Accueil

Inscriptions

Programme

Sessions
(ST, MTED, CP)

Evénements

Index

Partenaires

Infos pratiques
(accès, transports, hébergement)

Contacts

Congrès organisé en partenariat avec

Section Thématique 18

Gouverner (par) les données. Open et Big data, vers une redéfinition des outils et des publics de l'action publique ?
Governing (by) data. Open and Big data, towards a redefinition of tools and publics of public policy ?

Responsables

Pierre-Yves BAUDOT (UVSQ-CESDIP) pybaudot@cesdip.fr
Guillaume MARREL (Avignon-LBNC-CHERPA) guillaume.marrel@univ-avignon.fr
Magali NONJON (Avignon-LBNC-CHERPA) magali.nonjon@univ-avignon.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Les data sont désormais au cœur des enjeux de gouvernement. La notion de « Big data » (données massives) désigne les gigantesques bases de données du Web de plusieurs zettaoctets, caractérisées par leur volume, leur variété et leur vélocité. Elles sont présentées comme l'un des grands défis informationnels, techniques et éthiques de la décennie 2010 et soulèvent d’importants enjeux en termes de libertés publiques mais aussi en termes de prospective politique.
 
Government Of Data (GOD)

Données souvent relationnelles, brutes, généralement non structurées, elles enregistreraient des pratiques effectives et non pas, comme le font les sondages, de fragiles intentions de vote ou d'achat. Cette nouvelle « fabrique de l'opinion » (Blondiaux, 1998) s'apparente ainsi à un nouveau régime de « saisie du social » (Fishenden and Thompson, 2012) et une nouvelle manière de cibler les « publics » de l’action publique. Parce qu’elles enregistreraient des comportements sans artefacts liés à un dispositif de collecte de l’information, les Big data semblent bouleverser les modes de gouvernement que les sciences sociales avaient contribué à faire émerger (Brückweh et al., 2012). Ce nouveau mode de connaissance du social, réduit à des comportements individuels agrégés, fait l'objet de « mises en politique » dans les campagnes électorales (Pène, 2013) et dans l'action publique (Margetts and Sutcliffe, 2013). Les Big data semblent apporter des solutions naturellement évidentes en santé publique ou en politiques sociales, permettant qualité accrue et réduction des coûts (Cook, 2014 ; Keen et al., 2013). A l’instar de toutes les révolutions technologiques qui produisent des illusions technicistes (Pavé, 1989) et alimentent la croyance dans le déterminisme technique, les Big data sont présentées comme un bouleversement de la mise à l’agenda public (Russell Neuman et al., 2014), susceptibles de réaliser pleinement la rationalisation du gouvernement et le renouvellement des modes de légitimation des gouvernants (Picci, 2011). Cette session propose d'amorcer une sociologie politique du gouvernement des données, en interrogeant l'identité des acteurs qui s'en saisissent, les ressorts et les effets de l’introduction des data dans le gouvernement des sociétés contemporaines. Armée des acquis de la sociologie de l'action publique et de son instrumentation et de la sociologie des sciences et techniques, cette session explore quatre questionnements :
 
Comment est construite la donnée ?

A l’inverse d’une conception spontanéiste et neutralisante des données, il s'agit d'interroger les modalités de leur production, soit l’ensemble des opérations indissociablement techniques et sociales qui ont permis de produire ces nouvelles données. Quelles coopérations entre les administrations publiques et privées ? Quelles transformations législatives et juridiques de la propriété et l’accès à ces données sont nécessaires (anonymat – non personnalisation) ?
 
Penser la donnée comme un enjeu d'action publique

Une première série de questions porte ici sur ce que ces données changent dans la fabrique de l’action publique : quels nouveaux modes de définition des problèmes publics ? Quelles modifications dans le processus de décision publique ? Quels nouveaux instruments ? Comment sont sélectionnées les données pertinentes ? Une deuxième série de questions se situe à un niveau analytique : De quoi est faite la politique publique des données aujourd'hui en France ? De quelles circulations et transferts est-elle le produit ? Quels en sont les acteurs ? Quel rôle pour les multinationales ? Quelles réceptions nationales ou locales pour ces politiques ?
 
Recompositions des jeux d'acteurs et réaffectation des ressources de gouvernement

La production des data recompose les profils d'acteurs pertinents et légitimes pour l’action publique. Impliquant des compétences singulières, l’instrument data participe de la sélection des acteurs de l’action publique (Massardier and Le Naour eds., 2013). Le data-government a-t-il reconfiguré les jeux d’acteurs dominants dans la réforme de l’Etat ? Quels nouveaux modes de participation des publics autorise-il ?
 
La légitimité du politique est-elle réductible aux données ?

Les data sont utilisées dans deux moments spécifiques des séquences d'action publique : celle de la construction des problèmes, en rendant visible des pratiques et comportements présentés comme problématiques, et celle de l’évaluation en rendant perceptibles les effets de l’action. La diffusion des données est généralement présentée par ses promoteurs comme un facteur de transparence démocratique, de rationalisation de l'affectation et du contrôle des ressources publiques et de leur visibilisation. Comment la donnée participe-t-elle de la recomposition des registres de légitimation du pouvoir ?

La section thématique sera organisée en deux temps :
Panel 1 - Construire les données, produire l'opinion
Panel 2 - Produire des données, construire l’action publique


Data are now central issues of government. "Big data" can be defined as huge web databases, characterized by their volume, variety and velocity. Big data are as well a major informational challenge of the 2010s as a technical and ethical one. Issues for civil liberties and political planning and rationalisation are at stake. Relational, raw, generally unstructured, data are supposed to record practices and not opinion or intention, as do the sample surveys for political turnout or consumption. This new "factory of opinion" (Blondiaux, 1998) is akin to a new way of "seizure of the social " (Fishenden and Thompson, 2012) and a new way to target publics of public policy.
 
This new mode of knowledge of the social, understood as the aggregation of individual behavior, is used in electoral campaigning (Pene, 2013) and in policymaking (Margetts and Sutcliffe, 2013). Big data appears to provide naturally obvious solutions in public health or social policy, enabling better quality and cost reduction (Cook, 2014; Keen et al, 2013.). Like all technological revolutions, data produce technicist illusions (Pavé, 1989) and support the belief in technological determinism. They appear as an upheaval in the public agenda setting (Russell Neuman et al., 2014 ), and they could fully realize the rationalization of government and the renewal of modes of legitimation of the rulers (Picci, 2011).
 
This session proposes to initiate a political sociology of the government of/ and by data, starting by querying the identity of its actors, the springs and effects of data government. It aims to articulate public policy, tools of government theory and the sociology of science and technology. Four main questions will be explored :
·     Is the data raw or produced through policy networks ?
·     How relevant is data for public policy ?
·     How far data reconfigurates interactions inside policy fields and reallocates resources of government ?
·     Can date ensure political legitimacy ?

 
Références

Blondiaux Loïc, 1998, La fabrique de l’opinion: une histoire sociale des sondages, Paris, Seuil.
Brückweh Kerstin et al., 2012, Engineering Society: The Role of the Human and Social Sciences in Modern Societies, 1880-1980, London, Palgrave Macmillan.
Cook Thomas D., 2014, « “Big Data” in Research on Social Policy », Journal of Policy Analysis and Management, 33(2), p. 544–547.
Fishenden Jerry and Thompson Mark, 2012, « Digital Government, Open Architecture, and Innovation: Why Public Sector IT Will Never Be the Same Again », Journal of Public Administration Research and Theory,  23(4): 977-1004.
Keen Justin et al., 2013, « Big data + politics = open data: The case of health care data in England », Policy & Internet, 5(2), p. 228–243.
Margetts Helen and Sutcliffe David, 2013, « Addressing the policy challenges and opportunities of “Big data” », Policy & Internet, 5(2), p. 139–146.
Massardier Gilles and Le Naour Gwenola eds., 2013, L’action publique sélective, Paris, LGDJ.
Pavé Francis, 1989, L’illusion informaticienne, Paris, Editions L’Harmattan.
Picci Lucio, 2011, Reputation-Based Governance, Stanford University Press.
Russell Neuman W. et al., 2014, « The Dynamics of Public Attention: Agenda-Setting Theory Meets Big Data », Journal of Communication, vol. 64, no. 2, p. 193–214.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00– 12h00
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Construire les données, produire l'opinion

1.1 Gouverner par les données : Cadrage

Pierre-Yves Baudot (UVSQ-CESDIP), Guillaume Marrel et Magali Nonjon (Avignon-LBNC-CHERPA)

1.2 Les data pour l'action publique

Discussion : Dominique Cardon (Sense/Orange Labs - CEMS/EHESS)

Débat

Axe 2 / Produire des données, construire l’action publique

2.1 Les data changent-elles les modes de gouvernement ?

Discussion : Caroline OLLIVIER-YANIV (Céditec, Université Paris-Est Créteil – Institut Universitaire de France)

2.2 L'action publique territoriale à l'épreuve des data

Discussion : Renaud Payre (Triangle, IEP Lyon, Institut Universitaire de France)

Débat


Résumés des contributions

Thierry Vedel (Centre de recherches politiques de Sciences Po)

De l'open data au Big Data : acteurs, enjeux, visions
 
Le but de cette communication est d’étudier comment, sous l'effet du développement du Big Data, l’Open Data Government se (re)construit en tant que champ d'action sociale. Non seulement le Big Data apporte de nouveaux outils et techniques pour collecter, analyser et diffuser les données ; il génère également une dynamique nouvelle entre des acteurs sociaux : acteurs et agences administratifs, universitaires et chercheurs académiques, entreprises et opérateurs marchands, groupes associatifs et citoyens. Alors qu’on peut voir  le Big Data comme un phénomène consensuel, notamment parce qu’il apporte des bénéfices à de très nombreux secteurs de la société, cette communication s’attache à analyser la dimension politique du Big data à travers trois grands types d’enjeux politiques Le premier concerne la régulation des données : leur propriété, les traitements autorisés, leur commercialisation, la protection de la vie privée, etc. Le second grand enjeu concerne les conceptions variées de la citoyenneté – « monitoriale », consumériste, collaborative – que le Big data fait apparaître. Enfin, un troisième enjeu touche à l’épistémologie et l’ontologie du Big Data  et interroge le rapport au monde qu’il instaure : peut-on réduire la complexité sociale à l’aide d’indicateurs quantitatifs ; que signifie le fait de vivre dans une société probabiliste et quelles en sont les conséquences pour le lien social ?
 
How big data is reshaping open data government

The Big data phenomenon is reshaping the Open Data policies initiated at the beginnings of the internet. Not only does it provide more powerful tools and techniques to collect, analyze and disseminate data; it also engenders a new dynamics among the various players involved in Open Data efforts. This communication studies this reshaping by focusing on four groups of actors: government and public operators, academics, businesses and commercial operators, NGO groups and citizens. While the Big Data phenomenon is sometimes described as consensual and even apolitical, notably because it provides a large variety of benefits to many different segments of the society, this communication shows that it involves an increasingly complex politics due to the conflicting goals, approaches and cultures of Big Data players. Three types of problems are identified. A first is linked to the ownership of data, which data may be collected and by whom, which processing are allowed and is related to privacy, information commodification, intellectual property rights and associated regulatory issues. A second type is about the multiple conceptions of citizenship – consumer monitorial, collaborative - that the Big Data reveals. A third level touches upon epistemological and ontological issues: Can the social reality be regressed through data indicators? What does being an individual in a probabilistic society mean and imply in terms of social links?


Romain Badouard (Université de Cergy-Pontoise), Samuel Goeta (Telecom Paris Tech), Clément Mabi (UTC Compiègne)

Produire un « écosystème » pour les données : une analyse de la plateforme data.gouv.fr et de ses publics

En France comme à l’étranger, l’ouverture des données publiques repose sur la production d’un « écosystème » au sein duquel doivent interagir pouvoirs publics et citoyens, développeurs et banques de données, utilisateurs et applications. Au coeur de cet « écosystème », la plateformedata.gouv.fr, crée en 2011 par la mission Etalab. Dans cette communication, nous nous intéressons à cette plateforme en tant qu’incarnation technique d’un projet politique : il s’agit d’observer, à travers une étude du design de la plateforme et de ses évolutions, couplée à des entretiens avec les responsables du projet, la manière dont cet « écosystème » est produit selon certains principes et certaines représentations du public de l’open data. La succession de différents modèles de conception révèle ainsi une évolution des stratégies politiques visant à construire une communauté d’ « utilisateurs-citoyens ».

Building an « ecosystem » for open data : an analysis of the data.gouv.fr platform and its publics

Opening public data means building an "ecosystem" which organizes  the interactions between public authorities and citizens, developers and databases, users and applications. The platformdata.gouv.fr , created in 2011 by the Etalab mission, is at the core of this "ecosystem". In this communication, we study the design of this platform as it embodies a political project : it produces a community of "citizen-users" according to specific principles, specific strategies and specific representations of the public of open data.


Pierre Alphandéry (INRA/SAE2/Sadapt et Agnès Fortier, INRA/SAE2/Sadapt)
 
Les données naturalistes entre outils de connaissance et instruments de gouvernement

Les données ont acquis un rôle déterminant dans l'élaboration, la mise en oeuvre ou encore l'évaluation des actions publiques conduites au nom de la biodiversité. A la fois outils de connaissance et instruments de gouvernement ces données sont  l'objet d'un travail de normalisation. C'est ce processus dont nous voudrions rendre compte à travers la mise en oeuvre  du Système d'Information sur la Nature et les Paysages (SINP) initié par le ministère de l'Écologie. Dans ce cadre, nous nous intéresserons tout particulièrement à la normalisation des données produites par les associations de protection de la nature en montrant comment elle s'accompagne d'un processus de désencastrement (délocalisation, décontextualisation, dépersonnalisation) des savoirs  accumulés au niveau local et conduit à l'émergence d’une conception abstraite et formelle de la donnée. Plus largement, nous nous interrogerons sur les conséquences de cette vision comptable de la donnée en montrant comment elle reconfigure les rapports du savoir et du pouvoir. Notre réflexion socio-anthropologique s'attachera aussi à articuler différentes échelles d'analyse, du local à la planète, en passant par l'État nation.

Naturalist data between tools of knowledge and instruments of government

Naturalist data play a major role in the elaboration, the implementation or the assessment of public policies about biodiversity conservation. Both tools of knowledge and instruments of government, these data have become an object of standardization. Our presentation is devoted to this process which is set by the Information system about nature and landscape initiated by the ministry of environment. We will focus on the standardization of data carried out by NGOs acting in the domain of nature conservation and we will highlight the way local knowledge is desembedded of its more significant elements (place, context, persons) and leaded to an abstract and formal conception of data. Increasingly, we will rise questions on the consequences of this countable data perception pointing out  the shift of relationship  between knowledge and power. Our analysis is based on a socio-anthropological approach and takes into account several scales, from local to global, including the nation state.

 
Baptiste Kotras (Université Paris-Est LATTS/IFRIS)

La naturalité calculée. Capter, coder et restituer les opinions spontanées du web

L’analyse de l’opinion sur le web dispose d’un argument épistémologique fort : le matériau qu’elle mobilise est dit « spontané ». Contrairement aux réponses à un sondage, les traces de l’opinion en ligne (billets de blogs, posts, tweets, etc.) ont été produites hors de tout dispositif de questionnement, selon les mots et les intérêts de chacun. Désamorçant ainsi la critique classique des sondages (Bourdieu 1973), les prestataires en social media analysis revendiquent une mesure de l’opinion qui ne surimpose ni les questions ni les réponses. Comment, dès lors, est mise en forme la spontanéité des opinions analysées ? Répondre à cette question revient pour ces acteurs à arbitrer entre deux impératifs antagonistes : conserver la complexité qui donne tout leur intérêt aux opinions collectées, ou la réduire afin de rendre les données intelligibles et manipulables. A travers une série d’entretiens auprès de prestataires français et américains, ainsi que l’étude des outils logiciels et des résultats produits, nous montrons comment leurs méthodologies construisent une opinion spontanée. La spontanéité de l’opinion est d’abord capturée lors de la phase du paramétrage des outils de captation, par l’anticipation d’un univers sémantique le plus varié et le plus exhaustif possible. Elle est ensuite négociée et redimensionnée à l’aune des problématiques du client, lors de la définition des catégories du codage automatique des verbatim. Enfin, dans les résultats produits, le caractère spontané des traces collectées est rendu manifeste de façon à justifier cette épistémologie alternative de l’opinion.  

Calculated naturalness. Collecting, coding and showing spontenous opinions of the web

The analysis of public opinion on the web has a strong epistemological argument: the material it mobilizes is said to be "spontaneous". Unlike the survey responses, the traces of the online opinion (posts, tweets, etc.) were produced without any enquiry, according to anyone’s words and interests. Thereby avoiding the classical critique of opinion polls (Bourdieu 1973), social media analysis providers claim to measure opinion without imposing neither the questions nor the answers. How, then, is the spontaneity of opinions taken into account? For these actors, answering this question comes down to decide between two competing imperatives: keep the complexity that gives all their interest to the views collected, or reduce it to make the data intelligible. Through a series of interviews with French and American providers, and the study of software tools and their results, we show how theses methodologies build a spontaneous opinion. The spontaneity of opinions is first captured during the setting of the collection tools, anticipating a semantic universe as varied and comprehensive as possible. It is then negotiated and rescaled in terms of the customer’s issues, when defining the categories for automatic coding of the verbatim. Finally, in the results, the spontaneous nature of the traces collected is made manifest in order to justify this alternative epistemology of opinion.


Vincent Dubois (SAGE, Université de Strasbourg), Pierre-Edouard Weill (SAGE-Université de Strasbourg)
 
Gouverner les pauvres par les données statistiques: les usages du data mining dans le contrôle des assistés sociaux

Le data mining (exploration de données) a récemment rejoint la panoplie des techniques de contrôle des bénéficiaires de prestations sociales, s'ajoutant aux traditionnels dispositifs bureaucratiques de vérifications de documents et d'enquêtes à domicile, et aux échanges de données informatisées intensifiés depuis le début des années 2000. Dans la branche famille de la sécurité sociale, responsable du paiement des prestations les plus contrôlées (RSA et allocations de logement), cette technique statistique importée du secteur privé devient depuis 2010 le pivot de la politique de contrôle. Elle s'inscrit dans une politique dite de "maîtrise des risques", en identifiant sur la base de corrélations statistiques les situations présentant une forte probabilité de correspondre à des paiements indus. L'analyse du recours à cette technique montre comment s'établissent de nouveaux rapports entre instruments statistiques, catégories réglementaires et indicateurs de gestion. Elle est susceptible d'un double apport: sur la combinaison du contrôle à distance et de l'encadrement rapproché dans les modes contemporains de gouvernement des populations précaires; sur le recours à la modélisation dans la conduite de l'action publique.
 
Governing the poor by statistics : the use of data mining in the control of welfare recipients
 
Data mining has recently been included in the set of techniques used in the control of welfare recipients, in addition to traditional bureaucratic checks of documents, home inspection visits, and to the Electronic Data Interchange, intensified from the beginning of the 2000s onwards. In the family sector of the French social security, in charge of delivering the most controlled allowances (RSA - “active solidarity income” - and housing benefits), this statistical tool, imported from the private sector, is since 2010 the cornerstone of control and is part and parcel of a “risk management” policy. Thanks to statistical correlations, this tool identifies the situations with the highest level of risks of irregularities. Analysing the use of this method enables us to show new relationship between statistical instruments, legal norms, and performance indicators. Our contribution is twofold: on the compounding of control at a distance and direct individual processing in the contemporary government of the poor; on the use of statistical modelling in policy implementation.


Jean-Pierre Le Bourhis (CURAPP-ESS, CNRS-Université de Picardie)
 
Les données publiques sur l’air et l’eau, entre transparence et opacité. Enjeux politiques et bureaucratiques de l’information environnementale

La conduite de l’action publique dans les domaines de l’environnement ou de la « santé environnement » s’adosse traditionnellement à une intense production de données techniques. Durant les dernières décennies, le recours croissant à la quantification et aux technologies ont réorienté les dynamiques de recherche vers les mutations structurelles de ces secteurs, devenus lieux d’expérimentation d’un gouvernement par les données. Si les thématiques des « données en masse » ou de leur ouverture sont postérieures, toutes relaient une même vision enchantée des vertus de l’information brute pour rationaliser l’action publique.  Revenant sur ce postulat, la présente communication interroge la réalité de ces évolutions et le rôle des données à partir de deux terrains empiriques : le système d’information sur l’eau et la production de mesures sur les pollutions de l’air intérieur. Elle explore les enjeux politiques et bureaucratiques, les conflits de finalités et les résistances dans la mise en œuvre d’outils informationnels issus des deux secteurs. Elle propose une explication de la tension entre ouverture et confinement des données par les interactions étroites entre ces instruments de gouvernement  et les structures de mise en œuvre des politiques.
 
Public data on air and water between transparency and opacity. Political and bureaucratic stakes in environmental information.

Policy making in the area of environmental or environmental health usually requires an intense production of technical data. During the last decade, the growing use of quantification and information technologies reoriented researches toward the structural transformations of these areas of state intervention and their shift to a new form of government by data. If the notions of big data or open data are subsequent, all share the same enchanted vision of the virtues of raw information in the process of policy rationalization. Calling in question this postulate, the communication explores the reality of these developments and the role of data in two policy fields : the french water information system and the assessment of indoor air pollution. It examines the political and bureaucratic stakes, the goals conflicts as well as the resistances observed in the use of these informational tools. The tension between openness and data containment can be explained by the close interaction between these instruments of government and the implementation structures in the two policy areas.

 
Gilles Pinson (Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim)

Big Data et Smart Cities. Firmes, gouvernements urbains et médiateurs dans la construction sociale d’un marché

Les espaces urbains sont devenus un des champs privilégiés de production et de valorisation des « big data ». Dans le sillage d’IBM et de son programme « Smart Cities », des grands groupes d’ingénierie électrique et informatique, jusqu’alors peu présents sur les marchés urbains, ont développé un discours faisant des réseaux d’information des outils cruciaux pour mieux gérer les services urbains et fabriquer une ville durable. Ces firmes ont mis en place des dispositifs d’expérimentation permettant de mettre en relations les technologies avec les pratiques et les besoins (living labs) et vendu des dispositifs intégrés de collecte et de traitement des big data urbaines. Firmes et gouvernements urbains sont aussi impliqués dans des discussions sur la libération, la vente et l’utilisation des données. Ainsi tout indique que nous vivons aujourd’hui un moment charnière où se joue la construction sociale d’un marché impliquant, d’une part, des firmes qui ne connaissent guère les villes et les urbaines et, d’autre part, des gouvernements urbains qui sont confrontés à des acteurs dont on elles ne connaissent guère les motivations et les modes d’action.
A partir de la comparaison de trois cas de villes françaises (Bordeaux, Montpellier et Rennes), cette communication visera à comprendre comment se construisent et se négocient ces marchés des big data urbaines. Il s’agira d’une part de repérer les acteurs industriels en présence, leurs ressources, leurs stratégies et leurs offres. Il s’agira ensuite d’observer comment les gouvernements urbains se représentent ce potentiel nouveau marché et s’organisent pour construire une maîtrise d’ouvrage publique de ce marché. Enfin, on s’intéressera aux nombreux acteurs qui assurent des fonctions de médiation sur ces marchés en faisant l’hypothèse que les consultants et bureaux d’études jouent un rôle clé dans la construction de ce nouveau marché.
 
Big Data and Smart Cities. Firms, urban governments and mediators in the social construction of a market

Urban areas have become one of the privileged fields of production and promotion of “big data”. In the wake of IBM and its “Smart Cities” program, large firms of electrical and computer engineering, hitherto little present on urban markets, have developed discourses about the role of information networks in the improvement of urban services and the building of sustainable cities. These firms have set up experimental devices to put in relation technologies and urban practices and needs (living labs) and sold integrated devices for the collection and treatment of urban big data. Firms and urban governments are also involved in discussions about the release, sale and use of data. Everything happens as if we were living a pivotal moment of social construction of a new market involving firms that know little about cities and urban policies and urban governments who face actors whose they hardly know the motivations and modes of action.
From the comparison of three cases of French cities (Bordeaux, Montpellier and Rennes), this paper aims to understand how these urban markets of big data are socially constructed and negotiated. The paper will firstly identify industrial actors, their resources, their strategies and offers. The next step is to observe how urban governments are considering this new market and how they organize to be able to govern it. Finally, we will address the many actors who provide mediation functions in these markets by assuming that consultants and consulting firms play a key role in the construction of this new market.

 
Emmanuel Rivat (Centre Emile Durkheim, IEP de Bordeaux)
 
L'engagement des acteurs locaux dans l'Open Data. Les enjeux de l’ouverture et du partage de données sur l'orientation des jeunes

La plupart des travaux présentent à ce jour l’ouverture et le partage des données (Open Data) comme un processus porté principalement par l’Etat ou des entreprises. Or des recherches pointent également que des acteurs publics, soucieux de la démocratisation de l’accès et de l’usage des données, font la promotion d’innovations Open Data sur les territoires. Cette communication vise à montrer si et comment les acteurs locaux sont capables de s’organiser efficacement à l’échelle locale pour développer des espaces d’échanges et de montée en compétence sur cette question. Le terrain d’enquête porte sur les enjeux de la mise en place par le CRIJ (Centre Régional d’Information Jeunesse) de Poitou-Charentes d’un projet Open Data appelé « Infolab », outil d’action publique conçu et soutenu par la FING (Fédération Internet Nouvelle Génération). Dans le contexte de la mise en place du SPRO (Service Publique de l’Orientation), le projet avait pour objectif de favoriser l’ouverture et le partage de données sur l’orientation des jeunes avec des partenaires plus légitimes de ce champ (Education Nationale, Pôle Emploi). Nous montrerons comment cette initiative a permis aux professionnels locaux de se former- dans une certaine mesure - aux enjeux et outils de l’Open Data, et d’associer leurs partenaires, en dépit de leurs diverses réticences. Cette communication, ainsi, montre alors pourquoi et comment des acteurs locaux peuvent redéfinir, autour de l’Open Data, un champ de compétences et des hiérarchies établies.

Most studies about Open Data projects focuses so far on the role of the State and big companies. Yet, a few researches underline the fact that some public actors promote local initiatives in order to strengthen the democratization of access and use of Open Data dabases. This paper elaborates on the idea that local and regional actors can also organize themselves to develop local spaces and skills about Open Data projects. More precisely, it aims at answering the following question: how local actors can produce Open Data projects that redefine and strengthen their own legitimacy? The paper draws upon the case of a project called Infolab designed by the FING (Fondation Internet Nouvelle Generation), and carried out by a CRIJ (Centre Regional Information Jeunesse) and its local networks in the Poitou-Charentes region. In the newly born political and institutional context of the SPRO (Service Public Regional de l’Orientation), this project aimed at promoting the opening and sharing of Data about youth orientation with other important public actors (Pôle Emploi, Education Nationale). By using qualitative analysis and network analysis, the paper will show how local professionnels from the CRIJ and Information Jeunesse network partly managed to gain new skills about Open Data topic and tools, and associate partners, despite their initial reluctance to support the project. In short, the paper will demonstrate why and how local actors can partly redefine through Open Data projects established skills and hierarchies.

 
Bilel Benbouzid (Université Paris-Est, LISIS)


La police comme algorithme

Les algorithmes prédictifs jouent un rôle de plus en plus important dans le débat sur la police. Au cours des dix dernières années en Amérique du Nord et en Angleterre, la prédiction de la criminalité est devenue un programme de recherche et d'expérimentation que les gestionnaires locaux de la police appellent predictive policing. Derrière ce label, souvent associé au film de science-fiction dans les médias, on trouve des criminologues, des mathématiciens et des informaticiens qui cherchent à utiliser les statistiques et les outils de l'intelligence artificielle pour anticiper les crimes. Dans cet article, nous prétendons qu'il est important de comprendre le processus de construction et de diffusion des algorithmes à la croisée de quatre espaces sociaux: le monde de la recherche (les Université, le travail des scientifiques), la profession de la police ( les chefs de la police, les analystes du crime) , le marché (l'Etat, les logiciels, les startups, les applications) et la loi (la Cour suprême, le quatrième amendement). En d'autres termes, nous décrivons les algorithmes de prédiction du crime comme un processus d'innovation. Bon nombre des innovations qui caractérisent le domaine de la police depuis le milieu des années quatre-vingt sont en fait étroitement lié à l'introduction de l'ordinateur (systèmes de renseignement et de cartographie) au cœur des pratiques policières. Cela implique qu'une sociologie adéquate des algorithmes prédictifs de la criminalité doit être une sociologie «historique»: il faut examiner non seulement les pratiques actuelles de la prédiction, mais les choix passés, les événements et les acteurs sociaux qui les façonnent.
 
Police as algorithm

Research on computer algorithms are playing an ever more important role in the debate on policing. In the last ten years in North America and England, the prediction of crime has become a program of research and experiments that local managers of the police labeled "Predictive Policing". Behind this label, often associated to movie science fiction in the media, there are criminologists, mathematicians and computer scientists who seek to use statistics and tools of artificial intelligence to anticipating crimes. In this paper, we claim that it is important to understand the process of construction and diffusion of algorithmic tools at the crossing road of 4 social spaces: the research area (University, scientists works), the profession of police (chief police, crime analyst), the market (state, software, startup, apps) and the law (Supreme Court, fourth amendment). In other words, we describe algorithmic crime prediction as an innovation process. Many of the innovations characterizing the field of policing since the mid-eighties are in fact about the introduction of computer (intelligence systems and computer mapping) at the heart of police practices. This implies that an adequate sociology of crime predictive algorithms must be a “historical” sociology: it must examine not just current practices of predictive algorithm but the past choices, events and people that shape them.

 
Antoine Courmont (CEE / Sciences Po)

« In God we trust, everyone else, bring the data ». La mise en place d’un système de gouvernement urbain par les données. Le cas de New-York

A partir du cas de la ville de New York, cette communication analyse le processus sociotechnique de mise en œuvre d’outils d’analyse de données dans les politiques publiques et leurs effets sur le gouvernement urbain. En suivant une perspective de sociologie de la quantification, trois opérations sont étudiées. En premier lieu, l’accès aux données, insérées dans des infrastructures informationnelles, est difficile. Leur diffusion est le résultat d’épreuves de diffusibilité qui alignent les intérêts d’acteurs variés. Ensuite, il est nécessaire d’associer les données pour produire des analyses à partir d’une nouvelle représentation de l’espace urbain. Or, les données ne sont pas neutres, et elles conservent les traces de leur usage initial, ce qui restreint leur mise en relation aux attributs communs à ces données. Enfin, l’articulation de ces données fait émerger une nouvelle représentation de la ville qui transforme l’objet du gouvernement urbain. La cible des politiques publiques est désormais l’entité désignée par l’attribut articulant les jeux de données. Cette entité – un bâtiment ou un individu dans notre exemple – est alors définie par son réseau particulier et peut être ciblé spécifiquement en fonction de critères algorithmiques.
 
« In God we trust, everyone else, bring the data ». The socio-technical shaping of data-driven government in New York

Based on the case of the Mayor’s office of data analytics (MODA) in the city of New York, I explore in this communication the implementation of a data-driven policy to analyze how the socio-technical shaping of data analytics changes the government of the city. Following a perspective of sociology of quantification, I emphasize three key points. First, accessing data may pose complex social, technology and policy issues. Data are inserted inside informational infrastructure, composed of organizations, producers, software, users, market, etc., whose interests may provoke “data friction”. The release of data is the result of successive trials of diffusibility that align the interests of these various actors. Second, before making analysis, data must be associated to produce a new representation of the city. Data are never raw. They embody a specific representation of the city to meet a special need. To re-use them for another purpose, a large part of big data projects implies to make connection between pieces of these heterogeneous data. The challenge is to find a common grip between datasets without changing the way they are produced. Third, this way of associating data through a common attribute transforms the object of government. Instead of representing the city through agencies operational perspectives, the city is now perceived through this connector, which is at a center of a network composed by all agencies datasets. Each building - or each citizen - is now individualized by its specific network, and can be considered as a specific entity that can be targeted.


Participants

Alphandéry Pierre pierre.alphandery@wanadoo.fr
Badouard Romain romain.badouard@gmail.com
Baudot Pierre-Yves pybaudot@cesdip.fr
Benbouzid Bilel bilel.benbouzid198@gmail.com
Bezes Philippe philippe.bezes@cersa.cnrs.fr
Cardon Dominique dominique.cardon@gmail.com
Courmont Antoine antoine.courmont@sciencespo.fr
Dubois Vincent vincent.dubois@misha.fr
Fortier Agnès fortier@ivry.inra.fr
Goeta Samuel samgoeta@gmail.com
Kotras Baptiste bkotras@gmail.com
Le Bourhis Jean-Pierre lebourhis@u-picardie.fr
Mabi Clément clement.mabi@gmail.com
Marrel Guillaume guillaume.marrel@univ-avignon.fr
Nonjon Magali magali.nonjon@univ-avignon.fr
Ollivier-Yaniv Caroline yaniv@u-pec.fr
Payre Renaud renaud.payre@sciencespo-lyon.fr
Pinson Gilles g.pinson@sciencespobordeaux.fr
Rivat Emmanuel em.rivat@gmail.com
Vedel Thierry thierry.vedel@sciencespo.fr
Weill Pierre-Edouard pierreedouard.weill@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

© Copyright 2014 Association Française de Science Politique (AFSP)
27 rue Saint-Guillaume 75337 Paris Cedex 07 France
Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciencespo.fr