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Section Thématique 37

Les rationalités comparées des politiques sociales
Rationalities and Rationales of Social Policy: A Comparative Perspective

Responsables

Jean-Noël FERRIE (CNRS, Université internationale de Rabat) jean-noel.ferrie@uir.ac.ma
Elisa CHELLE (UMR PACTE / LIEPP) elisa.chelle@iepg.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Cette section thématique (ST) propose de revenir sur les rationalités distinctes à l’œuvre dans les politiques sociales dans une perspective comparative.
La professionnalisation de l’activité politique puis la rationalisation de l’intervention publique ont donné à voir une image simplifiée de l’action des gouvernants. Un problème public trouverait sa « solution ». Celle-ci se situerait dans un espace partisan et idéologique clairement orienté. Ainsi, les échéances électorales seraient autant d’occasions de fixer un « choix », d’agréger des « préférences ». De plus, leur mise en forme dans un « programme » politique les donne à penser comme relativement cohérentes. Emboîtant le pas à cette définition politique, la lecture décisionniste de l’action publique postule une intention initiale renvoyant à des conceptions plus ou moins partagées s’incarnant dans des institutions. Le regard critique porte alors sur la capacité des institutions à mettre correctement en œuvre les idées de départ.
Deux limites découlent de cette uniformisation de la compréhension de l’action sociale. La première tient à la surdétermination de certains facteurs expliquant la formation des politiques sociales et ses échecs successifs. Les moments de la décision et du déploiement sont implicitement tenus pour prépondérants (Ferrié, 2014). L’action politique renvoie alors à une posture « héroïque » ou, à tout le moins, « volontariste ». Le fonctionnement routinier de ces dispositifs, notamment leur mise en application par les agents administratifs, passe alors pour secondaire. La position inverse consiste à se concentrer sur la façon dont cette perception des politiques publiques oriente leur réception supposée par les usagers. Ceux que Philippe Warin (1999) nomme les « ressortissants de l’action publique » passent pour appréhender cette démarche rationnelle ou pour y être tout à fait imperméables. Dans les deux cas, leur position est analysée à l’aune du même référentiel : celui de la rationalité de l’action publique. Or, cette position revient à minorer des dimensions telles que le flou organisationnel ou les conséquences non désirées de l’action sociale. Elle sous-estime aussi la pluralité des publics et l’hétérogénéité catégorielle des bénéficiaires. Ces limites convergent vers l’idée selon laquelle les politiques publiques peuvent être consistantes sans que cela n’implique qu’elles soient pleinement efficaces et adéquatement perçues.
D’un point de vue phénoménologique, une politique publique n’existe que dans ses réalisations. En ce sens, elle ne se fabrique pas à partir d’un déterminisme interne mais sous l’effet de déterminismes externes, c’est-à-dire que sa forme provient des différentes séquences de sa mise en œuvre. Elle n’est donc pas l’accomplissement d’une intention ou d’une idée considérée in abstracto. Elle n’est pas soutenue par une ossature autour de laquelle s’agrégeraient les réalisations. Son ossature est exogène, fabriquée au fur et à mesure qu’elle s’accomplit.
Au sein d’un large ensemble de réflexions récentes sur la place des idées dans la formation des politiques publiques, c’est la mobilisation de savoirs spécialisés qui nous intéressera plus particulièrement. Parmi ces corpus théoriques à visée pratique, l’économie tient une place prépondérante depuis les années 1960, en particulier dans le domaine des politiques sociales. Le chiffre est devenu un argument d’autorité (Porter 1995). Le modèle du choix rationnel s’est progressivement imposé, sans nette remise en question. Si bien que les autres sciences sociales cherchent à se conformer aux modèles de scientificité que cette discipline produit, attitude qui caractérise depuis longtemps les sciences sociales et la science politique (Dupret, Ferrié, 2010).
Le renforcement de la place des savoirs experts au cœur des appareils bureaucratiques a posé la question du caractère démocratique de cette « expertisation ». Cette technicisation des répertoires de gouvernement aurait pour effet de diminuer à la fois la dimension participative et la dimension représentative de la légitimité de l’action publique. Il semblerait que l’évolution historique de la forme des politiques publiques sociales les ai fait entrer en contradiction avec leur objectif initial, à savoir d’être des « institutions de la démocratie » (Bec, 2014). Pour ce qui nous concerne, le lien entre politiques sociales et démocratie dépend du fondement de la citoyenneté dans une société donnée. Toutes les politiques sociales ne possèdent pas une « pertinence démocratique » (Dupret, Ferrié, 2014), à tout le moins pas dans la même mesure. Ainsi, en France la citoyenneté passe par l’octroi de droits, notamment sociaux, mais l’aide sociale est de moins en moins attribuée sur la base du droit (Duvoux, 2006). Autre exemple, aux États-Unis, la citoyenneté se fonde par le marché et dans le rapport à l’argent. Entendu que l’argent délivré par la puissance publique au titre de secours ne peut être que la source d’une citoyenneté négative. La place de l’expertise nous intéressera en tant qu’elle produit des répertoires de légitimité spécifiques (Ihl et al., 2003), qui pourront inclure la pertinence démocratique sans s’y limiter.
Une politique publique poursuit au moins trois buts différenciés, rendant de son hétérogénéité, puisqu’elle vise simultanément : (I) à agir sur certains indicateurs afin de modifier la situation concrète d’un ou de plusieurs groupes ; (II) à maintenir ces groupes dans un état de consentement positif vis-à-vis des institutions politiques sans que les efforts déployés en leur faveur n’apparaissent l’être au détriment d'autres groupes ; (III) permettre aux gouvernants de stabiliser ou d’accroitre leur légitimité au-delà des bénéficiaires directs par la communication institutionnelle et partisane quant aux résultats de ces politiques publiques. Ces deux derniers buts procèdent d'une même logique, substantiellement différente de la logique du premier. Il s’agit de s’adresser des publics, et donc à des électorats, différenciés (Bachrach et Baratz, 1970).
L’objectif de cette ST consisterait à analyser dans quelle mesure la poursuite simultanée de ces trois buts peut poser des problèmes spécifiques à la réalisation de chacun d'eux et conduire les gouvernants à procéder à des choix infra-optimaux. Nous qualifions ce phénomène de « balkanisation du social » (Chelle, 2012). De ce point de vue, les politiques sociales peuvent produire des effets hétérogènes, déconnectant leur perception par les publics de leur efficacité socio-économique. En d’autres termes, ces politiques n’existent en pratique que dans des versions et des applications concrètes qui varient selon les contextes, les configurations institutionnelles préexistantes, le nombre et la nature des acteurs en présence. L’effort apparent de rationalisation ne doit pas masquer leurs limites et leur ambiguïté. D’où l’intérêt de la comparaison internationale que nous proposons : parvenir à distinguer ces limites et cette ambiguïté des particularités d’une scène politique ou de types de régimes précis et les envisager comme des propriétés intrinsèque de toute politique publique.


This panel brings a comparative perspective to the issue of multiple rationalities at work within the development of social policy.
The professionalization of policy-making, followed by the rationalization of public policy, tends to focus attention on over-simplified representations of governance: for each “problem,” policymakers devise a politically-oriented “solution.” In this view, the policy-making process takes place within a partisan and ideologically charged context, one in which elections impose a specific temporality on public choices. Moreover, it is thought that this aggregation of policy preferences through electoral cycles results in a relatively coherent policy program. As a consequence, policy analysis that focuses on the decision-making process tends to minimize the importance of an institution’s capacity for implementation.
Two problems emerge out of this conventional wisdom on social policy formation. The first is the over-determination of certain factors as explanations for social policy formation and failure. From this perspective, moments of decision-making are held to be at the core of the policy process (Ferrié, 2014). The second problem consists of capturing the policy image by recipients (Warin 1999), partly relying on the action of street-level bureaucrats. The rationality of this perception is sometimes taken for granted, or conversely, entirely denied. In both cases, the fundamental assumption remains the same: public policy is driven by rational action. Thus, in such explanations, “organizational blur” and unintended consequences are left out. Furthermore, the plurality of audiences and the heterogeneity of recipients retreat from the limelight. These analytical limitations suggest that public policy can be consistent without necessarily being fully effective or well received. The key issue to which these limitations turn is political consistency without policy efficacy.
From a phenomenological angle, public policy only exists through its realization. In that sense, it is not produced by an internal determinism, but by external factors intervening at different stages of the implementation process. There is no ex-ante or abstract formal cause .
Within a broad spectrum of literature dealing with the role of ideas in public policy, the mobilization of specialized knowledge offers an interesting starting point to unearth logics of rationality within social policy. Economics played a major role in this area since the 1960s. Numbers became “cogent” entities that could be trusted (Porter 1995). Rational choice theory has only been partially questioned. Its predominance has resulted in models of “scientificity” for social scientists to emulate (Dupret, Ferrié, 2010).
The increasing importance of experts within bureaucracies raises the issue of the democratic dimension of public policy. Their technical complexity tends to discourage citizen participation while also threatening its representative legitimacy. Such an historical trend could negate the original goal for social policy to serve as one of the “institutions of democracy” (Bec, 2014). What is labeled as democratic will be discussed in a comparative perspective. Not every social policy is expected to hold a “democratic relevance” (Dupret, Ferrié, 2014). In France, welfare rights are part of social citizenship, even though the disentitlement argument is gaining ground (Duvoux, 2006), whereas in the U.S., citizenship primarily relies on market mechanisms. This panel will look at other kinds of legitimacy (Ihl et al., 2003) produced by policy experts in the form of knowledge and know-how about social policy.
Typically, public policy pursues at least three differentiated goals: 1) act on certain indicators to change the material situation of a specific population; 2) maintain the quiescence of these groups without (re)activating claims from other groups; 3) allow elected officials to increase their legitimacy to the general audience by the means of institutional and partisan communication. This heterogeneous strategy aims to please differently situated constituencies (Barach, Baratz, 1970).
The point of this panel is to analyze to what extent the aforementioned composite purpose of social policy can lead to suboptimal choices. Seen as the product of “balkanization” (Chelle, 2012), social programs can produce mixed effects, disconnecting the way they are perceived from the way they operate. Thus, depending on the group that is being considered, social policy comes in different versions and its applications vary with context, institutional setting, and number of stakeholders. The effort to rationalize how social policy works must not mask its shortcomings and ambiguities. Hence the need for a comparative approach to better appreciate what belongs to time, place and politics.


Bibliographie

BACHRACH, Peter ; BARATZ, Morton S., Power and Poverty: Theory and Practice, New York, Oxford University Press, 1970.
BEC, Colette, La Sécurité sociale. Une institution de la démocratie, Paris, Gallimard, 2014.
CHELLE, Elisa, Gouverner les pauvres. Politiques sociales et administration du mérite, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
DUPRET, Baudouin, FERRIÉ, Jean-Noël, « L’idée d’une science sociale et sa relation à la science politique », Revue française de science politique, vol. 60, n°6, 2010, p. 1159-1172.
DUPRET, Baudouin, FERRIÉ, Jean-Noël, Délibérer sous la coupole. L’activité parlementaire dans les régimes autoritaires, Beyrouth, Presses de l’IFPO, 2014.
DUVOUX, Nicolas, « La contractualisation du droit social ou la citoyenneté à l’épreuve des transformations de l’État social », intervention au colloque « État et régulation sociale : Comment penser la cohérence de l’intervention publique ? », 11-13 septembre 2006.
FERRIÉ, Jean-Noël, « La temporalité des politiques publiques ou les intermittences de l'urgence dans la lutte contre les inégalités », Blog Farzyat, 15 septembre 2014.
IHL, Olivier, et al., Les sciences de gouvernement, Paris, Economica, 2003.
PORTER, Theodore M., Trust in Numbers: The Pursuit of Objectivity in Science and Public Life, Princeton, Princeton University Press, 1995.
WARIN, Philippe, « Les "ressortissants" dans les analyses des politiques publiques », Revue française de science politique, vol. 49, n° 1, 1999, p. 103-121.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Discutant : Yves Schemeil (Sciences Po Grenoble)


Résumés des contributions

Carla Tomazini (IHEAL-CREDA / Université de Campinas - Unicamp)

La recherche de crédits électoraux et la construction des publics destinataires : une analyse comparée des politiques brésiliennes et mexicaines de lutte contre la pauvreté

Au Brésil et au Mexique, la mise en place d’allocations sociales liées à la scolarisation des enfants et à la fréquentation des centres de santé a changé le système de protection sociale. Le Bolsa-Família et Oportunidades (Prospera) ont une nature très palpable, visible et immédiatement avantageuse, incitant alors le credit claiming. Les effets directs sont doubles : l’effet serait positif parmi les bénéficiaires, mais peut être perçu négativement chez ceux qui l’auraient payé par le biais de leurs impôts. Toutefois, cette perception négative est nuancée par le caractère « conditionnel » du capital humain qui semble être plus accepté parmi les couches moyennes. La communication a pour objectif d’analyser les facteurs qui peuvent expliquer la construction des publics destinataires et le rôle de la variable politique. Bien que le clivage politique droite-gauche tende à établir une ligne contiguë entre les systèmes politiques différents, il est intéressant d’examiner ce clivage au niveau interne en l’intégrant à l’analyse du modèle des coalitions de cause (Advocacy Coalition Framework). L’approche en termes d’« intérêts » permet de souligner deux tendances communes aux deux sous-systèmes : 1) la coalition « pro-capital humain » englobe différents partis atténuant les clivages partisans ; 2) indépendamment des gouvernements et des partis politiques au pouvoir, nous avons remarqué une tendance à la fois à l’expansion du public cible et au renforcement des conditionnalités afin de toucher le maximum d’électeurs-citoyens.


The Vote-Seeking Logic and the Construction of Intended Clientele: A Comparative Analysis of Brazilian and Mexican Policies Fight Against Poverty

In Brazil and Mexico, the introduction of conditional cash transfer programs to encourage school and health centers attendance at changed the social protection system. The Bolsa-Família and Oportunidades (Prospera) have a palpable, visible and advantageous nature, offering credit claiming opportunities. Their direct effects are double: the effect would be positive among the beneficiaries, but may be perceived negatively by the tax-payer community. However, the conditional nature of the “human capital” -which seems to be more accepted among the middle classes- attenuated this negative perception. The paper aims to present the issues regarding the construction of the audiences and the role of the political variable. Although the left-right political cleavage tends to establish a contiguous line between different political systems, it is important to examine this partisan rift at the internal level by integrating advocacy coalition framework. The approach in terms of 'interests' allows highlighting two common trends: 1) “pro-human capital” coalition embraces different parties mitigating partisan rift, (2) regardless of political parties in power, governments pursue two goals simultaneously: expanding targeted groups and strengthening of conditionalities in order to reach the maximum number of citizen-voters.


Philippe Warin (CNRS, ODENORE)

Le non-recours : catégorie d’analyse de l’échec des politiques sociales

Le phénomène relativement massif de non-recours aux prestations sociales signifie-t-il l’échec des politiques ou des programmes sociaux ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire dans un premier temps de montrer en quoi l’évaluation par le critère du non-recours peut mettre en avant une contestation, par les destinataires, de la pertinence de cette offre publique. Dans ce cas, parmi les formes du non-recours, celle de la non demande interroge la légitimité des prestations sociales sous deux angles en particulier : celui de leur « valeur d’usage » (l’utilité) qui peut sembler manquer, mais aussi celui de la « valeur d’échange » prêtée aux prestations (leur propriété objective et collective) qui peut ne pas convenir. Entre ces deux valeurs de référence, des appréciations différenciées de la pertinence de l’offre publique apparaissent. Partant de cette présentation fondée sur les résultats de plusieurs études sur le non-recours, il s’agit de discuter dans un second temps de l’intérêt de l’approche de la non demande pour l’étude des policies failures. Dans son l’analyse générale des facteurs de réussite ou d’échec des politiques proposée, Harold Wolman (1981) a critiqué l’insistance de la critique portant sur la mise en œuvre des politiques ou programmes. Il l’a expliquée par l’absence chronique d’intérêt des chercheurs et des décideurs (de l’époque) à l’égard des problèmes de la mise en œuvre. Il s’agit ici de rappeler les principaux termes de cette critique, pour indiquer en quoi, alors même que l’étude sur non-recours porte expressément sur la mise en œuvre la plus concrète, les facteurs d’échec ou de réussite se situent fortement au niveau de la définition des politiques ou des programmes, et des normes qu’ils véhiculent.

Non-take-up: a category of analysis of social policy failure

Is the non-take-up (NTU) of social benefits on a relatively massive scale symptomatic of the failure of social policies or programmes? To answer this question, I first show how an evaluation based on the NTU criterion can highlight the challenging, by addressees, of the relevance of this public offer. In this case, non-demand as a form of NTU calls into question the legitimacy of welfare benefits from two angles in particular: that of their “use value” (utility) which may seem to be lacking, and that of the “exchange value” attributed to the services (their objective and collective property), which may not be suitable. Between these two reference values, varied assessments of the public offer’s relevance appear. Based on this presentation, built on the results of several studies on non-take-up, I then discuss the value of the non-take-up approach for the study of policy failures. In his general analysis of the factors of success or failure of the policies proposed, Harold Wolman (1981) criticized the focus on the critique of the implementation of policies or programmes. He attributed it to researchers’ and decision makers’ chronic lack of interest in implementation issues (at the time). This article outlines the main terms of this critique, to point out how, even though the study of non-take-up is expressly concerned with the most concrete implementation, factors of failure or success lie in the definition of policies or programmes, and of the norms they convey.

 
Fabiola Miranda-Pérez (Sciences Po Grenoble - PACTE)


Focalisation et mise en œuvre de la politique publique de lutte contre les violences conjugales au Chili

Depuis la mise en place du système économique néolibéral au Chili, au milieu des années 1970 et le début des années 1990, l’État a joué un rôle subsidiaire qui est même consacré au sein de la Constitution politique de 1980, sous la dictature de Pinochet (1973-1989). Ainsi, de nombreux programmes gouvernementaux se voient affectés par la diminution de leur budget et par la nécessité de focalisation du public cible, nous montrant le recul qu’a pris l’État vis-à-vis des problématiques sociales.
A partir de 1990, le Chili connaît une transition à la démocratie, qui paradoxalement est marquée par l’inclusion sur l’agenda public de certaines demandes sociales exprimées dans le cadre de la résistance à la dictature militaire, dont les demandes des femmes organisées et des féministes. De cette manière, en 1991, une agence nationale chargée de promouvoir l’équité entre hommes et femmes, dépendante du Ministère de développement social, est créée – le Service national de la femme, SERNAM –. Sous la même logique, en 1994, s’adopte la première loi de lutte contre les violences intrafamiliales (Loi Nº 19 325, reformée en 2005, Nº 20 066). Ainsi, l’État chilien, à travers du SERNAM, commence à entreprendre des actions vis à vis des violences conjugales, développant aussi des dispositifs qui s’adressent à un public hétérogène.
Cette communication cherchera à caractériser la définition du public cible, et la redéfinition du genre mise en œuvre par des gouvernements, marqués par l’application des politiques néolibérales, dans les processus de prise de décision et dans l’élaboration des politiques publiques. Pour ce faire, nous nous pencherons sur les processus reformulation institutionnelle d’élaboration des politiques et leur mise en œuvre. Nous illustrerons cette analyse par les politiques sociales associés à la lutte contre les violences conjugales.
En fin de compte, il s’agira d’examiner les transformations vécues ces dernières années par les politiques sociales au Chili ainsi que leur expression concrète dans le cadre des programmes spécifiques cités ci-dessus.
 
Focusing and Implementation of Public Policy to Fight Domestic Violence in Chile

Since the implementation of neoliberal economic system in Chile, in the mid 1970’s and early 90’s, State played a subsidiary role that will even be consecrated in the political Constitution of 1980, under dictatorship of Pinochet (1973-1989). Thus, many governmental programs are affected by the decrease in their budget and by the need of the targeted audience to focus, showing us that State have been going backward vis-à-vis social issues.
Starting from 1990, Chile experiments a transition towards democracy, which, paradoxically is stamped with including on public agenda specific social requests expressed as part of the resistance to military dictatorship, including requests from organized women and feminists. This way, in 1991, a national agency in charge of promoting equity between men and women, depending on Ministry of Social Development is created – the National Service of Woman, SERNAM –. Following the same logic, in 1994, is created the first law to fight domestic violence (Law N°19 325, reformed in 2005, N° 20 066). Like this, Chilean State, through SERNAM, begins to engage actions vis-à-vis domestic violence, along with developing devices addressed to a heterogeneous audience.
This communication will aim at characterizing the definition of the targeted audience, and redefining gender put in place by governments, stamped with the application of neoliberal policies, in the process of decision taking and the elaboration of public policies. To do so, we will study the institutional reformulation processes and their implementation. We will illustrate this analysis by social policies associated to the fight against domestic violence. At the end of the day, this will be necessary to examine transformations suffered over the past years by social policies in Chile as long as their concrete expression in the framework of specifics program mentioned earlier.

 
Luc Sigalo Santos (CRESPPA-LabTop)

« Le RSA n’est pas une bourse du ministère de la Culture ! » Le traitement public ambivalent des artistes assistés, entre injonction à la professionnalisation et incitation à la reconversion

Les politiques d’insertion ne sont pas réductibles à la fonction de placement sur le marché du travail qui constitue leur objectif officiel et leur mode spontané d’évaluation ; elles contribuent également à régler les habitus d’acteurs sociaux considérés comme désajustés par rapport aux « réalités » socio-économiques. Partant de ce constat, cette communication s’attachera à analyser l’ambivalence du traitement public des artistes allocataires du RMI (RSA) à partir d’une enquête conduite dans une grande ville française, où la collectivité estime qu’ils représentent au moins 15 % de l’ensemble des allocataires. L’analyse des archives, entretiens et observations récoltés révèle que cette prise en charge spécialisée poursuit depuis son origine en 1989 un double objectif d’aide à la professionnalisation et d’incitation à la reconversion. Son caractère ambivalent est d’abord perceptible dans la difficulté à segmenter le public destinataire : classer les artistes en fonction de leur niveau d’« employabilité » est une opération d’autant plus malaisée que les critères institutionnels de définition de la profession – diplôme, revenu – sont loin de faire consensus dans les mondes de l’art. L’ambivalence de cette prise en charge est ensuite décelable à travers l’identité institutionnelle marginale sécante du dispositif : par-delà les annonces politiques, les cadres territoriaux de l’action sociale ne sont jamais parvenus à impliquer substantiellement leurs homologues de la culture.
 
“Welfare benefits are not a grant from the Ministry of Culture!” The ambivalent public management of artists on welfare: an incentive to professionalization or to retraining?

Labor market inclusion policies cannot be reduced to their work placement function, which is their official target and most common method of evaluation. They also contribute to adjusting the habituses of those considered as out of step with socioeconomic “realities”. Starting from this observation, this paper aims at analyzing the ambivalence of the public management of artists living off welfare benefits. It is based on an investigation conducted in a large French city, where artists make up at least 15% of all welfare recipients according to local authorities. The analysis of archives, interviews and observations reveals that the aim of this specialized treatment has been twofold since its origin in 1989, consisting in assistance to professionalization for some of them, and in an incentive to retraining for others. The ambivalence is first perceptible through the difficulty in categorizing the target audience: classifying artists on the basis of their “employability” is particularly complex since the institutional criteria for the definition of the profession are far from consensual in the art worlds. The ambivalence can then be detected through the “secant marginal” institutional positioning of this public policy: despite political statements of intent, local public executives working for the Department of Welfare have never managed to substantially involve their counterparts of the Department of Culture.

 
Camille Boubal (CSO / Sciences Po)


Améliorer les pratiques alimentaires des Français ou structurer le champ de la prévention ? Le cas de la politique nutritionnelle de santé publique

En 2001, le ministère de la Santé annonce le lancement du Programme National Nutrition Santé (PNNS). Cette politique de santé publique affiche l’ambition d’améliorer l’état nutritionnel des Français. Elle gagne une visibilité sans précédent avec l’imposition des messages sanitaires sur les publicités alimentaires en 2007. Les «  5 fruits et légumes par jour » ne manquent alors pas de susciter des interrogations. Médias, politiques et chercheurs questionnent leur légitimité, fondements scientifiques et efficacité.
Les travaux sociologiques, souvent d’inspiration néo-foucaldienne, analysent ces messages comme l’expression d’une normalisation des conduites individuelles. Dans un contexte néolibéral de retrait de l’État-providence, la responsabilité en matière de prévention reposerait essentiellement sur les individus.
Des observations ethnographiques à l’Institut National de Prévention et d’Éducation à la Santé, complétées par des entretiens semi-directifs avec les acteurs de prévention et chercheurs, permettent de mettre au jour d’autres facettes de la gouvernementalité. L’étude des conditions de production de ces normes, et leurs déclinaisons, révèle des enjeux scientifiques, institutionnels et professionnels. Acteurs de prévention et scientifiques soutiennent des recherches sur le comportement pour légitimer savoirs et savoir-faire d’agences sanitaires. Ces normes participent également d’une tentative de gouverner les discours en prévention nutritionnelle.
 
Health Education Challenged by ‘Five a Day’: An Institutional History of Prevention

In 2001, the Ministry of Health launched the National Health and Nutrition Program (PNNS) to display its concerns about nutritional well-being among the French population. It became famous in 2007 when it made public health messages on food advertising mandatory. However, the ‘5 a day’ messages raised a lot of questions. The media, politicians, and academics have questioned the legitimacy, effectiveness, and scientific basis of these messages.
The sociological literature, which in most cases takes up a neo-foucauldian perspective, often views these messages as the expression of normalization of individual behavior. In this view, these standards reflect a neoliberal trend of making individuals responsible for their own health.
Based on ethnographic observation in the National Institute for Public Health and Health Education and semi-structured interviews with prevention officials and academics, my paper highlights other aspects of ‘governmentality’. The production of these standards, as well as their evolution, is underpinned by scientific, institutional, and professional issues. Some  officials and experts support the use of behavioral studies in public health. In doing so, they legitimize the knowledge and expertise claimed by public health agencies. This should be viewed as a broader attempt at governing discourse in the field of nutrition and health prevention.


Participants

Boubal Camille boubalcamille@gmail.com
Chelle Elisa elisa.chelle@iepg.fr
Ferrié Jean-Noël jean-noel.ferrie@uir.ac.ma
Miranda-Pérez Fabiola  fabiola.mirandaperez@etu-iepg.fr
Sigalo Santos Luc sigalosantos@unistra.fr
Tomazini Carla carlatomazini@gmail.com
Warin Philippe philippe.warin@sciencespo-grenoble.fr
Yves Schemeil yves.schemeil@iepg.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciencespo.fr