier à l’échelle locale. Il s’agit de remettre en cause l’idée commune d’un basculement soudain, d’une crise qui se joue dès la fin des années 1970, afin d’en retracer les linéaments plus précis et les prolongements. Au-delà des représentations publiques de l’effondrement de la classe ouvrière et de ses organisations qui s’imposent au tournant des années 1980, il y a toujours un groupe ouvrier, mais considérablement recomposé, et il y a toujours des luttes ouvrières : comment s’inscrivent-elles dans leur environnement au cours des décennies suivantes ? De la multitude de relais possibles – militants, politiques, culturels, médiatiques… – lesquels ont-elles perdus ou gagnés, lesquels continuent-elles de disposer ?
 

This section aims at studying the discordant temporalities between worker struggles, activist, political and cultural commitments to those mobilizations, and public discourse about them, from 1968 up to the present day. Crossing historical sociology and social movement studies, we intend to shed new light both on labor’s centrality in 1970s social movements and its vanishing throughout the decades after.
Three dimensions of labor’s centrality will be analyzed:
1) the symbolic dimension: to what extent did social movements and activists have to define themselves in relation to worker struggles during the 1970s? How did the inflation of discourses on workers call into question the monopoly that the Communist Party and the CGT had on labor’s legitimate definition before? How did the labor movement offer a specific grammar of collective action?
2) the socio-spatial dimension : many work sites were considered as hubs of activism for various militant groups (far-left, Christian, feminist…), both because of the specific attention those groups paid to labor conflicts and because of new repertoires of collective action opening workplaces to the public (such as new ways of occupying factories). It is crucial to document empirically such configurations, notably as a way to exhume forgotten memories of mobilizations, as for workplace feminism.
3) the diachronic dimension: beyond the thesis of a global collapse of the working class and its organizations, that gained hegemony in public discourse during the 1980s, it is worth studying empirically how workers struggles both have persisted and evolved at a local level, and what has changed in the way activist groups (not only labor unions) and the public deal with them.
Contributors will mostly focus on the French situation, past and present, but papers on foreign configurations will also be given.

 
Références

Éric Agrikoliansky, Olivier Fillieule, Nonna Mayer, dir, 2004, L'altermondialisme en France, la longue histoire d'une nouvelle cause, Paris, Flammarion.
Nicolas Defaud, 2009, La CFDT, 1968-1995 : de l'autogestion au syndicalisme de proposition, Paris, Presses de Sciences Po.
Mark Kesselman, Guy Groux, dir, 1984, Le mouvement ouvrier français, crise économique et changement politique (1968-1982), Paris, Les Editions ouvrières.
Penny Lewis, 2013, Hardhats, Hippies and Hawks. The Vietnam Antiwar Movement as Myth and Memory, Cornell, Cornell University Press.
Michel Pigenet, Danielle Tartakowsky, dir, 2012, Histoire des mouvements sociaux en France : de 1814 à nos jours, Paris, La Découverte.
Laure Pitti, 2006, « Une matrice alégérienne ? Trajectoires et recompositions militantes en terrain ouvrier, de la cause de l’indépendance aux grèves d’OS des années 1968-1978 », Politix, n°76, p. 143-166.
Xavier Vigna, 2007, L’insubordination ouvrière dans les années 1968. Essai d’histoire politique des usines, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Xavier Vigna, 2012, Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Paris, Perrin.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme
 
Axe 1 / Les luttes ouvrières à l’épreuve de causes émergentes
Présidente : Sophie Béroud (Triangle, Lyon 2)
Discutants : Annie Collovald (CENS, Université de Nantes) et Julian Mischi (CESAER, INRA)

Axe 2 / Les ressorts sociaux et symboliques de la référence ouvrière
Président : Karel Yon (CERAPS, Lille 2)
Discutants : Frédéric Sawicki (CESSP-CRPS, Paris 1) et Sophie Béroud (Triangle, Lyon 2)


Résumés des contributions

Clémentine Comer (CRAPE, Universités Rennes 1 et Rennes 2), Bleuwenn Lechaux (CRAPE, Université Rennes 2), Eve Meuret-Campfort (CENS, Université de Nantes), Maëlle Moalic (CRAPE, Université Rennes 1)

La conflictualité usinière au sein d'entreprises à hégémonie féminine. Les cas de Chantelle (Nantes) et de la Société Parisienne de Lingerie Indémaillable (Rennes)
 
Cette communication se donne pour objet de déplacer le regard sur la conflictualité ouvrière, d'une part en privilégiant une approche à la fois localisée et comparative du militantisme usinier et, d'autre part, en explorant des conflits au sein d'entreprises à hégémonie féminine. A partir de l’enquête collective « Sombrero » et de la thèse d’Eve Meuret-Campfort (2014), elle s'intéresse à deux conflits ayant émergé dans des usines de confection de lingerie : Chantelle à Saint-Herblain, dans l’agglomération nantaise (1981-1982) et la SPLI à Rennes (1978). Après être revenu sur les conditions de développement de ces conflits, il s’agira d’interroger leur caractère genré : dans leur logique discursive d'abord – le genre étant tantôt effacé au profit d’une conformité avec les modèles syndicaux dominants à Nantes, tantôt le tremplin à la dénonciation de l'exploitation des ouvrières et des difficultés en tant qu'épouses et militantes à Rennes – et dans les répertoires d'action utilisés ensuite. L’enchevêtrement de l'espace militant local se donne à voir à travers les relations des sections syndicales aux unions départementales, l’investissement différencié de militants d’extrême-gauche et le positionnement des municipalités socialistes. Au croisement du « moment historique » des années 1968, de contextes politiques locaux et de rapports sociaux imbriqués de genre et de classe, c'est donc l'étude de la modulation circonstanciée des discours et des pratiques que propose cette comparaison.
 
Working-class conflicts in firms mostly composed of women. The cases of Chantelle (Nantes) and of the Société Parisienne de Lingerie Indémaillable (Rennes).
 
This paper aims at moving the focus usually placed on working-class conflicts, first by adopting a both localized and comparative view on « factory activism », then by exploring contention within firms in which the majority of workers are women. Based on the collective survey « Sombrero » (the Biographical Consequences of Activism. Trajectories, Networks, Organizations) and Eve Meuret-Campfort's PhD (2014), it explores two conflicts that appeared in lingerie-making firms : Chantelle in Saint-Herblain, in Nantes' area (1981-1982) and the Société Parisienne de Lingerie Indémaillable in Rennes (1978). After having explained the conditions of development of these conflicts, we will examine their gendered nature : first in their discursive logic – gender being sometimes erased in favor of conformity with dominant labor unions’ models in Nantes, sometimes used for the denunciation of the exploitation of women laborers and of their difficulties as spouses and activists in Rennes – and then in repertoires of contention. This contribution will unveil the entangled layers of local activism, from the relationships that local union sections have with departmental unions to the differentiated involvement of radical left activists and to the role played by local authorities in Socialist cities. This comparative study will explore the circumstantial variation of discourses and practices at the turn of the 1968s moment, in local political contexts, and at the intersection of gender and class relations.

 
Ingrid Hayes (CHS), Karel Yon (CERAPS, Lille 2)

Émergence et non-émergence d’une conscience féministe dans le monde du travail : les cas de La Redoute et Deffrenne à Roubaix
 
Dans le sillage de mai 68, Roubaix est marquée par le démantèlement du secteur textile, dont le patronat investit alors de nouvelles activités comme la grande distribution et la vente par correspondance. Ces secteurs ont en commun d’employer une main d’œuvre à prédominance féminine. En nous appuyant sur des archives institutionnelles et militantes, ainsi que sur des entretiens avec des militant-e-s d’entreprise, notre communication s’intéresse à deux sites caractéristiques de ces mondes du travail : la Redoute, une des plus grosses entreprises de vente par correspondance de la place roubaisienne, où l’activité syndicale et les luttes revendicatives sont marquées par une forte prégnance de problématiques féminines, voire féministes ; les tissages Deffrenne qui sont, à la fin de la décennie, occupés par les travailleurs avant d’être relancés selon une formule « autogestionnaire » inspirée de l’expérience Lip, mais où la question des femmes ne semble pas percer, en dépit du rôle joué par elles dans l’occupation. En comparant ces deux sites, notre communication tente d’éclairer les raisons de l’émergence ou de la non-émergence d’un « féminisme ouvrier », ou populaire, dans le monde du travail. Pour ce faire, deux dimensions sont plus particulièrement examinées. D’une part, l’ordre usiner ou la configuration de travail, en termes de taille, de relations de travail, de composition de la main d’œuvre et de représentation des salariés. D’autre part, les réseaux reliant chaque site de travail à l’espace militant environnant ; notamment à des luttes de femmes ou à des groupes féministes ayant pu fournir des références pour l’action.
 
How does feminist consciousness arise (or not) in the world of work? The cases of La Redoute and Deffrenne in Roubaix, North of France
 
In the wake of May 68, the corporate elite in the urban area of Roubaix has been slowly dismantling textile factories and reinvesting its money into new sectors such as supermarkets and mail-order selling. A common feature in all those industries is that female workforce is predominant. Based on the study of institutional and activists archives, and on interviews with rank and file activists, our paper deals with two such sites of work: La Redoute, the main firm in the mail-order selling industry, where a female, and even feminist approach to union activity and workers struggles is noticeable, and the Deffrenne textile factory, which workers occupied, then supporting a takeover inspired from the Lip experience, but without developing any gender consciousness, despite the role women played during the occupation. By comparing the two configurations, we try to shed light on the reasons why some kind of “workplace feminism” did or did not emerge. For doing so, we stress on two dimensions: first, the configuration of each workplace, in terms of size, relations of employment, composition of the workforce, and labor representation; second, the way each site of work is connected, through militant and organizational networks, to the wider activist space, notably to women struggles or feminist groups that could provide female workers with models of action.

 
Marie Charvet, Fabienne Pavis (Université de Nantes, CENS)


Syndicalisme et extrême-gauche dans l'agglomération nantaise : la CGT-Tréfimétaux au milieu des années 1970
 
La difficulté de l'extrême-gauche des années 1970 à s'implanter dans les syndicats est connue. L'étude d'une configuration et d'un événement exceptionnels, mobilisant des entretiens avec des syndicalistes d'extrême-gauche et leurs archives personnelles, renseigne sur les conditions de possibilité d'un tel investissement syndical et sur ses limites. L'usine Tréfimétaux de Couëron, dans la banlieue nantaise, possède son propre syndicat affilié à la CGT, la CGT-Tréfimétaux, dirigée par de jeunes militants communistes ou d'extrême-gauche, partageant d'ailleurs une même conception participative du syndicalisme. En 1975 l'usine connaît une grève dure à la conclusion singulière. Suite à une lettre évoquant la fermeture de l’usine en cas de prolongation de la grève, 12 femmes d'ouvriers occupent le bureau du directeur. La reprise du travail est votée le lendemain, après quelques concessions de la direction. Quelques mois plus tard, le directeur porte plainte pour séquestration et les 12 femmes sont inculpées. Leur sort suscite une forte mobilisation. S'y affrontent les communistes et l'extrême-gauche de la CGT-Tréfimétaux, mais aussi le syndicat et les instances locale et départementale de la CGT. L'affaire révèle ainsi les tensions entre les participants et les ressources dont ils disposent. Ainsi l'extrême-gauche de la CGT-Tréfimétaux, malgré des liens personnels avec les féministes nantaises, doit laisser la cause des femmes au PC, fort d'un appareil (UFF) et de contacts nationaux.
 
Trade unionism and far left activists in the Nantes agglomeration: the CGT-Tréfimétaux union in the mid-seventies
 
The difficulties met by far left activists seeking to play an active part within trade unions in the seventies are well-known. A case study of an exceptional event in an exceptional context can help to understand what made such participation possible, as well as its limits. The research is based on interviews with far left trade unionists and on their personal archives. The Tréfimétaux metal factory of Couëron, near Nantes, had its own trade union (the CGT-Tréfimétaux), independent even though an affiliate of the CGT. Its leaders were young communists and far left activists, who shared the project of involving all workers in trade union activities. In 1975, a tough strike took place in the factory, with a singular ending. After they had received a letter from the director of the plant, stating that the strike could lead to a closure, 12 workers' wives imposed their presence in the director's office. The end of the strike was voted the following day, after the direction made some concessions. A few months later, the director lodged a complaint against the women, who were accused of sequestration. Their fate raised a strong mobilization, which gave an occasion for a confrontation between the communists and the far left militants of the CGT-Tréfimétaux, and between the union at the workplace and the local and departmental levels of the CGT. The affair thus reveals the tension between the different actors, and their resources: even though they were personally linked to feminist activists in Nantes, the far left members of the CGT-Tréfimétaux had to leave the women's cause to the communists, who could rely on a national organization and national contacts.

 
Paula Lenguita (CEIL, UBA), Fanny Gallot (CRHEC, UPEC-ESPE)

Les luttes ouvrières en France et en Argentine dans les années 1968 : enjeux, pratiques et circulations
 
En France, Xavier Vigna a eu recours au concept d’ « insubordination ouvrière » pour qualifier les luttes ouvrières dans les années 1968 alors qu’en Argentine, Ruth Werner et Facundo Aguirre ont intitulé leur ouvrage : Insurgencia obrera en Argentina 1969-1976. L’insurgencia signifie l’insurrection, le soulèvement contre l’autorité, alors que l’insubordination correspond à un refus de la subordination, de se soumettre à l’ordre. Quand la dictature interrompt la séquence en Argentine en 1976, c’est la gauche au pouvoir qui met fin au cycle en France en 1981. Cette intervention entend donc revenir sur les caractéristiques des luttes ouvrières en France et en Argentine, leurs points communs et leurs différences en relation avec les enjeux politiques, sociaux et économiques de chacun des deux pays. Nous souhaitons également aborder les pratiques militantes – occupations, séquestrations de cadres, auto-organisation – des luttes ouvrières d’un pays à l’autre et leurs circulations d’un pays à l’autre. Pour notre contribution, nous aurons recours à la presse militante des deux pays que nous complèterons avec nos recherches respectives menées sur des entreprises composées majoritairement d’hommes (Renault à Cléon en Seine-Maritime et Mercedes Benz dans la province de Buenos Aires) et des entreprises majoritairement féminines (Bagley dans la province de Buenos Aires et Moulinex en Basse Normandie et Chantelle en Loire Atlantique).
 
Workers’ Struggles in France and Argentina during 1968:  Issues, Practices, and Exchange
 
Xavier Vigna has turned to the concept of “worker insubordination” in order to describe workers’ struggles in 1968 in France while Ruth Werner and Facundo Aguirre entitled their study in Argentina: Insurgencia obrera en Argentina 1969-1976. La insurgencia means insurrection, the uprising against authority, whereas “insubordination” corresponds to a refusal of subordination, of submitting oneself to the established order. Whereas the dictatorship interrupted the sequence in Argentina in 1976, the left in power finally ended the cycle in France in 1981. Our intervention intends, therefore, to revisit the characteristics of workers’ struggles in France and Argentine, their commonalities and differences in relation to the political, social, and economic issues of each of the two countries. We also wish to address their practices of militant occupations, their detentions of managers, their contrasting self-organization during labor struggles, and the exchange between the two countries. For our contribution, we will employ the militant presses of the two countries that we will complement with our respective research focused on the businesses composed mostly of men (Renault en Cléon en Seine-Maritime and Mercedes Benz in the province of Buenos Aires) and businesses composed mostly of women (Bagley in the province of Buenos Aires and Moulinex in Basse Normandie and Chantelle in Loire Atlantique).

 
François Alfandari (Université Lyon 2, Triangle)

Quand une « vielle » organisation prend en charge une « nouvelle » cause. L’exemple de la CGT et de l’antipsychiatrie dans les années 1970
 
Dans les années qui suivent Mai 1968, le mouvement d’antipsychiatrie qui se développe entend s’attaquer au fonctionnement des hôpitaux psychiatriques jugés désuets et instaurer de nouvelles pratiques de soin. Des militants CGT, puis la CGT, participent à leur manière à cette promotion d’une nouvelle définition de la psychiatrie. Des militants, qui prennent sur leur temps personnel, s’impliquent dans des expériences nouvelles de soin qui ne sont pas encore totalement reconnues par l’institution, en cherchant notamment à soigner hors les murs de l’hôpital. En juin 1973, une grande grève éclate dans l’hôpital qui mêle les revendications matérielles sur les primes et les repos aux revendications spécifiques sur les moyens à donner au « secteur », la nouvelle organisation de la psychiatrie mise en place en 1960. Pour autant, si la CGT s’investit dans ce combat, elle n’entretient que très peu de rapport avec le mouvement qui existe à l’extérieur de l’hôpital, à tel point que ses militants ne se revendiquent pas de l’antipsychiatrie. La frontière entre ces deux espaces de contestation sociale apparaît finalement comme complexe. C’est ce rapport qu’il est envisagé d’étudier ici.   
 
When an “old” organization supports a “new” cause. The example of the CGT and the antipsychiatry movement in the 1970s
 
After Mai 1968, the antipsychiatry movement expands itself with the will of transforming psychiatric hospitals and establishing new practices of mental care. CGT activists, then the CGT itself, participate in this promotion of a new definition of what is psychiatry, but in their own way. Devoted activists get involved in new experiences of care, that are not recognized by the institution yet. The main goal is to care outside the hospital. In June 1973, a strike breaks out in the hospital mixing material claims and specific claims about the funding of the « secteur », the new administrative organization of psychiatry, introduced in 1960. However, if the CGT is involved in this struggle, its activist members have very little relationship with the antispychiatric movement which exists outside of the hospital, to the extent that they do not even claim the label of antipsychiatry. The border between those social spaces is finally complex. That is what we want to study here.

 
Renaud Bécot, Céline Pessis (EHESS)


La formation d'un environnementalisme ouvrier dans les années 1968 : de la santé au travail à la santé environnementale ?
 
Au début des années 1970, l'irruption de la santé au travail comme enjeu de mobilisation sociale renouvelle tant les formes que les acteurs de la conflictualité usinière : les femmes et immigré.e.s initialement mobilisé.e.s reçoivent rapidement le soutien de réseaux médicaux favorisant l'hybridation des répertoires d'action ouvriers/experts et l'appropriation syndicale de ces revendications sanitaires. Cette communication étudie tout d'abord la capitalisation de ces luttes au milieu des années 1970 par la création de collectifs associant étroitement scientifiques et ouvrier.e.s et se dotant d'outils transversaux de lutte, dont le Comité de Liaison et d’Information sur la santé et les Conditions de Travail (CLISACT). A travers l'étude de l'enquête menée par le CLISACT à l'échelle du groupe industriel Péchiney, elle montre ensuite comment les nouvelles mobilisations en faveur de la santé au travail en viennent à tisser des liens avec des paysans et riverains des industries délétères, et voient émerger des revendications territorialisées en faveur d'une justice environnementale. Cet élargissement des mobilisations en faveur de la santé éclaire ainsi les mutations de la « centralité ouvrière » : d'une conception centrée sur l'espace de travail (dans le périmètre de la relation salariale)  à une prise en compte de la chaîne productive toxique dans sa globalité. Enfin, nous montrons comment cette conception de la santé environnementale s'impose dans l'espace public national avec les Assises contre la pollution industrielle et les maladies professionnelles de 1977, et constitue une version française de l' « environnementalisme ouvrier » des années 1968.
 
The making of a working-class environmentalism during the 1970s : from occupational health to environmental health ?
 
In the early 1970s, the rise of mobilizations on occupational health issues renewed contentious repertoires as well as social actors inside factories, as far as women and immigrants initially mobilized quickly received support from medical networks. Firstly, the paper examines the development of these struggles in the mid-1970s through the shaping of a close cooperation between scientists and workers, gathered inside hybrid groups such as the Comité de Liaison et d’Information sur la santé et les Conditions de Travail (CLISACT). Based on a study of the investigation realized by the CLISACT on the factories owned by the industrial group Pechiney in France, we will highlight how mobilizations for occupational health came to build relationships with farmers and residents around deleterious industries, leading to the rise of territorial claims in favor of an environmental justice. This shift reveals a change in the approach of the “centralité ouvrière”, from an approach centered on the workspace (inside the scope of the employment relationship) to an approach considering the whole of the treadmill of production. Finally, this environmental health approach was predominant in the organization of the Assises contre la pollution industrielle et les maladies professionnelles by the CLISACT, in 1977, and contributed to the making of a French version of "working-class environmentalism".

 
Séverine Misset (CENS, Université de Nantes)

Le mouvement ouvrier et les syndicalistes paysans en Loire-Atlantique : de la naissance à l’abandon d’une référence
 
Les commentateurs du Mai 68 nantais soulignent souvent avec insistance une des particularités locales des événements : une singulière alliance entre paysans et ouvriers. Cette focalisation sur l’événement Mai 68 pourrait pourtant faire oublier que ces liens lui sont bien antérieurs, qu’ils ont pris racine à la fin des années 50 dans la volonté de quelques leaders syndicaux locaux (Bourrigaud, 1984 ; Martin, 2005), et que les événements de Mai 68 n’en sont ni l’apogée, ni l’étape principale. Replacer ces scènes dans une temporalité plus longue invite à s’interroger plus en profondeur sur la nature et les effets de ces liens entre militants ouvriers et paysans. Il s’agit donc à partir d’un travail de terrain en cours, mené par archives et entretiens auprès de militants ouvriers et paysans des années 70 en Loire-Atlantique, d’interroger cette jonction, d’en analyser les modalités, mais aussi l’impact sur les pratiques et sur les positionnements partisans et enfin de caractériser la place de la référence ouvrière dans le syndicalisme paysan ligérien.
 
The use of the Labor movement as a point of reference by peasant unions in Loire Atlantique (France): from birth to fading
 
A distinctive characteristic of May 68 events in Nantes (Loire-Atlantique, France) is often emphasized: the involvement of peasant trade unionism in the events. The links between workers’ unions and peasants’ unions are nevertheless older, as they began in the late 1950s, on some leaders’ initiative (Bourrigaud, 1984; Martin, 2005). May 68 events appear to be neither the peak, nor the main episode of the collaboration that this paper will question. Based on an ongoing research, studying archives and conducting interviews among 1970s worker and peasant activists in this area, it will analyze the properties of the relations, their impact on militant practices and positioning, and finally how the labor movement has been used as a point of reference by peasant unionism.

 
Vincent Gay (Université d’Evry Val d’Essonne, LHEST-IDHES)

Les travailleurs immigrés dans les grèves de l’automobile au début des années 1980 : renouveau ou chant du cygne de l’insubordination ouvrière ?
 
La première moitié des années 1980 est marquée par une succession de conflits dans l’industrie automobile, aux origines et revendications diverses, dans lesquels les ouvriers immigrés jouent un rôle de premier plan. Dix ans plus tôt, le renouveau des luttes ouvrières et, notamment, de celles des ouvriers spécialisés (OS) contribuait aux débats sur la centralité et sur l’identité ouvrières, construites à travers les luttes sociales. Mais le début de la crise et des restructurations dans l’automobile, les politiques de restriction de l’immigration de travail, le poids des défaites ouvrières, notamment dans la sidérurgie, les modifications des rapports de force électoraux entre le PS et le PC modifient les perceptions du groupe ouvrier, même lorsqu’il se mobilise, d’autant plus quant ses mobilisations sont en bonne partie le fait d’immigrés. En effet, comment agit le référent « ouvrier », comment permet-il de construire des représentations collectives, alors que, dans le cas de l’automobile du début des années 1980, ses incarnations symboliques, ses nouvelles figures se trouvent parmi les OS immigrés ? Est-ce que cette fraction du groupe ouvrier est susceptible de représenter symboliquement l’ensemble du groupe, ou est-ce que les divers signifiants qui désignent ces salariés (ouvriers, OS, immigrés, musulmans…) contribuent à brouiller les lectures du monde social, et notamment celles concernant le référent ouvrier ? Ces conflits du début des années 1980 apparaissent donc comme un moment de transition, dans le sens où ils empruntent au répertoire d’action hérité des années 1968, tout en étant traversés par des phénomènes de fragmentation symbolique du groupe ouvrier.
 
Immigrant workers in the car industry strikes of the early eighties : revival or swan song of workers’ insubordination ?
 
The first half of the 1980s is characterized by a multiplicity of social conflicts in the car industry in which immigrant workers played a key role. Ten years earlier, the renewal of workers’ struggles, and most specifically those led by unskilled workers, participated in debates about the centrality and identity of workers, both of which were constructed through social conflicts. But several events – such as a beginning economic crisis, restructurings in the car industry, restrictive policies on immigration, workers’ defeats, and a transformation of the balance of power between Communist Party and Socialist Party – impacted the perceptions of the working class. How does the “worker” referential play? While the symbolic embodiments and new figures of the early 1980s car industry are to be found among immigrant workers, can it build collective representations? Is a faction of the working class likely to symbolically represent the whole class? Or does the perception of the social world, and specifically the “worker” referential, get more confused by the diverse signifiers which describe workers (workers, unskilled workers, migrants, Muslims…)? These early 1980s conflicts appears to be a transitional phase, as they draw on a repertoire of collective action inherited by the 1968 years but also set the stage for a new phenomenon of symbolic fragmentation of the working class.  

 
Pierre Odin (CERI, IEP de Paris / Université des Antilles et de la Guyane)

La place de la classe ouvrière dans la politique des syndicats en Guadeloupe : entre référentiel commun et appropriations concurrentielles
 
Cette contribution se propose d’interroger les usages différenciés de la classe ouvrière, comprise en tant que référentiel idéologique et organisationnel, au sein des deux principales organisations syndicales guadeloupéennes : l’Union Générales des Travailleurs de la Guadeloupe (UGTG) et la Confédération Générale des Travailleurs de la Guadeloupe (CGTG). Notre travail procède tout d’abord d’un étonnement empirique : alors que de nombreux auteurs attestent de la disparition de la référence au groupe ouvrier ou s’interrogent sur les conditions organisationnelles de son maintien dans l’activité syndicale, la référence à la classe ouvrière demeure particulièrement présente dans les principales organisations syndicales guadeloupéennes – qu’il s’agisse des déclarations de principes, des textes d’orientation ou de congrès, du matériel de propagande, ainsi que des discours tenus par les militants dans leur activité syndicale ou à propos de l’action collective. Loin d’être résiduelle, cette référence à la classe ouvrière occupe toujours une place centrale dans les registres de justification déployés par les organisations syndicales, notamment lorsque celles-ci se mobilisent dans le cadre de conflits du travail ou au sein de coalitions protestataires plus larges – comme ce fut le cas en 2009 lors de la grève générale initiée par le collectif Liyannaj Kont Pwofiitasyon (LKP). Au-delà, cette contribution se propose de rendre compte du fait que la centralité de la référence à la classe ouvrière participe du caractère original de l’univers de pratiques et de sens au sein duquel se déploie le syndicalisme aux Antilles depuis les années 70, marqué par une forte appétence contestataire et d’importantes logiques concurrentielles. Il faut donc s’interroger sur les appropriations différenciées et le sens – tant la signification que la direction – que l’action syndicale confère à la classe ouvrière, c’est-à-dire  sur  « le travail politique que réalise les syndicats pour réussir à dire et à incarner le groupe social des travailleurs […] et pour définir les enjeux et les moyens légitimes de sa lutte. » (Béroud, 2014).
 
The working class and the politics of Guadeloupe trade unions : between common reference and competitive appropriations
 
This contribution aims to question the different uses of the working class, understood as an ideological and organizational framework, within the two main trade union organizations in Guadeloupe : the General Union of Workers of Guadeloupe ( Union Générale des Travailleurs de la Guadeloupe - UGTG) and the General Confederation of Workers of Guadeloupe (Confédération Générale du Travail de la Guadeloupe - CGTG). While many authors attest to the disappearance of the reference to the worker group or wonder about the organizational conditions for its maintenance in union activity, the reference to the working class remains particularly present in the main Guadeloupean unions – whether in policy statements, convention or guidance texts, propaganda material, as well as speeches by activists in their union activity or about collective action. This reference to the working class remains useful in the understanding of union activity, especially when it is mobilized in the context of labor disputes or in broader coalitions - as it was the case in 2009 during the general strike initiated by the Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) coalition. In addition, this contribution aims to reflect the fact that the centrality of the reference to the working class participates in the specificity of the practices and meanings of unionism in the French Antilles since the 1970s, characterized by a strong appetite for protest and significant competitive logics. We must therefore question the differentiated appropriations and meanings that union action gives the working class, that is to say, on "the political work carried out by unions to successfully say and embody the social group of workers [...] and to define its legitimate issues and means of struggle."(Béroud, 2014).

 
Isil Erdinc (CESSP, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Protestations syndicales à l’épreuve du néolibéralisme et du contrôle étatique en Turquie contemporaine : transformation des stratégies sectorielles et locales
 
La zone principale de la construction navale d’Istanbul, le quartier de Tuzla, constitue un exemple qui offre des pistes pour analyser la recomposition du mouvement syndical et le renouveau des stratégies syndicales dans un contexte de la mise en place des politiques néolibérales et du contrôle étatique en Turquie. L’investissement du local est une stratégie importante pour les organisations syndicales leur donnant accès à d’autres champs et leur permettant d’élargir le volume de leurs ressources. Ce travail aborde donc la question du déclin des mobilisations ouvrières en s’attachant à étudier la transformation des stratégies et la convertibilité des ressources syndicales à l’échelle nationale, locale et dans des secteurs d’activité divers. En premier lieu, l’évolution des protestations syndicales en Turquie dans différents secteurs d’activités depuis les années 1960, en particulier à partir de la période post-1980 et sous le gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP) est examinée. Ensuite, la transformation des mobilisations, des grèves, des ressources, des réseaux et des alliances syndicaux et politiques locaux investis par les dockers est étudiée à partir du cas de Tuzla. Ce travail se base sur une enquête menée depuis 2011 et qui repose sur des observations ethnographiques (dans les syndicats et dans les docks) doublées d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs auprès de dirigeants et permanents syndicaux ainsi que des dockers syndiqués à Tuzla à Istanbul.
 
Trade union protests in a neoliberal context under state control in contemporary Turkey: transformation of sectorial and local strategies
 
The case of the main shipyard of Istanbul, district of Tuzla, offers an example to analyze the reconstruction of the labor movement and the renewal of trade union strategies in a context of implementation of neoliberal policies and state control in Turkey. The investment of the local is an important strategy for trade unions giving them access to other fields and allowing them to expand the volume of their resources. Thus, this work analyses the decline of workers’ mobilizations aiming to study the transformation of their strategies and the convertibility of trade union resources on national and local levels and in different sectors. First, the evolution of labor protests in Turkey in various sectors since the 1960s, particularly since the post-1980 period, under the Justice and Development Party (AKP) government is examined. Then the transformation of mobilizations, strikes, resources, networks and local political alliances invested by the dockers is studied through the analysis of the case of Tuzla. This work is based on ethnographic observations in trade unions and on the shipyard and semi-structured interviews with union officials and trade union affiliated dockers in Tuzla in Istanbul.

 
Eric Darras (LaSSP, IEP Toulouse), Audrey Rouger (CHERPA, IEP Aix-en-Provence)

Une mobilisation ouvrière multiforme sous influences : la lutte des Molex
 
Cette communication issue d’une enquête collective se propose de comprendre le « miracle social » que peut sembler constituer la « réussite » politique et médiatique d’une mobilisation d’ouvriers en milieu semi-rural contre la fermeture d’une usine de connectique automobile de 300 personnes dans le sud-ouest de la France. Ce conflit a fait l’objet non seulement d’une hyper-médiatisation durable avec un cadrage largement imposé par les leaders ouvriers eux-mêmes mais il a de surcroît été pris en charge jusqu’au sommet de l’État, par le président de la République lui-même. Nous reviendrons sur les ressources non conventionnelles des porte-parole qui trouvent à s’actualiser dans le répertoire de l’action collective ouvrière (autochtonie, virilisme, « cultures populaires », rôle des clubs sportifs, de chasse, etc.). Mais l’agency des plus dominés et sa politique ailleurs rencontre vite ses limites et ce mouvement ouvrier ne peut se comprendre pleinement que réinscrit dans le champ politique : le « miracle » s’avère largement co-construit par la CGT, les artistes et intellectuels rencontrés, les institutions politiques et médiatiques dominantes qui y trouvent divers intérêts circonstanciels. Il convient donc de retrouver les recompositions historiques locales du groupe ouvrier, les logiques et représentations ouvrières mais en gardant à l’esprit qu’elles affrontent frontalement celles néo-libérales dominantes tant dans le champ économique que politique et médiatique.
 
When Working Class People Agency meet the Weapons of the Strong. The closure of a Factory in a French Village
 
This social movement held by the 283 fired workers of this factory located in a village of the French south west has been one of the most covered by the media (among thousands of similar struggles each year in France). Media logics tend to ignore or even to stigmatize the representative of the working-class but here the journalists gave a very favorable echo to the Molex leaders and their struggle generate huge and multiple political effects, even forcing the President of the French Republic himself to make several public announcements. “Success is an elusive word” (Gamson) but if we consider the “modesty” of the group, this social movement can be seen as a “social miracle”. Against a strict opposition of the repertoires of contentions, we follow Tilly’s conclusions on the possible improvisations within the standards, like for the jazz performances. The old local and Patron/Client repertoire is combined with the new ones in this working class movement. For a better understanding of the agency of working class people, it is necessary to investigate both local alternative and rather unknown resources, such as informal work or hunting but also the weapons of the strong, political parties and working class Unions. Our 5 years collective research is based on in depth interviews, ethnographies and archives.

 
Charles Berthonneau, (LEST, Aix-Marseille Université), Florence Johsua (CRAPUL, Université de Lausanne)

Recompositions d'un syndicat ouvriériste face à la désindustrialisation et au chômage : nouvelles luttes et nouvelles militantes à la CGT de Marseille
 
Avec une activité syndicale puissante, ancrée dans les sociabilités professionnelles, résidentielles et familiales des classes populaires, la CGT des Bouches-du-Rhône a été une des principales représentantes d’une contre-culture politique locale en mobilisant un registre ouvriériste réputé plus radical que les positions confédérales. Cette combativité syndicale était soutenue par les modes de politisation des professions sur lesquelles elle s'appuyait (dockers, marins, ouvriers de métier) et renvoyait à un répertoire d'action protestataire propre à des espaces exclusivement masculins et ouvriers (valorisation de l'usage de la force physique – ou de sa symbolique – encadrée par une forte discipline organisationnelle). Ce contre-pouvoir a largement été remis en cause par les bouleversements du tissu socio-économique et urbain qui s'opèrent dès le début des années 1960 à Marseille. Pourtant les années 1990-2000 voient l'apparition de mobilisations syndicales portées par la CGT sur des fronts où se concentrent les nouvelles générations de classes populaires travaillant dans le secteur tertiaire (grande distribution, restauration rapide, etc.) ou démunies d'emploi salarié (avec l'expérience des comités-chômeurs) ; elles donnent à voir le visage d'une « nouvelle classe ouvrière », incarnée notamment par des femmes et des enfants d'immigrés. La communication propose d'analyser ces recompositions de la culture syndicale CGT à Marseille à travers ces mobilisations émergeant à la marge de ses bastions traditionnels en crise.
 
The reinvention of a workerist trade union as a response to de-industrialization and unemployment: new struggles and new women activists in the Marseille branch of the CGT
 
A powerful trade union force, with its roots in the professional, family, and residential social structures of the working class, the CGT in the Bouches-du-Rhône departement in France has been one of the main representatives of a local political counter-culture. It mobilizes a workerist repertoire said to be more radical than that of the CGT at a national level. This combativeness was bolstered by the particular processes of politicization common in the professions from which the union drew its membership (dockers, sailors, skilled workers), and had its roots in a repertoire of contention typical of an all-male labor environment (hence the value placed on physical force – or its emblems – within the framework of a strong organizational discipline). This counter-power was widely challenged by the socio-economic and urban upheavals which occurred from the beginning of the 1960s in Marseille. Yet the 1990s saw the emergence of trade union mobilization by the CGT in areas of the service sector (supermarkets, fast-food chains, etc.) which employed large numbers of the new working-class generation, or on behalf of this same generation who were unable to find salaried positions (for example, their establishment of the comités-chômeurs). This was the face of the “new working-class”, constituted in particular by women and the children of immigrants. This paper aims to analyze this reinvention of the CGT’s union culture in Marseille through these mobilizations emerging at the margins of its traditional bastions, which were then in crisis.


Participants

Alfandari François francois.alfandari@sciencespo-lyon.fr
Bécot Renaud renaudbecot@gmail.com
Béroud Sophie sophie.beroud@univ-lyon2.fr
Berthonneau Charles charles.berthonneau@univ-amu.fr
Cartier Marie Marie.Cartier@univ-nantes.fr
Charpenel Marion marion.charpenel@sciencespo.fr
Charvet Marie Marie.Charvet@univ-nantes.fr
Collovald Annie Annie.Collovald@univ-nantes.fr
Comer Clémentine clementinecomer@hotmail.com
Darras Eric eric.darras@univ-tlse1.fr
Erdinc, Isil isilerdinc2@gmail.com
Gallot Fanny fanny.gallot@gmail.com
Gay Vincent gayvincent@wanadoo.fr
Hayes Ingrid ingridhayes.hayes@gmail.com
Johsua Florence florence.johsua@sciencespo.fr
Lechaux Bleuwenn bleuwenn.lechaux@univ-rennes2.fr
Lenguita, Paula plenguita@ceil-conicet.gov.ar
Meuret-Campfort Eve Eve.Meuret-Campfort@univ-nantes.fr
Mischi Julian  julian.mischi@dijon.inra.fr
Misset Séverine severine.misset@univ-nantes.fr
Moalic Maëlle maelle.moalic-minnaert@sciencespo-rennes.fr
Odin, Pierre pierre.odin@gmail.com
Pavis, Fabienne fabienne.pavis@univ-nantes.fr
Pessis Céline celine.pessis@neuf.fr
Rouger, Audrey audreyrouger@hotmail.com
Sawicki Frédéric frederic.sawicki@univ-paris1.fr
Yon Karel karel.yon@univ-lille2.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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