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Section Thématique 23

Remettre l’idéologie sur le métier ? La place des « idées » dans la profession politique
« Ideas » in the political profession

Responsables

Rafaël COS (CERAPS/Université Lille 2) rafael.cos@univ-lille2.fr
Anne-Cécile DOUILLET (CERAPS/Université Lille 2) anne-cecile.douillet@univ-lille2.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

La question des « idées » en science politique apparaît aujourd'hui soumise à un paradoxe. D'un côté, elle semble avoir fait les frais du tournant sociologique qu’a connu l'analyse des organisations politiques (Contamin, Heurtin, à paraître). Ce tournant a en effet très largement marginalisé l'étude doctrinale des partis, au profit d'analyses centrées sur le fonctionnement des organisations et sur les propriétés de leurs membres. D'un autre côté, les discussions sur le « rôle des idées » sont très présentes dans l’analyse des politiques publiques : elles sont centrales dans les diverses « approches cognitives » (Surel, 2014) et « discursives » (Durnova, Zittoun, 2013), tandis que la territorialisation de l’action publique a remis à l’ordre du jour la question de l’idéologie dans les politiques publiques (Desage, Godard, 2005 ; Arnaud et al., 2006). Ainsi, alors même que les manuels de science politique évoquent de façon routinière une « fonction de production idéologique » des partis, la place des « idéologies », « référentiels » ou « visions du monde » n'est plus étudiée qu'au prisme de l'action publique. Le fait que les élus apparaissent souvent comme des acteurs secondaires dans la fabrique des politiques publiques (Sawicki, 2002) tend d’ailleurs à déconnecter l’analyse de la place des « idées » dans l’action publique de celle des partis et des représentants politiques.

Cette section thématique vise à réintroduire « les idées » dans l’analyse des organisations partisanes et de leurs membres, en se demandant à quelles conditions, et selon quelles modalités, les professionnels de la politique sont aussi des professionnels des idées. Il s’agit ainsi d’explorer une dimension négligée du métier politique. Les travaux bourdieusiens développés durant les années 1980 (Bourdieu, 1981 ; Gaxie, Lehingue, 1984) ont certes souligné la texture symbolique et discursive des luttes opposant les agents positionnés au sein du champ politique. La sociologie des élites politiques en tant qu'agents spécialisés dans la production de visions et de divisions du monde a notamment souligné les relations d'homologie plus ou moins réfractées entre les intérêts spécifiques des professionnels de la mandature et les intérêts universels dont ils se prévalent (Gaxie, 1990). Néanmoins, les « idées » tendent parfois à n’être plus appréhendées que comme la pure expression des effets de position, ou comme de simples ressources dans le cadre de la compétition pour les trophées électifs. Une telle approche court le risque d'appauvrir l'interprétation des usages des idées par les professionnels de la politique mais aussi de négliger les contraintes et les effets de la mobilisation de telle ou telle théorie, doctrine ou analyse scientifique. En s’interrogeant sur la place qu’occupent le « débat d’idées » et l’analyse théorique dans l’agenda des professionnels de la politique, il s’agit en quelque sorte de se demander si vivre « pour » la politique signifie ne vivre que pour les élections, et de prendre au sérieux l’affirmation selon laquelle les intérêts politiques sont des intérêts à la fois « à », et « pour ».

Cette section thématique s'inscrit dans le sillage des efforts récemment déployés pour promouvoir une « histoire sociale des idées politiques » (Matonti, 2013). Elle en partage en particulier l'un des objectifs, celui de rompre avec le biais idéaliste enfermant les « idées » dans une sphère purement théorétique et, au-delà, de penser les moyens d'un dépassement des oppositions entres analyses internalistes et externalistes des idées politiques. Elle répond par ailleurs à l’invitation à faire des « éléments idéels de la compétition politique » un objet d’étude à part entière dans l’analyse des milieux militants (Belorgey et al., 2011). Centrée plus spécifiquement sur les organisations partisanes et les professionnels de la représentation politique, la présente proposition se donne également pour ambition de confronter les approches macroscopiques et statistiques des « idées », qui les appréhendent notamment à travers les programmes partisans et les agendas législatifs, à une approche plus contextuelle des idées, dans la veine de l'École de Cambridge (Pocock, Skinner). Enfin, parce que nous n’envisageons pas les « idées politiques » uniquement comme des systèmes doctrinaux ou des théories sociales mais aussi comme des propositions d'action publique, éventuellement amarrées à des systèmes de valeurs ou à des analyses scientifiques, cette section thématique s’inscrit aussi dans le souci d’analyser la production de l’action publique comme une dimension à part entière du métier politique (Douillet, Robert, 2007), ce qui conduit notamment à considérer les partis et les élus comme de possibles entrepreneurs de cause.

L’objectif de la section thématique est ainsi de réfléchir à la manière dont les professionnels de la politique travaillent sur et avec les « idées », à la croisée d'assemblages symboliques (plus ou moins) sédimentés, de théories (plus ou moins) sophistiquées et de propositions d'action publique (plus ou moins) technicisées. Plusieurs pistes sont ouvertes dans cette perspective, autour de quatre enjeux.

– Un premier enjeu consiste à donner un contenu à la notion d' « idée ». « L'idéologie » est-elle une notion ou un concept opérant pour appréhender les partis comme des « administrations de sens » ? Comment penser les « idées » dans le cadre de partis envisagés comme des entreprises culturelles (Sawicki, 2001) ? D’un point de vue méthodologique, on peut aussi se demander si la qualification « d’idée » doit provenir du chercheur ou des acteurs étudiés.

– Un deuxième enjeu est de se défaire d'une définition trop englobante du « professionnel », pour mieux restituer les variations historiques et spatiales de l'exercice du métier politique, appréhendé du point de vue de la mobilisation des idées. Si les idées n'existent jamais en elles-mêmes et se définissent toujours de manière relationnelle, leurs usages politiques doivent être saisis empiriquement au regard des différentes arènes et des multiples jeux dans lesquels sont prises les élites politiques. S’intéresser à la façon dont des professionnels de la politique avancent et défendent des « idées », dans des ouvrages ou des chroniques par exemple, en lien (ou non) avec les organisations partisanes dont ils font (ou ont fait) partie, est une façon d’aborder ces questionnements.

– La troisième piste ouverte est celle des modalités de la confection idéelle partisane. L’enjeu est ici d’articuler les espaces partisans, intellectuels et experts. Il convient pour cela d’analyser les interactions et circulations entre professionnels de la mandature et membres de think tanks, clubs, revues intellectuelles. Dans quelle mesure les organisations partisanes recourent-elles à des formes d'externalisation collective du travail de production idéelle ? Quelles sont les conditions de possibilités des appropriations partisanes des productions savantes ?

– Enfin, cette section thématique se propose d'explorer comment certains biens idéels partisans, tels les programmes, peuvent être constitués en ressources symboliques pour la conduite de l'action publique et, in fine, orienter les politiques publiques. Cette quatrième piste de réflexion soulève d’importants enjeux méthodologiques, notamment pour identifier les agents et les processus à travers lesquels la production idéelle partisane nourrit l’intervention publique.

C'est en croisant ces différentes dimensions que l'on espère mieux saisir le périmètre, les conditions et les modalités d'usage des « idées » à l'intérieur du champ politique.


Although one of the functions traditionally assigned to political parties is to further an ideology and produce manifestos, the study of political parties focused primarily on the practical functioning of organizations and on members’ profiles rather on the way they use and refer to “ideas”. This is in stark contrast with the current debates on the “role of ideas” in policy analysis (see cognitive and discursive approaches). Nevertheless, these questionings are quite disconnected from inquiries on the role of political parties and representatives in policy making. As such, this panel aims to reintroduce “ideas” in the study of political organizations and their members. It will attempt to go beyond analyses considering the stances defended by representatives as mere resources in the electoral competition (Bourdieu 1981; Gaxie, Lehingue, 1984). To put it differently, the bottom line is: “do politicians only live for elections”?

To some extent, the project is in the wake of the recent promotion of a “social history of political ideas” (Matonti, 2013), notably because it intends to transcend the opposition between internal analysis (or “content analysis”) and external analysis (by “social” causes). It is also an answer to calls for the inclusion of ideas in the study of political activism (Belorgey et al., 2011). Finally, as we see “political ideas” not only as doctrines and theories but also as policy proposals, the panel plays a part in reconsidering policy making as a full dimension of the political profession (Douillet, Robert, 2007).

The objective is thus to reflect on the way politicians work on and with “ideas”, considered as a mix of symbols, theories and policy proposals.

Four different types of questions will be particularly investigated. The first issue will be to give a content to the notion of “idea”. Is the term “ideology” relevant to assess political parties as meaningful administrations? How can we apprehend “ideas” in parties considered as “cultural enterprises”? (Sawicki, 2001)? Taking into account that politicians are not a homogeneous category and that contexts impact on the way they mobilise ideas, the second focus will be on determined politicians, to analyse how they promote and defend ideas in different arenas and formats (books, media, while elected or not), in relation (or not) with the party they belong to (or belonged to). Individual use of ideas by politicians will thus be at the heart of this line of approach. A third perspective will be the making of political programs and manifestos: how and by whom are these political platforms built? How do party members interact with think tanks, clubs or “intellectuals”? Finally, the panel will investigate how programs or manifestos, and more generally “ideas” promoted by political parties and/or politicians, can impact on policies. An important methodological challenge is to identify actors and processes through which “ideas” feed public intervention.


Références

Arnaud L., Le Bart C., Pasquier R. (dir.), Idéologie et action publique territoriale. La politique change-t-elle encore les politiques ?, Rennes, PUR, 2006
Bourdieu P., « La représentation politique. Éléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 36-37, 1981
Belorgey N. et al., « Théories en milieu militant », Sociétés contemporaines, n°81, 2011
Contamin J.-G., Heurtin J.-P., Que faire des idées en science politique ?, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, à paraître
Desage F., Godard J., « Désenchantement idéologique et ré-enchantement mythique des politiques locales », Revue française de science politique, vol. 55, 4, 2005
Douillet A.-C., Robert C., « La production de l’action publique dans l’exercice du métier politique », Sciences de la société, n°71, 2007
Durnova, A., Zittoun, P., « Les approches discursives des politiques publiques », Revue française de science politique, vol. 63, 3-4, 2013
Gaxie D., Lehingue P., Enjeux municipaux. La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, Paris, PUF, 1984
Gaxie D. (dir.), Le « social » transfiguré. Sur la représentation politique des préoccupations « sociales », Paris, PUF, 1990
Matonti F., « Plaidoyer pour une histoire sociale des idées politiques », Revue d'histoire moderne et contemporaine, n°59-4 bis, 2012
Sawicki F., « Les partis comme entreprises culturelles », in Cefaï D., dir., Les cultures politiques, Paris, PUF, 2001
Sawicki F., « Du parti à l’assemblée régionale. Itinéraire d’un professionnel de l’intermédiation », in Nay O., Smith A., dir., Le gouvernement du compromis, Paris, Economica, 2002
Surel Y., « Approches cognitives », in Boussaguet L., Jacquot S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, 2014


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Introduction
Rafaël Cos (Université de Lille, CERAPS) et Anne-Cécile Douillet (Université de Lille, CERAPS)

Axe 1 / Écologie politique de la production idéelle des partis politiques

1.1 La place des "intellectuels" dans la production idéelle des partis politiques

1.2 La circulation de "solutions politiques" entre partis politiques et think tanks

Discussion : Frédérique Matonti (Université Paris 1, CRPS)

Axe 2 / Un positionnement idéologique individualisé? Les professionnels de la politique hors des partis politiques

Axe 3 / L'usage des programmes partisans dans la production de l'action publique

Intervention conclusive : Nathalie Ethuin (Université de Lille, CERAPS)
Comment penser les idées et l'idéologie dans les entreprises politiques ?


Résumés des contributions

Thibaut Rioufreyt (IEP de Paris, CDSP)

Ce que l’analyse secondaire apporte à la socio-histoire des idées politiques. Retour d’enquête sur deux revues du parti : La « Revue Socialiste » et « La Nouvelle critique ».

Que faire des intellectuels ? Quel(s) rapport(s) le parti doit-il entretenir avec eux ? Quelle place leur accorder et quel rôle doivent-ils remplir ? Voilà autant de questionnements qui parcourent l'histoire de la gauche française et qui constituent une constante du discours de ses dirigeants. Y répondre nécessiterait un véritable programme de recherche requérant une série d'enquêtes. Dans ce cadre général, l'enquête que je réalise prend pour objet deux revues : La Revue socialiste et La Nouvelle Critique, respectivement liées au PS et au PCF. L'étude de ces deux revues est un observatoire particulièrement heuristique, à la fois parce que la revue est l'un des médias qui participe de la structuration même de l'espace intellectuel français, singulièrement à gauche, et parce que les revues théoriques de parti constituent une interface privilégiée entre responsables partisans et intellectuels, l'étude de ces deux revues est un observatoire particulièrement heuristique. Dans cette perspective, l'enquête repose notamment sur l'analyse secondaire de deux enquêtes réalisées sur ces revues : la première, réalisée par Frédérique Matonti sur les intellectuels communistes à travers l'étude de La Nouvelle Critique (1967-1980), la seconde, menée par Émeric Bréhier sur les revues politiques de la gauche non communiste (1958-1986). La méthodologie est une dimension encore trop souvent éludée dans l'étude des idées politiques, alors même que les impasses méthodologiques ont joué un rôle plus important qu'il n'y paraît dans l'explication de la dévaluation des études des idées au sein des partis politiques à partir des années 1980. D'autre part, l'analyse secondaire de données qualitatives reste peu développée en France, et plus encore en histoire sociale des idées. Pour ces deux raisons, cette communication porte sur la dimension méthodologique de l'analyse secondaire, sur ses enjeux, ses apports et ses limites, en montrant à travers cette enquête ce qu'elle peut apporter à la socio-histoire des idées politiques.

What does the secondary analysis bring to the socio-history of political ideas. Feedback on surveys about two party journals: “La Revue Socialiste” and “La Nouvelle Critique”

Which place for intellectuals? Which relations does the party have to maintain with them? Which place to grant to them and which role must they have? These are so many questions that go through the history of the French left and that constitute a constant in the discourse of its leaders. To answer to those questions would require a real research program with a series of survey. In this general framework, the survey that I realize takes for object two journals: La Revue Socialiste and La Nouvelle Critique, respectively bound to the PS and the PCF. The study of this two journals is a vantage point particularly heuristic, both because the journal is one of the media that participates to the structuration of the French intellectual space, particularly on the left, and because the theoretical journals of party constitute an interface favored between partisans and intellectuals in charge. In this perspective, the survey is particularly based on the secondary analysis of two inquiries realized on those journals: the first one, realized by Frédérique Matonti about communist intellectuals through the study of La Nouvelle Critique (1967-1980), the second one conducted by Émeric Bréhier on political's journals of the not-communist left (1958-1986). The methodology is a dimension still too often eluded in the study of political ideas, even though the methodological impasses have played a more important part in the explanation of the discredit of ideas studies within political parties since the eighties. On the other hand, the secondary analysis of qualitative data remains not much developed in France, and even more in social-history of ideas. For these two reasons, this presentation focus on the methodological dimension of the secondary analysis, its issues, its contribution and its limits, showing through this investigation what it can bring to the socio-history of political ideas.


Marc Patard (IEP de Paris)

Les think tankers : un personnel qui se bat pour des « idées » et non des « idéologies »

Pour les think tankers, les idéologies sont vécues comme sclérosantes alors que les idées sont perçues comme pures de toute contagion. Le personnel des think tanks associe, en effet, aux partis politiques traditionnels des représentations qui sont liées à une forme rigide de militance et à une démarche archaïque de défense des idéologies. A contrario, la finalité du think tank est de « penser du neuf hors des idéologies » à partir de la recherches « d’idées » au sein « d’agences d’ingénierie politique », selon notre propre traduction du vocable « think tank ». Cette idée d’une protection de la pensée par une structure fermée - conformément à l’étymologie de ce terme - n’est pas neuve puisque, du temps des sociétés de pensée du XVIII° sièclr, il était établi que ces structures mettaient leurs membres à l’abri du « fanatisme, de l’aristocratie, et de l’égoïsme ». Mais à observer de plus près cette dichotomie défendue par les think tankers entre idées et idéologies, des indicateurs tendent à montrer que cette séparation dans les pratiques n’est pas aussi radicale que ce que ce nouveau personnel politique annonce dans ses discours. Parce que la séparation entre idée et idéologie relève dans les discours d’une construction stratégique, il conviendra d’analyser les ressorts qui rendent sa fabrication crédible. C’est notamment à partir d’un travail comparatif de la prise en charge de l’idée de réforme des retraites par les différents think tanks que nous proposerons une analyse critique de la (sur)valorisation des « idées » dans le processus de construction de la décision publique.
 
Think tankers: fighting for ideas rather than ideologies

For think-tankers, ideologies are described as immobilizing whether ideas are perceived as cleared from all forms of contagion. Indeed, staff from think-tanks usually associates with traditional political parties mental pictures that are linked to a rigid form of militancy and a nearly prehistoric approach of defending ideologies. Contrarily, the main objective of a think-tank is to "think new regardless of any ideological consideration" by looking for "ideas" in "political engineering  agencies", according to our own translation of the word "think-tank".This idea of containing thinking into a predefined patn - in accordance with the etymology of the concept - is everything but new since, at the time of XVIIIth century's clubs and societies, it was proved that those associations were protecting their members from "fanaticism, aristocracy and selfishness". However, when exploring more precisely this dichotomy, defended by think-tankers, between ideas and ideologies, some indicators tend to show that this separation in regards to practices is not as dramatic as what these new political staff's speeches suggest. As the distinction between idea and ideology made in speeches results from a strategic intellectual construction, drivers which make its elaboration plausible will need to be examined. It is essentially through comparing the handling of the notion of pension system's reform by different think-tanks that we will be able to develop a critical analysis of the (over)rating of "ideas" in the public decision making processing.


Camilo Argibay (Université de Lyon, Triangle)


La production d’idées politiques aux marges des partis. Sociologie des experts et de l’environnement politique de Terra Nova

Cette communication est centrée sur l’étude de productions d’idées politiques par le think tank Terra Nova. Il s’agit notamment de comprendre le rôle joué par cette fondation dans la production idéologique du Parti socialiste (PS). Fonctionnant avec très peu de permanents, Terra Nova a recours à des experts extérieurs non rémunérés pour mener des réflexions sur une vaste série de sujets. Leur travail, fortement sectorisé, conduit à la publication de notes et de rapports. Ces documents sont construits de manière très opérationnelle autour d’un même triptyque : identification d’un problème, établissement d’un diagnostic et proposition de solutions publiques à mettre en œuvre. Ces producteurs d’idées politiques sont à la fois divers (origine professionnelle, génération) et semblables (identification politique, genre, recrutement). Pour comprendre la contribution de ce think tank à la production d’idées politiques, la communication aborde également une étude des scènes rendant possible la circulation des « solutions politiques » formalisées par Terra Nova auprès d’acteurs politiques. Bien qu’il existe une réelle indépendance financière vis à vis du PS, les interpénétrations entre le think tank et le parti sont nombreuses. A la fois parce que certains des experts sollicités sont des élus socialistes, mais aussi par la diffusion des productions de Terra Nova auprès de certains responsables du parti. Cette activité a été particulièrement importante dans l’année qui a précédé l’élection présidentielle de 2012.

Political ideas production beside parties. Sociology of a think tank expertise: Terra Nova.

This text focuses on a French think tank: Terra Nova. This foundation contributes to the ideological production of the French socialist party. Terra Nova works with a very limited staff and uses external and unpaid experts to produce research on different political, social and economical problems. They write reports and notes for the think tank. These documents contain all the same elements: identification of a problem, establishing a diagnosis and proposal for political solutions. Terra Nova’s experts have both different (professional occupation, generation) and similar (political identification, gender, recruitment) properties. The text offers a sociography of these experts and studies the process of ideas’ dissemination between the think tank and the Socialist Party. Despite the financial independence, interlinks with French socialist party are quite important. These links can be identified on one hand through the number of several experts who are elected socialist representatives. On the other hand, Terra Nova’s publications are transmitted (publicly and privately) to party leaders. This activity was especially important during 2011, one year before presidential election.


Christian Le Bart (IEP de Rennes, CRAPE)

L’individualisation du travail idéologique : les livres publiés par les professionnels de la politique

L'offre programmatique a progressivement été monopolisée par les partis politiques. Ceux-ci utilisaient le livre parmi d'autres moyens de communication, mais en privilégiant toujours l'énonciation collective. Le parti s'exprimait grâce à ses porte-parole, et il mettait en avant une ligne idéologique. On assiste depuis plusieurs décennies à une individualisation de l'offre politique. Toutes les personnalités politiques s'efforcent de publier pour visibiliser un travail programmatique désormais individuel. Les politiques s'appuient de plus en plus, pour mener à bien cette tâche, sur des ressources modestes comme l'expérience personnelle, les rencontres, les lectures personnelles.

The individualization of ideological work in books published by politicians

The political programmatic offer was gradually monopolized by the political parties. They used the book among other means of communication, but always favoring collective enunciation. The party was speaking through his spokesman, and he put forward an ideological line. There has been for decades an individualization of the political offer. All political personalities try to publish to make visible an individual programmatic work now. Politicians are based increasingly, to carry out this task, on modest resources such as personal experiences, personal meetings, personal readings.


Nicolas Harvey (Université d’Ottawa)

Un retour vers la liberté de penser? Idées et engagements des anciens professionnels québécois de la politique devenus chroniqueurs

En quittant la vie politique, les anciens élus peuvent retrouver une partie de leur liberté de parole. Cette liberté est particulièrement manifeste lorsque ces anciens élus amorcent une nouvelle carrière médiatique de chroniqueur, d’expert ou de débatteur. Le système parlementaire québécois s’inscrivant dans la tradition britannique, la ligne de parti et la solidarité ministérielle rendent difficile la dissidence face à l’action gouvernementale (si au pouvoir) ou à la position officielle du chef (si dans l’opposition). Une autre spécificité du système politique québécois est la règle générale voulant que la vie politique soit limitée à une période relativement courte dans la carrière d’un individu. La retraite de la vie politique survient généralement tôt et permet l’amorce d’une nouvelle carrière. Ces anciens politiques ayant une visibilité médiatique défendront des positions plus orthodoxes que leur parti politique, agissant en moralisateurs. Le positionnement de ces anciens professionnels de la politique permettra de comprendre les enjeux liés à l’espace séparant l’idéal politique et la stratégie électorale. En règle générale, ils justifieront les actions prises lorsqu’ils étaient élus tout en critiquant l’action actuelle de leur formation politique au nom d’idéaux supérieurs. Une motivation de ces prises de distance est la volonté (personnelle et médiatique) de ne pas tenir une chronique partisane, dans un contexte de construction polarisante du débat médiatique.

A return towards freedom of thinking? Ideas and commitments of former political professionals of Québec now columnists

When exiting political life, ex elected members can now go back to a part of their liberty of speech. This liberty is particularly obvious when these ex members have begun a new media career of columnists, experts or debaters. Québec’s parliamentary system registered in the British tradition, the party’s main themes as well as ministerial solidarity render difficult the dissidence towards governmental action (if in power) or to the chief’s official position (if in the opposition).  Another specificity in Québec’s political system is the standard rule in which political life be limited to a relatively short period in the career of an individual.  Retirement from political life generally occurs early which allows the beginning of a new career.  These ex politicians with media visibility will now defend more orthodox positions than their political party thus acting as moralizers. The positioning of these ex political professionals will help understand the issues related to the space separating political ideal and electoral strategy.  In general, they will justify the actions taken when they were elected at the same time criticizing the actual action of their political training in the name of superior ideals.  One of the motivations of this distancing is the will (both media and personal) not to hold a partisan column in a centred construction context of media coverage debate.


Karim Fertikh (EHESS, Centre Georg Simmel)


La référence au programme comme instrument de labellisation. Le programme de Bad Godesberg : usages et transferts

Le programme de Bad Godesberg, adopté en 1959 par le Parti social-démocrate d’Allemagne, est considéré comme un « virage idéologique » au sein de la social-démocratie européenne. Ce programme est mobilisé, dans de nombreux pays européens, pour mettre en forme des rapports partisans à l’action publique (pragmatisme vs idéologie) aussi bien que pour qualifier l’action publique. Cette communication entend explorer le spectre de significations construites par les acteurs se revendiquant du programme. Après avoir mis en évidence la production sociale d’une réception réformiste du programme de Bad Godesberg, nous en envisageons ses circulations en mettant en évidence la manière dont la référence au programme est mobilisée pour labelliser des entreprises politiques éloignées dans le temps et l’espace de son moment de production initiale. L’observation porte sur son transfert au sein de l’espace français dans les années 1970, ainsi que sur les tentatives, avortées, du gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder de mobiliser « Bad Godesberg » pour appeler une réforme de l’Etat social en Allemagne à la fin des années 1990. A travers l’analyse de ces circulations et usages pluriels de Bad Godesberg, cette observation d’un programme dans ses mobilisations par les acteurs entend montrer la plasticité contextuelle et la production en situation des significations d’un programme politique. L’action publique apparaît, à partir de cette étude, qualifiée par les entreprises de labellisation programmatique plus qu’elle n’est construite par le programme.
 
Reference to a political program as an instrument of labelling. The Bad Godesberg platform: uses and transfers

The Bad Godesberg political platform adopted in 1959 by the German Social Democratic Party is considered to be an ideological turn for the European social democracy. In many European countries, this program is used to give contours to the relations of the party to public policy (pragmatism vs. ideology) as well as to characterise public policy. This communication seeks to explore the spectrum of meanings produced by actors who claim to be inspired by this platform. After highlighting the social production of a reformist reception of the Bad Godesberg platform, we will consider how it circulates by highlighting the ways in which the reference to the platform is mobilized to label political projects removed in time and space from the original historical situation in which it was produced. This observation concerns its transfer into the French landscape in the 1970's as well as the abortive attempts of the government of Gerhard Schroeder to mobilise Bad Godesberg to legitimize reforms of social welfare policies in Germany at the end of 1990's. Through analysis of the circulation and multiple uses of Bad Godesberg, this observation of a platform in its mobilisations by various actors seeks to highlight the contextual plasticity and the production of meanings in situ of political platforms.  From this study, public policy appears more to be labelled or named by political platforms than produced by the text and an intrinsic meaning itself.


Christophe Bouillaud (IEP de Grenoble, Pacte) Isabelle Guinaudeau (IEP de Grenoble, Pacte) & Simon Persico (IEP de Grenoble, Pacte)

L’influence des partis politiques sur les politiques publiques. Une étude de la trajectoire de trente enjeux de politique publique en France depuis 1981

Cette communication s’efforce de contribuer à une meilleure compréhension de l’influence partisane sur les politiques publiques, sur la base d’une étude fine de l’influence des partis sur les politiques publiques, combinant méthodes quantitatives et qualitatives. Nous étudions le sort des promesses électorales relatives à trente enjeux de politique publique en France depuis 1981, tirés au sort à partir de la base de données du Comparative Agendas Project. Pour chaque enjeu, nous nous efforçons de répondre aux questions suivantes : à chaque élection législative et présidentielle, l’enjeu a-t-il été abordé ; le contenu des politiques publiques mises en œuvre correspond-il aux promesses électorales des partis au pouvoir ; quel est l’impact de la visibilité médiatique de l’enjeu, des propositions des partis d’opposition, des contraintes institutionnelles et de la situation macroéconomique sur la réalisation des promesses électorales ? Pour répondre à ces questions, cette communication s’appuiera sur l’étude approfondie des programmes partisans et des discours de campagne tels qu’ils sont couverts dans la presse, ainsi que des agendas de politique publique (lois, décrets, ordonnances notamment), en combinant analyses statistiques et process tracing.
 
The influence of political parties on public policy. The fate of 30 policy issues in France since 1981

This paper helps understanding the influence of political parties on public policy, by taking an intermediary stance on the “Do parties matter?” question. It will combine both qualitative and quantitative methods in the study of the fate of 30 randomly selected policy topics in France since 1981, thanks to data from the Comparative Agendas Project. This will allow assessing for differences and similarities in party programmes or ideologies, and their impact on government policy. More precisely, for each of these topics, we will explore the presence/absence of the topic in the campaign, the extent to which policy decisions (laws, decrees) fulfil parties’ electoral pledges, and how far party responsiveness varies depending on issue salience, the level of policy conflict, veto players, and macro-economic conditions. In order to answer these questions, this article will be based on systematic analyses of party manifestos and campaign speeches (through press coverage analysis), as well as policy agendas. It will combine statistical analyses and process-tracing.


Participants

Argibay Camilo camilo.argibay@gmail.com
Bouillaud Christophe christophe.bouillaud@iep-grenoble.fr  
Brookes Kevin kevin.brookes@iepg.fr
Cos Rafaël rafael.cos@univ-lille2.fr
Douillet Anne-Cécile anne-cecile.douillet@univ-lille2.fr
Ethuin Nathalie nathalie.ethuin@univ-lille2.fr
Fertikh Karim karim.fertikh@ehess.fr  
Guinaudeau Isabelle isabelle.guinaudeau@iepg.fr
Harvey Nicolas nharvey@uottawa.ca
Le Bart Christian christian.lebart@sciencespo-rennes.fr
Matonti Frédérique frederique.matonti@wanadoo.fr
Patard Marc marc.patard@sciences-po.org
Persico Simon simon.persico@sciencespo.fr  
Rioufreyt Thibaut thibaut.rioufreyt@sciencespo-lyon.fr

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciencespo.fr