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Section Thématique 3

Matérialité de l'électeur. Approches empiriques comparées des dispositifs de vote
The Materiality of the Voter: Comparative Empirical Approaches

Responsables

Lucie BARGEL (Université de Nice, ERMES et CESSP) lucie.barge@unice.fr
Hélène COMBES (CNRS, CERI Sciences Po) helene.combes@sciencespo.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Les règles électorales, et leurs détournements, traduisent des conceptions du peuple et de ses modes d'expression politique prescrits, et leurs contestations. Si la science politique a souligné à quel point l'installation d'élections avait constitué un moyen pour tenter de disqualifier d'autres modes d'expression politique souvent plus violents, nous voudrions ici insister sur les tensions (entre pacification et débordement notamment) qui marquent la procédure électorale en elle-même.
 
Cette ST propose en effet de prendre au sérieux les dimensions matérielles du vote en se centrant sur le « dispositif de vote » dans les deux dimensions qu’en dégage O. Ihl (1996) : « dispositif d’accès », c’est-à-dire la série de restrictions et de règlementations qui octroie le statut d’électeur (conditions de statut civil, d’âge, de sexe, de fortune, de durée de résidence, d’alphabétisation…) et « dispositif d’expression », soit les instruments et les procédures de mise en forme de la décision (vote à main levée, à bulletin secret, ou par acclamation…) qui impliquent une mise en conformité des comportements ainsi que le développement de savoir-faire plus ou moins spécialisés.
 
Pour ce faire, on prendra appui sur les analyses développées dans deux domaines de la science politique : la sociologie des institutions et la socio-histoire du politique. La première incite à étudier ce dispositif de vote institutionnalisé à la fois comme « produit de pratiques » et « moteur de conduites » (Gaïti 2006). D’une part, les règles matérielles du vote constituent un moyen de figer les rapports de force qui en sont au principe. D’autre part, une fois figées (inscrites dans la loi nationale ou internationale, la jurisprudence, les normes pratiques) c’est un ensemble de contraintes qui génère des usages et des opportunités d’action. Les acquis heuristiques de la sociohistoire du vote (Garrigou, 2002 ; Dompnier 2002 ; Deloye, Ihl, 2008, Offerlé, 1983 ; Voillot, 2011) sont bien sûr centraux dans cette proposition. Ils rappellent qu’en matière d’élections il n’y a pas de question technique, que les débats sur l’adoption de l’isoloir et du bulletin unique sont en fait des débats sur la conception de la démocratie, des relations entre élus et électeurs, et que, n’en déplaise aux « ingénieurs », celle-ci n’est jamais réglée une fois pour toutes, mais est plurielle et objet de luttes.

Cette section thématique propose un renouvellement de la socio-histoire du vote par trois  élargissements du regard :
1)    Par la diversification des périodes
Ce regard critique sur les dimensions matérielles du vote, mis en œuvre à travers des documents d’archives, n’a que peu été mobilisé sur la période contemporaine de « démocraties consolidées », pour analyser des observations directes des pratiques et des luttes autour de ces pratiques. Si le moment de l’ « invention » des règles électorales est propice à la saisie de leurs enjeux, on a sans doute surestimé leur routinisation et sous-estimé leurs renégociations à des étapes clés de batailles politiques (émergences de partis ou d’acteurs contestant le rôle de ces derniers par exemple). Dans le cas français, une nouvelle historiographie du vote en situation coloniale ouvre aussi de nouvelles interrogations (Soriano, 2014 ; Trémon, 2013) L’enjeu est donc double : resituer les pratiques autour des dispositifs dans un temps long mais aussi prendre au sérieux la période contemporaine. Dans le cas français, ceci apparaît comme d’autant plus pertinent que le volume du contentieux électoral dément la routinisation des élections. Par ailleurs, l’observation de situations sans conflit, aux dispositifs naturalisés, n’en est pas moins susceptible de révéler les effets d’exclusion des individus et de normalisation des comportements ainsi produits.
2)    Par la diversification des terrains
La sociohistoire du vote est restée centrée sur le cadre national français. Parallèlement, depuis le début des années 1980-1990, la constitution d’un champ professionnel de la « gouvernance du vote », fortement articulé à l’expertise internationale (Guilhot, 2005 ; Bertrand, Briquet, Pels, 2007 ; Petric, 2012), a contribué au développement de travaux d’ingénierie électorale, portant prioritairement sur les pays (pensés comme) « en voie de démocratisation ». Cette ST aura aussi comme objectif de faire dialoguer différentes traditions d’études liées à des terrains variés aussi bien français que de pays connaissant des changements de régime. Elle pourrait aussi être l’occasion de débattre du renouveau l’historiographie  sur les rituels électoraux  dans d’autres pays européens à l’instar de l’Allemagne(Biefang, 2013)
3)    Par la diversification des méthodes
Enfin, sous un autre angle, nous rejoignons ainsi l’appel de Cécile Braconnier (2012) à diversifier les méthodes d’enquêtes sur le vote. En effet, l’extension de la période étudiée permet une plus grande pluralité des méthodes d’enquête modulant les regards et, c’est notre hypothèse, les explications sociologiques des batailles et des effets des dispositifs. Ainsi, des observations directes deviennent possibles, ainsi que des entretiens avec des acteurs clés dans l'institutionnalisation ou la contestation des règles. L’observation en situation permet de  comprendre, par exemple, ce qui se joue dans les bureaux et le modes d’investissements (Parizot, 2004, p.59) dont ils font l’objet au-delà de l’élection. Une vision au microscope, localisée, permet aussi de recontextualiser les usages variés et « autochtones »des dispositifs. De plus, des archives non disponibles sur le XIXème peuvent être mobilisées sur le XXème (des archives partisanes, de tribunaux électoraux ou d’organismes internationaux) apportant un regard décentré ou plus fin sur les batailles autour des dispositifs.
 
La comparaison entre cas et méthodes d’études permettra alors, non pas de « tester » les effets « purs » des dispositifs de vote,  mais d'insister sur les contextes sociaux et les régimes politiques au sein desquels ils prennent sens. Il s'agit bien en effet de mobiliser une appréhension empirique fine de ces dispositifs non pas seulement pour eux-mêmes, mais comme "révélateurs" des modes d'expression politique populaire prescrits et de leurs débordements, et ainsi comme porte d'entrée, in fine, dans l'important débat international actuel sur la nature des régimes démocratiques.
 
Cette section thématique souhaite donc contribuer à un double décloisonnement : réinterroger des travaux désormais classiques de la sociohistoire française du vote à l’aune de nouveaux terrains (à l’instar de Parizot, 2004 ; Menoret, 2009 ) ou/et de nouvelles périodes, et par là même désencastrer cette sociohistoire afin de montrer les apports, les décalages et les éventuelles limites qu'elle présente pour contribuer aux débats internationaux actuellement dominés par des approches en termes « la qualité de la démocratie » (Diamond, Morlino, 2004) ou  « d’enclaves autoritaires » (Gibson 2004; Levistky, Way 2012). Son originalité tient donc bien à réunir des spécialistes de terrains et de périodes variées et de proposer un dialogue entre une sociohistoire du vote et une sociologie des democracy builders.
 
Les contributions, basées autant sur des documents d'archives que sur des matériaux contemporains, sont organisées autour de deux grands axes : Les contours du corps électoral et l'objet « listes électorales » ; 2) dimension matérielle du scrutin et l'objet « bureau de vote ». La Section thématique se poursuivra par une discussion collective sur ce que ces dispositifs de vote nous apprennent des régimes politiques dans lesquels ils s'inscrivent, et notamment des conceptions de la participation populaire et de la concurrence politique qu'ils révèlent.
 

Election rules and their abuse reflect conceptions of the people, prescribed forms of political expression and disputes over same. While political science has underscored the extent to which the establishment of elections was used to discredit other, often more violent forms of political expression, we here wish to insist on the tensions (in particular, in particular, between pacification and the sudden outburst emotion)  that characterize the election procedure itself.
This ST proposes to take the material dimensions of voting seriously by focusing on the two dimensions of “voting systems” identified by O. Ihl (1996): the “system of access”, that is, the series of restrictions and regulations that confer the status of voter (e.g., citizenship,age, sex, financial situation, length of residence, literacy and so on), and the “system of expression”, or the tools and procedures used for shaping decision (voting by a show of hands, secret ballot or acclamation), which entail the imposition of behavioral conformity as well as the development of more or less specialized expertise.
To do this, we will draw upon analyses developed in two domains of political science: the sociology of institutions and the socio-history of politics. The former encourages one to study this institutionalized voting system as both a “product of practices” and a “motor of behavior” (Gaïti 2006). The material rules of voting constitute a means by which the power struggle at its core may be “frozen”. Once these are frozen – that is, written into national or international law, jurisprudence or practical norms – a collection of constraints generates uses and opportunities for action. The heuristic findings of the socio-history of voting (Garrigou, 2002; Dompnier, 2002; Deloye, Ihl, 2008; Offerlé, 1983; Voillot, 2011) are of course central to this claim. They remind us that elections are not a technical matter, that debates over the adoption of the polling booth and the single ballot are in fact debates regarding the nature of democracy and the relations between voters and their representatives. Whether “engineers” like it or not, democracy is never resolved once and for all but is rather plural and an object of conflict.
This thematic section proposes to renew the socio-history of voting by expanding its purview in three ways:
1) Via the diversification of periods
Drawing upon archival documents, this critical look at the material dimensions of voting has rarely been brought to bear on the contemporary period of “consolidated democracies” for the purpose of studying direct observations of practices and the struggles around these practices. While the period of the “invention” of electoral rules is propitious for studying the issues involved in them, their routinization has doubtless been overstated and the renegotiations that have taken place at key stages of political battles insufficiently recognized (the emergence of parties or actors who contest the role of these stages, for example). In the French case, a new historiography of voting in the colonial context has also given rise to new questions (Soriano, 2014; Trémon, 2013). The issue here is twofold: putting practices back into the long-term context of systems but also taking the contemporary period seriously. In the French case, it appears all the more relevant to do so given that the volume of electoral litigation belies the routinization of elections. Moreover, the observation of conflict-free situations in which systems have become naturalized is no less capable of revealing the effects of the exclusion of individuals and the normalization of the behavior thereby produced.
2) Via the diversification of fields
The socio-history of voting has remained focused on the French national framework. At the same time, since the start of the 1980s and 90s, the construction of “voting governance” as a professional field with strong ties to international expertise (Guilhot, 2005; Bertrand, Briquet, Pels, 2007; Petric, 2012) has contributed to the development of electoral engineering projects that above all concern what are thought of as “democratizing countries”. The objective of this ST will also be to engage with diverse traditions of study associated with various fields, whether in France or countries undergoing regime change. It might also be an occasion for discussing historiographical renewal in regards to voting rituals in other European countries following the example of Germany (Biefang, 2013).
3) Via the diversification of methods
From another perspective, finally, we second Cécile Braconnier’s call (2012) to diversify the methods for studying voting. Indeed, expanding the period under investigation allows one to bring a larger number of methods to bear, adjusting perspectives and (or so we suppose) sociological explanations of the battles over systems and the effects they produce. Direct observation thus becomes possible, as do interviews with key actors in the institutionalization of rules and challenges to them. On site observation allows one to understand, for example, the issues at stake in offices and the modes of investment (Parizot, 2004, p. 59) in them outside of elections. A localized, microscopic approach also allows one to re-contextualize the varying, “native” uses made of voting systems. What’s more, archives not available for the nineteenth-century (party archives, electoral courts and international bodies) can be drawn upon for the twentieth-, bringing a decentered or finer-toothed perspective to bear on battles over voting systems.
Such comparison between cases and methods of study is thus not a matter of “testing” the “pure” effects of voting systems but rather of insisting upon the social contexts and political regimes within which they acquire meaning. This calls for a sharp empirical understanding of these systems – not just for their own sake but also because it sheds light on prescribed popular forms of political expression and their excesses and thus ultimately serves as an entryway to today’s large international debate regarding the nature of democratic regimes.
This thematic section therefore seeks to contribute to a twofold de-compartmentalization: reexamining now classic works of French socio-history of voting in the light of new fields (following the example of Parizot, 2004; Menoret, 2009) and/or new periods and thereby disembed this socio-history in order to show its contributions, gaps and possible limits for international debates now dominated by “quality of democracy” (Diamond, Morlino, 2004) or “authoritarian enclave” (Gibson 2004; Levistky, Way 2012) type approaches. Its originality therefore very much consists in bringing together specialists of various fields and periods and proposing a dialogue between a socio-history of voting and a sociology of democracy builders.
Based on archival documents and contemporary material alike, the contributions are organized around two major themes: the contours of the electorate and “voter rolls” as object; the material dimension of the vote and the “polling station” as object. The thematic section continues with a collective discussion regarding what voting systems have to teach us about the political regimes in which they are implemented and, in particular, the conceptions of popular participation and political competition they reveal.

 
Bibliographie

BIEFANG Andreas, “La mobilisation politique dans l’Empire autoritaire. Le spectacle des élections au Rechstag (1871-1912)”, Revue d’histoire du XIXème siècle, n.46, 2013.
DELOYE Yves, IHL Olivier, L’acte du vote, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
BRACONNIER Céline, “Ce que le terrain peut faire à l’analyse des votes”, Politix, n°100, 2012.
Diamond Larry, Morlino Leonardo, “The Quality of Democracy: An Overview”, Journal of Democracy, vol. 15, 4, 2004.
DOMPNIER Nathalie, La clef des urnes. La construction socio-historique de la déviance électorale en France depuis 1848, thèse de doctorat, Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, 2002.
GAÏTI Brigitte, “Entre les faits et les choses. La double face de la sociologie politique des institutions”, In COHEN Antonin, LACROIX Bernard et RIUTORT Philippe (dir.), Les formes de l’activité politique, Paris, PUF, 2006.
GARRIGOU Alain, Histoire sociale du suffrage universel en France, Paris,  Seuil, 2002.
Gibson Edward L. (Ed.), Federalism and Democracy in Latin America, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2004.
GUILHOT Nicolas, The Democracy Makers. Human Rights and the Politics of Global Order, New York, Columbia University Press, 2005.
IHL Olivier, Le vote, Paris, Montchrestien, 1996.
LEVITSKY S <http://scholar.harvard.edu/levitsky/publications?f%5Bauthor%5D=307> teven, WAY Lucan, Competitive Authoritarianism: International Linkage, Organizational Power, and the Fate of Hybrid Regimes, New York, Cambridge University Press, 2012.
MENORET Pascal, “Apprendre à voter ? Le cas des élections saoudiennes de 2005”, Genèses, 77, 2009.
Offerlé Michel, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Paris, Gallimard, 1983
PETRIC Boris (ed.), Democracy at Large. NGOs, Political Foundations, Think Tanks and International Organizations, Palgrave Macmillan, 2012.
PARIZOT Cédric, “Fraude électorale et socialisation politique”, Genèses, 57, 2004.
SORIANO Eric, La fin des Indigènes. Le colonial à l’épreuve du politique en Nouvelle-Calédonie (1946-1976), Paris, Karthala.
TREMON Anne-Christine, “Citoyens indigènes et sujets électeurs”, Genèses, 91, 2013.
VOILLOT Christophe (coord.), Numéro “L’ordre électoral : savoir et pratiques”, Revue d’histoire du XIXème siècle, n°43, 2011.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Dimensions matérielles de l’élection

Discutant : Gabriel Vommaro (Conycet, Argentine)

Axe 2/ Quand des groupes sociaux se saisissent des dispositifs du vote

Axe 3/ Compter les votes

Discutantes : Hélène Combes et Lucie Bargel


Résumés des contributions

Olivier Ihl (Sciences Po Grenoble)

Une opinion sans vote. Sur la naissance matérielle de la théorie du suffrage dans la France du XIXè siècle

Le bulletin écrit : ce carré de papier que les électeurs doivent rédiger depuis la Révolution française au sein d’une assemblée a une histoire. Moyen d’expression, il fut conservé durant l’Empire et la Restauration, avant que le format imprimé ne le concurrence à partir de 1848. L’impression finit par s’imposer comme une obligation à la fin du siècle. Revenir sur le processus sociohistorique de sa fabrication légale, c’est mettre en lumière la façon dont fut codifiée la valeur du « suffrage exprimé ». C’est sous la Monarchie de Juillet que fut principalement engagé ce travail. Moment décisif qui a contribué, sous un régime peu enquêté, à définir l’opinion élective, ce doublon légal de la voix de l’électeur. Et partant d'affirmer la théorie moderne de la "démocratie représentative".

A Voice without Ballot: About the Material Making of the Theory of the Suffrage in Nineteenth Century France

This contribution draws the history of the written ballot, as means of expression, in use in assemblies during the 1789 Revolution, the Empire and the Restauration. Printed ballots appeared in 1848, then became mandatory at the turn of the century. This legal process sheds light on how the notion of “casted ballot” got codified under the Monarchy of July. Such a crucial turn defined the “electoral voice”, distinct from the “electoral ballot”. A distinction that remains at the heart of the modern theory of the “representative democracy.

 
Bouchra Daoudi (Sciences Po Grenoble)


De l’urne traditionnelle à l’urne électronique : Ce que les machines à voter font à la scénographie électorale

Depuis l’agora athénienne, les sociétés politiques n’ont eu de cesse d’améliorer les protocoles techniques qui régissent la compétition électorale. Culture du numérique aidant, ce souci de performance mène progressivement à l’informatisation du geste électoral. En France, c’est en 2003 que les machines à voter ont fait leur entrée dans les bureaux de vote. Réponse technique à une injonction de rapidité et de rentabilité, l’urne électronique enregistre, comptabilise et dépouille les voix. Pourtant, l’avènement de dispositifs électroniques dans cet espace tant sanctuarisé n’est pas sans conséquences sur la dramaturgie des opérations de vote. Sur la base d’une recherche empirique menée depuis trois ans, cet article s’attache à comprendre en quoi ce changement de support matériel est à l’origine d’une reconfiguration des relations sociales et rituelles dans le bureau de vote. Les résultats de cet article montrent que l’informatisation du scrutin bouscule la sociabilité électorale. D’abord par l’absence d’isoloir traditionnel qui entraine une proximité visuelle et donc une injonction de rapidité. Ensuite, par une redéfinition inédite de la division du travail électoral. Les citoyens, habituellement co-constructeurs du résultat électoral par leur participation au dépouillement, passent ici du statut d’acteurs à celui d’observateurs. Enfin, cet article met en évidence l’invention de nouveaux rituels électoraux entrainé par l’adoption de l’urne dématérialisée.

From the traditional ballot box to the elevtronic ballot box: What voting machines do the electoral scenography

Since the Athenian agora, political societies have been constantly trying to improve technical protocols that surround the electoral competition. With digital culture, this performance concern gradually leads to the electronisation of the electoral act. In France, voting machines made their entrance in the polling stations in 2003. As a technical response to achieve speed and efficiency, the electronic ballot box records, adds up and counts the votes. However, the advent of electronic devices in this ringfenced space is not without consequences for the dramaturgy of voting. Based on empirical research conducted for three years, this article investigates how this change of equipment is at the heart of a reconfiguration of social and ritual relations of polling. The results of this paper show that the electronisation of the vote changes sociability. First, the absence of traditional voting booth leads to a visual proximity and thus  a behaviour of rapidity whereby people tend to vote faster. The process has also resulted in an unprecedented redefinition of the electoral division of labor whereby citizens, who were usually the co-builders of the election results through participating in the counting, are now moving from the status of actors to the observers. Finally, this article highlights the invention of new electoral rituals created by the adoption of the electronic ballot box.

 
René Jara (Sciences Po Grenoble)

La disparition de la division du genre dans les bureaux de vote au Chili.

Le suffrage universel s'en sert depuis très tôt d'un instrument clé pour l'organisation des élections : le bureau de vote. Bien qu'ils existent certains travaux qui abordent le sens social et politique d'une telle institution, on n'a pas encore finis de comprendre l'importance de cette technique d'agrégation des voix pour l'institutionnalisation de la démocratie électorale.
La disparition en 2012 des bureaux séparés par sexe au Chili nous offre une chance privilégiée pour observer cette question dans une perspective historique large. En effet, si nous prenons comme point de départ l'année 1934, date de la première expérience du vote municipal pour les femmes, l'institution des bureaux pour hommes et pour femmes a existé depuis au moins 78 ans (1934-2012). À partir de ce moment, la création et la maintenance des listes séparées hommes/femmes ont été l'objet d'une naturalisation prononcée, comme en témoigne l'absence de tout débat sur les effets du dispositif sur le comportement électorale. Il faudra attendre jusqu'à une date récente, à l'occasion de la modernisation du notre système et régime de vote, pour voir disparaitre cette division artificiel au sein du corpus électoral.
Nous souhaitons répondre aux multiples questions que cette expérience nous inspire, à savoir: Pourquoi décide-t-on au Chili d'organiser le Suffrage Universel avec des bureaux séparés par sexe? Pourquoi cela n'a pas été vu comme un attentat contre l'égalité? ; Quelles conditions autorisent la mise en place d'un tel dispositif? Avec quels arguments ? Comment la science politique s'en est servi pour de fins académiques (i.e. toutes les hypothèses sur l'orientation du vote de femmes)? Et puis, quel contexte socio-politique autorise leur réforme ? Sous quelle forme ? Finalement, quels sont les signes qui nous permettent décréter l'obsolescence d'un dispositif, d'un instrument ou d'une technique électorale? Sur la base des données empiriques, nous nous sommes concentrés en établir les effets que supposent la disparition d'une institution si caractéristique des élections au Chili.

The end of genre division at voting polling place in Chile: causes, effects and repercussions

Universal vote has always used a key element to organize elections: the polling place. Even if we can find certain papers, which analyse the social and political sense of that kind of institution, we haven't yet finished to understanding the importance of this technique, which incorporates different voices to institutionalise electoral democracy.
The end of separate polling places in Chile, during 2012, gives us a privilege angle to observe this issue from a large historic perspective. Indeed, if we pick the date of the first voting experience for women in 1934, separate polling places for men and women existed for 78 years (1934-2012). From that moment on, the creation and maintenance of separate lists men/women were the objet of a distinct naturalisation, as its shows a total absence of debate around the effects of this dispositive on the electoral behaviour. We have had to wait until recent times and the modernisation of our voting system, to see the end of this artificial division within the electoral corpus.
We would like to question several aspects that arise from this experience: Why did Chile decide to organise Universal Suffrage in separate voting places? Why wasn't it perceived as a measure that would jeopardise gender equality? Which conditions allow such a dispositive and under which arguments? How does Political Science have used this for academic purposes (All the hypothesis about women's orientation vote). What kind of socio-political context enables the reform and under which form? And finally, what are the signs allowing to establish the obsolescence of a dispositive, of an instrument or of an electoral technique? Using empirical data we have focused to establish the effect of the disappearance of such a caractheristique institution in Chile.

 
Elise Massicard (CNRS-CERI)


Contournement contre contestation ? Usages partisans et institutionnels des dispositifs de vote en Turquie

En Turquie, le suffrage universel mis en place précocement (en 1934) a connu peu de changements depuis lors et semble largement accepté, dans son principe comme dans son fonctionnement. On est en outre dans un pays qui, considéré comme démocratique par les institutions internationales, ne fait pas l’objet de l’envoi d’observateurs internationaux. C’est seulement lors des dernières élections locales (2014) qu’a été thématisée dans les médias la question de la matérialité du vote autour de l’enjeu « fraude électorale », jusque-là pratiquement inexistant dans le débat public et scientifique. De ce fait, la réflexion sur les pratiques du vote en Turquie est pratiquement inexistante.
Or, mes travaux, d’une part sur la sociologie localisée des partis politiques, d’autre part sur les maires de quartier, m’ont amenée à suivre de près les scrutins locaux du 2009 (à Adana) et 2014 (à Istanbul), et dans une moindre mesure scrutin législatif de 2011. Mes recherches (faites d’observations et d’entretiens) ont porté sur les scrutins eux-mêmes, mais aussi l’avant et l’après, leur préparation et leurs suites ; à la fois au niveau des acteurs officiels (constitution et contrôle des listes électorales par les maires de quartier) et au niveau des acteurs partisans (mobilisations pour l’inscription sur les listes, désignation et formation des scrutateurs, contrôle du scrutin). Ces observations empiriques m’ont permis de mettre à jour deux phénomènes : d’une part, des déroulements du vote assez différents d’un endroit à l’autre (isoloir ou paroi en carton, procédure suivie en cas de scrutins multiples, tolérance d’écarts à la règle), qui s’explique sans doute par une relative autonomie des acteurs encadrant le vote ; d’autre part, un certain nombre de contestations des dispositifs et de jeux sur les règles, qui font rarement l’objet de publicisation.
A l’aune de ce terrain, La contribution se propose de dialoguer avec les travaux de socio-histoire du vote. A rebours de la vision largement admise du vote en Turquie, qu’on pourrait qualifier de relativement « pacifiée », l’intervention défendra l’idée selon laquelle les usages des dispositifs de vote sont révélateurs de nombreux contournements qui sont le fait d’acteurs partisans (parti au pouvoir comme d’opposition), mais aussi de certains acteurs officiels (maires de quartier mais aussi certains membres de comités électoraux). Comme le montre l’ampleur du dispositif mis en place par les partis pour contrôler les résultats (logistique « parallèle » de comptage des voix, organisation de recours judiciaires à grande échelle), les contournements des dispositifs sont institutionnalisés (voire normalisés), dans la mesure où ils sont anticipés par ces différentes catégories de professionnels du vote - comme d’ailleurs par certains électeurs mobilisés - et intégrés à leurs actions. Ces contournements, parfois dénoncés, peuvent donner lieu à l’évolution des règles ; ainsi, la rétribution de photographies du bulletin de vote par certains partis a conduit en 2011 à l’interdiction des objets personnels (portable) dans l’isoloir, qui est pourtant appliquée diversement - voire pas du tout. Dans d’autres cas, ces contournements conduisent à des luttes (formation des scrutateurs partisans au repérage de techniques de fraudes imputées à l’adversaire politique). Enfin, ils peuvent conduite à des compromis pratiques (tolérance) acceptés par différents acteurs (officiels et partisans), compromis qui eux-mêmes varient d’un contexte à l’autre. La contribution visera à appréhender la signification de ces usages des dispositifs de vote en termes de concurrence politique et de lien entre champ partisan et champ institutionnel.

Bypassing vs. Contesting? Uses of vote devices by parties and official agents in Turkey

In Turkey, the universal suffrage was introduced quite early (1934) and few changes have been made since then. It seems broadly accepted both in principle and in its implementation. Turkey being considered a democratic country by most international organizations, it is not subject to electoral observation. Only during the last local elections (2014) did the media express concerns on “electoral fraud”, an issue that was until them almost non-existent in public and scientific debate.
My previous research both on the localized sociology of political parties and on neighborhood headmen made me follow quite closely the local elections of 2009 (in Adana) and 2014 (in Istanbul), as well as, to a lesser extent, the legislative elections in 2011. Based on observations and interviews, my research has dealt with the polls themselves, but also their preparation and follow-up; both at the level of official agents (constitution and control of electoral lists by neighborhood headmen) and party activists (mobilizations for the registration on electoral lists, appointment and training of observers, control of the polls). These empirical observations firstly show that the proceedings of the polls are quite different from one setting to another (voting booth or cardboard wall, procedure in case of multiple elections, tolerance towards deviations), which can probably be explained by the relative autonomy of agents organizing the poll. Secondly, numerous contestations of the proceedings and plays on the rules do take place, although they are hardly expressed publicly.
Therefore, this paper aims to initiate a dialogue with research on the socio-history of voting. Against a mainstream vision of voting in Turkey as relatively “pacified”, the paper suggests that the uses of voting devices reveal numerous way of bypassing the rules by both party activists (in office or opposition) and some official agents (neighborhood headmen and some members of electoral committees). The extent of the electoral monitoring that political parties organize (“parallel” mechanisms for counting votes, widespread resort to the judiciary) show that bypassing official mechanisms is institutionalized and anticipated by the professionals of the elections (and some voters as well). These workarounds can lead to the change of the rules of the game, but also to mobilizations and struggles. Finally, they sometimes lead to practical compromises (tolerance) accepted by different players of the game (from official and party spheres), that can again vary from one setting to another. The paper aims to grasp the meaning these electoral mechanisms in terms of political competition and the link between the party-political and institutional fields.

 
Stéphanie Guyon (Université de Picardie)

La coutume à l’épreuve des dispositifs électoraux : Etablis et outsiders amérindiens face aux modalités concrètes du vote

Depuis le début des années 1990, l’élection s’est peu à peu imposée dans la plupart des villages amérindiens pour désigner les chefs coutumiers. Les modalités concrètes d’accès au vote et de déroulement du scrutin font toutefois l’objet d’âpres contestations. A partir d’une enquête ethnographique réalisée dans le village de Balaté pendant une décennie, cette communication analysera les luttes sur la définition des dispositifs électoraux à l’occasion de deux scrutins coutumiers (1999 et 2007). Celles-ci dépassent largement le moment électoral. Nous appréhenderons ces conflits au regard du clivage entre établis et outsiders amérindiens (membres des vieilles familles versus migrants). Ceux-ci engagent également différentes conceptions de la politique démocratique et du rapport entre politique démocratique et politique coutumière.

Custom and electoral devices : amerindian insiders and outsiders towards concrete modalities of vote

Since the beginning of 1990s, it is most of the time by election that are appointed customary chiefs in French Guiana Amerindian villages.  Nevertheless the concrete modalities of access to vote and the process of the ballot are the object of bitter challenges.  Based on an ethnographical fieldwork in the village of Balaté during a decade, this paper will analyze the struggles on the definition of the electoral devices in two customary ballots in 1999 and 2007. These struggles overtake widely the electoral moment. These conflicts are embedded in the opposition between Amerindian insiders and outsiders. We will also dread these conflicts with regard to various conceptions of democracy and of the relation between customary and democratic politics.

 
Erica Guevara (Sciences Po- CERI)


Une élection organisée par des guérillas et des gangs? Observation participante de la mise en place de modifications au dispositif de vote lors de l'élection présidentielle de 2014 à El Salvador.

L’élection présidentielle qui a eu lieu en février 2014 à El Salvador est marquée par deux enjeux majeurs : d’une part, la réélection du Front Farabundo Marti de Libération Nationale, dont le candidat est un ancien cadre de la guérilla qui a donné naissance au parti. D’autre part, la gestion politique du problème des maras, gangs criminels transnationaux de jeunes, responsables de l’impressionnant taux de décès violents du pays.
L’objectif de cette communication est de montrer comment les enjeux liés à l’héritage de la guérilla et aux gangs viennent se juxtaposer dans la construction matérielle du dispositif de vote, devenant ainsi un instrument d’inclusion et d’exclusion de certaines parties de la population, et d’expression de luttes partisanes. A partir du matériel récolté pendant l’observation participante du processus d’observation électorale internationale réalisé par l’Organisation des Etats Américains (OEA), et en m’inscrivant dans la démarche socio-historique d’Yves Déloye, l’objectif de cette communication est d’analyser le processus de construction dans le temps du type de dispositif de vote mis en place pour cette élection présidentielle, et les effets concrets des mesures adoptées sur le terrain. A partir de mes propres observations en tant qu’observatrice internationale dans les enceintes électorales d’un département (La Union), nous nous intéressons à la manière dont les responsables des bureaux de vote se sont appropriés des différentes règles de conduite imposées, dans la situation particulière où leur comportement était scruté par un garant  international censé être « neutre », malgré le contexte de haute tension de l’élection.

An election organized by guerillas and gangs ? Participant observation of the setting up of the voting machine during El Salvador’s presidential election of 2014

Two main stakes characterized El Salvador’s presidential election on February 2014: on the one hand, the reelection of the Farabundo Marti National Liberation Front, whose candidate is a former guerilla commander. On the other hand, the political managing of the Mara’s problem, the transnational criminal gangs responsible for the impressive violent death rate of the country.
This communication aims to show how the issues related to the guerilla heritage and the gangs are juxtaposed in the material construction of the vote device, becoming an instrument of inclusion and exclusion of some sectors of the population, and of the expression of partisanship struggles. Based on the qualitative material collected during the participant observation of the Electoral Observation Mission of the Organization of American States (OAS) in El Salvador, and following historical sociology of politics approach from Yves Déloye, the goal of this paper is to analyze the construction process of the voting machine for this presidential election, and its effects on the field. Using my own observations as an international observer of a polling station at the region of La Union, I show how the different rules established by authorities are appropriated by the persons in charge of the polling stations, when their attitudes are examined by a « neutral » international observer, in a high-tension political context.

 
Laurent Le Gall (Université de Brest)

La plume et le chiffre : l’exactitude démocratique et les arithmétiques de l’élection (Finistère, 1848)

Consultations à répétition, sollicitation d’une multitude de nouveaux individus privés jusque-là du droit de vote, même lors des échéances municipales, applications très fréquemment hasardeuses d’un droit au suffrage qui étendit considérablement la dimension politique de la citoyenneté : l’emprise de la procédure électorale incite à réfléchir sur les mises en forme des scrutins quarante-huitards. La spécificité d’un temps politique, les gestes et les pratiques au moment des opérations ne cessent en effet de rappeler que l’élection fut, aussi, une affaire d’écriture, de conformation à des normes et de récit cohérent. Bref, de tout un protocole de l’énonciation qui visa à rationaliser un moment et un acte dans le but de les appréhender au plus près. Pour les autorités départementales chargées de donner leur avis sur telle ou telle opération et, en dernier recours, de trancher sur leur validité, comme pour les autorités municipales appelées à les orchestrer, l’enjeu graphique – qui fut, d’abord, un enjeu matériel – fut incontestablement de taille.
Au cœur de la production du récit électoral, le résultat, dans son exactitude appelée à garantir la sincérité du vote et à justifier l’intégrité d’une procédure conforme aux exigences de la loi, se devait d’être d’autant plus valorisé que la République de 1848 avait gagé son existence sur une démophilie en actes. Affaire de décomptes, le résultat de chaque consultation fut donc, au préalable, objet d’attention, d’incertitude voire de débats. Lié à la configuration du scrutin, il fut, parfois, bien plus que la simple addition des bulletins au moment du dépouillement : un chiffre qui venait entériner la somme des promesses faites par avance, un instrument de mesure qui permettait aux candidats de juger leur pouvoir de persuasion et l’étendue de leur domination, un des éléments contestés auprès des organes de décision compétents. Aussi, le résultat des consultations fut-il, avant d’être un chiffre brut, une construction forcément liée à des contextes particuliers et aux utilisations que certains souhaitèrent en faire. Saisir les aspérités de la numération électorale nécessite dès lors – avant de les tenir pour argent comptant – de s’attacher à la description des procédures de validation ou d’invalidation des résultats, à l’analyse des écarts entre les normes imposées et les pratiques admises, à l’étude des tractations qui permettaient de parvenir à un consensus lorsque des bulletins posaient problème. La quête de l’exactitude démocratique dépendit en partie de cette microphysique du pouvoir à l’œuvre au moment du dépouillement.

The pen and the figure : the democratic accuracy and the arithmetic of the election (Finistère, 1848)

Repeat consultations, request of a multitude of individuals deprived up to there of rhe voting right, even during the municipal terms, frequently haphazard application of a right for the vote which spread considerably the political dimension of the citizenship : the influence of the electoral process encourages to think about the shaping of the « quarante-huitards » ballots. The specificity of a political time, gestures and practices at the time the transactions are constantly borne in mind were an affair of writing, conformation to standards and coherent narrative. In brief, of a whole protocol of the statement which aimed at rationalizing a moment and an act with the aim of arresting them to the closer. For the departmental authorities asked to express their opinion on such or such operation and, as a last resort, to cut on their validity, as for the municipal authorities called to orchestrate them, the stake schedules was unmistakably considerable.
At the heart of the production of the electoral narrative, the result in accuracy required to ensure the fairness of the vote and justify the integrity of a procedure complies with the requirements of the law, had to be even more valued than the Republic of 1848 had pledged his life on a demophilie deed. Statements of case, the outcome of each consultation was therefore in advance object of attention, uncertainty or debate. Related to the configuration of the poll, he was, at times, much more than the sum of ballots at the count : a figure that had to endorse the sum of the promises made in advance, a measuring instrument that allowed candidates to judge their power persuasion and the extent of their domination, one of the elements in dispute to the competent decision-making bodies. Also, it was the result of consultations, before being a gross figure, a construction necessarily linked to specific contexts and uses some wished to do. Enter the roughness of the electoral count therefore requires – before you take them for cash – to focus on the description of validation and invalidation of results, analysis of the differences between the imposed standards and practices admitted to the study of negotiations that allowed to reach a consensus when ballots were problematic. The quest for democratic accuracy depended in part on the microphysics of power at work at the count.

 
Christophe Voilliot (Université Paris 10)

La comptabilisation des votes lors des élections d’avril 1848  dans le département de l’Yonne

À partir d’une enquête en archives, cette communication explore les traces matérielles de pratiques de vote variées, en fonction d’un contexte local spécifique, celui du département de l’Yonne. En suivant l’invitation de Laurent Le Gall à « saisir les aspérités de la numération électorale »(2009), j’ai tenté en effet de procéder à une tentative d’analyse des modalités pratiques de la comptabilisation des votes lors des élections à l’Assemblée constituante des 23 et 24 avril 1848. Sont successivement examinés le problème de la distinction entre suffrages exprimés et électeurs inscrits, la question des « voix perdues », celle des voix isolées et celle des « billets anachroniques ». En conclusion, je reviens sur la possibilité d’éclairer ces questions liées à la comptabilisation des votes en prenant en compte leur répartition spatiale afin de faire ressortir à la fois la dimension collective du vote, la domination notabiliaire, non exempte d’ailleurs de concurrence entre notables, la pesanteur des conflits entre localités et la relation ambivalente des électeurs icaunais avec une capitale si proche dont les échos du tumulte leur parvenaient en suivant le cours du fleuve.

Accounting for votes in the April 1848’s elections in the department of Yonne

From a survey archives, this paper explores the material traces of various voting practices, according to a specific local context: the department of Yonne. Following the invitation of Laurent Le Gall to "seize the rough edges of the electoral count", I tried to proceed with an attempt to analyze the practical arrangements for the accounting for votes in the elections to the Constituent Assembly (23 and 24 April 1848). I successively examine the problem of the distinction between registered voters and votes cast, the issue of "wasted votes", the issue of isolated votes and that of the "anachronistic votes". In conclusion, I return to the opportunity to shed light on these issues in accounting for votes, taking into account their spatial distribution in order to highlight both the collective dimension of the vote, the notabiliaire domination, also not without competition between notables, conflicts between localities and the ambivalent relationship of these voters with the capital, so close with their echoes reached the tumult following the course of the Yonne river.


Participants

Bargel Lucie bargel@unice.fr
Collombon Maya maya.collombon@wanadoo.fr
Combes Hélène helene.combes@sciencespo.fr
Daoudi Bouchra bouchra.daoudi@sciencespo-grenoble.fr
Guevara Erica erica.guevara@gmail.com
Guyon Stéphanie stephanie.guyon@ens.fr
Ihl Olivier olivier.ihl@sciencespo-grenoble.fr
Jara René rejara@hotmail.es
Le Gall Laurent legall-vidaling@wanadoo.fr
Massicard Elise elise.massicard@gmail.com
Voilliot Christophe voilliot@u-paris10.fr
Vommaro Gabriel gvommaro@ungs.edu.ar

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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