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Section Thématique 49

Protestations ouvrières, clientélisme et mutations du capitalisme. Comparer des mondes industriels sous tension
Workers' protests, clientelism and mutations in capitalism. Comparing industrial worlds under pressure

Responsables

Amin ALLAL (CERAPS UMR  8026, ERC/WAFAW) amin.allal@gmail.com
Montserrat EMPERADOR BADIMON (Université Lumière Lyon-2/Triangle) montserrat.emperadorbadimon@univ‐lyon2.fr   

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Lors des soulèvements de 2010-2011 au Maghreb et au Machrek, des sites à industrie dominante, souvent emblématiques du développementalisme des lendemains d’indépendance, ont été le théâtre de protestations collectives remettant en question le mode de distribution des profits issus de l'activité économique hégémonique. En toile de fonds de ces mouvements, des transformations objectives de l'environnement économique et des équilibres sociaux construits autour de l’activité industrielle, souvent à capitaux publics : une chute de profits qui se traduit en licenciements; un plan d'expansion de l'industrie qui annonce des recrutements; un changement dans la logique de distribution des profits ; ou encore des mouvements d’investissement qui transforment les caractéristiques du « patronat » etc.
Cette section thématique examine l’inscription de revendications « matérielles » dans des relations de patronages. Si cette réflexion croise plusieurs travaux contemporains de sociologie politique qui se refusent d’opposer dialectiquement clientélisme et protestation, l’un de nos objectifs sera de penser l’intérêt de la comparaison autour de la confrontation d’études monographiques, y compris au-delà d’un partage tacite en « aire » géographique ou culturelle. Nous nous interrogerons notamment sur le poids des trajectoires et histoires des modes d’industrialisation sur la structuration des revendications. L’autre apport de notre réflexion commune sera en effet de prendre au sérieux les situations propres aux relations industrielles.
Les mouvements autour de l'industrie du phosphate au Maroc (2011-2012) et en Tunisie (2008-2012), dans le bassin industriel du Delta du Nil en Egypte (2004-2011), ou encore, moins connues, dans les industries d’aluminium dans des monarchies du Golfe, qui contestaient les logiques de recrutement, exigeaient davantage d'emplois pour des ressortissants de la région ou dénonçaient des « injustices » salariales, répondent à cette logique. Les grévistes, sit-inneurs ou manifestants adressent aux employeurs et/ou responsables politiques locaux, nationaux, voire étrangers, des revendications à caractère matériel - un emploi, la possibilité d'être associé à l'activité lucrative et à la distribution des bénéfices, sur des modes de prise de parole exceptionnels que l’on ne peut réduire ni à des « quiet encroachment of the ordinary », propres à une économie morale de la dissidence en contexte de forte subalternisation, ni, au contraire, à un « grand soir » du prolétariat.
Ces cas sont loin d'être isolés ou spécifiques au « monde arabe » et ils ont été singulièrement peu explorés par la sociologie politique contemporaine, plus encline à rendre compte de nouvelles formes d’engagement hors des cadres des sphères industrielles. Pourtant, sur plusieurs terrains, dans les « Nords » comme dans les « Suds », de nombreuses protestations autour du travail, souvent routinières, peu visibles statistiquement ou médiatiquement, interpellent les logiques de redistribution, leur institutionnalisation et les droits sociaux qu’elles sous-tendent. Cette ST se propose de revenir sur ces objets d’études en confrontant des formes multiples de revendications protestataires, et leur historicité, dans des « mondes industriels sous tension » de différentes régions du monde.
L'expression de « monde industriel » fait autant référence au contexte des mobilisations (une société locale où les rapports sociaux, les solidarités, les clivages ou les relations de pouvoir et de domination sont fortement structurés par une activité économique), qu'à l'espace physique où elles ont lieu (le lieu du travail effectif ou convoité). Il s’agit de questionner les formes et expressions de la conflictualité et les modalités de la protestation ainsi que leur inscription dans des interactions sociales, fondant des « droits », des références « morales » ou encore des logiques de vulnérabilité/protection. Plus précisément, ce sont les articulations complexes entre des formes de mobilisation, des logiques de patronage et de liens clientélistes tissés dans des contextes industriels, et des politiques publiques qui sous-tendent les mutations locales de l'activité économique, que nous nous proposons de comparer.
Les contributions traitent aussi bien de situations dans les « Suds » que dans les « Nords » à partir d’enquêtes de première main. Elles analysent les multiples ressorts des relations de patronage/protestation qui travaillent les mobilisations protestataires se produisant dans ces mondes industriels en recomposition. Elles examinent comment les transactions clientélistes peuvent désactiver des groupes « latents » ou contenir les revendications à des résistances « silencieuses », et comment à l’inverse elles peuvent nourrir la protestation et la révolte, susciter des récits identitaires, engager certaines solidarités, notamment dans des contextes où les économies de la protection sont ébranlées (libéralisation, démantèlement de l’Etat « employeur », privatisation de la propriété, diversification et internationalisation des investissements, etc.). Ainsi, une attention est prêtée attention aux spécificités, propres aux « mondes industriels » de ces articulations clientélaires et protestataires: par exemple, l'insertion et la cohabitation des protestataires et de leurs cibles dans des espaces d'interaction structurés par l'activité professionnelle; la collusion entre élites politiques et élites économiques; la matérialité des revendications qui fait appel à un mode de résolution basé sur la transaction de ressources entre des acteurs disposant de différents types de capitaux ; etc.
Nous discuterons des questions suivantes
- Comment se définissent les « droits sociaux » dans ces mondes industriels particuliers ?
- Le caractère matériel des revendications favorise-t-il l'intervention de logiques clientélistes dans la gestion des protestations ?
- Quels réseaux sont mobilisés dans la gestion des conflictualités au travail ?
- Comment ces modes de gestion affectent-ils l'organisation et l'expression de la protestation ?
- Comment les rapports ordinaires des gouvernés à l’autorité s’en trouvent-ils modifiés ?
- Quels rôles jouent, dans ces processus, les institutions de médiation (syndicats, partis politiques, etc.) ?

During the 2010-2011 uprisings that swept through the Middle East and North Africa region, mass protests against the existing allocation of profits drawn from the main economic activities, took place on industrial sites that more often than not symbolised state-promoted developmentalism of the post-independence period. These social movements ought to be replaced against the backdrop of changes that had objectively affected the economic environment and social balance built around the usually state-owned industries. This thematic section explores how these "material" demands are embeded in clientelist relations. While this joint research builds on several contemporary studies in political sociology that reject the supposedly dialectical opposition between clientelism and protest, its main goal is to lay the stress on the added value of a comparative approach that confronts monographic studies, without restricting itself, as often tacitly done, to the division in geographic or cultural "areas". Emphasis will be put on the impact of industrialization's paths and histories on the structuration of social demands. The second contribution of this work is to give its fair share to the study of social situations emerging in industry-related contexts.
The expression "Industrial worlds" refers here as much to the context in which protests emerge - a local community whose structure in terms of social relations, solidarities, fault lines or power relations heavily depends on a given economic activity - as to the physical space in which they occur - the workplace, be it actual or desired.  This joint study explores the ways conflictuality is expressed and protest organised, as well as the ways in which these protests and conflictual patterns are inscribed within social interactions from which it results the asserting of "rights", "moral" references or logics of vulnerability/protection.
 
- How to define "social rights" in these specific industrial worlds?
- Does the material aspect of the claims favor clientelistic logics in the management of protests?
- What networks are mobilized to settle conflicts on the workplace?
- How do these modes of conflict management affect the way protests are organized and expressed?
- How do they affect the ordinary relations of power and the relation towards the dominant authority?
- What are the roles of mediating institutions (unions, political parties, etc.) in these processes?

 
Bibliographie

Auyero J., Poor People's Politics, Duke University Press, 2001
Bayat A., Life as Politics: How Ordinary People Change the Middle East, Stanford University Press, 2013
Beinin Joel, Workers and Peasants in the Modern Middle East, Cambridge University Press, , 2001.
Briquet J.L., Sawicki F., dir., Le clientélisme politique dans les sociétés modernes, Paris, PUF, 1998.
Giraud B., « Des conflits du travail à la sociologie des mobilisations : les apports d'un décloisonnement empirique et théorique », Politix 2/ 2009 (n° 86), p. 13-29.
Médard J.F., « Clientélisme politique et corruption », Tiers-Monde, t. 41, 2000 (n°161), pp. 75-8
Migdal J., 2001, State-in-Society: Studying How States and Societies Transform and Constitute One Another, Cambridge University Press, 2001
O'Donnell G., Bureaucratic Authoritarianism: Argentina 1966-1973 in Comparative Perspective, University of California Press, 1988.
Rubbers B., coord., « Micropolitiques du boom minier », Politique Africaine, 3/2013 (n°131).
Scott J., La domination et les arts de la résistance, Éditions Amsterdam, 2008.
Siméant J., " 'Économie morale' et protestation – détours africains ", Genèses, 4/ 2010 (n° 81), p. 142-160.
Thompson E. P., La formation de la classe ouvrière anglaise, traduit de l’anglais, Éditions du Seuil, 2012.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Discutants : Myriam Catusse (IFPO Beyrouth/WAFAW) et Benjamin Rubbers (Institut de Sociologie, Université de Liège)


Résumés des contributions

Isil Erdinc (CESSP, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Protestations ouvrières en Turquie sous le gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP): les relations industrielles, les réseaux islamiques et les alliances intersectorielles

Les politiques du gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP), au pouvoir en Turquie depuis 2002, concernant les relations professionnelles se déploient dans deux dimensions principales accompagnées par la précarisation du marché du travail. Tout d’abord, elles rendent les syndicats dépendants des institutions étatiques. Par ailleurs, elles favorisent les syndicats proches du parti au pouvoir telles la Confédération des Syndicats Ouvriers Réels (Hak-İş) et la Confédération des Syndicats des Fonctionnaires (Memur-Sen) fondées au sein du mouvement islamique de la Vision Nationale (Milli Görüş) dont les fondateurs principaux de l’AKP sont issus. Les réseaux AKP et « la fraternité islamique » deviennent des éléments de plus en plus centraux dans la redistribution des ressources étatiques. Ce travail s’interroge donc sur les collusions et les alliances entre les acteurs syndicaux, économiques, politiques, associatifs et étatiques et le renforcement de certaines organisations syndicales au détriment des autres. Il se fond sur une enquête menée depuis 2011 et qui repose sur des observations ethnographiques doublées d’une quarantaine d’entretiens semi-directifs auprès de responsables syndicaux de la Hak-İş et de la Memur-Sen à Istanbul, Ankara et Sakarya. La première partie est consacrée à l’étude des trajectoires et des profils des acteurs syndicaux. La deuxième partie examine le renforcement de ces syndicats au sein du champ syndical et leurs pratiques syndicales.

Labour protests under the Justice and Development Party (AKP) rule in Turkey : industrial relations, Islamic networks and intersectorial alliances

The policies of the Justice and Development Party (AKP) government, in power in Turkey since 2002, on industrial relations unfold in two main dimensions accompanied by the precarisation of labour. First, they make trade unions dependent to state institutions. They also promote trade unions close to the ruling party such as the Confederation of Real Trade Unions (Hak-İş) and the Confederation of Civil Servants’ Unions (Memur-Sen) founded by the Islamic movement of National Vision (Milli Görüş) where the founding group of the AKP also come from. Thus, AKP networks and "Islamic brotherhood" become increasingly central elements in the redistribution of public resources. This work analyzes the collusion and alliances between trade unions, associations, the economic and political actors and the state and reinforcement of some trade unions at the expense of others. It is based on ethnographic observations and semi-structured interviews with labour union officials in Hak-İş and Memur-Sen in Istanbul, Ankara and Sakarya realized between 2011 and 2014. The first part of this work analyzes trajectories and profiles of trade unionists. The second part examines the reinforcement of these unions in the trade union field and their practices concerning political and labour issues.


Sofia Donoso (University of Oxford, Centre for Social Conflict and Cohesion Studies (COES)


“Seule la lutte nous donne ce que la loi nous refuse”. L’émergence du mouvement des sous traitants (contristats) dans l’industrie du cuivre au Chili en 2007

Depuis la fin des années 1990, le processus de maturation de la démocratie et d’exacerbation des problèmes provoqués par le néolibéralisme ne s'est pas seulement matérialisé dans l'élection de gouvernements de centre-gauche promettant de s'attaquer aux déficits à travers un style de gouvernance inclusive. Ces processus sont aussi matérialisés dans la prolifération de mouvements sociaux. Une conséquence de cela est qu'un éventail de plus en plus large de sujets fait l'objet de débats et de contestations politiques. Ce papier prétend contribuer au débat sur la re-politisation de certains domaines de politiques publiques, en analysant l'émergence du "Movimiento de trabajadores contratistas" au Chili en 2007 et son impact sur les relations professionnelles. Composé de travailleurs « sous-traitants » de CODELCO, la compagnie d'État consacrée à l'extraction de cuivre, ce mouvement a articulé la plus importante vague de mécontentements dans le champ du travail depuis le rétablissement de la démocratie en 1990. L'analyse de l'émergence de ce mouvement et de ses revendications pour des droits du travail plus égalitaires permettra de montrer comment le mouvement lie les griefs exprimés à la transformation néolibérale du marché de l'emploi. Alors que le Mouvement a réussi à construire un cadre d'action collective qui entre en résonance avec l'opinion publique et qui défie la CODELCO, il a en plus stimulé la mobilisation d'autres secteurs professionnels. Paradoxalement, cela a contribué à limiter les impacts du Mouvement et le potentiel pour une amélioration des conditions du travail au Chili.  

‘Only the struggle gives us what the law denies us’: The emergence of the 2007 Contract Workers’ Movement in Chile

Since the late 1990s, the task of deepening democracy in Latin America and correcting for the social deficits provoked by neoliberalism, has not only manifested itself in the election of left-of-centre governments that promise to address these deficits and to introduce a more inclusive style of governance, but also in the proliferation of social movements. Hence, a broader range of issues is currently being debated and politically contested at both elite and mass levels. This paper seeks to contribute to the debate on the repolitization of specific policy areas by analysing the emergence of the 2007 Contract Workers’ Movement in Chile and its impact on the labour agenda. Composed of contract workers of CODELCO, Chile’s main state-owned copper-extracting company, this movement staged the most important labour unrest since the reinstatement of democracy in 1990. Analysing the rise of this movement and its claims for more equal labour rights, particular emphasis is put on the links between the neoliberal transformation of the labour market, and the movement’s articulation of the resulting grievances. The paper shows that while the Contract Workers’ Movement succeeded in constructing a collective action frame that both resonated with public opinion and challenged CODELCO, it also unearthed resistance from other key actors of the labour field. Ultimately, this restricted the movement’s agenda impact and the prospects of advancing labour justice in Chile.


Franck Gaudichaud (Université de Grenoble / PACTE – UMR 5194)

Protestations ouvrières, espaces portuaires et revendications syndicales en contexte néolibéral avancé. Réflexion sur les mobilisations de l’Union portuaire chilienne (2011-2014)

Depuis 2006, le Chili -pays « laboratoire » du néolibéralisme-  a connu un certain retour de la question syndicale, au travers d’une multitude de conflits de salarié-e-s, souvent très isolés. Parmi les différents sites de conflits de la dernière période se trouve l’activité syndicale des dockers, au travers de la création de « l’Union Portuaire » en 2011, produit d’une première expérience antérieure dans le sud du pays (Région du Bíobío). Notre communication sera basée sur un travail de terrain dans 3 ports chiliens et un travail de recherche mené avec des collègues de la faculté de sciences sociales de l’Université du Chili. Il s’agit d’interroger les modes de mobilisations et répertoires de lutte de l’Union Portuaire, autour de revendications matérielles qui peu à peu débordent l’espace portuaire pour impacter, à partir d’un secteur stratégique, l’ensemble de l’économie et le champ politique à une échelle nationale/internationale. Plus largement, nous tenterons de montrer comment  une coordination territoriale syndicale informelle, fortement centrée sur l’identité ouvrière portuaire, parvient à questionner  certains fondements du néolibéralisme « avancé » ou « mature » chilien, non sans rencontrer de nombreux obstacles, internes et externes dans son déploiement.

Workers' protests, port areas and trade union's claims in the context of advanced neoliberalim. An analysis of the Chilian Port Union movement

Since 2006, several workers' protests, some of them very isolated, have lead to a come-back of the trade-unionist question in Chile, considered a country-laboratory for neoliberalism. One example of this new contention climate is to be found in dockers' union activism. In 2011, the Port Union was created, following the path of a previous experience that had taken place in the southern Biobio region. My paper is based on a fieldwork conducted in 3 Chilean ports and a collective research conducted with colleagues from the University of Chile. The aim of the paper is to analyse the patterns of mobilisation and the repertoires of the Port Union. The mobilisation is built up around materialistic claims that, departing from a strategic economic sector, progressively have known a process of spill over, affecting the whole economy and the national/international political field. We will try to demonstrate how an informal local union coordination, strongly built on the dockworkers' identity, succeeds in calling into question some cornerstones of the "advanced" or "mature" Chilean neoliberalism, in spite of the obstacles encountered by the development of the mobilisation.
        

Sarah B. (EHESS Paris)

Des ouvrières tunisiennes se mobilisent dans une filiale d'un groupe aéronautique français: comment la relation coloniale se rejoue dans l'espace industriel globalisé

La Tunisie a connu, depuis la fin de l’année 2010, une vive période de protestations ouvrières qui a joué de façon décisive dans l’intensification de la conflictualité. Poussée par sa base et ses structures intermédiaires, l’UGTT, la centrale syndicale unique sous la dictature, appelle le 14 janvier 2011 à la grève générale. Le jour même Ben Ali s’enfuit. Ces mobilisations ne sont pas sans lien avec les mutations d’un capitalisme toujours à la recherche de marchés prospères. Depuis 1972, l’État tunisien a créé des incitations fiscales et financières pour attirer les investisseurs étrangers, via un régime offshore, assorti d’un allègement du code du travail et d’une précarisation accrue dans les relations de travail. A travers une enquête sociologique alliant une observation participante sur plus de six mois et de 30 entretiens auprès d’ouvrières en lutte depuis 2011 dans une filiale d’une multinationale française, des syndicalistes et des soutiens, je porterai tout d’abord une attention particulière aux revendications portées par ces ouvrières. Les revendications, les slogans, les affiches nous poussent à rechercher les ressorts de la mobilisation dans les rapports sociaux de classe, de race et de genre, et à relier les méthodes de gestion coloniale et celles employées aujourd’hui dans les firmes multinationales. D’autre part, la dimension transnationale de cette mobilisation, relayée en France par des collectifs féministes et syndicaux, révèle autant la régulation locale de ce conflit par les institutions de médiation que les ressorts spécifiques ayant permis l’internationalisation d‘une lutte d’ouvrières tunisiennes.

Tunisian women workers' struggle in a French aeronautic company: how is the colonial system updated in the global industry?

Since the end of 2010, Tunisia went through an intense period of labour contention, which played a decisive role in the intensification of a climate of general political conflict. The UGTT, the only allowed trade union during the dictatorship, was pushed by its rank and file and its intermediary structures to call for a general strike on January 14, 2011. Ben Ali ran away that same day. The labour contention is linked to the mutation of capitalism, always seeking for more flourishing markets. Since 1972, the Tunisian state has set up tax and financial incentives in order to attract foreign investors through an offshore system. Besides this, labor law has been dismantled and job insecurity in labor relations has increased. My paper deals with the struggle of female workers in the subsidiary of a French aeronautic company. Firstly, I will deal with the claims of these female workers; I will demonstrate how the claims, the slogans and  the posters invite us to understand the origins and dynamics of the mobilisation in terms of class, race and gender, and how the management practices in the company can be linked with colonial administration methods. Secondly, I will demonstrate how the transnational dimension of this mobilisation, relayed in France by feminists and unionists collectives, highlights as much the local regulation of this conflict through mediation institutions as the specific dynamic that allowed the internationalisation of this Tunisian workers’ struggle. My fieldwork, conducted over 6 months, has been based on participant observation and 30 interviews done with workers struggling since 2011 in the subsidiary of a French aeronautic multinational, with unionists and with supporters of the mobilization.


Thomas Posado (Université Paris-VIII)

SIDOR : de la lutte contre la précarisation vis-à-vis d’une multinationale à celle pour les conventions collectives face au gouvernement au Venezuela

L’histoire de SIDOR au Venezuela recoupe celle du pays. Construite à partir de 1957 sous la dictature du général Marcos Pérez Jimenez (1952-1958), cette entreprise sidérurgique est d’abord privée sous la direction d’une firme étasunienne. Elle incarne alors la toute-puissance du capital étranger protégé par le pouvoir politique. Puis, avec l’abondance financière consécutive au « choc » pétrolier, SIDOR est nationalisée en 1975. Des courants prônant l’auto-organisation conquièrent la direction du principal syndicat. Avec le développement des réformes d’inspiration néo-libérale dans les années 90, elle est de nouveau privatisée en 1997, soit juste avant l’arrivée de Hugo Chávez au pouvoir. Les effectifs se réduisent et la précarisation augmente. Au début de l’année 2008, une grève de grande ampleur commence pour réclamer une augmentation de salaire et la pérennisation des emplois en sous-traitance. Trois mois plus tard, Hugo Chávez en personne annonce, malgré les signaux contraires donnés par son gouvernement, la nationalisation de SIDOR, la seule étatisation qui ait été réalisée à ce jour sous la pression des salariés de l’entreprise. Si nombre de titularisations ont été effectuées, la mise en place d’un  nouveau modèle de gestion de « contrôle ouvrier » demeure fictif. Les conflits sociaux perdurent au sein de l’entreprise autour de la renégociation des conventions collectives ou plus récemment pour la tenue d’élections syndicales.  

SIDOR: from the fight against job insecurity facing a multinational to the fight for collective agreement facing the Venezuelan government

The history of SIDOR in Venezuela corroborate with the country’s. Built in 1957 under the dictatorship of General Marcos Pérez Jiménez (1952-1958), this steel company has been initially a private company, under the direction of an United States firm. It then symbolizes the absolute power of the foreign capital protected by the political power. Then, with profusion of capital consecutive to the oil shock, SIDOR was nationalized in 1975. Some branches advocating self-organization conquered the directorship of the main trade union. With the development of neoliberal-inspired reforms in the 1990s, it was again privatized in 1997, right before Hugo Chávez took office. Workforce was reduced while the casualized labor increased. In early 2008, a large-scale strike begins to ask for wage increase and more stability for subcontracted jobs. Three months later, Hugo Chávez himself announced, despite of contrary signals given by his government, the nationalization of SIDOR, the only nationalization that has been achieved up to this day under pressure from the employees of the company. Even though a number of long-term contracts have been granted, establishment of a new management model based on “workers’ control” remains hypothetical. Social conflicts remain within the company, as for renegotiation of collective labor agreements, or more recently for holding trade union elections.


Participants

Abiyaghi Marie-Noëlle mabiyaghi@gmail.com
Allal Amin amin.allal@gmail.com
Catusse Myriam mcatusse@gmail.com
Donoso Sofía sofia.donoso@mail.udp.cl
Emperador Badimon Montserrat montserrat.emperadorbadimon@univ-lyon2.fr
Erdinc Isil isilerdinc2@gmail.com
Gaudichaud Franck franck.gaudichaud@u-grenoble3.fr
Posado Thomas thomas.posado@free.fr
Rubbers Benjamin benjaminrubbers@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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