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Section Thématique 28

Ethnographier les institutions : un impératif empirique ?
Adopting an ethnographic perspective on institutions: an empirical imperative?

Responsables

Jean-Michel EYMERI-DOUZANS (Sciences Po Toulouse – LaSSP) jean-michel.eymeri-douzans@sciencespo-toulouse.fr
Gildas TANGUY (Sciences Po Toulouse – LaSSP) gildas.tanguy@sciencespo-toulouse.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique


Qu’on se le dise d’emblée : cette section thématique ne prétend pas explorer un nouveau type de rapport à l’enquête ou au terrain. L’anthropologie des institutions [Abélès, 1995, p. 65-85] – entendues au sens large – a fait l’objet de multiples travaux depuis ce que l’on a coutume d’appeler la révolution malinowskienne : l’État et ses administrations [Joseph, 1988 ; Dodier, 1989 ; Montjardet, 1989 ; Dubois, 1999 ; Weller, 1999 ; Eymeri-Douzans, 2001 ; Latour, 2002 ; Cartier, 2003 ; Siblot ; 2006 ; Spire, 2008 ; Blundo & Lemeur, 2009 ; Belorgey, 2010 & 2011] les partis politiques [Bizeul, 2003 ; Pourcher, 2004 ; Lefebvre, 2005 ; Avanza, 2007 ; Mischi, 2009], les syndicats [Béroud, 2005], les institutions politiques [Abélès, 1992 & 2000], les mondes associatifs [Broqua & Fillieule, 2001 ; Hamidi, 2010], les organisations internationales [Ambrosetti, 2009 ; Critique internationale (54), 2012] ont fait l’objet d’immersions plus ou moins prolongées à partir des outils et des méthodes généralement mobilisés par l’ethnographe (observation participante, entretien biographique…). Trop rares demeurent encore cependant les moments réflexifs au cours desquels les chercheurs s’interrogent sur « l’art magique de l’ethnographe » dont parlait Malinowski dans les premières pages des Argonautes du Pacifique occidental [1989 (1922), p. 63]. Des entreprises récentes [Fassin & Bensa, 2008 ; Schatz, 2009] ont entrepris de « sortir les épreuves ethnographiques des tiroirs » [Ibid., p. 14] pour mieux les interroger. L’on entend prolonger ces discussions à partir d’une focale – celle des institutions – et d’une question : une sociologie de l’institution [Lagroye & Offerlé, 2010] peut-elle finalement se passer d’une démarche ethnographique ? Il ne s’agit pas ici – on l’aura aisément compris – d’exclure a priori toute autre forme de méthodes mais d’interroger une définition extensive du rapport à l’ethnographie. Les réflexions et les attentions portées aux expériences ethnographiques se sont surtout montrées attentives aux dispositifs d’enquête et, plus largement, à « l’atelier du politiste » [Favre, Fillieule & Jobard, 2007] ou de l’anthropologue (accès au terrain, relations avec les enquêtés, engagement et distanciation, anonymat, confidentialité…) sans toujours questionner l’impératif ethnographique qui semble pourtant un point de passage obligé pour qui veut entreprendre une sociologie des institutions. Saisir ou se saisir [d’]une institution implique de multiplier les points de vue et les sites d’observation. À la manière de Clifford Geertz, il s’agirait de se frayer un chemin vers une thick description capable de rendre compte de l’épaisseur des institutions. Dit autrement, l’ethnographie des institutions n’est pas tant envisagée comme une orientation méthodologique que comme un impératif empirique qui impliquerait un engagement total (i.e. diversifié et mêlant les jeux d’échelles) du chercheur. Tel est le postulat que cette section thématique souhaiterait discuter à partir de situations d’enquêtes en cours ou achevées. Il s’agira de porter l’attention sur les contours des usages ethnographiques (et non uniquement des méthodes et des outils) à travers une série de questions : que signifie ethnographier des institutions ? Quelles formes l’engagement ethnographique peut-il prendre ? L’ethnographie d’une institution est-elle un choix méthodologique parmi d’autres ou renvoie-t-elle à une conception particulière de la recherche en sciences sociales? Deux entrées thématiques complémentaires seront ainsi privilégiées :
 
1)   Un premier axe reviendra sur les enjeux épistémologiques d’une « ethnographie de l’État et de ses administrations ». Si, dans le sillage de la street-level bureaucracy [Blau, 1972 (1962) ; Lipsky, 1980 ; Stack, 1997 ; Watkins-Hayes, 2009 & 2011], les ethnographies ont permis incontestablement de saisir l’État dans son quotidien et d’ « aller voir comment vivent ceux qui ne parlent pas assez fort pour couvrir le bruit que font les puissants » [Weber, 2009, p. 1], on peut néanmoins repérer certains angles morts. Les sommets de l’État – pour reprendre la formule de Pierre Birnbaum –, encore été peu ethnographiés, sont de ceux-là. Si les coauteurs du présent projet de ST se sont – avec d’autres – [Eymeri-Douzans, 1999, 2001, 2002 & 2013 ; Tanguy, 2009 & 2013 ; Laurens, 2009 ; Pénissat, 2009] inscrits en partie dans cette démarche, il reste encore beaucoup à faire pour systématiser ce type de posture de recherche. Ainsi, les mondes de la haute fonction publique européenne [Georgakakis, De Lassalle, 2007 ; Georgakakis, 2012] sont davantage étudiés à partir d’entrées méthodologiques ciblées (entretiens semi-directifs, prosopographie) qu’au travers d’approches multi-situées telles que nous aimerions qu’elles soient discutées dans cette ST. Par ailleurs, des pans de la haute fonction publique en France (Cour des comptes, Cour de cassation, Banque de France, Caisse des dépôts et consignations…), des organisations internationales telles que le FMI, la FAO ou le BIT demeurent encore aujourd’hui des institutions à investir empiriquement. Enfin, toute une partie des sommets de l’ « État en action » (ministères, autorités administratives indépendantes, Commission européenne…) restent – là aussi – encore à l’écart  d’entrées ethnographiques soutenues.

2)   Un second axe voudrait faire dialoguer des travaux qui privilégient une ethnographie des institutions politiques (sommets et directions des partis et des centrales syndicales notamment) et ceux qui s’attachent aux « intermédiaires de l’action publique » [Nay & Smith, 2002]. Il s’agirait ici d’interroger tout un ensemble d’acteurs (groupes d’experts labellisés, think tanks, groupes d’intérêt…) qui interviennent aux frontières et à la lisière de l’État et participent aux processus de co-construction de l’action publique.

 
This Panel does not aim at exploring a “new” form of research. The anthropology of institutions – defined lato sensu – has been illustrated by so many researches since Malinowski. The State and its public administrations [Joseph, 1988; Dodier, 1989; Montjardet, 1989; Dubois, 1999; Weller, 1999; Eymeri-Douzans, 2001; Latour, 2002; Cartier, 2003; Siblot, 2006; Spire, 2008; Blundo & Lemeur, 2009; Belorgey, 2010 & 2011], political parties [Bizeul, 2003; Pourcher, 2004; Lefebvre, 2005; Avanza, 2007; Mischi, 2009], trade unions [Béroud, 2005], political institutions [Abélès, 1992 & 2000], free associations [Broqua & Fillieule, 2001; Hamidi, 2010], international organisations [Ambrosetti, 2009] have been deeply explored, using the classic tools and methods of ethnography (participating observation, biographical interviews…). However, very few reflexive occasions are given to researchers of questioning “the magic art of the ethnographist” (Malinowski), in spite of recent attempts to put under scrutiny ethnographic methods [Fassin & Bensa, 2008; Schatz, 2009]. We intend to widen the discussion by focusing on institutions and pausing one question: can we produce a proper sociology of institutions [Lagroye & Offerlé, 2010] without an ethnographic perspective? Our purpose is not to exclude a priori other methodologies, but to insist upon the ethnographic imperative, which seems to be a must for anyone who wants to propose the sociology of an institution, which requires to diversifying the points of view and observation sites. Following Clifford Geertz, the ambition is to progress towards a “thick description of institutions. To rephrase, ethnography of institutions is considered here less as a methodological orientation and more as an empirical imperative, which calls for a full commitment of the researcher. This is the postulate we want to discuss in the Panel, by asking the following questions: what is it to make the ethnography of a given institution? What are the possible forms of ethnographic commitment? Is ethnography a method among others or a specific conception of research in social sciences?  
 
Two ways are open for our investigation:
1) First, we intend to revisit the epistemological challenges of an ethnographic perspective on public administration. The street-level bureaucracy analyses [Blau, 1972 (1962); Lipsky, 1980; Stack, 1997; Watkins-Hayes, 2009 & 2011] allowed a better understanding of the everyday reality of the State. However, blind spots remain. Despite recent progress [Eymeri-Douzans, 1999, 2001, 2002 & 2013; Tanguy, 2009 & 2013; Laurens, 2009; Pénissat, 2009], much remains to be done. For example, although the EU high civil service [Georgakakis, De Lassalle, 2007; Georgakakis, 2012] has been analysed thoroughly by means of fine-tuned methods (semi-structures interviews, prosopography), it hasn’t been yet subjected to a multi-perspective, trans-disciplinary approach, which is the purpose of this Panel. Moreover, many institutions of the Core Executive (ministerial departments, independent regulation authorities, the EU Commission), various entities of higher bureaucracy (Court of Auditors, Court of Cassation, Bank of France, etc.) or international organizations (e.g. World Bank, IMF, FAO, etc.) are still waiting for empirical investigation.
2) Second, we intend to confront and connect the ethnographic analyses of political institutions (government, parties, and trade unions) with the works on policy “mediators” [Nay & Smith, 2002] – these experts, think-tanks, interest groups which play various roles at the outskirts of the State and contribute to the co-construction of public policies.  


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1

Axe 2


Résumés des contributions

Charles Bosvieux-Onyekwelu (CESSP – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
 
Un croisement entre travail ethnographique et travail archivistique est-il possible ? Le cas du Conseil d’État
 
En prenant pour sujet de réflexion ce « sommet » administratif qu’est le Conseil d’État français, cette communication se propose d’investiguer le rapport entre deux approches en apparence opposées : l’archive et l’ethnographie. Face à une institution globalement peu travaillée par les sciences sociales et où l’essentiel de la procédure se déroule de manière écrite, le dépouillage des archives n’apparaît plus seulement comme un supplément d’âme octroyant une certaine profondeur historique au travail ethnographique : il s’agit plutôt de combiner plusieurs méthodes d’investigation afin de s’adapter au modus operandi d’un grand corps de l’État longtemps réticent à l’ouverture vers l’extérieur. De manière plus prospective, cette contribution souhaiterait également proposer quelques pistes de réflexion pour une analyse du droit administratif français dans sa verticalité, et réfléchir à l’articulation, du point de vue ethnographique, entre les sommets de l’État et les institutions « d’en bas » que sont les tribunaux administratifs et, à un degré moindre, les cours administratives d’appel. Ce programme de travail s’inscrit dans une volonté de renouveau dans l’approche des « objets » juridiques par la science politique, où l’on cherche à éviter le double écueil du juridisme et du droit comme « miroir aux alouettes » des rapports de classe.
 
Is it possible to couple an ethnographic approach with working in archives? The case of the French Conseil d’État
 
Reflecting on the administrative “height” that is the French Conseil d’État, this presentation aims to study the relationship between two seemingly opposed approaches: archives and ethnography. Little research has been done in social sciences on this institution, and its procedure mostly being a written one, going through archives can no longer be an extra bit of soul-giving to provide more depth to ethnographic work, but rather a requirement to combine several methods of investigation in order to adapt to the modus operandi of a senior branch of the civil service, long reluctant to open up to the outside world. Potentially, my contribution also wishes to offer a few suggestions for both a top-down and a bottom-up analysis of French administrative law. It entails considering the connection, from an ethnographic point of view, between the State “heights” and the lower institutions that are French administrative courts and, to a lesser extent, French administrative courts of appeal. This research programme intends to renew political science’s approach to juridical “objects”, avoiding the double pitfall of legalism and of law as a delusional stage of class relationships.

 
Romain Lecler (ENS – CESSP – Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne)
 
Sociologie du travail diplomatique. Comment décrire « l’Etat en action » à l’étranger ?
 
La diplomatie est de manière plutôt surprenante un point aveugle de la sociologie de l’administration française. Elle a été très rarement l’objet d’enquêtes ethnographiques, sans doute du fait de plusieurs obstacles : coût des déplacements ou des séjours à l’étranger, difficulté d’accès à des enquêtés tenus au devoir de réserve, hétérogénéité des métiers de la diplomatie, peut-être aussi soupçon de superficialité. Nombre de chercheurs se sont limités à une approche purement institutionnelle basée sur des archives ou la littérature grise. D’autres ne se sont intéressés qu’aux diplomates de carrière, négligeant ainsi l’essentiel des agents diplomatiques, et privilégiant soit une enquête par entretiens depuis Paris, soit les objets les plus légitimes du travail diplomatique comme la négociation. Au fond, ces travaux disent bien peu de « l’Etat au quotidien » à l’étranger, que cette communication propose de saisir à travers le cas spécifique des attachés audiovisuels français. Ces derniers mettent en œuvre la « politique audiovisuelle extérieure » et sont au sens fort du terme des « intermédiaires de l’action publique » à l’étranger. De nombreuses méthodes ont été utilisées (stage en administration centrale ; séries d’entretiens répétés à Istanbul, Pékin et New York ; série d’entretiens à Cannes et Paris). Ce type d’enquête permet de mieux comprendre comment la contractualisation est vécue au quotidien par ces professionnels qui ne sont pas fonctionnaires : gestion du flou des missions et de l’évaluation, définition empirique et contingente de l’action à mener sur place, sentiment d’isolement qui contraste avec les fortes contraintes hiérarchiques, assimilation et résistance aux normes diplomatiques, disqualification professionnelle progressive vis-à-vis du secteur d’origine, anxiété préalable à la reconversion, intégration d’un « réseau de politique publique » qui permet de revendiquer une identité professionnelle spécifique.
 
Sociology of the Diplomatic Work. How to Describe the “State in Action” Abroad ?
 
The French foreign policy administration has been surprisingly overlooked by the sociology of the French administration. Ethnographic works have been rare, probably hampered by many obstacles: the cost of travelling and living abroad, the difficult access to interviewees legally required to remain discreet, heterogeneous work occupations, and, may be some prejudice also against a milieu deemed superficial. Several scholars have instead favored the description of administrative institutions, only based on archives and specialized documentation. Others have focused exclusively on high civil servants, neglecting most of the diplomats, and relying on interviews conducted from Paris, or on the most legitimate of the diplomatic work, i.e. the negotiation. Therefore, these studies do not say much about the "everyday State at work" abroad, that this presentation intends to apprehend through the case of the audiovisual attachés who implement the French foreign audiovisual policy, being real intermediaries of the State abroad. Many methods have been used (internship at the Foreign Office; series of recurrent interviews in Istanbul, Beijing and New York; series of interviews in Cannes and Paris). This investigation sheds light on how these professionals, who are not hired as career civil servants, experience this situation abroad: carry out indefinite duties and coping with blurry evaluations, qualifying tasks on the field with some pragmatism and contingence, feeling isolated and pressured by hierarchical constraints, assimilating diplomatic norms and resisting to them, drifting gradually further apart from the original professional environment, growing anxious about having to leave the Foreign Office, integrating a "public policy network" that may support their claims for a specific professional identity.


Louise Dangy (Triangle – Sciences Po Lyon)
 
« Passer de l’autre côté du rideau » : l’ethnographie multi-située du gouvernement pour mettre au jour les processus de l’action publique internationale
 
Nous proposons de discuter la méthodologie de notre enquête doctorale, qui retrace le conflit du bœuf aux hormones dans les institutions internationales. Depuis l’adoption, en 1981, d’une directive interdisant l’utilisation d’hormones de croissance, l’Europe et les États-Unis s’affrontent au sein du Codex alimentarius (qui établit des normes internationales) et de l’OMC sur les différents aspects liés aux hormones dans l’élevage. Combinant approche socio-historique et ethnographie, notre travail vise à établir dans quelle mesure l’affaire du « bœuf aux hormones » a façonné les institutions sanitaires mondiales, afin de comprendre comment les différentes parties prenantes conçoivent ces dernières. Vétérinaire fonctionnaire, nous adoptons aux fins de cette enquête une approche ethnographique vis-à-vis de matériaux variés (archives, entretiens, observations) ; nous contournons les difficultés d’accès à ce terrain en confrontant différentes sources et en prenant des responsabilités au sein de ces institutions. Ce positionnement original, qui facilite la réalisation de l’enquête – pourtant menée à découvert -, n’est pas sans conséquences sur son épistémologie ou ses conclusions, ce qui conduit à interroger la portée de nos résultats. Nous estimons que, si les partis pris qui découlent d’une ethnographie totale des institutions internationales réalisée par ses praticiens doivent être assumés, les résultats originaux qu’elle produit sont indispensables à leur exploration.
 
« Behind the curtain »: Showing processes of international public action by a multi-sites ethnography of governmental institutions
 
This paper seeks to discuss the methodology of my PhD research project on the so-called “hormone beef dispute” within international institutions. Since the adoption, in 1981, of a European resolution prohibiting the use of hormones in food-producing animals, Europe and the United States have been struggling over all aspects relating to the use of growth promoters in animal husbandry. This controversy involves both the WTO and the Codex alimentarius, in charge of establishing international sanitary standards for food trade. The goal of my research work, which combines the socio-historical and ethnographic approaches, is to establish to what extent the international food trade institutions were shaped by the hormone beef dispute, so as to better understand how stakeholders perceive them. This work is being performed in specific conditions: while a government vet, I apply an ethnographic analysis to various materials (archives, interviews, observations). The cross-checking of information from diverse sources, and above all the official tasks I performed at different levels of the decision-making process, allowed me to overcome the difficulties associated with the study of this closed field. However, this unique position, which facilitates my research, also has consequences on its epistemology and conclusions, which leads to reflect on the significance of the results obtained. I consider that if a global ethnography of the international institutions concerned implies some theoretical choices, it also yields original results that need to be taken into account when exploring such entities.

 
Martin Baloge (CESSP – Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne)
 
Le travail politique au sein de la commission des finances du Bundestag. Apports comparés de la démarche ethnographique dans l’étude des institutions parlementaires
 
Cette communication entend proposer une réflexion fondée sur les apports de la démarche ethnographique dans le cadre d’une observation  réalisée durant deux semaines de session au sein du Bundestag. Cette démarche ethnographique, dans le cadre d’une thèse mobilisant différents types de matériaux (entretiens semi-directifs, archives, observations) a représenté une période extrêmement stimulante de l’enquête de terrain en soulevant de nouvelles interrogations qui n’auraient pas pu émerger sans la mise en place de cette démarche. Cette communication entend donc répondre à la problématique suivante : Dans quelle mesure la démarche ethnographique a-t-elle permis de mieux appréhender le travail parlementaire en commission ? Quatre dimensions du travail politique en commission ont pu être saisies sur le vif grâce à l’observation ethnographique : le travail parlementaire au quotidien, l’apprentissage du rôle de député et de commissaire aux finances, les interactions avec les membres de l’institution, les interactions avec les intermédiaires. Sur la base de ces apports, cette communication entend montrer que l’observation ethnographique des élites politiques est particulièrement riche en enseignements, en particulier parce qu’elle permet de limiter les effets de contrôle des discours lors d’entretiens semi-directifs avec ces élus.
 
Political work among the finance commission of the Bundestag. A Comparative input of the ethnographic approach in parliamentary studies
 
These communication intends to propose a reflection about the inputs of the ethnographic approach led during two weeks in the Bundestag. This approach, combined with other methods (in-depth interviews, archives, observations) has helped to focus on further questions. The communication focused on a general issue: In what extend can ethnographic approach help us to understand the way MPs work in their commission? Four dimensions of this political work have been directly observed with this method: the daily political work, the learning of the role of MPs and finance commissioner, the interactions with other members of the institution, the interactions with go-between actors. Based on these elements, the paper shows that ethnographic observation of political elites is particularly helpful since it allows to limit the control that MPs have on their speech during in-depth interviews.

 
Benjamin Morel (ISP – ENS Cachan)
 
Pour une ethnographie de l’Institution Sénatoriale

Qu’est-ce qu’une assemblée parlementaire ? Nombre d’études ont été produites permettant de saisir les profils des députés et sénateurs. Ces dernières, souvent basées sur une méthodologie quantitative, échouent pourtant à caractériser ce qui fait la spécificité du fait parlementaire. Malgré les efforts des politistes afin de se pencher, avec succès, sur le discours en Séance, les arcanes du Parlement restent bien peu connus. Cette communication tend à s’intéresser à la moins connue des deux chambres du Parlement, le Sénat. Nous tâcherons de montrer que l’approche ethnographique est essentielle pour expliquer la spécificité d’une institution souvent mal comprise. Cette présentation tâchera de s’articuler en deux temps. D’abord, nous tenterons de décrire comment la pratique ethnographique permet depuis la base de reconstruire l’émergence des schémas de légitimation et des pratiques institutionnelles qu’ils impliquent. Du « simple » fonctionnaire jusqu’au président du Sénat se développe ainsi une dynamique de diffusion des représentations de la « maison » commune. Ensuite, nous verrons en quoi l’approche ethnographique de l’institution permet d’expliquer les apories des études juridiques et politistes du Sénat.
 
For an ethnographic approach of French Senate

What’s a Parliament ? Many surveys concern parliamentaries sociology and profiles. Many of them use a quantitiv approach. This rationnalisation have often failed identifying the specificities of legislative insitutions. Political science also studies the practice of parliamentary speech, but seldom the wings of the assembly theater. This paper will attempt to analyze the less studied chamber of the French parliament : The Senate. We will try to prove that an ethnograpic approach is best to understand this institution’s specificities. In the first part, we will disclose the different steps of the legitimation process and its effects on the institonnal practices. On the second part, we’ll see how this ethnological approach enlightens Senate’s role in the scientific Litterature.

 
Damien Boone (CERAPS – Université Lille II) et Maïlys Gantois (CESSP – Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne)
 
Être « obligé » de devenir ethnographe pour saisir l’institué ? Enseignements tirés de deux recherches
 
Notre communication a pour objectif de contribuer à une réflexion sur l’usage de l’ethnographie pour saisir « une institution » à partir d’un regard croisé sur deux terrains distincts, l’un en sociologie politique des relations professionnelles et l’autre en sociologie politique de l’enfance. En dépit d'une abondance de références théoriques et empiriques, aussi bien dans l’espace social que dans le champ académique, des points obscurs persistent sur la compréhension de nos deux objets d'étude. La confrontation de nos recherches, de prime abord éloignées, permet de montrer d'une part les ressorts mobilisés qui plaident pour un recours à l’ethnographie, seule démarche capable d’éclairer les phénomènes sociaux étudiés et, d’autre part, d'éclairer la manière d’appréhender ces phénomènes sociaux institués. Nous expliquons ensuite les ressorts de la justification d’un « impératif empirique » pour répondre aux exigences d’une démarche à la fois compréhensive, relationnelle et dynamique adoptée pour saisir des comportements institués. L’objet de cette proposition est de montrer qu’adopter une démarche ethnographique n’est pas tant le fait de succomber à une mode disciplinaire (ou interdisciplinaire) qu’une nécessité à la fois théorique et empirique pour étudier sociologiquement un fait social.
 
« Forced » to becoming an ethnographer to grasp which is established ? Learnings from two studies
 
Our paper aims to propose a reflexion on how ethnography can be use to understand « an institution » from a look at two different fields of research, in political sociology of labour relations on the one hand and in political sociology of childhood on the other hand.
Despite the existence of many theoretical and empirical references, both in the social space and in the academic world, questions remain on the understanding of our two objects of study. Exchanges about our research, even if it seems remote at first sight, allow on the one hand to show mobilized well-springs which make the case for the use of ethnography, the only approach able to highlight the studied social phenomena in our two cases, and on the other hand to describe how we use this approach in practice to study these established social phenomena. Then, we present the well-springs which justify the use of an « ethnographic imperative » to study our research objects in a comprehensive, relational and dynamic way to understand established behaviours. Adopting an ethnographic approach is not only a disciplinary (or interdisciplinary) passing fad, it is a theoretical and empirical need for studying a social fact in a sociological way.
 

Sarah Kolopp (ENS Ulm – CMH)
 

Échanger, réguler, obliger. Les pratiques ordinaires de correspondance d'un haut fonctionnaire au Trésor dans les années 1970
 
L’ethnographie a fait figure de méthode privilégiée pour analyser les routines d’action et les pratiques de travail qui font l’ « État au concret », mais a été rarement utilisée pour étudier la haute administration, réputée plus difficile d’accès. Cette communication montre que le recours à certains documents archivistiques – notamment, la correspondance, professionnelle et privée – permet d’objectiver des pratiques « à la marge » des institutions administratives, sur lesquelles l’observation directe n’offre parfois que peu de prise. En nous appuyant principalement sur la correspondance d’un haut fonctionnaire de la direction du Trésor dans l’exercice de ses fonctions pendant les années 1970, nous montrerons que les pratiques dont ces lettres sont le support (gérer une correspondance, répondre à des invitations, partir en visite, prendre et maintenir contact) sont centrales dans l’exercice des fonctions officielles du Trésor (la régulation transversale des activités économiques et financières) et dans ses usages officieux. Aux frontières du mondain et de la relation bureaucratique, cette correspondance permet de saisir au plus près les formes et les enjeux du travail d’intermédiation qui sont celles d’une direction qui fonctionne comme un « lieu de passage ».
 
Working on Institutional Margins. The Ordinary Correspondence of a Treasury Senior Official in the 1970s
 
Ethnographic research has helped elucidate the professional routines, symbolic representations and concrete practices of street-level bureaucrats, but has been very rarely mobilized to study top officials, a group that is difficult for scholars to access. This paper shows the ways by which certain archival documents – notably, personal and professional correspondence – can trace, better than direct observations, what happens « at the margins » of bureaucratic institutions. Drawing primarily on the letters received and sent by a high official of the Treasury during the 1970s, I will show that the practices of which these letters are the visible traces (managing a correspondence, answering invitations, going on tours and visits, maintaining ties and contacts) are central to the pursuit and achievement of the official missions of the Treasury (regulating a wide-range of economic and financial activities), and to many of its informal uses. Intertwining public and private ties, this correspondence can help understand the forms and stakes of the intermediation activities performed by the Treasury.

 
Olivier Quéré (Triangle – ENS de Lyon)
 
Ethnographier l’État par son milieu. La formation des cadres intermédiaires de la fonction publique dans les Instituts régionaux d’administration
 
Créés en 1970, les Instituts régionaux d’administration (IRA) ont pour mission de recruter et de former les attachés d’administration, fonctionnaires d’État de catégorie A, dont le statut a été créé en grande partie pour assurer les tâches jugées ingrates par les énarques de ministère. La mise sur pied des IRA devait s’accompagner de la constitution d’un corps homogène, transversal et interministériel des cadres intermédiaires de la fonction publique. Cette communication cherche à mettre en avant les moyens et les obstacles de la réalisation de ce programme institutionnel, et de la nécessité d’une approche ethnographique pour le comprendre. L’immersion dans l’institution apparaît en effet comme le moyen le plus adéquat pour saisir les ressorts d’une socialisation des cadres intermédiaires à l’État, au travers d’un « travail institutionnel » puissant. De plus, « l’ethnographie socio-historique » des IRA apparaît comme une façon de rendre compte des ambitions de légitimation des sommets de l’Etat via la constitution d’une strate administrative intermédiaire. Enfin, nous défendons le caractère nécessaire mais non suffisant de l’ethnographie des institutions publiques de formation, et l’intérêt de la combiner avec une approche sociologique des curricula.
 
Journey to the center of the State. The training of public middle managers in the French Regional Administration Institutes (IRA)
 
The French Regional Administration Institutes (IRA) have been created in 1970 to recruit and train administrative officers (French attachés), who have been designed to ensure the “dirty work” of the senior civil servants. The establishment of the IRA was a way to merge and homogenize the recruitment training and practice of these middle managers, thus forming a homogeneous and inter-ministerial “corps”. Our purpose is to shed light on the means and obstacles to achieve this institutional program, and the need for an ethnographic approach to understand it. Indeed, immerse in the institution is the most appropriate way to assess the “institutional work” that is the basis of a State socialization. Furthermore, a “socio-historical ethnography" of the IRA is a way to give full account of senior civil service legitimation on the top of the State, through the creation of an intermediate administrative layer. Finally, we defend the interest to combine an ethnographic approach with a study of curricula.

 
Sarah Gensburger (CNRS - ISP)
 
À la recherche des « politiques de la mémoire ». Le choix de l’ethnographie

Si l'État français, au niveau central comme local, a toujours commémoré le passé, une « politique de la mémoire » n'a été instituée sous cette étiquette qu'à la fin des années 1970, au sein du Ministère des Anciens Combattants. Elle est aujourd'hui mise en oeuvre par une administration centrale, la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA), qui dépend de ce qui, en 2014, est devenu le Secrétariat d'État aux Anciens Combattants et à la Mémoire. L'étude d'une telle institution revêt donc une forte valeur heuristique pour appréhender des questions transversales pour la sociologie contemporaine de l'État telles que la dimension symbolique de l'action publique, le rôle des croyances dans le fonctionnement des institutions ou encore l'instrumentation de l'action publique, ici en lieu et place d'un intérêt pour cette « instrumentalisation du passé » tant décriée par les analyses existantes. Cette volonté de re-conceptualiser la notion de « politique de la mémoire » à travers une attention privilégiée aux institutions et administrations qui en ont la charge va de pair avec la mobilisation des méthodes ethnographiques. Ce choix epistémologique doit permettre de cerner les contextes, les pratiques et les interactions des acteurs sociaux, leurs registres de justification et les dynamiques d’institutionnalisation. L’approche ethnographique donne la possibilité de cerner ce que fait, et ne fait pas, l'institution. En l'espèce, elle conduit à s'interroger sur ce qui est susceptible de se jouer d'autre que la « mémoire » dans les politiques qui sont censées en relever.
 
Looking for memory public policies : how ethnography can help
 
In a way, the French State, at the central as at the local level, has always been commemorating the past. However “memory public policy” labelled as such was not implemented before the 1970s, within the Department for Veteran Affairs. Nowadays, it depends on the Office for Memory, Heritage and Archives which is a branch of a Ministry Department, recently renamed as the Department for Veteran Affairs and Memory.
Studying this administration may be a way to answer several of the questions raised by the contemporary transformation of the State : the symbolic dimension of public policy; the roles played, respectively, by interests and beliefs in its implementation and the importance of the instruments in the development of public policy, contrasting with the very, and successful, concept of the “instrumentalization of the past”. This desire to renew the very conception of the “politics of memory” from a public policy perspective goes with a methodological choice: the use of ethnography. This choice is expected to help at grasping the contexts, social practices and interactions, the institutionalisation dynamics and the story told by those who make these memory policies. Moreover, ethnography enables to determine what does, and does not, the state institutions officially in charge of “memory”. It leads to wonder : can memory public policies be about something else than “memory” ?

 
Adrien Thibault (SAGE – Université de Strasbourg)
 
Le talent, une excellence d’État ? Ce que l’État fait aux élèves des écoles de théâtre d’élite, et vice-versa (France, Royaume-Uni)
 
Les écoles de théâtre les plus prestigieuses, en France et au Royaume-Uni, sont, à bien y regarder et à bien des égards, des écoles d’élite, grande porte vers l’un des « sommets (culturels) de l’État ». Il s’agit de tirer les conséquences de cet état de fait en portant un regard de sociologie du politique et de l’État sur ces institutions oubliées, chargées de consacrer « les talents ». Pour ce faire, l’approche ethnographique s’avère indispensable afin de saisir d’abord ce que l’État fait au Talent : entretiens et observations permettent de mettre en lumière non seulement en quoi les élèves de ces écoles sont de « l’institution (étatique) faite esprit » – leurs goûts et leur identité étant travaillée par et pour l’État –, mais également en quoi ils sont de « l’institution (étatique) faite corps » – ces écoles étant (re)productrices d’hexis et de manières d’être légitimes. Réciproquement, l’approche ethnographique permet d’appréhender ce que le Talent fait à l’État. En discours et en actes, ces écoles se révèlent des adversaires opiniâtres de la « forme scolaire » et se livrent à une valorisation libre et systématique de propriétés « contre-scolaires ». Cette individualisation et cette dérèglementation de fait de l’excellence, impossibles à mettre en évidence sinon qu’ethnographiquement, pourraient bien être caractéristiques de certaines des transformations contemporaines de l’État – qu’on se propose de réunir sous l’expression de « nouveau gouvernement des élites ».
 
Talent: A State Nobility ? What the State does to elite drama school students and vice versa (France, United Kingdom)

Prestigious drama schools, in France and in the United Kingdom, are, in many ways, elite schools. They form a “great door” toward one of the (cultural) “summits of the State”. In order to take this established fact totally into account, I would like to adopt a political sociology perspective and a state-centered approach on these forgotten institutions, in charge of consecrating “talents”. To that purpose, the ethnographic approach proves to be essential. Firstly, it enables to grasp what the State does to Talent: interviews and observations allows to highlight not only in which way the tastes and identity of elite drama school students are produced by and for the State (“institution [étatique] faite esprit”), but equally in which way these schools are (re)producing legitimate hexis and “ways of acting” (“institution [étatique] faite corps”).  Reciprocally, the ethnographic approach also enables to grasp what Talent does to the State. In speeches and in acts, elite drama schools reveal themselves to be deeply opposed to the “school form” and to freely and systematically promote “counter-school” dispositions. This individualization and this deregulation in action of excellence, impossible to show by other means than through ethnography, could well be a significant feature of the contemporary transformations of the State – that I suggest to call “new government of elites”.


Participants

Baloge Martin martin.baloge@malix.univ-paris1.fr
Boone Damien  damien.boone@yahoo.fr
Bosvieux-Onyekwelu Charles  charles.bosvieux-onyekwelu@normalesup.org
Dangy Louise  loudangy@gmail.com
Eymeri-Douzans Jean-Michel  jean-michel.eymeri-douzans@sciencespo-toulouse.fr
Gantois Maïlys  mailysgantois@yahoo.fr
Gensburger Sarah  sgensburger@yahoo.fr
Kolopp Sarah  sarah.kolopp@gmail.com
Lecler Romain  romain.lecler@ens.fr
Morel Benjamin  benjamin.morel@outlook.fr
Quéré Olivier  olivier.quere@sciencespo-lyon.fr
Tanguy Gildas  gildas.tanguy@sciencespo-toulouse.fr
Thibault Adrien  adrien.thibault@misha.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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