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Section Thématique 35

Pour une sociologie politique de l’énergie : approches théoriques et nouveaux enjeux
Towards a Political Sociology of Energy : renewing empirical issues and theoretical approaches

Responsables

Aurélien EVRARD (Université Sorbonne Nouvelle – Paris III / ICEE) aurelien.evrard@univ-paris3.fr
Sezin TOPCU (EHESS, Institut Marcel Mauss / IMM) sezin.topcu@ehess.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Alors que les questions énergétiques n’ont jamais été aussi présentes sur les agendas politiques gouvernementaux et internationaux, les chercheurs en sciences sociales sont rarement conviés à intervenir à livrer leurs analyses des enjeux qu’elles soulèvent. De manière générale, l’énergie est longtemps apparue comme un objet réservé à deux champs académiques, celui des sciences dures et des économistes, livrant ainsi une approche essentiellement technico-économique des choix énergétiques. Si certains « experts » des questions énergétiques ont volontiers monopolisé la mise en discussion des enjeux énergétiques, en imposant des cadrages technicisés,  d’autres économistes reconnaissent les angles morts de leurs analyses, considérant que, dans ce domaine, « le futur est moins déterminé par les contraintes technico-économiques que par le jeu des acteurs » (Hourcade et Kostopolou, 1994 : 26) et que finalement, les choix énergétiques demeurent fondamentalement politiques. Cette situation n’est pas seulement le résultat d’une volonté hégémonique des autres disciplines, mais aussi des lacunes qui caractérisent les recherches de science politique et de sociologie sur les questions énergétiques.
 
Le constat n’est pas tant celui d’un manque global de travaux sur cet objet que celui d’une dispersion et d’un manque de lieux et d’occasion pour fédérer ce champ de recherche. Tout d’abord, les grands ouvrages comparatifs et/ou de synthèse sont rares et/ou anciens (Rosenbaum 1981 ; Kitschelt 1983 ; Lucas 1985). Ensuite, l’on constate un biais très important sur le nucléaire. Certes, celui-ci s’est avéré particulièrement fécond pour passer au crible nombre d’enjeux qui occupent l’agenda des sciences sociales. Les mouvements antinucléaires ont été largement étudiés, « à chaud » (Garraud 1979 ; Nelkin et Pollak 1981 ; Jasper 1990 ; Rucht 1994), pour se placer au cœur de nouvelles théories ou notions, à l’instar de celle de « nouveaux mouvements sociaux » (Touraine et al., 1980) ou de « structures d’opportunités politiques » (Kitschelt 1986). Les travaux sur les politiques nucléaires ont également permis d’interroger l’action de l’Etat et de ses différentes formes  d’interventionnisme (Hatch 1991 ; Joppke 1992 ; Rüdig 2000), la monopolisation et/ou la contestation de l’expertise légitime (Simmonot 1978 ; Chateauraynaud et Torny, 1999 ; Topçu 2013), la mise en politique des problèmes publics (Barthe 2006),   ou encore l’impact des représentations collectives sur les choix techniques (Hecht 2004). Par la diversité des enjeux qu’elles soulèvent, les questions nucléaires continuent de susciter nombre de recherches dans la discipline, notamment avec la relance du débat suite à l’accident de Fukushima.
 
Cependant, les enjeux empiriques se sont largement diversifiés : l’adaptation des politiques énergétiques  aux contraintes climatiques (Lehtonen et al. 2011 ; Aykut 2012), le développement des énergies renouvelables (Szarka 2007 ; Evrard 2013), les controverses autour de l’exploitation des gaz de schiste (Terral 2012), la biopolitique du risque dans les pays émergents (Abraham, 2012) ou dans les contextes postcoloniaux (Hecht, 2012) ou encore la place de l’énergie (gaz, pétrole) dans les conflits internationaux ou dans l’orientation des démocraties occidentales (Mitchell, 2013). Ce renouvellement des approches et des terrains d’étude permet de contribuer à des débats majeurs de la discipline, qu’ils concernent les relations internationales, la sociologie de l’Etat et de l’action publique, la sociologie du risque et des controverses ou encore l’analyse de la compétition électorale. La section thématique propose de dégager deux axes de réflexions quant aux apports de l’énergie en tant qu’objet de recherche pour la science politique.
 
L’énergie comme enjeu de mobilisation et dynamiques de « mise en politique »

Domaine stratégique, dont l’expertise est largement monopolisée par les ingénieurs et économistes, l’énergie a longtemps été considérée comme un enjeu dépolitisé. Pourtant, à l’image des mobilisations antinucléaires ou, plus récemment, contre l’exploitation des gaz de schistes, les questions énergétiques soulèvent parfois des mouvements contestataires très forts et connaissent alors un fort degré de politisation. Elles bénéficient, de manière générale, d’une plus forte attention publique et, sans devenir l’enjeu majeur d’une élection, elles ont gagné en importance dans la compétition électorale. Ce premier angle de réflexion vise ainsi à interroger les ressources et répertoires de l’action collective en matière d’énergie et leur capacité à orienter les controverses et débats, les renouvellements des savoirs et compétences ainsi que des relations entre « experts » et « profanes » dans ce secteur , les stratégies menées par les industriels en vue d’influer sur les décisions politiques à différentes échelles (locale, nationale, internationale), ainsi que la dynamique, plus générale, de transformation des questions énergétiques en un problème public dans l’arène des partis politiques, des syndicats ou encore d’instances supranationales telle que la Commission européenne.
 
L’énergie comme prisme pour l’analyse des politiques publiques entre Etat et marché

L’énergie a longtemps constitué un exemple type d’un fort interventionnisme public (entreprises nationalisées, régies publiques), de modes d’organisation monopolistiques ou de politiques publiques technocratiques. Cela fait d’elle un objet d’étude d’autant plus intéressant pour analyser les transformations récentes de l’action publique, sous l’effet de dynamiques multiples et souvent enchevêtrées : européanisation, territorialisation, libéralisation, tournant participatif. Cette seconde perspective consiste à évaluer la validité de cette transformation et de contribuer, via l’exemple de l’énergie, à la réflexion sur les recompositions de l’Etat et le renouvellement des instruments de l’action publique. Elle portera une attention particulière aux interactions entre les acteurs publics et privés / les marchés dans la formulation des politiques énergétiques.
 

Despite the outstanding place that energy issues occupy on political agendas at both national and international levels, researchers in social sciences are rarely asked to provide analyses on energy related questions. For long time, energy was considered as a relevant object either for hard sciences or for economists. This led to the development of mostly technical and economic approaches and tools for dealing with energy choices. While certain energy « experts »  have deliberately monopolized the debate on energy issues, economists have more often insisted on the limited character of purely economic approaches, claiming that, in this field, « the future is rather determined by the interplay between different actors than by technical and economic constraints » (Hourcade &Kostopolou, 1994 : 26),  and that, energy choices should above all be considered as political choices.
 
The hegemonic  manner in which some academic disciplines have had a grap on energy questions is also closely linked to the dispatched character of work produced by sociologists and political scientists, who have globally been reluctant to federate and combine energy related empirical findings with more general theoretical reflection on social and political dynamics and change. Globally, extensive comparative or macroanalytic studies are rare or outdated (Rosenbaum 1981 ; Kitschelt 1983 ; Lucas 1985). Social science research focus has been much sector-dependent. Nuclear energy in particular has attracted much attention. Antinuclear protest movements were analyzed at a great extent (Garraud 1979 ; Nelkin et Pollak 1981 ; Jasper 1990 ; Rucht 1994), inspiring the development of new theories or notions such as « new social movements » (Touraine et al., 1980), or « political opportunity structures » (Kitschelt 1986). Work on nuclear politics also focused on state’s action, on different forms of state interventionism (Hatch 1991 ; Joppke 1992 ; Rüdig 2000), on the monopolisation and/or challenging of legitimate expertise (Simmonot 1978 ; Chateauraynaud et Torny, 1999 ; Topçu 2013), on the political agenda-setting for public problems (Barthe 2006),   or on the influence of collective representations on technical choices (Hecht 2004). The Fukushima nuclear accident revivaled interest on nuclear energy within social sciences.
 
Nevertheless, the key empirical issues have also gradually become more diverse and   complex : adaptation of energy politics to climate related considerations (Lehtonen et al. 2011 ; Aykut 2012), development of renewable energy sources (Szarka 2007 ; Evrard 2013), controversies on the rise of the shale gaz sector (Terral 2012), biopolitics of risk in emerging economies (Abraham, 2012) or at postcolonial settings (Hecht, 2012),  the role played by energy supply related interests (gaz, petrolium) within international conflicts or in the  shaping of western democracies (Mitchell, 2013)... Such renewal of research questions and field analyses is fruitful enough to contribute to the enrichment of major debates in sociology and policy studies (sociologie of state and public action, risk sociology, sociology of public problems and contoversies, as well as studies on electoral competition).
 
This thematic section focusses on two major investigation axes in order to transform energy into a fruitful research object for political science. The first axis aims to tackle energy as an issue for mobilizations, in order to study the dynamics of politization of enegy. The second axis aims to tackle energy as an indicator of public policies, between state and markets.

Bibliographie

Abraham Itty (2012), « Geopolitics and Biopolitics in India’s High Natural Background Radiation Zone », Science, Technology, and Society, vol. 17, (1): 105-122.
Aykut Stefan (2012), Comment gouverner un « nouveau risque mondial » ? La construction du changement climatique comme problème public à l’échelle globale, européenne, en France et en Allemagne, Thèse de doctorat, Paris, Ehess.
Barthe Yannick (2006), Le pouvoir d’indécision. La mise en politique des déchets nucléaires, Paris, Economica.
Chateauraynaud Francis et Torny Didier (1999), Les sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Paris, Editions de l’Ehess.
Evrard Aurélien (2013), Contre vents et marées. Politiques des énergies renouvelables en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
Hourcade Jean-Charles et Kostopolou M. (1994), « Quelles politiques face aux chocs énergétiques : France, Italie, Japon, RFA : quatre modes de résorption des déséquilibres, Futuribles, n° 189.
Lehtonen Markku, Martiskainen Mari, Teravainen Tuula (2011) « Climate change, energy security, and risk - debating nuclear new build in Finland, France and the UK », Energy Policy, 39 (6). 3434 - 3442.
Garraud Philippe (1979), « Politique électro-nucléaire et mobilisation. La tentative de constitution d’un enjeu », Revue Française de Science Politique, 29 (3), pp. 448-474.
Hatch Michael (1991), « Corporatism, Pluralism and Post-industrial Politics: Nuclear energy in West Germany », West European Politics, n° 14 (1), pp. 73-97.
Hecht Gabrielle (2004), Le rayonnement de la France. Energie nucléaire et identité nationale après la seconde guerre mondiale, Paris, La Découverte.
Hecht Gabrielle (2012), Being Nuclear. Africans and the Global Uranium Trade, Cambridge & Londres, MIT Press.
Kitschelt (1986), « Political opportunity structures and political protest: anti-nuclear movements in four democracies », British Journal of Political Science, 16 (1), pp. 57-85.
Jasper James (1990), Nuclear Politics. Energy and the State in the United States, Sweden and France, Princeton , Princeton University Press.
Lucas Nigel (1985), Western European Energy Policies. A Comparative Study of the Influence of Institutional Structure on Technical Change, Oxford, Clarendon Press
Mitchell Timothy (2013), Carbon democracy. Le Pouvoir politique à l’ère du pétrole, Paris, La Découverte.
Nelkin Dorothy et Pollak Michel (1981),The Atom Besieged : Extraparliamentary Dissent in France and in Germany, Cambridge-Londres, MIT Press.
Simmonot Philippe (1978), Les nucléocrates, Grenoble, PUG.
Szarka Joseph (2007), Wind Power in Europe. Politics, Business and Society, Basingstoke,
Palgrave, 2007.
Terral Pierre-Marie (2012), La fronde contre le gaz de schiste : essai d’histoire immédiate d’une mobilisation éclair (2010-2011), Ecologie & politique, (45), 185–194.
Topçu Sezin (2013), La France nucléaire : l’art de gouverner une technologie contestée,
Paris, Seuil.
Touraine Alain et al. (1980), La prophétie antinucléaire, Paris, Seuil.
Rosenbaum Walter (1981), Energy, Politics and Public Policy, Washington, Congressional Quarterly Press.
Rucht Dieter (1994) « The Anti-nuclear Power Movement and the State in France », in Flam F. (dir.) States and Anti-nuclear Movements, Edinburgh, Edinburgh University Press, pp. 129-162.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / L’énergie comme prisme pour l’analyse des politiques publiques : entre Europe, Etat(s) et marché(s)

Discutant : Thomas Reverdy (Grenoble-INP / PACTE)

Axe 2 / L’énergie comme enjeu de mobilisation et dynamiques de « mise en politique »

Discutante : Stéphanie Dechezelles (IEP d’Aix-en-Provence / CHERPA)


Résumés des contributions

Nicolas Leprêtre (ENS Lyon / Institut d’Asie Orientale)
 
Quelle action publique pour la mise en œuvre de réseaux électriques « intelligents » ? Une analyse comparée des expérimentations de Smart Communities au Japon
 
Au Japon, l’accident de Fukushima a soulevé la question de la stabilité du réseau et de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique. Parmi les solutions sociotechniques avancées de manière récurrente, le passage à une « ville intelligente » intégrant des énergies renouvelables et une stabilisation de leur intermittence par l’introduction de NTIC nécessite le développement et la vérification de technologies complexes aux normes internationales incertaines. Ce changement de paradigme énergétique vers une production décentralisée et gérée localement implique une recomposition des relations entre acteurs de l’énergie, ce qui nous invite à nous interroger sur les valeurs et les représentations portées par ces acteurs, l’effet structurant des réseaux sur leurs relations et les nouvelles formes d’action publique qui en résultent. Notre étude se concentre sur la politique nationale de « smart community » et sur la gouvernance de quatre démonstrateurs mis en place par le gouvernement depuis 2010. Notre présentation tentera de montrer, d’une part, la structuration des relations entre firmes selon le rôle qui leur est conférée, le recours à l’expertise et la difficulté d’acteurs publics et associatifs à se positionner par rapport aux enjeux énergétiques. D’autre part, nous souhaitons souligner la faiblesse du débat politique à travers l’utilisation d’un référentiel techniciste commun aux acteurs impliqués, érigeant le réseau « intelligent » en dispositif apolitique.
 
Which public policy for the implementation of “smart grids”? A compared analysis of smart communities’ experimentations in Japan
 
In Japan, the Fukushima accident has raised the issue of the stability of the grid and questioned the share of nuclear power in the energy mix. Among the sociotechnical solutions often proposed, the transition to a “smart city” including renewable energies and the stabilisation of their intermittency through the introduction of ICT calls for the deployment and verification of complex technologies with undetermined international standards. This change of energy paradigm toward a decentralised and locally managed energy production implies a reshuffle of actors’ relations in the energy sector, which calls for questioning the actors’ values and representations, the structuring effect of the smart grid on their relations and the resulting new forms of public policies. This study focuses on the “smart community” national program and the governance in four demonstration projects that have been implemented by the national government since 2010. My presentation will attempt to show, first, relations’ structuring among firms according to their role, the call on expertise and the difficulty of public and associative actors to position themselves with regards to energy issues. Second, I will emphasize on the weakness of the political debate through the use of a technicist referential shared by involved actors, setting the “smart” grid up as a non-political object.

 
Scott Viallet-Thevenin (Sciences Po / CSO)
 
Dessiner le secteur de l’énergie. Le contrôle des fusions/acquisitions entre Paris et Bruxelles, deux logiques antinomiques
 
Initiées par un mouvement de libéralisations et de privatisations, les fusions d’entreprises sont des évènements qui ont profondément marqué le paysage du secteur de l’énergie française – et européen – de la décennie 2000. Ces opérations financières et industrielles font également l’objet de luttes intenses à au moins trois niveaux. A l’intérieur des organisations, au niveau politique et enfin au niveau de la Commission européenne. Ces luttes irriguent les projets, et les modifient ou sélectionnent  de telle façon que si ces opérations servent les intérêts d’acteurs économiques dominants, elles sont redevables de représentations et de contraintes propres à l’Etat et à la Commission Européenne. Ces deux institutions structurent ainsi – par la négative – l’organisation du secteur de l’énergie. Cet encadrement prend place dans des contextes et repose sur des leviers très différents. En France, les fusions sont encadrées par la sphère politique (et notamment l’Elysée et Matignon), dont l’appui est nécessaire à la réussite d’une opération. A la Commission Européenne, la régulation est l’œuvre de la Direction Générale de la Concurrence, et constitue un processus technicisé, prenant appui sur des analyses économiques et contrôlé par de hauts fonctionnaires.
 
Giving shape to the energy industry. The mergers and acquisitions regulations in Paris and Brussels as antithetical logics.
 
Firms’ mergers have been deeply changing the energy industry in France and in Europe during the 2000s. These operations have been initiated by a large movement of privatizations and liberalizations in European countries. Mergers are subject to at least three kind of political struggles. These struggles take place inside the organizations, at a national and political level and at the European Commission. These struggles shape and select the projects. These operations serve the interests of dominant economic actors, but they are also liable to a set of representations and constraints due to the French State and the European Commission. The two organizations thus structure by the negative the energy industry structure. This frame takes place in very different contexts and relies on quite different leverages. Mergers are regulated at a political level in France (and especially by the Prime Minister’s office and the President’s office). The support of these institutions is necessary to the success of an operation. At the European Commission mergers are regulated by the Directorate-General for Competition. It consists of a technicized process relying on economic analysis and controlled by high ranking civil servants.

 
Pierre Bocquillon (Cambridge University)
 
L’européanisation comme pratiques et usages : interaction entre politiques françaises et européennes de soutien aux énergies renouvelables
 
Si les politiques françaises de soutien aux énergies renouvelables sont fréquemment comparées à celles des autres Etats membres de l’Union européenne et analysées au regard des engagements adoptés à l’échelle européenne, elles sont rarement analysées à travers le prisme du concept d’européanisation. S’appuyant sur ce dernier, cette communication vise à interroger plus finement les interactions entre politiques publiques au niveau national et au niveau européen. En France, le développement des énergies renouvelables a été contraint par les caractéristiques structurelles du secteur électrique, et en tout premier lieu par la prédominance institutionnelle et intellectuelle d’un modèle de production énergétique centralisé et dominé par le nucléaire. Dans ce contexte, la France a ainsi régulièrement échoué à atteindre les objectifs qu’elle se fixait à l’échelle européenne. Cela ne signifie pas pour autant que la construction européenne est sans influence sur les politiques françaises en matière d’énergies renouvelables. Afin de rendre compte de ces interactions, cette communication s’inscrit dans une approche de sociologie politique attentive à la diversité des pratiques et « usages de l’Europe » et explore les dynamiques verticales et horizontales de l’européanisation. Cette approche nous permet de mieux comprendre comment les acteurs nationaux mettent en œuvre, influencent, transforment, mettent à profit et résistent aux dynamiques européennes.
 
Europeanization as practices and usages: interactions between French and European renewable energy support policies
 
French renewable energy policies have often been compared to those developed in other member states of the European Union and examined in view of the commitments adopted by France at the European level. However they have, to date, never been analyzed through the concept of Europeanization. Using this concept, our paper aims to investigate the interactions between the domestic and European levels in this particular policy field. In France the development of renewable electricity has been hampered by the structural, institutional and ideological dominance of a centralized energy model based on nuclear energy. As a result, France has repeatedly failed to meet its European commitments. Yet, this does not mean that the European integration process is without any influence over French renewable energy policies. Through an actor-centred political sociology approach, we look at the way domestic actors have strived to shape, adapted to and strategically used policy developments at the European level, understood as both constraints and resources. We explore the role of top-down, bottom-up and horizontal dynamics at play in this field. This approach enables us to assess in a more nuanced manner the impact and limits of the Europeanization of French renewable energy policies.

 
Leny Patinaux (Centre Alexandre Koyré - CNRS/EHESS/MNHN)


Gouverner l'aval du « cycle » nucléaire par la recherche

En 1991, une loi est votée qui transforme le mode de gouvernement de l'aval du « cycle » nucléaire. Les changements induits par cette loi ont été analysés par Yannick Barthe comme une « mise en politique » des déchets nucléaires. A partir de l'étude de l'activité scientifique de l'Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) et des débats autour de l'implantation d'un laboratoire souterrain dans le granite de la Vienne, cette communication se propose de faire une lecture critique de cette « mise en politique » et d'interroger la place de l'activité scientifique dans le nouveau mode de gouvernement des déchets radioactifs après 1991. Après 1991, les acteurs historiques du nucléaire continuent de jouer un rôle central dans la gestion des déchets radioactifs. Pour eux, l'évacuation géologique de ces déchets est inéluctable. De plus, la loi de 1991 est avant tout une loi sur la recherche. Dès lors, l'Andra se doit de montrer la faisabilité d'un stockage géologique sûr. Cette démonstration n'a rien de triviale et les recherches effectuées par l'Andra sont discutées dans différentes arènes dont une Commission Nationale d'Évaluation, créée par la loi de 1991. Cette communication revient sur les débats autour des productions savantes de l'Andra et du rôle de celles-ci dans le projet de stockage géologique des déchets nucléaires.

Governing by research the back end of the nuclear fuel « cycle »

On 1991, a law transforms the back end of the nuclear fuel « cycle » form of government. Yannick Barthe analyses transformations led by this law like a political agenda-setting of nuclear waste. This communication proposes a critical view of this argument and a questioning on the place of scientific research in the new form of radioactive waste government after 1991. To do it, I focused on a study of the research activity of the French Radioactive Waste Management Agency (Andra) and debates around the setting-up of an underground research laboratory in the granite of the department of Vienne. After 1991, historical actors of nuclear technology are still playing a key role on radioactive waste management. For them, there is no alternative to geological storage. Moreover, the law of 1991 is first of all a law on research. So, Andra have to demonstrate the feasibility of a safety geological storage. This demonstration is not trivial and Andra's researches are discussed in different places. One of them is a National Assessment Board (CNE) created by the law of 1991. This paper comes back on debates around scientific productions of Andra and on their role in the French storage project for nuclear waste.


Justine Lenoire (Sciences Po Lille / CERAPS)
 
A vieille centrale, nouveaux enjeux. Analyse des dynamiques de la controverse autour de la fermeture de Fessenheim
 
Cette communication se propose de questionner empiriquement les conditions d’un changement effectif de politique énergétique en France à travers l’analyse des controverses suscitées par la fermeture des sites nucléaires. Dans une perspective monographique, nous concentrerons nos observations sur les divergences à l’œuvre autour de la mise à l’arrêt de la centrale alsacienne de Fessenheim, devenue le cœur de cible des débats sur la politique électronucléaire française pendant la campagne présidentielle de 2012. Il s’agira donc de retracer la trajectoire de ce conflit, depuis  la mise à l’agenda politique de la fermeture de ce site jusqu’aux énièmes atermoiements de la loi de transition énergétique. Dans une perspective sociologique d’analyse de l’action publique, une attention particulière sera ainsi accordée à l’identification des groupes d’acteurs en présence et au décryptage de leurs modes d’inscription, matériels et discursifs, dans le débat public. Ce faisant, nous reviendrons sur les multiples opérations de (re)qualification du problème causé par la fermeture de Fessenheim, et la manière dont elles influencent l’orientation des débats sur l’avenir de la politique nucléaire française.
 
Old plants, but new issues. Dynamics and impacts of conflict over the closure of Fessenheim power station
 
In this communication, we propose to examine the conditions for an effective change in french energy policy by focussing specifically on conflicts caused by the announced closing of nuclear reactors. Our reflection will be based on a monograph of Fessenheim NPP which has become the main target in France since the 2012 Presidential campaign. From a sociological analysis of public action, we will seek to interpret the various types of stakeholders’ involvement in public debate, both in terms of material and discursive practices, and the different ways they can impact the discussions on the future of nuclear policy.

 
Miyuki Tsuchiya (Université Panthéon-Assas / CERSA)

Les débats nationaux sur la transition énergétique : une représentation de la transformation du système d'interaction en faveur des énergies renouvelables ? Une étude comparative entre la France et le Japon.

Depuis l'accident du 11 mars 2011 à Fukushima, les programmes énergétiques français et japonais ont été au coeur du débat et de l'agenda politiques dans deux pays fortement nucléarisés et critiqués pour leur « manque de démocratie », une absence générale de consultation du public et de transparence. L'étude des débats organisés en 2012 au Japon et en 2013 en France, réels «tournants participatifs» (Blondiaux), représente ainsi un point de rupture politique où l'on assiste à une interférence de différentes logiques sectorielles. Ce processus de consultation citoyenne permet de réhabiliter l'image du nucléaire mais aussi des gouvernements à la fois dans une visée re-définitionnelle et de légitimation. Comment et pourquoi assiste-t-on à la réouverture prochaine des réacteurs nucléaires au Japon après un débat national (inédit par son ampleur) dont la décision finale fut le 0% de nucléaire mais non suivie politiquement par la suite ? Quelles furent les avancées du débat sur la transition énergétique en France après les expériences du Grenelle I et II ? La comparaison entre ces deux pays nous permet ainsi d'observer le processus de mise en place de politiques plus récentes en faveur des énergies renouvelables face à une politique ancrée depuis plus longtemps et résistante au changement, le nucléaire.

National debates on energy transition: a representation of the transformation of the interaction system in favor of renewable energies?

Since the accident of March 11th at Fukushima, the french and japanese energy programms are at the heart of the debate and political agenda in two higly nuclearized countries which are criticized for their lack of democracy and public consultation and transparency. The study of the organised debates in 2012 in Japan and 2013 in France, real turning points (Blondiaux), represents a political break where we can observe interferences between several sectoral logics. This process of public consultation leads to rehabilate the nuclear image but also governement's one for re-defining and legitimating process. How and why do we assist to the re-start of nuclear reactors in Japan after a national debate which the final decision was 0% nuclear but not politically followed afterwards? What were the achievements of the debate on energy transition in France after the experiences of the Grenelle I and II? The comparison between these two countries allows us to observe the implementation process of the recent renewable energies policies faces a longest policy more resistant to change, nuclear policy.


Participants

Bocquillon Pierre pmvb2@cam.ac.uk
Dechezelles  Stéphanie sdechezelles@wanadoo.fr
Evrard Aurélien aurelien.evrard@univ-paris3.fr
Lenoire  Justine justine.lenoire@gmail.com
Leprêtre Nicolas nicolas.lepretre@ens-lyon.fr
Patinaux Leny leny.patinaux@ehess.fr
Reverdy Thomas thomas.reverdy@grenoble-inp.fr
Topçu Sezin sezin.topcu@ehess.fr
Tsuchiya Miyuki mtsuchiya@hotmail.fr
Viallet-Thevenin Scott s.vialletthevenin@cso.cnrs.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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