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Section Thématique 5

Sociologie du vote à distance
Sociology of External Voting

Responsables

Thibaut JAULIN (CERI/Sciences Po) thibaut.jaulin@sciencespo.fr
Jean-Michel LAFLEUR CEEM/Université de Liège) JM.Lafleur@ulg.ac.be

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Cette section thématique rassemble et confronte des recherches inédites sur le vote à distance dans la lignée de travaux récents sur la Colombie (Escobar et al., 2014 ), la Bolivie (Lafleur et Sanchez 2014), le Sénégal (Dedieu et al., 2013), et la Tunisie (Jaulin, 2014). Elle met en évidence l’intérêt d’une sociologie du vote à distance pour analyser les pratiques politiques transnationales des migrants et des diasporas, et leurs impacts dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil.
Le vote à distance peut être défini comme « les dispositions et les procédures qui permettent à tout ou partie des électeurs d’un pays, absents de façon temporaire ou permanente, d’exercer leur droit de vote en dehors du territoire de ce pays » (IDEA, 2007). Le nombre de pays qui a adopté des dispositions pour faciliter l’exercice du vote à distance a été multiplié par quatre depuis 1991, passant d’une trentaine à près de 120. La littérature sur ce sujet s’est développée dans deux directions principalement. D’une part, dans une perspective de théorie politique, pour questionner la légitimité de la participation aux élections de citoyens non-résidents. Ce questionnement rejoint celui sur l’évolution du concept de citoyenneté (Bauböck, 2007), notamment le débat sur la participation des étrangers aux élections locales. D’autre part, d’un point de vue comparatif, pour analyser les raisons pour lesquelles les États accordent le droit de vote à distance, et les conditions dans lesquelles ce droit est exercé (IDEA, 2007).
La sociologie du vote à distance représente une troisième direction de la littérature sur les élections à distance, à laquelle cette section thématique souhaite plus particulièrement contribuer, à la croisée de deux champs de recherche : le transnationalisme et les études électorales.
Depuis bientôt trois décennies, de nombreux chercheurs utilisent le concept de transnationalisme pour mettre en lumière la capacité des migrants à transformer leur société d’origine, en dépit de leur absence physique du territoire national (Itzigsohn, 2000; Mügge, 2010; Østergaard-Nielsen, 2003). Les travaux sur les remises sociales ont montré que, au-delà de l’envoi d’argent, les migrants sont en mesure de transmettre des normes, valeurs et pratiques (Levitt 1998). Dans cette perspective, cette section thématique vise notamment à contribuer au débat sur l’impact du vote à distance dans les pays d’origine. En effet, le vote à distance a souvent été présenté comme un vecteur de démocratisation, notamment dans la littérature grise des organisations internationales. Toutefois, la contribution des migrants au processus de démocratisation, à travers le vote à distance, a également été critiquée en raison d’une abstention forte et de pratiques clientélistes (Itzigsohn et Villacrés, 2008).
Le deuxième champ de recherche dans lequel s’inscrit la sociologie du vote à distance est celui des études électorales, caractérisées récemment par un renouvellement des approches, des méthodes et des objets de recherche. Dans cette perspective, cette section thématique souligne, tout d’abord, l’intérêt du vote à distance comme objet de recherche. Il s’agit, plus précisément, de rompre avec l’idée selon laquelle les élections à distance ne sont pas dignes d’attention en raison du manque d’intérêt des électeurs à l’étranger pour la politique de leur pays d’origine, que prouverait le faible niveau de participation. En fait, les travaux existants suggèrent que la participation dépend essentiellement des procédures d’inscription (délais, documents requis, système d’inscription, etc.), du système de vote (dans les consulats, par poste, par procuration), et du système de représentation (types d’élection, représentation parlementaire spécifique, etc.) (Lafleur, 2013). Autrement dit, l’électeur à l’étranger, comme tout électeur, renonce à exercer son droit de vote quand le « coût » de l’acte électoral est trop important (Braconnier, 2009).
Par ailleurs, cette section thématique adopte une approche comparative et pluridisciplinaire qui croise les méthodes (qualitative, quantitative) et les échelles d’analyse (locale, nationale, globale). Par exemple, des enquêtes par sondage ont permis de tester la pertinence de différentes variables pour expliquer le comportement des électeurs à distance dispersés sur plusieurs sites (Lafleur, 2013 ; Dedieu, 2013). Outre les variables « classiques » (ex. âge, sexe, niveau d’étude, profession, etc.), d’autres variables spécifiques interviennent dans le comportement électoral en relation avec l’expérience migratoire et la situation dans le pays d’accueil (région d’origine, raison de l’émigration, statut légal, connaissance de la langue, discriminations, etc.). Par ailleurs, d’autres travaux ont également souligné la pertinence de la dimension spatiale pour analyser le vote à distance (Jaulin, 2014). En effet, le comportement des électeurs diffère fortement selon leur lieu de résidence (pays/région/ville), en lien avec les dynamiques locales au sein des communautés de migrants, les « espaces » de la migration, et le « contexte » du vote (Braconnier, 2009)
Dans le cadre de cette section thématique, deux axes de réflexion. Le premier axe portera sur les approches du vote, les modèles explicatifs, et les notions et outils méthodologiques. Dans quelle mesure sont-ils applicables au vote à distance ? Quelles sont les limites imposées par les spécificités du vote à distance ? Le second axe de recherche porte sur le comportement électoral et la mobilisation. Les électeurs à distance participent-ils et votent-ils comme les électeurs « internes », toutes choses étant égales par ailleurs ? Quelle est l’influence de l’expérience migratoire et de la socialisation dans le pays de résidence ? Comment se déroule la campagne électorale à l’étranger et quel rôle jouent les organisations communautaires locales ?
 

This thematic section aims at confronting original research on external voting. This practice has received increasing scholarly attention in recent years as researchers interested in transnational migration have shown that, besides money, migrant are able remit norms, values and practices (Levitt, 1998). Even though international organizations often associate external voting with democratization, the practice is not exempt of issues such as strong abstention and corporatism (Itzigsohn et Villacrés, 2008).
This thematic section first intends to break with the idea that the practice of external voting is a marginal research topic because of the supposed lack of interest of voters associated with low turnout. In fact, because registration and voting procedures are often burdensome when it comes to voting from abroad, it can rarely be considered as a reliable indicator of immigrants’ interests in home country politics (Lafleur, 2013).
Second, it wishes to support the development of a dynamic approach in the study of transnational political opinions. Migration scholars have made limited use so far of political sociology methods in the study of external voting. Yet, multi-sited surveys, multi-level analysis and geographical analysis of voters’ behaviour are tools that have shown promising results in different studies on European, Latin American and African elections (Escobar, 2014 ; Lafleur et Sanchez, 2014 ; Dedieu, 2013, Jaulin, 2014).
This thematic session therefore aims at feeding two parallel debates. First, we want to reflect on the applicability of electoral sociology tools to the study of external voting. Questions such as these should be discussed: What use for multi-sited surveys? How can we map votes cast abroad? How reliable are migration statistics in the study of external voting? How can we contextualize local and transnational dimensions that characterize this vote? Second, we want to focus particularly on the electoral behaviour (turnout and electoral choices) of expatriates: Do voters abroad behave differently than resident voters? How does the migration experience migrants’ votes? What role do political parties and immigrant associations play in these elections? Are there connections between external voting and the right of foreigners to vote in host country elections?


Bibliographie
Bauböck, Rainer (2007) « Stakeholder Citizenship and Transnational Political Participation: A Normative Evolution of External Voting », Fordham Law Review, t. 75, n°5, p. 2393-2447.
Braconnier, Céline (2009) Une autre sociologie du vote. Les électeurs dans leurs contextes : bilan et perspectives, Paris : Université de Cergy-Pontoise, coll. LEJEP, 208 p.
Dedieu, Jean Philippe ; Chauvet, Lisa ; Gubert, Flore ; Mesplé-Somps, Sandrine ; Smith, Etienne, (2013) « Les ‘batailles’ de Paris et de New York. Une analyse du comportement électoral transnational des migrants sénégalais en France et aux États-Unis. » Revue française de science politique, t. 63, n° 5, pp. 865-892.
Escobar, Cristina; Arana, Renelinda; McCann, James A. (2014) « Expatriate voting and migrants’ place of residence: Explaining transnational participation in Colombian élections » Migration Studies, 31 p.
IDEA and IFE (eds) Voting from Abroad. The International IDEA Handbook, Stockholm and Mexico City: IDEA and IFE, 297 p.
Itzigsohn, Jose et Villacrés, Daniela (2008) « Migrant political transnationalism and the practice of democracy: Dominican external voting rights and Salvadoran home town associations », Ethnic and Racial Studies, t. 31, n° 4, p. 664-686
Itzigsohn, Jose (2000) « Immigration and the Boundaries of Citizenship: The Institutions of Immigrants’ Political Transnationalism », International Migration Review, n°34, pp. 1126-54.
Jaulin, Thibaut (2014) « Les territoires du vote à distance : l’élection tunisienne de 2011 à l’étranger », Espace politique, n°23, en ligne.
Lafleur, Jean-Michel et Sánchez-Domínguez, María (2014) « The political choices of emigrants voting in home country elections: A socio-political analysis of the electoral behaviour of Bolivian external voters », Migration Studies, 27 p.
Lafleur, Jean Michel (2013) Transnational Politics and the State. The External Voting Rights of Diaspora, New York and London: Routledge, 190 p.
Levitt, Peggy (1998) « Social remittances: migration driven local-level forms of cultural diffusion », The International migration review, n°32, pp. 926-48.
Mügge, Liza (2010), Beyond Dutch Borders. Transnational Politics among Colonial Migrants, Guest Workers and the Second Generation. Amsterdam: Amsterdam University Press.
Østergaard-Nielsen, Eva (2003) Transnational Politics. Turks and Kurds in Germany. London: Routledge.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1/De l’octroi à l’exercice du vote à distance
External voting: from enfranchisement to participation

Discutants pour la session 1 : Olivier Dabène (CERI/Sciences Po et Laurent JeanPierre (Université de Paris 8)

Axe 2/ Existe-t-il un électorat de l’étranger ?
Is there an external electorate?

Discutant pour la session 2 : Riva Kastoryano (CERI/Sciences Po )


Résumés des contributions

Anca Turcu (The University of Central Florida)

Restrictions et limitations du droit de vote des diasporas : les signes d’un contre-courant ?

Les résultats d’une étude multinationale récemment publiée (Turcu & Urbatsch, 2014) montrent que l’octroi du droit de vote aux diasporas s’est généralisé depuis décennie à mesure que les pays dont les voisins avaient déjà adopté ce droit décidaient également l’adopter. Cette étude postule que la diffusion de normes démocratiques, ou du moins la volonté d’afficher son engagement à respecter ces normes au niveau international, explique la généralisation rapide de l’octroi du droit de vote aux diasporas. Toutefois, au sein de cette vague d’extension du droit de vote aux diasporas qui a touché tous les continents depuis deux décennies, certains pays se démarquent en rejetant, limitant, sabotant, ou réduisant (totalement ou partiellement) l’octroi du droit de vote aux expatriés (Royaume-Uni, Arménie, Croatie, Grèce, Gambie, Kenya, Mozambique, Roumanie, pour ne citer que certains exemples). Cette contribution vise à analyser les facteurs qui conduisent à ces mesures et à déterminer si et comment ces exemples cadrent avec la littérature sur la diffusion des normes démocratiques. Est-ce que les décisions de restrictions sont basées sur des stratégies de performance économique, politique, électorale ?
 
Diaspora Voting Rights Restrictions and Retrenchment: Signs of a Counter-Wave?

A recently published multinational study (Turcu & Urbatsch, Comparative Political Sudies, 8/2014) shows that diaspora enfranchisement rapidly spread in the past two decades across the Globe, as countries whose neighbors had already adopted the policy decided to adopt it themselves. The study purports that democratic norms diffusion, or at least the desire to signal commitment to such norms internationally, explains the rapid propagation of diaspora enfranchisement policies. Still, in the midst of the diaspora enfranchisement wave that swept across all continents in the past two decades, some countries stand out for their decision to oppose, limit, restrict, sabotage, or retrench (fully or partially), expatriate voting rights (UK, Armenia, Croatia, Greece, Gambia, Kenya, Mozambique, Romania-to name a few). This paper aims to analyze the factors that lead to such measures and to determine if and how these cases fit in the democratic norm diffusion and signaling narrative. Are retrenchment decisions based on economic, political, turnout, electoral performance calculations?

Anastasia Bermudez (University of Liège), Angeles Escriva (University of Huelva), Jean-Michel Lafleur (University of Liège)

La contribution politique des diasporas à leurs pays d’origine : Le cas du droit de vote à distance des migrants andins

Cette communication s’intéresse au droit de vote à distance et, plus généralement, à la participation politique transnationale des migrants colombiens, péruviens et Boliviens dans le but de mettre en lumière la contribution politique diasporas aux processus politiques de leurs pays d’origine. Dans les trois cas étudiés, de nouveaux mécanismes de participation politique des diasporas ont été mis en œuvre lors de la dernière décennie en dépit de contextes socio-économiques et politiques très différents. Leur comparaison permet donc de mettre en lumière la diversité des motivations et des mécanismes utilisés par les États autorisant le droit de vote à distance des émigrés. Ensuite, une comparaison des taux de participation et des motivations des électeurs nous permet également de déterminer les causes des échecs et succès de ce type d’expérience électorale. Enfin, dans ces trois cas, les gouvernements, partis et institutions du pays d’origine se sont engagés de diverses manières auprès de leurs émigrés selon les affinités politiques supposées de cette population. L’étude de ces mêmes affinités nous permettra donc de démontrer que les trois communautés étudiées ont joué un rôle différent sur la scène politique du pays d’origine lors de la dernière décennie : démocratisation au Pérou, processus de paix en Colombie et émergence d’un mouvement ethnonationaliste de gauche en Bolivie. Ce papier repose sur des données qualitatives et quantitatives collectées par les trois chercheurs durant plusieurs années de terrain et d’observation auprès des trois communautés concernées.
 
Diaspora contributions to political processes at home: the external vote of Andean migrants

This paper focuses on the external vote and wider transnational political participation of Colombian, Peruvian and Bolivian migrants to discuss diaspora contributions to political processes in home countries. The three cases studied have put forward in the last few decades new mechanisms for the political participation of their nationals abroad, but under different socioeconomic and political contexts. This allows for a comparison of the different reasons and mechanisms used by states to implement external voting policies. Equally, migrants from the three countries have participated to a lesser or greater degree in the development of such policies and the practice of voting from abroad. A comparison of their participation rates and the reasons for voting or not voting might permit us as well to find out more about the success or failure of such processes. Finally, the different governments, parties and other state and political institutions in the home countries have related differently to their diasporas, often based on the supposed political allegiances or ideological inclinations of these groups. Based on these allegiances and inclinations, the three national communities abroad studied have played different roles in key recent political processes in their home countries: process of democratization in Peru, emergence of ethno-nationalist-left government in Bolivia, and sustaining of status quo/peace processes in Colombia. The paper is based on quantitative and qualitative data, as well as secondary information, obtained by the authors through different research projects carried out over the last few years with migrants from the three countries.

Irina Ciornei (University of Bern), Eva Østergaard-Nielsen (Autonomous University of Barcelona)

Émigration et participation électorale : les déterminants de la mobilisation des citoyens non-résidents aux élections de leur pays d’origine

Une large majorité de pays reconnaît aux citoyens non-résidents le droit de voter aux élections de leur pays d’origine. Par conséquent, ces citoyens mobiles peuvent voter aux élections d’un pays tout en résidant dans un autre pays. Les études antérieures ont souligné l’importance des déterminants politiques et institutionnels du pays d’origine et du pays de résidence pour expliquer la participation électorale. Cet article analyse les déterminants de la participation à distance de cinq groupes de migrants (Français, Italiens, Roumains, Croates et Turcs) à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne. La participation aux élections du pays d’origine est calculée au niveau du pays de résidence comme le pourcentage de migrants ayant voté lors des dernières élections de leur pays d’origine par rapport au nombre total de migrants qui résident dans le pays concerné. En nous appuyant sur des études antérieures relatives à la participation électorale en contexte domestique, nous testons l’impact sur la participation électorale transnationale de plusieurs séries de variables institutionnelles et politiques, notamment la taille de la circonscription électorale, les différentes formes d’inscription sur les listes électorales et d’expression du suffrage, la compétition électorale, la mobilisation des partis politiques du pays d’origine, et le contexte démocratique du pays de résidence. Nos résultats montrent que la compétition électorale et la mobilisation des partis politiques du pays d’origine sont des déterminants importants de la participation à distance, même si leur effet est conditionné par la simplicité ou la complexité des procédures de vote pour les électeurs migrants.
 
Emigration and turnout. Determinants of non-resident citizen electoral mobilization in home country elections

A wide majority of countries acknowledges non-resident citizens’ right to vote in elections in their country of origin. Consequently, these mobile citizens can vote in the elections of one country while residing in another. Previous studies argue for the importance of including political and institutional determinants in both countries of origin and residence of emigrants in order to explain their electoral participation. This paper analyses the determinants of external turnout of five groups of emigrants: French, Italians, Romanians Croats and Turks, residing in countries inside and outside the EU. Turnout in homeland elections is calculated at the level of countries of residence as the percentage of emigrants who cast a vote in the last homeland elections from the total number of migrants who reside in the respective country. Drawing on previous studies related to voter turnout in the domestic context, we test how a series of institutional and political variables including district size, particular forms of registration and casting the vote, closeness of the electoral competition, mobilization by homeland political parties and the democratic context in the countries of residence determine levels of transnational political electoral participation. Our findings show that the level of electoral competition and home country political party mobilization are important predictors for external turnout, although their effect is mediated by how easy or complicated the external voting procedures are for the emigrant voters.

 
Elizabeth I. Wellman (Yale University)

Les effets de l’octroi du droit de vote : mobiliser la diaspora en Afrique du Sud.

Le vote des diasporas est généralement perçu comme un moyen pour les États de resserrer les liens avec leurs citoyens à l’étranger. Toutefois, ce point de vue ne tient pas compte des nombreux États qui ne permettent pas aux diasporas de voter, malgré de continuels débats politiques et les revendications des citoyens résidents dans le pays et à l’étranger. Ces débats ont été particulièrement vifs dans plusieurs pays africains et ont débouché sur des manifestations de rue, des réformes constitutionnelles, et, parfois, des procès devant des cours internationales. Au-delà de l’octroi du droit de vote aux citoyens à l’étranger, l’engagement (ou l’absence d’engagement) des États et des partis politiques auprès de la diaspora est peu étudié. Les niveaux variables d’abstention parmi les diasporas suggèrent de se concentrer sur les questions fines de mobilisation et de participation, plutôt que sur l’octroi du droit de vote.
Cette contribution explore le rôle des administrations étatiques, des partis politiques, et des organisations de migrants dans la mobilisation des émigrés pour participer aux élections de leur pays d’origine. À partir d’une enquête de terrain de six mois en Afrique du Sud, j’examine comment ces organisations politiques mobilisent la diaspora sous la double condition d’inclusion et d’exclusion formelle. Quelles sont les activités développées par les partis politiques pour séduire des électeurs ? Ces activités sont-elles les mêmes lorsque les expatriés n’ont pas le droit de vote, mais qu’ils peuvent exercer une influence par d’autres moyens ? Comment les autres organisations de migrants (organisations de plaidoyer, églises, etc.) jouent un rôle mobilisateur ? Dans un contexte de migrations Sud-Sud caractérisées par différentes formes de mobilités informelles et circulatoires, cette contribution présente un regard inédit sur la raison pour laquelle une participation faible aux élections n’est pas un indicateur pertinent de l’engagement et des mobilisations des diasporas.
 
Effects of Enfranchisement: Mobilizing the Diaspora Constituency in Southern Africa

Diaspora voting is primarily seen as a way for states to strengthen ties to citizens abroad. However, this account fails to recognize numerous states that exclude diasporas from voting despite ongoing political debates and pressure from citizens living within and outside the country. These debates have been particularly active within a number of African countries, leading to street protests, constitutional reforms, even cases in international legal courts. And yet allowing citizens abroad to vote is one thing; less understood is how states and political parties engage (or ignore) the diaspora constituency. Variation in levels of diaspora voter turnout indicate that we must focus our attention beyond questions of enfranchisement to more nuanced questions of mobilization and participation.
This paper explores the role of state bureaucracies, political parties, and other migrant organizations in mobilizing emigrants to participate in elections back home. Drawing on six months of fieldwork in South Africa, I consider how these political organizations engage the diaspora constituency under both conditions of formal inclusion and exclusion. What activities do political parties abroad organize in order to attract voters? Do they act similarly when expatriates are unable to formally vote, but could participate through other channels of influence? How do other migrant organizations—advocacy organizations, churches, etc.—play a mobilizing role? By looking at this question within the context of South-South migration, characterized by various forms of irregular and ongoing mobility, this paper offers a novel insight into why low turnout numbers are an inadequate proxy for levels of diaspora electoral engagement and mobilization.


Asli Okyay (European University Institute), Bahar Baser (Coventry University)

Intéressés par la politique, indifférents aux élections ? Droit de vote à distance et élections présidentielles turques

Depuis les années 90, les citoyens turcs vivant à l’étranger font pression sur les autorités de leur pays d’origine afin qu’elles autorisent le vote à distance. Bien que la législation turque autorisant le droit de vote à distance date de 1986, sa mise en œuvre a seulement eu lieu pour la première fois lors des Présidentielles de 2014. Cette expérience a suscité l’intérêt des médias turcs, mais aussi des candidats qui ont mené de véritables campagnes électorales à l’étranger. Bien que cela puisse être interprété comme un signe de l’intérêt des candidats et des émigrés pour le vote à distance, le taux de participation parmi les émigrés s’est situé à 8 % seulement.
Ce papier cherche à expliquer l’apparente contradiction entre le haut niveau d’intérêt suscité par le vote à l’extérieur et le faible niveau de participation lors du scrutin de 2014. Notre analyse se concentre sur des facteurs tels les procédures d’enregistrement des électeurs, la préférence des émigrés pour certaines modalités de participation politique et les dynamiques politiques propres aux élections présidentielles turques. En ce qui concerne les pays de résidence des électeurs expatriés, nous nous intéressons particulièrement à l’Allemagne où réside environ la moitié de ces électeurs. Ce pays, où se sont concentrées les principales luttes électorales à l’étranger, est notre principal terrain d’investigation. Notre analyse permet également de questionner la pertinence du taux de participation aux élections comme instrument de mesure de l’intérêt des émigrés pour la politique du pays d’origine.
 
Interested in politics, indifferent to elections? External Voting and the Presidential Election in Turkey

Citizens abroad put pressure on political authorities in Turkey for the introduction of out-of country voting since the 1990s. Although Turkey’s legislation enfranchising overseas citizens dates back to 1986, out-of-country voting was implemented for the first time in the 2014 presidential election. The absentee vote attracted close media attention in Turkey, whereas the candidates extended campaigning activities beyond borders. While these might indicate high levels of importance given to absentee vote by both sides, out-of-country voter turnout remained around 8 %.
Departing from this puzzle, this paper sheds light on the seeming contradiction between high levels of political interest and low rates of voter participation in the first out-of-country voting experience of Turkey. The focus of the analysis will be on factors such as registration and voting procedures, the (in)efficiency of campaigning, discourses of presidential candidates, type of political action preferred by migrants with different political affiliations, and political dynamics peculiar to the presidential election. With regards to “host” contexts, Germany, which hosts almost half of all external voters and has become the main “battleground” for transnational politics, will constitute the centre of the analysis, while attention will also be paid to other host-contexts. At a more general level, we aim to contribute to the tackling of the question of to what extent external voters’ turnout rates could be illustrative of migrants’ interests in homeland politics.

 
Cédric Pellen (Université libre de Bruxelles)

L’invention de l’électeur Français de l’étranger : les logiques de la construction d'une citoyenneté extraterritoriale « active » en France

En France, le désintérêt historique des responsables politiques à l'égard des citoyens résidant à l'étranger a récemment cédé la place à une tendance transpartisane à les valoriser. Ces dernières années plusieurs mesures ont ainsi été adoptées dans le but d'accroitre leur représentation institutionnelle et de faciliter leur participation électorale, notamment par l'introduction de procédures de vote spécifiques. Cette communication vise à éclairer les conditions et les effets de ce spectaculaire changement de perspective. Quels sont les facteurs explicatifs de la réhabilitation symbolique et juridique des expatriés français, de leur participation et de leur représentation politiques ? Selon quelles modalités la catégorie « Electeurs français de l'étranger » a-t-elle été définie et objectivée ces dernières années ? Quels sont les enjeux de la réforme de l'accès à l'acte électoral de ce groupe à l'homogénéité et aux contours incertains ? Dans quelle mesure les Français de l'étranger se sont-ils saisis des droits politiques qui leur ont été octroyés, mais aussi des procédures originales de vote qui leur ont été offertes, par exemple le vote par internet ?
 
The invention of the French voters from abroad: defining an extraterritorial active citizenship

While French politicians have long shown very little interest in French citizens living abroad, they have now a clear tendency to glamorise them, no matter which party they belong to. Thus, in recent years, several measures have been adopted to improve the representation of French expatriates and favour their electoral participation, notably through the implementation of specific voting procedures. This paper aims at discussing the conditions and effects of such a dramatic change in the way of considering French citizens living abroad. What are the factors explaining the recent and spectacular improvement in their political status and rights. How has the new category of "French Voters from abroad" gradually emerged and been defined? What are the challenges in promoting increased access to the electoral process for that heterogeneous population? To what extent French citizens living abroad have actually made use of their new political rights and specific voting procedures, such as internet voting?
 
Thibaut Jaulin (CERI/Sciences Po)

Des électeurs comme les autres ? Le comportement électoral des Tunisiens à l’étranger

Cette contribution s’inscrit au croisement des études sur le transnationalisme et des études électorales. Elle vise à comprendre dans quelle mesure le comportement électoral des électeurs à l’étranger diffère de celui des autres électeurs. Pour cela, l’auteur applique les outils de la sociologie et de la géographie électorale au cas du vote des Tunisiens à l’étranger aux élections tunisiennes de 2011 et 2014 (constituante, législative, présidentielle). Deux ensembles de données sont mobilisés. Tout d’abord, les résultats détaillés des 450 bureaux de vote installés dans les circonscriptions de l’étranger pour les trois élections étudiées. À travers la cartographie du vote tunisien à l’étranger au niveau global et au niveau local, il s’agit de discuter de l’hypothèse de la dimension spatiale du vote à distance (Jaulin, 2014), et de l’articulation entre le vote et les « espaces » de la migration. Le deuxième ensemble de données s’appuie sur une enquête inédite auprès de 530 électeurs de deux bureaux de vote de l’Île-de-France (Paris et Pantin) lors de l’élection législative d’octobre 2014. Outre les variables sociodémographiques classiques (âge, genre, éducation, revenus, etc.), l’analyse des résultats permet de tester la pertinence de variables spécifiques à l’expérience migratoire, aux relations avec le pays d’origine, et à la situation dans le pays de résidence, y compris le vote pour les doubles nationaux.

Just like any other voters? Voting behaviour among Tunisians abroad

This contribution stands at a crossroad of transnational studies and electoral studies. It intends to understand the extent to which the voting behavior of the electors abroad differs from that of other electors. To do so, the author applies electoral sociology and electoral geography tools to the case of the vote of the Tunisians abroad in the 2011 and 2014 Tunisian elections (constituent, legislative, presidential). The contribution builds on two sets of data. First, detailed electoral results of the 450 polling stations in the constituencies abroad for all three elections. Building on maps of the voting behavior of the Tunisians abroad at the global and at the local level, it discusses the hypothesis of the spatial dimension of external voting (Jaulin, 2014) and the articulation between voting and the “spaces of migration”. The second set of data consists in an exit-poll survey in two polling stations in the Île-de-France (Paris and Pantin) conducted during the October 2014 legislative election. In addition to traditional socio-demographic variables (age, gender, education, income, etc.), the results’ analysis contributes to testing the impact of variables that are specific to the migration experience, the relations with the country of origin, and the situation in the host country, including voting for dual nationals.


Participants

Baser Bahar b.baser@warwick.ac.uk
Bermudez Anastasia abermudez@ulg.ac.be
Ciornei Irina irina.ciorneii@gmail.com
Dabène Olivier olivier.dabene@sciencespo.fr
Escriva Angeles angeles.escriva@dstso.uhu.es
Jaulin Thibaut thibaut.jaulin@sciencespo.fr
Kastoryano Riva riva.kastoryano@sciencespo.fr
Lafleur Jean-Michel JM.Lafleur@ulg.ac.be
Okyay Asli Asli.Okyay@EUI.eu
Østergaard-Nielsen Eva eva.ostergaard@uab.cat
Pellen Cédric cedric.pellen@yahoo.fr
Turcu Anca Anca.Turcu@ucf.edu
Wellman Elizabeth I. elizabeth.wellman@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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