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Section Thématique 25

Nouvelles approches de la décision collective
New Approaches to Collective Decision-Making

Responsables

Stéphanie NOVAK (European School of Political and Social Sciences, Université Catholique de Lille) stephanie.novak@univ-catholille.fr
Philippe URFALINO (EHESS, CESPRA) urfalino@ehess.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Venus de différents horizons, plusieurs auteurs, sociologues, politistes ou juristes, ont concouru à l’émergence de nouvelles approches des décisions collectives depuis une dizaine années. La décision collective est ici entendue comme 1) un choix fait collectivement par l’ensemble des membres d’un groupe délimité  et 2) qui s’impose à ce groupe voire à la totalité des membres d’un ensemble social plus large que ce groupe représente.
C’est au sein de l’économie et à proximité de la science politique que s’est d’abord développée à partir des années 1950 une véritable sous-discipline dédiée à l’étude de la décision collective, à partir des travaux pionniers de Kenneth Arrow (1951) et Duncan Black (1958). Cette Théorie du Choix Social a eu un poids considérable et reste fortement présente en science politique de langue anglaise. Elle peut être caractérisée par trois traits : 1) le privilège accordé à la formalisation mathématique ; 2) la saisie de toute situation de décision collective en terme d’agrégation des préférences des participants ; 3) le relâchement du rapport à la réalité sociale des décisions collectives.
A l’opposé, les nouvelles approches de la décision collective ont pour première ambition de rendre compte de processus de décision réels par le biais d’études de cas ou de l’analyse secondaire de travaux empiriques issus de toutes les sciences sociales. Sans négliger le vote, ces nouvelles approches s’intéressent à d’autres règles de décision telles que l’acclamation (Schwartzberg, 2010) ou le consensus (Urfalino 2014a) et surtout intègrent à l’investigation toutes les composantes des situations de décision collective : la sélection et les caractéristiques des participants, la délibération, les degrés de publicité ou de secret, la combinatoire des règles écrites et non écrites, les formes de l’expression des avis, etc. Enfin, l’ambition théorique et généralisatrice ne passe plus par la formalisation mais par l’identification de mécanismes, des propriétés et des valeurs attachées à différents pratiques. De concert avec l’histoire ou la sociologie historique des pratiques de vote (Garrigou, 1988 ; Deloye et Ihl, 2008 ; Christin 2014) , ces approches renouvellent l’examen des propriétés, des conditions d’acceptation et de justification des règles de décision (Novak, Elster, 2014 ; Schwartzberg, 2013, Urfalino, 2014b).
L’intérêt pour la science politique du développement de ces nouvelles approches de la décision collective tient d’abord au caractère transversal de celle-ci. Elles peuvent être utilisés pour l’étude d’une gamme très large de phénomènes sociaux et politiques : au-delà des procédures électorales, l’étude des comités d’experts (Krick, 2013), des parlements (Viktorovitch, 2013 ; De Galembert, Rozenberg, Vigour, 2013), des cours judiciaires et constitutionnelles (Pasquino, 2007), des assemblées et comités au sein des partis politiques (Nullmeier, Pritzlaff, 2009) comme des mouvements sociaux (Della Porta, Rucht, 2013), les procédures de décision des organisations internationales (Novak 2011). Ensuite, la pertinence de ces travaux sur la décision collective pour la science politique tient à leur contribution au renouvellement des recherches sur la démocratie, qu’elles soient centrées sur les dispositifs institutionnels (Vermeule, 2010), sur la délibération (Girard, Le Goff, 2010) ou le tirage au sort (Sintomer 2010). Ces différentes démarches nourrissent des programmes de recherche qui se recoupent et se complètent, et atténuent une opposition trop stricte entre conceptions procédurale et substantive de la démocratie en examinant les articulations flexibles entre, d’un côté, règles, dispositifs, techniques et, de l’autre côté, des idéologies, des normes ou valeurs privilégiées dans certains contextes sociaux-historiques.
La section thématique a pour but :
1) de faire un premier bilan de l’émergence de ces nouvelles approches, de leurs résultats et de leurs contribution à la science politique ;
2) de favoriser la rencontre entre les chercheurs confirmés, les doctorants et les post-docs qui par leurs objets de recherche peuvent tirer profit de ces approches ;
3) d’encourager l’enrichissement réciproque des études de cas et des réflexions plus transversales.
Les communications ont pour objet des études de cas ; des concepts, des mécanismes ou des modes décision spécifiques ; des réflexions sur l’apport de ces approches à d’autres branches de la science politique.


This panel focuses on the new approaches to collective decisions that have been developing for a decade. It defines collective decision as a choice made in common by the members of a given group. Furthermore, this choice is binding for the group and, in some cases, for a broader social group represented by the decision makers.
Studies of collective decisions emerged in the 1950s in the fields of economics. The works of Kenneth Arrow and Duncan Black played a fundamental role in the emergence of this new subfield of economics. Social choice theory is still very influential in political science. It has three main features : 1) it draws on mathematical approaches ; 2) collective decisions are conceived as mere agregation of preferences ; 3) it tends to overlooks the links between collective decisions and their social background.
In contrast to social choice theory, new approaches to collective decisions aim to account for actual decisional processes thanks to cases studies and the analysis of existing empirical studies. These new approaches focus on voting, but also on decisional rules such as acclamation or consensus. Moreover, they take into account the selection and the specific features of participants, the deliberative process, the level of publicity, the combination of formal rules and unwritten rules, the way participants frame their opinion, and so on. Lastly, the theorization does not rely on formalization but on the identification of mechanisms, properties and values attached to decisional practices.
This new approaches can be interesting for political scientists because they can be applied to a broad range of political and social phenomena. Furthermore, they contribute to studies of deliberative democracy, lotteries and other democratic institutional settings.
 

Références

Arrow K., 1974 [1951], Choix collectifs et préférences individuelles, Calmann-Lévy.
Black D., 1958, The Theory of Committees and Elections, Cambridge University Press.
Christin O., 2014, Vox Populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Seuil.
Della Porta D., Rucht D, 2013, Meeting Democracy. Power and Deliberation in Global Justice Movements, Cambridge University Press.
Deloye Y., Ihl O., L’acte de vote, Presses de Science Po, 2008.
Elster J., 2013, Securities against Misrule: Juries, Assemblies, Elections, Cambridge University Press.
Galembert de C., Rozenberg O., Vigour C., 2013, (ed.) Faire parler le parlement, L.G.D.J..
Garrigou A., 1988, « Le secret de l’isoloir », Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 71-72, p. 22-45.
Girard C., Le Goff A. (ed.) La démocratie délibérative. Anthologie de textes fondamentaux, Hermann, 2010.
Krick E., 2013, Konsens in Verhandlungen.Varianten kollektiver. Entscheidung in Expertengremien, Springer.
Novak S., 2011, La prise de décision au Conseil de l’Union européenne. Pratiques du vote et du consensus, Dalloz.
Novak S, Elster J., 2014, Majority Decisions, Cambridge University Press
Nullmeier, F., Pritzlaff, T., 2009, « The implicit normativity of political practices. Analyzing the dynamics and power relations of committee decision-making », Critical Policy Studies, 3–4, p. 357–374.
Pasquino P., 2007, « Voter et délibérer », Revue Européenne des Sciences Sociales,  n°45, p. 35-45.
Sintomer Y.,  2011, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, La découverte.
Schwartzberg M., 2010, « Shouts, Murmurs and Votes: Acclamation and Aggregation in Ancient Greece », Journal of Political Philosophy, Vol.18, 4, p. 448–468.
Schwartzberg M., 2013, Counting the Many: The Origins and Limits of Supermajority Rule, Cambridge University Press.
Urfalino Ph., 2014a, (ed), « Décider à la majorité. Pourquoi ? », Raisons Politiques, n° 53.
Urfalino Ph., 2014b, « The Rule of Non-Opposition. Opening Up Decision-Making by Consensus », Journal of Political Philosophy, 2014, Vol. 22, 3, September, p. 320-341.
Vermeule A., 2007, Mechanisms of Democracy: Institutional Design Writ Small, New York, Oxford University Press.
Viktorovitch C., 2013, Parler, pour quoi faire ? La délibération parlementaire à l’Assemblée nationale et au Sénat (2008-2012), Thèse de Sciences Politiques, IEP de Paris.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00 – 12h00
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Discussion et présidence de séance : Stéphanie Novak et Philippe Urfalino.

Axe 1 / Les enjeux de la décision collective

Axe 2 / Les dynamiques de la prise de décision : coalitions, consensus et compromis


Résumés des contributions

Raphaël Barat (Université Lyon2-LARHRA)

Des élections jouées d'avance? La question de l'incertitude du résultat dans les élections des syndics de la République de Genève à la fin du XVIIe siècle

Alors que l'« incertitude institutionnalisée » (A. Przeworski) est une caractéristique essentielle des élections dans les démocraties modernes, les historiens ont souvent souligné au contraire la grande prévisibilité des élections d'Ancien Régime, où le vote sert avant tout à entériner l’ordre naturel des choses (la reconduction des sortants, le respect du rang). Si les élections des syndics par les citoyens genevois sont effectivement largement prévisibles dans leurs résultats, un degré d'incertitude demeure néanmoins, et prouve qu'il se passe encore quelque chose quand il ne se passe (apparemment) rien. Cette incertitude existe quand un des 4 syndics meurt dans l'intervalle de 4 ans obligatoire entre 2 syndicats. Si les prétendants proposés pour remplir le poste vacant sont alors classés selon leur rang, les citoyens ne suivent pas toujours cet ordre. Comment analyser le choix des citoyens, alors que de nombreuses données nous manquent – absence de procédure de candidature, nombre de voix obtenu par chaque prétendant inconnu, évocations très vagues des brigues qui auraient eu lieu avant l'élection ?  Cette incertitude peut aussi être constatée dans les cas où les 4 syndics sortants sont tous vivants. Si nous savons rétrospectivement qu'ils ont toujours été reconduits dans cette situation jusqu'en 1728, la chose n'était pas évidente pour les citoyens, qui à plusieurs reprises ont menacé de « faire sauter les vieux ».

Predictable elections? The question of uncertainty in the elections of the syndics of the Republic of Geneva at the end of the 17th century

While "institutionnalized uncertainty" (A. Przeworski) is one of the fundamental characteristics of elections in modern democracies, historians have often stressed on the contrary the great predictability of Ancien Régime elections, whose primary role is to confirm the natural order of things (the reelection of incumbents, the respect of rank). Though the elections of the syndics by Genevan citizens are indeed largely predictable in their results, a certain degree of uncertainty remains however, as if something was still happening when it seems nothing is happening. Such uncertainty exists when one of the 4 syndics dies during the compulsory 4 years interval between 2 syndicates. Though the nominates for the vacant seat are listed according to their rank, the citizens do not always follow this order. How can we analyze the choice of citizens, when some key pieces of information are missing – no formal decalaration of candidates, no data about the number of votes obtained by each nominate, vague allusions to the electoral cabals which sometimes take place before the election? A degree of uncertainty also exists when the 4 syndics are still alive. Though we know with hindsight that they are always reelected in such a situation until 1728, it did not go without saying for Genevan citizens, who threatened on several occasions to vote "the old ones" out of office.

 
Youri Lou Vertongen (Université Libre de Bruxelles)
 
Dissensus, Egalité et Enthousiasme Collectif. Le cas du Comité d'Actions et de Soutien (CAS)

Cette communication analysera la manière dont un collectif d'étudiants, le CAS, constitué en soutien à une occupation de migrants « sans-papiers » à Bruxelles, a démontré une capacité à « inventer » des pratiques de lutte lui permettant de déjouer les rapports de pouvoir entre les participants du collectif et ainsi vérifier le postulat d’égalité des intelligences dans son organisation interne « dissensuelle », au sens où l’entend Jacques Rancière. La tension amenée par ce dissensus constitutif apparaît comme une des conditions d’existence du CAS, ce qui permet son ouverture sur l’extérieur, le maintien d’une hétérogénéité interne et une pratique politique guidée par l’impératif d’expérimentation collective.
Nous verrons que dans ce jeu de « mise en crise » de l'agir politique, la prise de décision collective qui doit présider à l'action collective ne peut se conformer à une simple méthode qui opposerait majorité et minorité. Elle ne peut pas non plus se baser sur un « consensus mou » qui nierait par là le moteur que représente la conflictualité qui mène à la décision. Le CAS dessine une pratique singulière de la décision collective qui consiste en l’évaluation de la réappropriation collective potentielle d’une proposition individuelle. Il travaille ainsi à la construction d’un « consensus dans le dissensus» qui se nourrit de la conflictualité inhérente aux membres de l’assemblée, et conserve la possibilité d’atteindre un accord plus riche, basé sur « l’enthousiasme » qu’il produit collectivement.
           
Dissent, Equality and Collective Enthusiasm. The case of the Comité d'Actions et de Soutien (CAS)
        
This paper analyses how a group of students, named CAS , created to support undocumented   migrants in Brussels, has demonstrated an ability to "invent" practices enabling it to thwart power issues between the participants of the group. It has thus checked the « equality of intelligences » postulate (Rancière, 1987) in its internal organisation, qualified here as a « dissensual space » (Rancière, 2008). The tension caused by this constitutive dissent appears as one of the conditions of being of the CAS. This enables the CAS to be open towards the outside, maintaining an internal heterogeneity and political practices guided by the imperative of « collective experimentation ».
We will see that in this game to “put in crisis” political action, the decision that should lead to collective action can not comply with a simple majoritarian method. It can not be either based on a "soft consensus" that would deny thereby the conflictual process leading to the decision. The CAS draws a singular practice of collective decision that is the evaluation of the potential collective appropriation of an individual proposal. This paper argues that CAS deals with the construction of a "consensus in the dissent" that is fed by the inherent conflict between members of the assembly, and can still achieve a richer agreement based on the "enthusiasm" that it produced collectively.


Matilde Spoerer (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

La construction par consensus d'une norme participative

Cet article étudie le déroulement d'une dynamique délibérative en situation de décision collective au Chili. À savoir, la dénommée table de consensus, réunissant des représentants du gouvernement et des peuples indigènes, et mise en place dans l'objectif de créer le règlement de la Convention nº169 de l'OIT au Chili. Le cas de la table de consensus soulève de nombreuses interrogations : Quelles sont les conditions de possibilités pour la création d'un tel espace de consensus ? Qu'est ce qui se passe précisément à l'intérieur de ce dispositif de participation indigène?  Quelle est la signification du mot « consensus » dans cette enceinte délibérative ? Quelle est la place du conflit, du public et du secret dans les décisions de cette table?
Cet étude fait partie de ma recherche doctorale qui porte sur le transfert et mise en œuvre d'une norme internationale, à savoir la Convention nº169 de l'OIT, au Chili. Quant à la méthodologie utilisée, celle-ci repose sur une double démarche. D'une part, les séances de la table de consensus ayant été filmés, j'ai pu suivre l'intégralité des débats en différé. Cette source visuelle constitue un recueil de données particulièrement précis qui m'a permis de faire une description détaillée du processus de prise de décision. D'autre part, j'ai réalisé des entretiens (approximativement 30), menés auprès des participants de la table de consensus afin de compléter les « zones d'ombre » des vidéos.
L'enjeu de cet article est donc de réaliser une ethnographie de la délibération -ou plus spécifiquement du consensus- afin de l'étudier telle qu'elle se fait. Mon approche consistera donc à décrire des scènes de la dynamique délibérative pour faire apparaître des mécanismes d'interaction collective, tout en ayant recours à une démarche inductive pour s'interroger de façon plus générale sur la façon dont s'établissent des décisions collectives, la participation et le politique.
Dans ce récit descriptif et analytique j'aborderai tout d'abord la question de l'inclusion (modalités de recrutement, procédure méthodologique). Dans un second temps je développerai quelques éléments d'observation relatifs au flux délibératif (stratégies utilisées, formes d'expression, place du conflit et du secret). Pour enfin aborder la question des formes et significations plurielles attribuées à la « décision par consensus ».

The consensus building of a participatory norm

This article studies a deliberative dynamic in the context of a collective decision making process in Chile. This is, the “consensus table” which sat together representatives of government and indigenous people with the aim of writing the regulation of the ILO Convention nº169. This case rase a number of questions : what are the conditions for the creation of a deliberative space ? What precisely happens in this mechanism of indigenous participation ? What is the meaning of “consensus” in this deliberation ? Which is the place of conflict, public and secret in the decision process of this table ?
This study is part of my PHD research which deals with the implementation of an international norm -the ILO Convention nº169- in Chile. Concerning the methodology, it rests on two approaches. First of all, as the sessions of the table were recorded, I was able to watch the debates. This source appears to be particularly precise, which allowed me to make a detailed description of the decision making process. Secondly, I interviewed approximately thirty participants of the “consensus table”.
Therefore, the aim of this article is to make an ethnography of the deliberation and to study the building of this consensus. Consequently, I will describe some scenes of the deliberation in order to raise the mechanisms of collective interaction. At the same time, I will have an inductive approach with the purpose of interrogating in a more general perspective the consensus building, participation and politics.
 n this descriptive and analytical account I will raise the question of the inclusion (recruitment modalities, methodological procedure). Secondly, I will develop some observed elements concerning the deliberative flow (strategies, expressions, conflict and secret). Ending with the question of the forms and meanings that are given to the “decision by consensus”.

 
Tanja Pritzlaff (University of Bremen)

 
Entre « unanimité apparente » et vote à la majorité – Une microethnographie politique de la prise de décision dans les comités

Dans de nombreux contextes de prise de décision politique, comme par exemple les réunions de comité au niveau fédéral en Allemagne, les décisions ne sont pas prises par un vote à la majorité. Dans un grand nombre de cas, on peut observer des pratiques décisionnelles qui conduisent à un phénomène que l’on peut appeler, à la suite d’Urfalino (2014, p.333), « l’unanimité apparente ». De manière similaire, Karpowitz et Mansbridge (2005) identifient des pratiques décisionnelles qui conduisent à une situation où un « terrain commun » est atteint (p.247). Selon Karpowitz et Mansbridge, la conception d’un terrain commun « conduit à reconnaître la nécessité d’une action collective mais ne donne trop d’importance ni aux conflits potentiels ni à la convergence potentielle » (Ibid.). Outre des questions sur la manière d’identifier et de distinguer ces types de pratiques décisionnelles, des problématiques portant sur la qualité normative et la légitimité démocratique des pratiques observées émergent.
En se fondant sur des données audivisuelles portant sur des réunions de comités au niveau fédéral en Allemagne ainsi que sur 50 expériences de groupe avec des groupes de tailles variées et un total de 210 participants, le papier présente une analyse microethnographique des pratiques et des séquences d’interaction qui précèdent le moment où une décision collective est prise. Dans l’analyse des données expérimentales, on prête plus particulièrement attention aux cas dans lesquels les groupes passent de la recherche de l’unanimité au vote majoritaire. Pour qui cherche à dépasser les études de cas et à formuler des hypothèses généralisables sur les pratiques décisionnelles politiques, l’analyse des données audiovisuelles recueillies lors d’expériences de groupe complète de façon utile les données réunies lors de vraies réunions de comité.
 
Between “Apparent Unanimity” and Majority Vote – A Political Microethnography ofCommittee Decision-Making


In many political decision contexts, like for example committee meetings at the German federal-state level, decisions are not reached by majority vote. At least in a lot of cases, decision-making practices can be observed that lead to a phenomenon that can be characterized, following Urfalino (Urfalino 2014: 333), as “apparent unanimity”. In a similar vein, Karpowitz and Mansbridge (2005) identify decision-making practices that lead to a situation defined as reaching “common ground” (Karpowitz/Mansbridge 2005: 247). According to Karpowitz and Mansbridge, the conception of common ground “recognizes the need for joint action but does not overemphasize either the potential for conflict or the potential for commonality” (Ibid.). Apart from questions on how to identify and distinguish these types of decision-making practices, issues concerning the normative quality and democratic legitimacy of the observed practices arise.
Based on audiovisual data from committee meetings at the German federal-state level as well as 50 face-to-face group experiments with varying group sizes and a total of 210 participants, the paper presents a microethnographic analysis of practices and interaction sequences that take  place  before  a  joint  decision  is  reached.  A  special  focus  is  put  on  cases  in  the experimental data in which during an ongoing process, groups shift from sought unanimity to majority vote. Especially if one is interested in moving beyond case studies towards more generalizable assumptions about political practices of decision-making, the analysis of audiovisual data from group experiments usefully complements the data gathered from real committee meetings.


Eva Krick (Humboldt University Berlin)

La procédure du consentement tacite comme règle informelle de décision

Les décisions collectives sont très souvent prises grâce à une règle de décision informelle et non écrite qui est d’habitude négligée dans l’analyse de la décision, bien que nous l’appréhendions régulièrement dans divers contextes sociaux et comités: la décision par consentement tacite et l’absence de toute oppsition ouverte. Les exemples les plus connus d’application de cette règle dans les hautes sphères politiques sont probablement le Conseil de l’Union européenne et le Conseil européen, où les décisions sont prises “par consensus” tandis que le vote est évité. Cependant, cette procédure est apparement aussi propre à certaines cours constitutionnelles, au British Cabinet, à la Commission européenne et à bien d’autres comités d’experts consultatifs. Dans les arènes politiques, la règle est aussi appliquée aux questions procédurales et préliminaires.
Les questions principales posées dans le cadre de ce papier sont les suivantes: que signifie parler de la règle de consentement tacite? Comment de telles règles informelles sont-elles établies et comment sont-elles mises en oeuvre? Comment interagissent-elles avec les règles formelles? Les participants ont-ils un droit de veto lorsque la règle de décision est le consentement tacite?
La contribution décrit tout d’abord le mécanisme fondamental qui constitue la règle de consentement tacite. Elle se concentre ensuite sur les conditions et les implications d’une application habituelle de cette règle non codifiée qui est gouvernée par des normes sociales. En se fondant sur la théorie interprétative de la prise de décision et l’analyse institutionnelle ainsi que sur de nombreuses études empiriques, la contribution soutiendra que, lorsque la règle du “consentement tacite” constitue la principale règle d’agrégation des voix, certains types de comportement tels que le débat excessif ou un engagement à privilégier le consensus sont renforcés et que les vétos individuels sont désactivés.

The ‘tacit consent’-procedure as an informal rule of decision-making

Collective decisions are very often achieved via an informal, unwritten rule of decision-making that is usually neglected in decision analysis, though familiar to all of us from social settings and committee experiences: decision-making by tacit consent and the absence of any open opposition. The most widely known examples of application in High Politics are probably the Council of the EU and the European Council, where decisions are made “consensually”, while voting is avoided. Yet, it is also said to characterise certain Constitutional Courts, the British Cabinet and the EU Commission and many expert advisory committees. Throughout political arenas, the rule is also applied for procedural and preliminary questions.
The main questions of the paper are: What does it mean to speak of the rule of tacit consent? How are such informal rules established and how do they get enforced? How do they interact with formal rules? Do participants have a veto right under the rule of tacit consent?
The contribution firstly describes the core mechanism that constitutes the rule of tacit consent and then concentrates on the conditions and implications of a regular application of this non-codified rule that is governed by social norms. Drawing on interpretive decision-making theory and institutional analysis as well as a wide range of empirical studies, it will be argued that when ‘tacit consent’ constitutes the main rule of voice aggregation, certain behavioural patterns like excessive debate and a commitment towards consensus are reinforced and individual veto rights are deactivated.


Auriane Guilbaud (Université Paris 8/CRESPPA-LabTop), Lucile Maertens (Sciences Po Paris-CERI/Université de Genève)

La décision collective au Conseil de sécurité des Nations Unies. Reconfigurations d’acteurs autour des enjeux de santé et d’environnement
 
Depuis la fin des années 1990, l’agenda du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) s’est élargi à de nouveaux thèmes. Cet élargissement s’est effectué de manière différenciée selon les secteurs de l’action publique internationale. Partant d’une comparaison originale entre le cas de l’environnement (qui ne parvient pas à trouver une place systématique sur l’agenda du CSNU) et celui de la santé (qui y est intégré depuis les années 2000), cette communication vise à mettre en évidence les mécanismes de prise de décision collective et ses blocages lorsqu’une arène est confrontée à des thématiques nouvelles. Il s’agit à la fois d’identifier les positions des Etats, d’en comprendre l’évolution à travers le temps, et de mettre en évidence les jeux d’alliance et leurs recompositions. Le rôle des acteurs externes au Conseil (fonctionnaires onusiens, sociétés civiles, experts, etc.) sera particulièrement pris en compte afin de comprendre l’impact des mobilisations sur la prise de décision collective au sein de cette arène internationale. La comparaison nous permettra d’identifier des tendances plus générales sur la mise à l’agenda d’enjeux nouveaux au sein du Conseil de sécurité et de comprendre l’évolution des processus de prises de décision dans des arènes dont les alignements traditionnels peuvent être mis en péril par l’intégration de nouvelles problématiques.
 
New Issues on the Security Council Agenda: a Comparison between Health and the Environment

The 1990s witnessed an enlargement of the United Nations Security Council (UNSC) agenda, which affects various sectors of international politics differently. Based on an original comparison between the case of the environment (which has not been systematically included on the UNSC’s agenda) and the case of health issues (integrated since the 2000s), this communication aims to uncover collective decision mechanisms, and areas of deadlock, when an arena is confronted with new issues. This paper will analyse Member-States positions and their evolution as well as the role of alliances and their reconfiguration overtime. We will especially focus on the role of actors external to the UNSC (UN workers, civil society, experts, etc.), to assess the impact of international mobilisation on the decision-making process. The comparative analysis should enable us to better understand the agenda setting process of new issues at the UNSC, and the evolution of collective decision mechanisms when the introduction of new issues threatens traditional configurations and alliances.


Sandrine Baume (Université de Lausanne)

La place du compromis dans les processus de décision démocratiques

La notion de compromis est une thématique à la fois essentielle et peu audible dans la théorie politique. Si le compromis est souvent jugé comme un mécanisme de production des décisions essentiel à la stabilité de la vie démocratique, celui-ci n’a pas fait l’objet de travaux académiques nombreux et amples, à l’exception notable de l’ouvrage de Fumurescu, publié en 2013. La relative rareté des travaux sur le sujet s’explique peut-être par l’ambivalence qui entoure la notion de compromis, à la fois dans la littérature, mais aussi chez les acteurs politiques. On considère parfois - en faisant l’économie de certaines nuances - que l’attitude face au compromis distinguerait par exemple très nettement l’Allemagne de l’Angleterre, le premier pays l’ayant en aversion et le second l’ayant davantage valorisé.
Si l’on pressent l’importance de cette notion dans la littérature, le compromis a peiné à trouver une place particulière dans la théorie politique. Parmi les contributeurs classiques, il faut noter l’apport qui est celui de Hans Kelsen à ce sujet. Curieusement, ce dernier ne fait pas l’objet de références particulières, bien qu’il soit un des rares auteurs à offrir une définition du compromis et surtout à avoir construit une partie non négligeable de sa théorie démocratique sur cette notion. Dans un premier temps, nous souhaitons revenir sur la définition kelsénienne du compromis, puis sur les éléments doctrinaux qui y sont associés, notamment la valorisation du système de partis. Dans la deuxième partie de notre contribution,  nous entendons revenir sur les questions particulières et contemporaines que soulèvent les considérations kelséniennes sur la notion de compromis. Premièrement, peut-on réellement considérer, à l’instar du juriste autrichien, que le compromis est le propre des démocraties ? Dit autrement, les régimes non-démocratiques sont-ils dépourvus de dispositifs de compromis ? Finalement, quelles relations le compromis entretient-il avec d’autres mécanismes de modération, tels que les cours constitutionnels ?
Notre contribution s’organisera autour de deux axes:  premièrement une examen des apports de Kelsen à la compréhension de ce qu’est le compromis en démocratie, deuxièmement une réévaluation de sa contribution en regard de questionnements contemporains.

What place to give to compromises in democratic decision making? Looking back on Hans Kelsen’s contributions

Compromise is simultaneously a very essential yet overlooked theme in political theory. Compromise is often seen as a mechanism for producing decisions, which engenders stability in democracy. However, compromise has rarely been the centre of theoretical work, with the notable exception of Fumurescu’s book published in 2013. The relative scholarly discretion on the topic could perhaps be explained by the ambivalence that the idea of compromise generates both in the literature and among political actors. We sometimes consider, and without any nuance, that the attitude towards compromise would distinguish German people from English people, the former having an aversion to it and the latter valorising it.
Despite compromise being supposed by scholars to be an important topic, it has had difficulties in finding its specific place in political theory. Among the classical contributors, Hans Kelsen has to be noticed, and although he is one of the rare authors who offered a—even minimal—definition of the notion of compromise and based a large part of his political theory on that notion, he is almost never quoted.
Our contribution will take the following steps: First, we will come back to the Kelsenian definition of compromise and the doctrinal elements that are associated with it, like the valorisation of political parties. Second, we will emphasise the questions that nowadays arise regarding the special link that the Austrian jurist established between his conception of democracy and the notion of compromise, with the following interrogation: Is compromise really characteristic of democracies? Differently expressed, are the nondemocratic regimes devoid of compromises? Or what are the relations between compromise and other mechanisms of moderation, like constitutional court?
In sum, our contribution will be organised according to these two axes: a scrutiny of Hans Kelsen’s contribution to the understanding of the notion of compromise and a revaluation of his contribution regarding contemporary questions.


Participants

Barat Raphaël raphaelbarat@hotmail.com
Baume Sandrine sandrine.baume@unil.ch
GuilbaudAuriane auriane.guilbaud@gmail.com
Krick Eva eva.krick@sowi.hu-berlin.de
Maertens Lucile lucile.maertens@sciencespo.fr
Novak Stéphanie stephanie.novak@univ-catholille.fr
Pritzlaff Tanja tanja.pritzlaff@uni-bremen.de   
Spoerer Matilde  mspoerer@yahoo.fr
Urfalino Philippe urfalino@ehess.fr
Vertongen Youri Lou yvertong@ulb.ac.be
 

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciencespo.fr