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Section Thématique 53

Violer la loi pour maintenir l’ordre ? Approches comparées du vigilantisme
Breaking the Law to Maintain Public Order? Vigilantism in a Comparative Perspective

Responsables

Gilles FAVAREL-GARRIGUES (CNRS/CERI-Sciences Po, Paris) favarel@ceri-sciences-po.org
Laurent GAYER (CNRS/CERI-Sciences Po, Paris) gayer@ceri-sciences-po.org

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Le « vigilantisme » recouvre toute une gamme de pratiques collectives d’auto-justice – actions d’auto-défense, procès populaires, lynchages,… – qui ont en commun de remettre en cause le monopole de l’Etat sur la résolution des contentieux et le maintien de l’ordre (Abrahams, 1998 ; Fourchard, 2011 ; Pratten & Sen, 2007). Cette atteinte apparente à la souveraineté de l’Etat n’est pourtant pas fatalement une source de conflits avec ses représentants. Elle ne se laisse pas non plus ramener à un syndrome de l’affaiblissement de l’Etat.
Dans bien des cas, il s’agit moins là d’une manifestation du retrait de l’Etat qu’une modalité de son redéploiement, à travers des formes de gouvernement indirect plus ou moins légitimes – et donc plus ou moins publiques. A l’heure de la mondialisation néo-libérale, l’essor du vigilantisme témoigne également des tentatives de certains Etats de partager le fardeau du maintien de l’ordre avec leur société. Si le vigilantisme est bien devenu un fait social global, ses matrices historiques, ses trajectoires sociales et son empreinte politique présentent donc d’importantes variations d’un contexte à l’autre. Ce sont ces variations dont nous entendons ici rendre compte, à partir d’enquêtes de terrain qui nous conduiront à observer au plus près ces mobilisations et leur impact sur l’Etat et la société.
Afin de nous prémunir contre les risques d’inventaire, et dans le but de produire une véritable étude comparative des formes contemporaines de vigilantisme, cette section thématique privilégiera deux principaux points d’entrée : les pratiques de justice sommaire et les tâches de maintien de l’ordre des groupes de « vigilantes ». Tout en inscrivant leur présentation dans ce cadre analytique relativement restrictif, les participants seront invités à s’interroger collectivement sur trois grands ensembles de questions : 1) l’historicité des mouvements d’auto-justice et leurs relations à d’éventuelles matrices globales (nord-américaines, notamment) du vigilantisme ; 2) le rapport au droit (positif et, éventuellement, coutumier), de ces initiatives de justice « populaire » ; 3) l’idéologie de ces mouvements, oscillant entre critique du fonctionnement de l’Etat et critique de l’Etat tout court.
Parallèlement à ces grandes questions transversales, qui constitueront le socle de nos échanges collectifs, chaque participant sera encouragé à prolonger la réflexion en explorant, à partir d’une enquête de terrain, l’un ou l’autre des points suivants:
-  Les conditions et modalités d’institutionnalisation du vigilantisme: comment passe-t-on de mobilisations ponctuelles, faiblement structurées, à de véritables mouvements sociaux, voire à des institutions parallèles de maintien de l’ordre, dotées d’une existence quasi-officielle ?
-  Le vigilantisme est-il par essence un phénomène non-étatique, impliquant des citoyens « ordinaires » cherchant à seconder voire à suppléer l’action de l’Etat en matière de maintien de l’ordre ? Comment dépasser le constat généralement affirmé d’une « ambivalence » des relations aux forces de l’ordre ? Le recours de certains policiers ou militaires au langage du vigilantisme, pour justifier leurs violences extrajudiciaires dans le cadre de la lutte contre la criminalité ou la « subversion », est-il toujours un simulacre - un « pseudo-vigilantisme » (Abrahams, 2007 : 424), maquillant des crimes d’Etat en initiatives populaires ?  Faut-il distinguer des formes de vigilantisme qui s’appuient sur une critique générale du régime politique ou de l’Etat et des formes de vigilantisme qui pointent la défaillance des services répressifs, sans pour autant donner lieu à une telle montée en généralité ?
-  Le vigilantisme est-il nécessairement un phénomène collectif ? Comment rendre compte, par exemple, du syndrome du justicier solitaire, à la fois au sein des forces de l’ordre (le « Dirty Harry problem »  [Klockars 1980]) et aux marges de la société ?
-  Le recours à la violence extrajudiciaire est-il consubstantiel au vigilantisme ? Existe-t-il une différence de nature entre justiciers hors-la-loi et comités de surveillance de type « neighbourhood watch » ? Quelles sont les forces en jeu dans les dynamiques de « métamorphose organisationnelle » (organisational shape-shifting ; Hagberg & Ouattara, 2010) conduisant certains groupes de vigilantes à se transformer en unités combattantes ?
-  Comment s’articule la dialectique entre quête de publicité et économie du secret au sein de ces mouvements ? Au-delà de la figure populaire du vengeur masqué, comment expliquer que la plupart des groupes de vigilantes se drapent dans un épais voile du secret tout en cherchant à donner à leurs activités une forte visibilité ?
-   A l’avènement de quel type d’« ordre », légal et social, le vigilantisme contribue-t-il ?
-  Pour une sociologie de l’auto-justice : 1) Le vigilantisme a-t-il un sexe ? Quelle place les femmes y trouvent-elles et dans quelle mesure leur participation à ces mouvements affecte-t-il leurs méthodes et leurs objectifs (Blee, 1991; Sen, 2007) ? 2) A-t-il un âge ? Marque-t-il l’affirmation d’une jeune génération par rapport aux aînés ?

 
Vigilantism covers a wide range of practices of self-justice - self-defense initiatives, popular trials, lynchings,… -, which have in common their questioning of the state’s monopoly over dispute adjudication and the maintenance of public order (Abrahams 1998; Fourchard 2011; Pratten & Sen 2007). This apparent challenge to state sovereignty is not inevitably a source of conflict with public officials, however.
More often than not, vigilante movements are less a symptom of the withdrawal of the state than a modality of its redeployment, through more or less legitimate - and thus more or less covert - forms of indirect government. In the context of neoliberal globalization, the rise of vigilantism also reflects the attempts made by some states to share the burden of policing with their society. If vigilantism has become a global social phenomenon, its genealogies, its social and political trajectories as well as its societal footprint show significant variations from one context to another. It is these variations that we aim to factor in and analyze here on the basis of field research, which will lead us to observe at close range these protests and their impact on state and society.
In order to produce a true comparative study of contemporary forms of vigilantism, this thematic section will focus on two themes: practices of rough justice and attempts at maintaining public order on the part of vigilantes. While inscribing their presentation in this relatively restrictive analytical framework, the participants will be invited to address collectively three sets of questions: 1) the historicity of vigilante movements and their relationship to possible global matrices (north American ones, in particular) of vigilantism; 2) the relations to the law (both positive and, in some cases, customary) of these initiatives of ‘popular’ justice; 3) the ideology of these movements, ranging from criticism of the functioning of the state to critiques of the state as such.

 
Références

Abrahams, Ray (1998), Vigilant Citizens. Vigilantism and the State, Cambridge, Polity Press.
Abrahams, Ray (2007), « Some thoughts on the comparative study of vigilantism », in David Pratten, David & Sen, Atreyee (eds.), Global Vigilantes, Londres, Hurst, pp. 419-442.
Blee, Kathleen M. (1991), Women of the Klan. Racism and Gender in the 1920s, Berkeley, University of California Press.
Fourchard, Laurent (2011), “The politics of mobilization for security in South African townships”, African Affairs, 110 (441), pp. 1-21.
Hagberg, Sten et Ouattara, Syna, “Vigilantes in war : boundary crossing of hunters in Burkina Faso & Côte d’Ivoire”, in Kirsch, Thomas G. & Grätz, Tilo (eds.) (2010), Domesticating Vigilantism in Africa, Woodbridge, James Currey, pp. 98-117.
Klockars, Carl B. (1980), “The Dirty Harry Problem”, Annals of the American Academy of Political and Social Science, vol. 452, pp. 33-47.
Pratten, David & Sen, Atreyee (eds.) (2007), Global Vigilantes, Londres, Hurst.
Sen, Atreyee (2007), Shiv Sena Women. Violence and Communalism in a Bombay Slum, Londres, Hurst.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Session 1
Président : Laurent Gayer (CNRS/CERI-Sciences Po, Paris)
Discutant : Jean-Louis Briquet (CNRS/CEESP-U. Paris 1)

Axe 1 / Vigilantisme et médiations locale

Axe 2 / Supplétifs ou rivaux ? Vigilantisme et maintien de l’ordre

Session 2
Président : Gilles Favarel-Garrigues (CNRS/CERI-Sciences Po, Paris)
Discutant : à préciser

Axe 3 / La communauté en armes : vigilantisme et autodéfense

Axe 4 / Au nom de la loi : justice et vigilantisme  


Résumés des contributions

Romain Le Cour Grandmaison (CESSP Paris 1)

Les milices d’autodéfense dans le Michoacán : les groupes armés de l’intermédiation politique
 
Depuis l’apparition des groupes d’autodéfense dans le Michoacán, en février 2013, cette région du centre-ouest mexicain est caractérisée par un processus de reconfiguration politique principalement conduit par des groupes armés : les autodéfenses (autodefensas), les différents cartels de drogue qui opèrent dans la région ainsi qu’une myriade de forces publiques armées déployées sur le territoire.
Au-delà de leur discours public, qu’il conviendra d’analyser afin de saisir les champs lexicaux mobilisés et leur portée politique et juridique, nous étudierons les groupes d’autodéfenses en tant que rapport ponctuel de médiation. En effet, le contrôle exercé auparavant par les organisations criminelles, en plus de redéfinir les régimes d’intermédiation politique, avait modifié les modes d’administration et de coercition, les autorités étant engluées dans une recherche de consentement qui n’est pas en mesure de sélectionner les passages à travers lesquels ce dernier est canalisé vers les différentes clientèles ou groupes politiques_. Ainsi, les groupes d’autodéfenses, loin de se développer dans un contexte exo-étatique, doivent être compris comme une mobilisation violente portant les intérêts de groupes sociaux précis dont la volonté est de rétablir des canaux de dialogue politique avec le centre, permettant à nouveau la négociation de l’accès aux appareils administratifs et la répartition de ses ressources.
 
Elise Massicard (CNRS/CERI)

Maintenir l’ordre du quartier en Turquie. Un vigilantisme de basse intensité ?

A partir d’un travail sur les maires de quartier à Istanbul, cette contribution traitera de formes de maintien de l’ordre parallèles très localisées. Ces comités de surveillance de quartier agissent de manière ponctuelle si ce n’est épisodique, et sont faiblement structurés. Ils donnent rarement lieu à la constitution d’un mouvement ni à des formes de coordination au-delà de l’échelle du quartier. On pourrait parler de « vigilantisme de basse intensité ». Ces formes de maintien de l’ordre peuvent passer par la violence, mais sont souvent articulées à des phénomènes de règlement officieux de conflits (en particulier de la propriété foncière ou du droit d'occupation, contrôle de la prostitution voire du trafic de stupéfiants, mais aussi régulation morale/consommation d’alcool) qui ne passent pas nécessairement par la violence, mais sont liés à la simple possibilité de l'emploi de la violence (intimidation). Ainsi, ces formes de vigilantisme sont liées à des formes de régulation sociale plus larges, qui ont souvent une dimension morale importante.
Ces formes de régulation, qui semblent constituer une remise en cause du monopole de l’Etat sur la violence, sont pourtant rarement une source de conflits avec ses représentants ; elles sont parfois même le fait, entre autres, d’acteurs officiels (maires de quartier, policiers) qui peuvent participer, voire soutenir en sous-main. Si ces formes de maintien de l’ordre ne sont pas spécifiquement encouragées par les institutions, elles sont souvent tolérées, et ne font pratiquement jamais l’objet de sanctions. Elles jouissent également d’une certaine légitimité sociale. Pour autant, ces formes de maintien de l’ordre ne se laissent pas ramener à un signe de l’affaiblissement ou du retrait de l’Etat – il serait ainsi exagéré de parler d’essor du vigilantisme. Elles ne semblent pas non plus répondre à une logique de redéploiement de l’Etat. La contribution se propose de réfléchir sur l’articulation concrète de ces phénomènes de maintien de l’ordre à la fois aux institutions et au politique, pour dépasser le simple constat d’une « ambiguïté ».

Abou Moumouni Issifou (Université de Bayreuth)

Les « Dambanga » dans la gouvernance de la sécurité publique au Bénin : Collaboration et processus de construction de l’Etat.
 
Cette communication envisage de participer au débat relatif d’une part aux relations complexes entre le vigilantisme et l’Etat dans la délivrance de la sécurité publique et d’autre part aux mécanismes de son ancrage local dans le contexte béninois. Considérée comme un des pouvoirs régaliens de l’Etat de droit, au Nord-Bénin, la sécurité publique est devenue un domaine où la visibilité opérationnelle de l’Etat s’affaiblit progressivement à la faveur des actions des groupes de vigilance composés des chasseurs traditionnels. L’investissement du privé en général et des groupes de vigilantes - en particulier dans le domaine de la sécurité publique - est souvent perçu comme un signe d’affaiblissement de l’Etat. Cependant, au regard des formes de collaboration qui se construisent entre ces acteurs et les forces de l’ordre, il est possible d’avoir une autre lecture de cette situation. A partir de deux études de cas, il s’agira de présenter les formes réelles et quotidiennes de co-délivrance des services de sécurité publique entre les groupes de vigilance et les forces de l’ordre.

Laurent Fourchard (FNSP, Les Afriques dans le monde, Sciences Po Bordeaux)

Temporalités du vigilantisme et maintien de l’ordre en Afrique du Sud

Si l’Afrique du Sud a depuis plusieurs décennies développé des formes de vigilantisme bien connues des historiens, anthropologues ou criminologues, il n’y a guère de consensus académique sur les continuités ou les éventuelles ruptures de ces pratiques depuis la fin de l’apartheid. Pour certains, la transition vers la démocratie est associée à une prolifération ou à l'émergence d’organisations de vigilantes, tandis que pour d'autres, les vigilantes sont davantage une tradition historique que la transition vers la démocratie n'a pas su ou pas pu arrêter. Dans de nombreux travaux, l’idée d’une police de l’apartheid politisée, militarisée, répressive et hostile aux populations non blanches (qui est de fait la réalité policière des années 1980 au moment des affrontements avec les mouvements anti-apartheid) semble s’opposer à une police moins répressive, moins politisée, plus coopérative avec les populations « historiquement défavorisées » depuis 1994. Cette histoire linéaire, que l’on ne peut guère contester dans sa globalité, a l’inconvénient de faire l’économie d’une ambivalence des formes de répression et des formes de coopération entre la police et les populations noires dans la pratique du maintien de l’ordre aussi bien avant qu’après et pendant l'apartheid. Elle escamote la pluralité des temporalités à l’œuvre dans les pratiques plus ordinaires du vigilantisme. Le rapport de l’Etat aux groupes vigilantes renvoie d’abord à une histoire cyclique, heurtée et irrégulière, oscillant entre la délégation des fonctions de sécurité à des organisations locales de protection et leur répression. Sur la moyenne durée du second 20ème siècle, ces organisations participent simultanément à la production d’une communauté morale qui tente de réaffirmer l’autorité des ainés et des parents sur la jeunesse et qui puisent leur valeurs et pratiques dans les registres et expériences historiques antérieures. Enfin, les trajectoires individuelles témoignent d’histoires plus heurtées encore et permettent de comprendre la manière dont les membres de base survivent à l’histoire conjoncturelle de leurs organisations. Ce papier reviendra sur ces multiples temporalités dans les pratiques de maintien de l’ordre à partir de matériaux historiques et ethnographiques recueillies dans les townships du Cap et de Johannesburg.

Adam Baczko (EHESS) et Gilles Dorronsoro (U. Paris 1)

Auto-défense et fragmentation communautaire. Le cas des groupes armés anti-Taliban à Kunduz
 
La formation de groupes armés de défense contre les Taliban participe à la fois d’initiatives étatiques (formation de milices par le gouvernement afghan à l’initiative des Etats-Unis), mais aussi d’initiatives locales avec l’émergence de groupes sans statut juridique, ou de fait indépendants de l’Etat, mais qui participent à la lutte contre les infiltrations de la guérilla Taliban.
Pour comprendre l’évolution du phénomène, nous avons choisi de traiter un cas particulier : la province de Kunduz. Cette province est ethniquement partagée entre Pashtounes (environ 40% de la population), Tadjiks, Hazaras et Ouzbeks. Dans ce contexte, les groupes d’autodéfense sont pour partie financées localement, et leur composition ethnique et politique reflète/transforme les rapports entre groupes ethniques et les clivages politiques. On travaille actuellement à la définition de trois modèles– anarchique, ethnique et communautaire – à partir du niveau de fragmentation politique et d’alignement ethnique. Ensuite, nous montrerons comment le système milicien participe du « retour des commandants », c’est-à-dire de l’autonomisation de la périphérie par rapport à l’Etat central.

Damien Simonneau (Centre Emile Durkheim, Université de Bordeaux - Sciences Po Bordeaux)

De la suprématie blanche à la cyber-sécurité : mutations contemporaines des pratiques de « vigilantisme » en Arizona

Cette contribution vise à analyser les mutations récentes des pratiques de surveillance anti-clandestins des confins frontaliers de l’Arizona par des milices citoyennes. Elle questionne en quoi l’investissement par ces groupes du secteur des technologies de la surveillance contribue à atténuer en apparence leur rhétorique nativiste et à modifier leur critique de l’Etat. Nous nous appuyons sur une enquête réalisée en 2012-2013 auprès de deux groupes de « vigilantes » actifs en Arizona: l’Arizona Border Recon de Tim Foley (petit groupe créé en 2010, nouvelle génération de « vigilante ») et l’American Border Patrol de Glenn Spencer (transfuge californien actif dans les années 1990, installé depuis 2002 dans le comté de Cochise en Arizona). Nous examinons dans un premier temps les modes de représentations des deux leaders et distinguons trois registres de légitimation classiques de l’engagement dans les pratiques de surveillance (registre sécuritaire de maintien de l’ordre, registre identitaire nativiste, registre politique de défiance envers l’Etat fédéral). Puis, nous envisageons leurs modes d’actions pour entrer dans la paramilitarisation de l’Arizona Border Recon et dans la création par Glenn Spencer d’une start-up de technologies de surveillance, Border Security Inc.

Deborah Puccio-Den (CNRS-GSPM, Institut Marcel Mauss, Paris)

La justice des mafieux. Fiction, action, critique
 
La mafia sicilienne a souvent été définie comme un « État dans l’État », en ce qu’elle dispute à ce dernier le monopole de la violence, le contrôle du territoire et l’administration de certaines formes de justice. L’existence au sein de l’association mafieuse Cosa nostra d’une « commission » chargée de régler les contentieux et d’établir les sanctions à appliquer aux transgresseurs des règles internes a suscité de nombreuses controverses parmi les juristes et les politologues : peut-on parler de la mafia comme d’un « système juridique » ou sommes-nous face à une mystification de la justice à des fins de pouvoir ? Ces théorisations savantes seront mises en parallèle avec les « mythes » auxquels les mafieux eux-mêmes se réfèrent lorsqu’ils parlent de leur organisation comme d’une instance dispensatrice de justice, ainsi qu’avec leurs pratiques réelles, reconstituées à travers la parole des « repentis ». À partir des témoignages de ces derniers et de leur critique rétrospective de la « commission », on s’interrogera sur les usages qu’ont fait les mafieux de formes étatiques de maintien de l’ordre (avertissement, procès, peine) et sur les effets produits en retour sur l’institution judiciaire et l’État.
 
Jacobo Grajales (Sciences Po Rennes)

Vigilantisme, politique de sécurité et conflit armé : le cas des « Convivir » en Colombie
 
En Colombie, entre 1994 et 1995, une série de décisions gouvernementales ont visé à mobiliser les citoyens, les entreprises et les propriétaires fonciers derrière les forces armées dans le cadre de la lutte contre la guérilla. Il s’agissait de favoriser l’éclosion de « coopératives de sécurité », plus couramment connues sous le nom de Convivir (en espagnol, « vivre ensemble »), qui collaboreraient à la surveillance dans les zones rurales touchées par la présence des insurgés. Par ailleurs, ces Convivir apparaissaient pour leurs promoteurs comme un moyen de canaliser la profusion d’organisations armées contre-insurrectionnelles (appelés groupes paramilitaires ou d’autodéfense) sous une forme légale qui permettrait alors une régulation étatique. Il s’agissait d’éviter que ces groupes ne versent dans la criminalité organisée, notamment par le biais de la porosité avec les milieux du trafic de drogue, et qu’ils collaborent en même temps aux efforts contre insurrectionnels.
Cependant, les Convivir ont été un maillon clef du processus de coordination et de professionnalisation des milices paramilitaires ; loin d’amener l’ensemble des groupes armés dans le giron de la régulation étatique, elles ont facilité la circulation entre le domaine de la sécurité privée et celui de la violence criminelle. En permettant l’agrégation d’intérêts économiques dans des groupes socialement respectables et légalement reconnus, elles ont favorisé le processus de privatisation de la violence répressive alors largement entamé. En entretenant des liens tenus avec les groupes paramilitaires – parfois jusqu’en devenir des « façades » – les Convivir ont favorisé leur expansion, facilité leur financement et contribué renforcer leur ancrage social. Plus que des simples firmes de sécurité privée, elles ont joué un rôle essentiel dans la formation et l’entretien du capital social d’un certain nombre d’individus qui naviguaient alors entre le milieu du paramilitarisme, celui de la criminalité organisée et celui de l’économie légale.


Participants

Baczko Adam adam.baczko@gmail.com
Briquet Jean-Louis jean-louis.briquet@univ-paris1.fr
Dorronsoro Gilles gilles.dorronsoro@gmail.com
Favarel-Garrigues Gilles gilles.favarelgarrigues@sciencespo.fr
Fourchard Laurent l.fourchard@sciencespobordeaux.fr
Gayer Laurent laurent.gayer@sciencespo.fr
Grajales Jacobo jacobo.gl@gmail.com
Moumouni Issifou Abou issifouboro@yahoo.fr
Le Cour Grandmaison Romain romain.lecourgrandmaison@gmail.com
Massicard Elise elise.massicard@gmail.com
Puccio-Den Deborah deborah.puccio-den@ehess.fr
Simonneau Damien dam.simonneau@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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