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Section Thématique 24

La démocratie délibérative en action : forums, systèmes, médias
Deliberative Democracy in Action: Forums, Systems, Media

Responsables

Charles GIRARD (Université Lyon 3 Jean Moulin) charles.girard@univ-lyon3.fr
Bernard MANIN (EHESS/New York University) bernard.manin@nyu.edu 

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Cette section thématique entend engager une réflexion collective sur l’avenir de la démocratie délibérative, en partant tant des perspectives théoriques récemment ouvertes que des efforts de mise en œuvre pratique actuellement engagés. A partir de la vaste littérature produite sur le sujet en science politique et en philosophie politique (Girard et Le Goff, 2010, Reber, 2011, Sintomer et Talpin 2011), elle prendra pour fil directeur la question des lieux de la délibération publique. Où peut se loger la délibération dans des sociétés de masse marquées par un degré élevé de complexité sociale, l’existence d’institutions représentatives, et la domination de médias de masse sur les structures de la communication publique ? Comment identifier, distinguer et relier les forums formels ou informels, micro- ou macro-, exerçant un pouvoir décisionnel ou une influence diffuse, abritant la confrontation contradictoire des discours politiques ? À quelles contraintes – épistémiques ou d’équité – doivent-ils être soumis, pour concilier en même temps les exigences de rationalité et d’inclusion formulées par ce modèle normatif ?
 
On considérera 1) les ressources offertes par l’approche systémique, qui permet de penser une division du travail entre lieux institutionnels ; 2) la possibilité d’une délibération médiatisée, qu’elle passe par les médias de masse ou par les nouveaux médias ; 3) les exigences normatives associées à des arènes distinctes ; et 4) les implications pour ces différents lieux d’une approche de la délibération qui fait droit à la place qu’y tiennent les intérêts particuliers et les rapports de pouvoir. Cette section thématique réunira ainsi des communications en français et en anglais considérant les développements récents et à venir de la théorie délibérative, et s’inscrivant dans un ou plusieurs des axes suivants.
 
1. Approches systémiques de la délibération
Concevoir les institutions d’une démocratie sous forme de « systèmes » opérant une division du travail entre les lieux de l’action politique doit permettre, selon divers auteurs (Dryzek, 2010, Parkinson et Mansbridge, 2012), de rendre plus opératoire le paradigme délibératif. Comment concevoir, évaluer et assurer la complémentarité fonctionnelle entre des « régions » du système assurant des tâches représentatives, reposant sur la négociation ou sur la délibération, voire incarnant des contraintes d’inclusion et de rationalité ?
 
2. Approches médiatiques de la délibération
Si la délibération a longtemps été conçue sous la forme d’une conversation réglée en face-à-face au sein d’un petit groupe, ce cadrage interdit de concevoir la régulation délibérative de la communication médiatisée, qui constitue pourtant une part essentielle de la communication publique dans des régimes de masse. La délibération peut-elle être médiatisée, comme de certaines contributions l’ont récemment suggéré (Manin et Lev-On, 2006 ; Rousiley, 2012), en considérant tant les médias de masse traditionnels que les nouveaux médias ?
 
3. Approches épistémiques de la délibération
La tension souvent notée entre impératif de rationalité et impératif d’inclusion prend des formes distinctes selon les contextes où elle est à l’œuvre (Estlund, 2011). Comment concevoir les modalités changeantes de leur articulation ? L’ambition épistémique de la démocratie délibérative peut-elle justifier des contraintes sur la participation des citoyens sans saper en même temps sa visée égalitaire ?
 
4. Approches conflictuelles de la délibération
L’opposition simpliste entre une perspective délibérative supposée nourrir des ambitions iréniques et une perspective agonistique supposée étrangère à tout dialogue a été largement remise en cause ces dernières années par de nombreux travaux (Mansbridge et al., 2010 ; Fung, 2011 ; Bächtiger, 2011). Mais dès lors qu’on reconnaît la place qu’occupe l’intérêt particulier dans les débats réglés par l’invocation de normes impersonnelles, et qu’on s’efforce de saisir le rôle que joue le pouvoir dans tout affrontement discursif, comment redéfinir les conditions et les lieux de la délibération ?
 

This panel will explore the future of deliberative democracy. Scholars from various traditions and backgrounds will try to identify theoretical avenues and empirical fields that deliberative studies should explore in the coming years.
The issue of the places for democratic deliberation will serve as a common thread for the discussions. Where and when can deliberation take place in mass societies characterized by high levels of social complexity, pervasive representative institutions and public communication carried by mass media, alongside new media? How can we identify and connect formal and informal forums, micro- and macro- arenas, strong and weak publics in these regimes? What epistemic and fairness requirements can and should these places be subjected to, in order to reconcile the rational and inclusive dimensions of deliberative democracy?
Contributions will consider, among other topics:
1) the value of the systemic approach : can an institutional division of labor favor the implementation of deliberative democracy? How should we conceive the functional integration of different institutions or arenas within a common deliberative “system”? How can we distinguish between positive and negative integration?
2) the role of the media in deliberative democracy: can traditional and new media enable citizens to engage in deliberation beyond the traditional face-to-face settings ? Can deliberation, understood as an adversarial process, be mediated? Is there such a thing as “mass deliberation”?  
3)  the normative requirements associated with democratic deliberation: should epistemic norms and norms of fairness vary according to the places where deliberation takes place? How should we conceptualize the articulation of epistemic and fairness requirements? To what extent are the rational and inclusive aims of deliberative democracy in tension with each other? If so, how should we approach the trade-off?
4) the role of self-interest and power: how can deliberative theory go beyond the simplistic opposition between irenic and agonistic approaches to discursive conflict ? What role should self-interest and the common good play in public contestation? How should we understand the interaction between reason and power, or persuasion through argumentation and persuasion through influence, in democratic deliberation?


Bibliographie

Bächtiger, A., 2011, « Contestatory Deliberation », Paper presented at the Epistemic Democracy Conference, Yale University, 22/10/2011, en ligne : http://www.uio.no/english/research/interfaculty-research-areas/democracy/news-and-events/events/seminars/2011/papers-yale-2011/Yale-Bachtiger.pdf
Dryzek J. 2010, Foundations and Frontiers of Delibrative Governance, Oxford, Oxford University Press.
Estlund D. 2011, L’autorité de la démocratie. Une perspective philosophique, Paris, Hermann.
Fishkin J., 2009, When the People Speak: Deliberative Democracy and Public Consultation, Oxford, Oxford University Press.
Fung A., 2011, « Délibérer avant la révolution. Vers une éthique de la démocratie délibérative dans un monde injuste », Participations, 1, 2011/1, p. 311-334.
Girard C., Le Goff A. (dir.), 2010, La Démocratie délibérative. Anthologie de textes fondamentaux, Paris, Hermann.
Manin B., 2006, « Internet: la main invisible de la délibération », (en collaboration avec Azi Lev-On), Esprit, p. 195-212.
Mansbridge, J., et al., 2010, “La place de l’intérêt particulier et le rôle du pouvoir dans la démocratie deliberative”, Raisons politique, 42 (1), p. 47-82.
Parkinson J., Mansbridge J. (dir), 2012,  Deliberative Systems. Deliberative Democracy at the Large Scale, Cambridge, Cambridge University Press.
Reber B. (dir.), 2011, « Vertus et limites de la démocratie délibérative », Archives de philosophie, 74 (2).
Rousiley C. M. M., 2012, Deliberation, the Media and Political Talk, New York, Hampton Press.
Sintomer Y., Talpin J. (dir.), 2011, « Démocratie délibérative », Raisons politiques, 42.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : informations bientôt disponibles


Programme

Axe 1 / Approches globales de la démocratie délibérative : mouvements, institutions, systèmes
 
Président de séance : Loïc Blondiaux (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - France)
Répondante : Jane Mansbridge (Harvard University - États-Unis)

Axe 2 / Lieux et formes de la délibération : groupes, forums, assemblées
 
Présidente de séance : Florence Haegel (Sciences Po Paris - France)
Répondant : Yves Sintomer (Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis - France)


Résumés des contributions

André Bächtiger (Universität Stuttgart - Allemagne) & Marina Lindell (Abo Akademi - Finlande)
 
Une approche institutionnelle comparative des systèmes délibératifs
 
Alors que l’approche par les systèmes délibératives s’est imposée sur l’avant-scène de la théorie délibérative, des outils conceptuels permettant de comprendre comme l’analyse systémique peut être réalisée en pratique font défaut. Si certains ont proposé de réactualiser la théorie systémique d’Easton (Jensen, 2014), d’autres recommandent d’employer les outils de l’analyse des réseaux (Niemeyer et al. 2014; Knops 2014). Dans cette contribution, nous examinons les connexions entre la littérature institutionnelle comparative et l’approche systémique. Une approche institutionnelle comparative permet de nuancer l’analyse systémique, en montrant que différents systèmes politiques impliquent des dynamiques d’interaction variées entre les sites de la sphère publique et politique (Ercan, 2014). De la même manière, une approche institutionnelle comparative  est sensible aux détails institutionnels qui sont susceptibles d’avoir des effets macro. Par là, elle aide à dépasser les écueils fonctionnalistes inhérents à de nombreuses théories systémiques. Afin de mieux comprendre les dynamiques des revendications sociales et des réactions politiques, nous nous concentrons sur « la structure d’opportunités politiques » (SPO) de chaque système politique (Kriesi et al. 1992). La SPO renvoie à la « perméabilité » d’un système politique vis-à-vis des revendications venant d’en bas. Elle concerne d’une part, les institutions politiques formelles, tels que les systèmes majoritaires ou consensualistes, présidentiels ou parlementaires, de démocratie directe ou de démocratie représentative ; mais aussi, d’autre, part, les institutions informelles, telles que les stratégies de base des élites pour interagir avec les voix venant d’en bas. Néanmoins, l’approche par la SPO reste statique du point de vue de la conception comme de la mise en œuvre, et ignore le rôle du réseau dynamique de flux discursifs à l’œuvre au sein de tout système politique. Il importe en conséquence d’articuler l’approche par la SPO avec une approche plus dynamique qui considère la prise en compte et le traitement des contributions non comme un donné (institutionnel et fixe) mais comme un processus dynamique et évolutif (qui est, toutefois, structuré par des paramètres institutionnels et des stratégies d’acteurs). Cette contribution, d’orientation théorique, reposera aussi sur l’analyse de cas empiriques.
 
A comparative institutional approach to deliberative systems
 
While the deliberative systems approach has moved to the forefront in deliberative research, there is a dearth of conceptual tools of how we can implement a systemic analysis in practice. While some have advocated for a revival of Easton’s system theory (Jensen 2014), others recommend using network analytical tools (Niemeyer et al. 2014; Knops 2014). In this paper, we explore connections between the comparative institutional literature and a systems approach. A comparative institutional approach gives nuance to systemic analysis, by understanding that different political systems involve very different dynamics of how different sites in the political and public sphere interact (see Ercan 2014). By the same token, a comparative institutional approach is also sensitive to institutional details which can have macro effects. In so doing, it helps to overcome functionalist traps as inherent in much systems theory. In order to better understand the dynamics of societal claims and political reactions, we focus on ‘political opportunity structures’ (POS) of a political system (see Kriesi et al. 1992). POS refer to the ‘permeability’ of a political system for claims made from below. It includes, on the one hand, formal political institutions such as consensus vs. majoritarian systems, presidentialism vs. parliamentarism, or representative vs. direct democratic systems; on the other hand, POS also focuses on informal institutions, such as basic strategies of elites to engage with voices from below. Nonetheless, the POS approach is very static in design and application, ignoring the dynamic web of discursive flows in a political system. This requires that we combine the POS approach with a more dynamic approach that takes uptake and processing of contributions not as an (institutional and fixe) given but as a dynamic and changing process (which is, however, structured by institutional parameters and actor strategies). The paper is mainly theoretical in orientation but will also provide some empirical examples.

 
Andrea Felicetti (Université Catholique de Louvain - Belgique)

La politique non-délibérative dans une démocratie délibérative

Dans le sillage du « tournant systémique », les chercheurs s’accordent sur l’idée que tous les éléments composant un système délibérative ne peuvent pas, et ne devraient pas, être de nature délibérative. Le rôle de la politique non délibérative dans un système délibératif reste toutefois à clarifier, et il est difficile de déterminer dans quelle mesure des pratiques de ce type peuvent être justifiées alors même que l’on s’efforce de rendre la société plus délibérative. Cette contribution considère deux enjeux associés à cette question et s’efforce de clarifier les conditions sous lesquelles des pratiques politiques non délibératives ont leur place dans le système. La première partie de cette intervention illustre les principales idées au cœur du tournant délibératif, examine la distinction entre politique « délibérative » et « non-délibérative », et considère les principaux argumentés formulés jusqu’ici pour justifier les pratiques non délibératives. La seconde partie s’appuie sur cette analyse pour élaborer un cadre théorique réglant la relation entre ces deux formes de politique. Trois acteurs distincts des systèmes délibératifs sont identifiés (les institutions politiques, les agents empowered, et les acteurs de l’espace public). Pour chacun d’entre eux la relation entre politiques délibérative  et non délibérative doit être réglée par un régime spécifique (que l’on qualifiera respectivement de strict, modéré, et libre).
 
Non-Deliberative Politics in a Deliberative Democracy

In the wake of the systemic turn scholars seem to agree that not all components of a deliberative system can or even need to be deliberative. However, there is little clarity about the role of non-deliberative politics in a deliberative system and to what extent these are justifiable while we seek a more deliberative society. This paper engages with these two aspects and offers guidance to understand the extent to which non-deliberative ought to be accepted in a system. The first part of the paper illustrates the main ideas of the systemic turn, explores the distinction between ‘deliberative’ and ‘non-deliberative’ politics and investigates the main arguments devised to date to justifying non-deliberative politics. In the second part the paper builds upon these arguments to develop a framework regulating the relationship between deliberative and non-deliberative politics. The article identifies three distinctive actors in deliberative systems (political institutions, empowered agents and public space actors). For each of them the relationship between deliberative and non-deliberative politics should be regulated according to three different regimes (strict, moderate and free regime respectively).


Bernard Reber (CNRS-Sciences Po Paris - France)

De la démocratie délibérative à la démocratie responsable

Les discussions relatives à la théorie démocratie délibérative (TDD) ont connu plusieurs déplacements (institutionnel, systémique, pratique, empirique; Dryzek, 2010). Si ces changements de perspectives répondent à certaines objections et sollicitent des types de recherches différentes, ils laissent en l’état certains problèmes théoriques propres aux réquisits du concept de délibération. De plus ils ne sont pas spécifiques de la délibération. Or, les faiblesses de la TDD viennent sans doute plus de sous-déterminations de ses exigences que d’un manque de plausibilité pratique. Certes, on peut mener des travaux empiriques, encore faut-il savoir ce que l’on cherche, promeut, teste ou évalue. Préciser cette théorie au regard d’autres théories démocratiques est nécessaire pour pouvoir mener des recherches empiriques, mais également dans un souci de cohérence conceptuelle ; par exemple la démocratie délibérative n’est pas la démocratie discursive ou encore dialogique.
Parmi les problèmes théoriques non soldés nous trouvons par exemple le problème de la légitimité, en tension entre participation et rationalité - ou exigences épistémiques (Estlund, 1997 ; Holst, 2014). Il en est de même avec le type de rhétoriques mobilisées, d’accords visés (par exemple pour le consensus, Friberg-Fernros et Schaffer, 2014; Dryzek, 2010) ou de traitements du pluralisme.
Ma communication traite certains de ces problèmes, dont celui des capacités communicationnelles (narration, interprétation, argumentation), des accords et d’un pluralisme allant au-delà du seul « fait du pluralisme raisonnable » rawlsien, abondamment discuté (Regh et Bohman, 1997), ou du pluralisme politique. En effet la délibération pourrait s’imposer avec plus de pertinence dans certaines situations, notamment à cause du pluralisme éthique et du pluralisme interdisciplinaire. Certes, avec ce troisième niveau (Reber, 2012b) on vise une qualité et une réflexivité très élevées. En revanche la nécessité de passer par l’argumentation (plutôt que d’autres capacités communicationnelles) est alors justifié. Celle-ci peut être supportée institutionnellement en contextes interdisciplinaires (Toulmin, 1958 ; Reber, 2012a), que ce soit en mini-publics ou en systèmes (Mansbridge, 1999 ; Parkinson et Mansbridge, 2014), articulés ou non.
La réintroduction de la responsabilité dans l’innovation et la recherche par la Commission européenne sous la forme de l’Innovation et de la Recherche Responsable (RRI), donne de la pertinence à ce débat tout en offrant un lieu où la délibération continue est déjà bien accueillie. Nous retrouvons la tension entre inclusion, légitimité et rationalité. Il serait alors possible d’imaginer la rencontre entre démocratie délibérative et expertise, compatible avec une exigence élevée au niveau de la qualité épistémique, qu’elle soit scientifique ou éthique (Reber et Sève, 2005 ). La responsabilité morale est à même de réorganiser la tension entre épistocratie et démocratie pour atteindre une démocratie responsable. Elle peut déployer alors un réseau de responsabilités partagées en minipublic (Reber, 2006 ; Dryzek et alii, 2009), restructurant le domaine le plus difficile de l’Evaluation technologique participative (Reber, 2011), mais également des systèmes d’institutions aux compétences différenciées.
 
From deliberative democracy towards responsible democracy
 
Discussions around the deliberative democracy theory (DDT) have crossed over diverse turns (institutional, systemic, practical, empirical; Dryzek, 2010). If these perspectives changes answer to some objections and requests different types of research, they leave aside some theoretical problems unsolved exclusive to the requisites of the concept of deliberation. Therefore, DDT weaknesses might rather come from undeterminations of its requirements than from a lack of practical plausibility. Of course we can achieve some empirical studies, but we should know what we are looking for, promoting, testing or assessing. It is necessary to make this theory more precise, compared with other theories of democracy, to be able to carry out empirical research but also concerned by conceptual coherency; DDT is not discursive democracy or dialogic democracy.  
Among unsolved theoretical problems we have for instance the legitimacy, in tension between participation and rationality – or epistemic requirements (Estlund, 1997; Holst, 2014). It is the same with the mobilized rhetoric, the kinds of expected agreements (i.e. consensus, Friberg-Fernros and Schaffer, 2014; Dryzek, 2010) or the treatments of pluralism.
My communication discuss some of these problems: communicational capacities (narration, interpretation, argumentation), types of agreements, and pluralism, beyond the sole rawlsian “fact of reasonable pluralism”, extensively discussed (Regh et Bohman, 1997), or the political pluralism. Indeed, the deliberation could stand out as more relevant in some situations, notably because of the ethical pluralism and the interdisciplinary pluralism. Indeed, with this third level (Reber, 2012b) we aim at a very high quality and a second order reflexivity. On the other hand, the necessity to go through argumentation (preferably to other communicational capacities) is then justified. Argumentation might be institutionally supported in interdisciplinary contexts (Toulmin, 1958; Reber, 2012a), be it in mini-publics or in systems (Mansbridge, 1999; Parkinson et Mansbridge, 2014), articulated or not.
The reintroduction of responsibility in innovation and research by the European Commission through the conception of Responsible Research and Innovation (RRI) makes this debate relevant and gives a space where deliberation is already tremendously welcome. We find here again the tension between inclusion, legitimacy and rationality. Thus it might be possible to imagine the encounter between DDT and expertise, compatible with a high level of epistemic quality, be it scientific or ethical (Reber and Sève, 2005 ). Moral responsibility might reorganise the tension between epistocracy and democracy to reach a responsible democracy. This form of democracy could deploy a network of shared responsibilities in mini-publics (Reber, 2006; Dryzek et alii, 2009), restructuring the very difficult domain of Participatory Technological Assessment (Reber, 2011), but also in systems of institutions with differentiated competences.

 
Antoine Chollet (Centre Walras-Pareto, Université de Lausanne - Suisse)
 
Lorsque cinq mille personnes délibèrent : la Landsgemeinde de Glaris
 
L’on considère généralement aujourd’hui que le modèle de l’ekklèsia athénienne a définitivement disparu, rendu impraticable à la fois par une culture politique fondamentalement changée et par des impossibilités d’ordre pratique (immensité du lieu de réunion nécessaire, indisponibilité des citoyens, complexité des enjeux, etc.). Si ce jugement est à l’évidence tout à fait exact pour la plupart des collectivités politiques contemporaines, il demeure cependant un endroit dans le monde où cette pratique existe encore, sur un modèle institutionnalisé depuis des siècles : le canton de Glaris, en Suisse orientale.
L’interrogation portera d’une part sur la dimension délibérative de cette assemblée – la Landsgemeinde –, et d’autre part sur ce que celle-ci peut nous apprendre sur la délibération politique en tant que telle.
Loin des descriptions folkloristes ou touristiques de cette institution, nous prendrons au sérieux cette assemblée législative, en examinant en particulier ce qu’elle peut nous apprendre de la délibération dans les sociétés contemporaines.
 
A deliberation among 5000 citizens: Glarus Landsgemeinde

Today we all take as granted that the model of the Athenian ecclesia has totally disappeared. We think that a completely different political culture and practical impossibilities (such as the sheer size of the place for the assembly, citizens’ unwillingness to attend, complexity of the issues…) have made it impossible. For most of contemporary political communities this statement is undeniably true, but there is one place in the world where a citizens’ assembly still exists, and did for centuries: canton Glarus, in Eastern Switzerland.
We will discuss both the deliberative dimension of this assembly – or Landsgemeinde – and the lessons it can teach us about political deliberation per se.
Leaving aside depictions of this assembly for the folklore or the tourists, we will consider the Landsgemeinde as a genuine legislative assembly, discussing and voting laws. We will then try to show what we can learn from it about deliberation in contemporary societies.

 
Lionel CORDIER (Sciences Po Lyon - France)
 
Enjeux délibératifs du processus constitutionnel islandais

À travers cette communication, nous souhaitons analyser les usages délibératifs du processus constitutionnel islandais mené entre 2009 et 2012 à travers deux étapes distinctes : la tenue d'une assemblée de citoyens tirés au sort, et le travail de la Constituante composée de 25 personnes élues au suffrage universel. Ces deux formes d'expérimentations démocratiques apparaissent comme des tentatives de mise en œuvre d'un "impératif délibératif", mais comment ces lieux de délibérations se sont-ils positionnés au sein de la société islandaise, face aux institutions représentatives traditionnelles ? Quels rôles les mouvements sociaux de 2008/2009, le discours des experts, les médias de masse et les nouvelles technologies ont-ils joués dans la constitution de ces espaces de délibération ? De quelles façons les exigences de transparence, de consensus et d'inclusion ont-elles influencé l'écriture de la nouvelle constitution, voire provoqué son échec actuel ?

The Icelandic constitutional process: deliberative stakes

This paper analyses the use of deliberative decision-making methods during the Icelandic constitutional process, which took place between 2009 and 2012. The analysis focuses on two key stages of the process: the running of a National Assembly composed of randomly selected Icelandic citizens, and the work of a Constitutional Council composed of 25 citizens elected by vote. These two democratic processes seem to be based on the notion of a “deliberative imperative”. This begs several pertinent questions. Firstly, how do these deliberative forums relate to Iceland’s traditional representative institutions? Secondly, regarding the emergence of these deliberative forums, what role was played by the 2008-2009 large-scale protests, expert discourse, mass media and new technologies? And finally, in what ways did new requirements for transparency, consensus and inclusion influence the content of the new constitution, and indeed provoke its eventual failure?


Robert C. Luskin (The University of Texas - États-Unis), Kyu S. Hahn (Seoul National University, Gaurav Sood, Georgetown University) et James S. Fishkin (Stanford University)
 
La face obscure de la délibération : homogénéisation, polarisation, influence inégale
 
Un souci plausible concernant délibération comme discussion est qu’elle pourrait produire un consensus superficiel —ne résultant pas de la qualité d’arguments raisonnés mais plutôt d’un simple conformisme ou d’une exposition inégale aux arguments contradictoires, due à la composition du groupe. Un autre souci est qu’elle pourrait augmenter le caractère radicale de l’opinion du groupe, la déplaçant en direction du pôle extrême correspond à la position déjà la plus partagée. Un troisième souci est que les participant qui sont socialement les plus avantagés — les hommes, les plus scolarisés, les plus aisés — pourraient parler plus fréquemment ou de façon plus persuasive, ou de toute façon être plus écoutés, et ainsi exercer une influence disproportionnée sur la distribution finale des opinions au sein du groupe. Cette contribution examine les délibérations de 14 à 30 groupes sur 4 à 12 enjeux dans 21 sondages délibératifs différents. Nous estimons la fréquence avec laquelle les 2744 paires groupe-enjeu  montrent des cas de polarisation (l’opinion se radicalise), d’homogénéisation (le consensus se renforce), et d’évolution des opinions en directions des positions des membres masculins les plus scolarisés ou les plus aisés (ce qui suggère l’exercice d’une influence inégale), et le degré auquel ces phénomènes se développent. Ensuite, dans la mesure où les paires groupe-enjeu manifestent ces tendances à des degrés différents (ou parfois pas de tout), nous offrons des explications pour cette variation.
 
The Dark Side of Deliberation? Homogenization, Polarization, Unequal Influence
 
One reasonable concern about deliberation qua group discussion is that it may produce shallow consensus—not from informed, reasoned agreement but from mere conformism orunequal exposure to competing arguments. Another is that it may promote extremity, moving each group still closer to what is, for that group, the issue’s closer pole. A third is that the socially advantaged—men, the better-educated, the better-off—may talk more, or more persuasively, or at any rate be heeded more and thus have an outsized influence on the outcome. This paper examines the deliberations of 14-30 small groups on 4-12 policy issues in each of 21 Deliberative Polls. We consider the extent to which the 2744 group-issue pairs
polarize (become more extreme), homogenize (reach greater consensus), and move toward the
positions held by their male, better-educated, or better-off members (suggesting unequal influence). Then, since not all group-issue pairs exhibit these tendencies to the same degree (or at all), we consider possible explanations for that variation.

 
David Smadja (Université Paris Est Marne-la-Vallée - France)
 
Démocratie délibérative et forum éthique et politique : le cas des groupes de réflexion éthique à l’hôpital
 
Dans cette communication, on prend au sérieux l’idée d’une démocratie délibérative en action, en examinant la question des modalités et de la mise en œuvre de la délibération (Manin, 2011). Dans ce cadre, il s’agit de mobiliser les résultats empiriques de l’observation de groupes de réflexion éthique au sein des hôpitaux français et d’examiner l’adéquation entre l’objectif délibératif de ces forums institués par la loi et leur fonctionnement effectif.    Ces dispositifs ont pour mission de contribuer à l’organisation d’échanges au sujet des questions d’éthique biomédicale et participent à l’organisation du débat public afin de promouvoir l’information et la consultation des citoyens sur ces questions. Dans la forme qu’ils prennent en France, ces espaces optent a posteriori pour la réflexion et ils se distinguent donc des staffs éthiques qui, selon le modèle américain, visent surtout à encadrer a priori le soin en contexte sensible et dont l’activité n’a donc aucune dimension générale et inclusive (Mitchell, et al., 2000). Les missions dévolues aux espaces éthiques permettent de les situer à la frontière entre les commissions consultatives ouvertes aux citoyens non élus et les dispositifs de représentation des citoyens usagers dans les services publics (Bacqué, 20005). En effet, sans atteindre les degrés les plus aboutis de la délégation de pouvoir et du contrôle citoyen, la participation démocratique a pour objectif  l’information,  la consultation et la conciliation.
Dans ces instances éthiques, on voit apparaître des acteurs qui ont tous en commun d’être en relation avec une institution particulière, l’hôpital. Ils sont médecins, infirmières, cadres de santé et usagers.  L’organisation de ces lieux de délibération suppose la préexistence de rapports de pouvoir – notamment le pouvoir médical du mandarin - et de conflits d’intérêts et d’interprétations. En ce sens, ils n’apparaissent pas d’emblée comme des lieux favorables à la délibération et ils se rapprochent plutôt de la forme de la négociation (Elster). Pour autant, il est possible de reconstruire une forme de communication à la fois délibérative et conflictuelle propre à ces instances participatives (Mansbridge et al, 2010).
En même temps, l’organisation de ces forums fait apparaître une division des tâches où le rôle de celui qui décide est absent et où l’ensemble des membres du groupe exercent exclusivement la fonction argumentative - qui vise à défendre une position en vue de créer l’adhésion – au détriment de la fonction délibérative consistant à peser le pour et le contre (Manin, 2011). Au final, il apparaît que, si ces forums institués en vue de la délibération au sein des hôpitaux accueillent bien une forme de discussion, ils sont également structurés autour d’une division des rôles incomplète.   
 
Deliberative democracy and ethical forum: the case of the ethical’s groups at the hospital
 
In this presentation, we intend to take seriously the very implementation of deliberative democracy by focusing on its concrete traits (Manin, 2011). By observing groups devoted to the scope of ethical reflection within the French hospitals, our research poses the question whether the empirical data are consistent with the deliberative aim of these collective actors settled and required by the law. Those structures are designed to urge bioethical debates and, beyond, public debates by providing information and by allowing citizen voices on these medical issues. In France, the « espaces éthiques » are to be distinguished from the Ethical Committee, ordinary known in the US, to the extent that they do not operate ex ante but, on the contrary, ex post facto, which means that they belong to the debriefing process (Mitchell, et al., 2000). The purpose of the “espaces éthiques” situates them on the border between the consultative commissions open to non-elected citizens and the representative provisions for the users of the public service (patients) (Bacqué, 2005). Without reaching the highest degrees of the delegation of powers and control by citizens, the democratic participation has for objective the circulation of information, consultation and conciliation.                  
Within these ethical groups, actors are embedded in the hospital as a professional institution. They are physicians, nurses, clinical managers and patients. The core structure of those loci of participation is based on power relationships and thus conflicts between various interests and visions of care. To this extent, they reach the traditional frame of negotiation (Elster) and cannot be apprehended as a deliberative forum. But, this being said, the observation of these groups also reveals specific forms of communication, dramatically shaped by interests, which accommodates conflict and deliberation (Mansbridge et al, 2010).
 Moreover, within these forums, the division of labor does not include the decision making per se, which means that the ethical appointees play exclusively the argumentative role – i.e. by seeking to convince -, setting aside or undermining the deliberative function which consists in weighing the pros and cons (Manin, 2011). In sum, it appears that, although these forums aiming for deliberation enable real discussions, they end up lacking a decisionary role.    
   


Participants

Bächtiger André andre.baechtiger@unilu.ch
Blondiaux Loïc loic.blondiaux@free.fr
Casillo Ilaria ilaria.casillo@mshparisnord.fr
Chollet Antoine antoine.chollet@unil.ch
Cordier Lionel lionel.cordier@sciencespo-lyon.fr
Felicetti Andrea felicettia@gmail.com
Fishkin James jfishkin@stanford.edu
Floridia Antonio antonio.floridia@regione.toscana.it
Girard Charles charles.girard@univ-lyon3.fr
Haegel Florence florence.haegel@sciencespo.fr
Lindell Marina marina.lindell@abo.fi
Luskin Robert C. rluskin@mail.utexas.edu
Manin Bernard bernard.manin@nyu.edu 
Mansbridge Jane Jane_Mansbridge@hks.harvard.edu
Nadeau Christian christian.nadeau@umontreal.ca
Reber Bernard bernard.reber@sciencespo.fr
Smadja David smadja.d@gmail.com
Sintomer Yves sy@cmb.hu-berlin.de

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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