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Section Thématique 54

Les « bonnes pratiques » des organisations internationales
The « Good Practices » of International Organizations

Responsables

Marie SAIGET (Sciences Po Paris / CERI) marie.saiget@sciencespo.fr
Camille LAPORTE (Sciences Po Paris / CERI) cml.laporte@gmail.com
Guillaume DEVIN (Sciences Po Paris) guillaume.devin@sciencespo.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Le projet scientifique de recherche, « les « bonnes pratiques » des organisations internationales » est né en 2012 dans le cadre du Groupe de Recherche sur l’Action Multilatérale (GRAM) de l’AFSP. Notre ambition, au sein de ce groupe, est de réfléchir au rôle des « bonnes pratiques » dans la construction d’un ordre international par les organisations internationales. Notre projet a vocation d’étudier en détails les questions normatives qui gravitent autour de la notion de « bonnes pratiques » et leur mise en pratiques dans les activités des organisations internationales.
En effet, depuis une vingtaine d’années et dans le sillon des réformes néolibérales, les références aux « bonnes pratiques » par les organisations internationales se sont multipliées. Elles connaissent depuis une résonance importante auprès des enceintes multilatérales. Rares sont pourtant les travaux de recherche à proposer une vision d’ensemble des manifestations discursives et des effets de pratique de ces phénomènes normatifs pouvant être regroupés sous l’expression de “bonnes pratiques”. Ainsi, des travaux ont enquêté sur certaines « bonnes pratiques » mais toujours dans un secteur professionnel délimité, comme sur la lutte contre la pauvreté (Else Oyen,  Alberto Cimadamore,  Michel Fultot). Plus largement, cette recherche fait suite aux travaux sur la notion de « gouvernance » (Mickaël Barnett et Raymond Duvall ; Jacques Chevallier ; Bruno Jobert) et de ceux qui se sont intéressés aux changements apportés par le New Public Management et aux réformes des politiques publiques (Christopher Politt ; Mickaël Power). Elle intègre également les études critiques de la technicisation des modes de gouvernement (Pierre Lascoumes et Pierre Le Gales ; Béatrice Hibou ; James Ferguson). Sur les organisations internationales, le projet s’inscrit dans la lignée des travaux réalisés en sociologie des organisations internationales (Guillaume Devin et Marie-Claude Smouts) et du courant constructiviste des relations internationales (Martha Finnemore et Kathryn Sikkink). Il emprunte enfin à la littérature sur les transferts de connaissance et les « communautés épistémiques » (Thierry Delpeuch ; Peter Haas ; Vincent Géronimi).
 
Ce projet considère la notion de « bonne pratique », comme un construit social, donc sujet à évolution et à débats. Cette hypothèse de base permet d’aborder la fabrique de cette notion selon différents contextes sociohistoriques. Elle engage également la réflexion autour des jeux d’acteurs qui caractérisent sa production et son utilisation en fonction des évolutions des rapports de force dans le système international.
 
Notre projet scientifique se veut multidisciplinaire (science politique, histoire, sociologie, économie, anthropologie) et souhaite regrouper des doctorant.e.s et des chercheur.e.s développant des perspectives différentes sur l’objet d’étude des « bonnes pratiques ». Il s’appuiera sur une lecture critique et empirique du phénomène et de ce qu’il peut nous apprendre sur la (re)configuration des rapports de force dans le système international actuel.

L’objectif est d’ouvrir à de nouveaux dialogues mais également de favoriser des convergences autour de l’analyse de la fabrique, des utilisations et des effets des « bonnes pratiques » en contexte multilatéral. A cet effet, nous proposons plusieurs axes de recherche :

Genèse et circulation des « bonnes pratiques »
Cet axe entend analyser la genèse des « bonnes pratiques » dans les organisations internationales, afin de mettre en évidence leur diversité en fonction de la culture organisationnelle et des différents contextes socio-historiques d’émergence. Cette analyse ouvre une réflexion sur la manière dont les « bonnes pratiques » produites par les organisations internationales circulent dans le système multilatéral auprès d’acteurs variés (autres organisations internationales, États, organisations de la société civile, etc.). L’enjeu est d’étudier les effets de co-construction, d’apprentissage, d’appropriation et de transformation des « bonnes pratiques » que cette circulation entraîne.
 
« Bonnes pratiques » et positionnement des organisations internationales
Cet axe se concentre sur l’examen empirique des jeux d’acteurs et des stratégies qui régissent la fabrique des « bonnes pratiques » dans les organisations multilatérales. Les contributions pourront interroger l’hypothèse selon laquelle les organisations internationales utilisent les « bonnes pratiques » comme un outil de (re)déploiement de leur mandat et de (re)affirmation de leur expertise, dans un système international où la production des savoirs et de l’expertise est concurrencée par un nombre croissant d’acteurs.
 
« Bonnes pratiques » et effets de (re)classement des acteurs

Cet axe traite des effets produits par la diffusion des « bonnes pratiques » dans et au-delà des organisations internationales, en termes de modification des pratiques, de changement des comportements et de (re)classement des acteurs visés par les « bonnes pratiques » élaborées par les organisations internationales. Il s’agira d’examiner les effets sur la hiérarchisation entre « bons » et « mauvais » élèves et la transformation (ou non) des rapports de pouvoir au plan international.

L’ensemble de ces axes de recherche traite d’enjeux de recherche pertinents et stimulants pour des chercheurs d’horizons disciplinaires et géographiques multiples. Par ses réalisations (ouvrage collectif à paraître en mars 2015 ; constitution d’un panel à l’IPSA-Montréal en juillet 2014), ce projet scientifique a déjà démontré sa volonté et sa capacité d’ouverture et d’intégration de chercheur.e.s débutant.e.s ou confirmé.e.s, francophones et anglophones, évoluant aussi bien dans les Universités du Nord qu’au Sud.
 

This scientific research project, “the ‘good practices’ of international organizations”, was born in the context of the Research Group on Multilateral Action (GRAM) sponsored by the French Association of Political Science (AFSP). Our purpose is to reflect upon the role of “good practices” in the making of an international order by international organizations. With socio-historical approach, our project aims at study in depth the normative issues related to the notion of “good practices” and its implementation through international organizations’ activities.
Norms of good governance emerged with neoliberal reforms in the early 1990s. Since then, they have been increasingly used by multilateral actors, especially in development settings, and play a crucial role in regulating behaviors from a local to an international level. But rather than taking these norms for granted, we need to pay attention to the concrete dynamics of their making and uses. Norms are social constructs: they are evolving and debatable objects. This hypothesis enables us to study the making of this notion according to various social and historical contexts. It also brings us to analyze the interplay among actors around its production and uses.
 
This project welcomes multidisciplinary contributions about “good practices”: ethnographic and micro-sociological case studies as well as broader theoretical interpretations. We recommend contributors to adopt critical and/or empirical approach on “good practices” and to think about what they show of evolving international power relations.
 
The aim is to generate new debates and encourage convergences on the analysis of the making, uses and impact of “good practices” in a multilateral context. It is in this that we suggest several research axis:
 
Origin and circulation of “good practices”
This axis analyses the origins of “good practices” according to different organizational cultures and social and historical contexts. It reflects on how “good practices” circulate in multilateral system from one actor to another (other international organizations, states, civil society organizations, etc.). The aim is to study the effects of co-making, learning, ownership and the resulting readjustment of “good practices”.
 “Good practices” and international organizations’ positioning
This axis investigates interactions among players as well as strategies that regulate the making of “good practices” in international organizations. Contributions may question the idea that international organizations use “good practices” as a tool to extend their mandate and reaffirm their expertise, in an international context where new actors increasingly challenge their role as knowledge producers.
“Good practices” and effects of (re)rating
This axis addresses the effects of diffusion of “good practices” from and within international organizations. How do they change practices, behaviors and the rating of actors targeted by these “good practices”? The purpose is to evaluate their impact on the building of a form of hierarchy between “good” and “bad” students, as well as on the change (or not) of power relations at the international level.

 
Bibliographie

Michael Barnett et Raymond Duvall (eds), Power in Global Governance, Cambridge, Cambridge University Press, 2005
Jacques Chevallier, « La gouvernance, un nouveau paradigme étatique ? », Revue française d’administration publique, 105-106 (1), mars 2003, p. 203-217
Thierry Delpeuch, L'analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art, Question de recherches, CERI, décembre 2008
Guillaume Devin, Marie-Claude Smouts, Les organisations internationales, Paris, A. Colin, 2011
James Ferguson, The anti-politics machine : « development », depoliticization and bureaucratic power in Lesotho, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1994
Martha Finnemore et Kathryn Sikkink, « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, 52(4), 1998, p. 887-917
Vincent Géromini, Savoirs et politiques de développement : questions en débat à l’aube du XXIème siècle, Paris, Karthala-Gemdev, 2008
Peter Haas, « Introduction: Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, 46(1), 1992
Bruno Jobert, « Le mythe de la gouvernance dépolitisée », dans Pierre Favre, Jack Hayward et Pierre Lascoumes et Patrick Le Gales, Gouverner par les instruments, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2004
David Lewis et David Mosse (Ed.), Development brokers and translators: The ethnography of aid and agencies, Bloomfield, Kumarian Press, Inc, 2006
Else Oyen, Alberto Cimadamore,  Michel Fultot, et al., Best Practices in Poverty Reduction: An Analytical Framework, London, Zed Books, 2002
Christopher Pollitt, Public Management Reform : a Comparative Analysis. New Public Management, Governance, and the Neo-weberian State, Oxford, New York, Oxford University Press, 2011
Michael Power, The Audit Society. Rituals of Verification, Oxford, Oxford University Press, 1997
Yves Schemeil (dir.), Être gouverné. Études en l’honneur de Jean Leca, Presses de Sciences Po, Paris, 2003
Marie-Claire Smouts, « The proper use of governance in international relations », International Social Science Journal 50(1), 1998, p. 85-94


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Circulation, diffusion, appropriation et (re)définition des « bonnes pratiques »

Présidente : Camille Laporte (Sciences Po, CERI)
Discutant : Thierry Delpeuch (PACTE Grenoble, Centre Marc Bloch de Berlin)

Axe 2 / Les « bonnes pratiques », empreinte et instrument du changement

Présidente : Marie Saiget (Sciences Po Paris, CERI)
Discutants : Asmara Klein (Publish What You Pay / à confirmer) et Antoine Vion (Aix-Marseille Université, LEST)


Résumés des contributions

Raphaëlle Parizet (Université Paris-Est Créteil, LARGOTEC-CERAPS)
 
Le PNUD et la fabrique des indicateurs de développement. Interroger la fabrique circulatoire d’une « bonne pratique » appliquée aux populations autochtones
 
Depuis les années 1990, le PNUD a ouvert un espace de réflexion sur la mesure du développement humain. C’est dans cette perspective qu’il recommande dans les années 2000 l’élaboration d’« indicateurs avec identité » et  qu’à l’initiative du bureau mexicain du PNUD, en collaboration avec la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones (CDI), est élaboré l’IDH-peuples autochtones (IDH-PI). La promotion de la mesure du développement humain comme « bonne pratique » et la recommandation de l’élaboration d’indicateurs de développement spécifiques aux populations autochtones sur la base de la méthodologie portée par le PNUD renvoient à sa supposée universalité, propice à sa large diffusion et à son acceptation. En tant que savoirs d’experts normalisés, entre science, expertise et décision politique, malgré la qualification techniciste et la portée universelle que lui accordent ses promoteurs, la mesure du développement constitue un instrument politique, entre savoir et pouvoir, chargé de valeurs normatives. En ce sens, nous suggérons que la définition d’une pratique que le PNUD considère comme « bonne » ou « meilleure » permet de renforcer la position institutionnelle des acteurs technico-administratifs du développement en général et de renforcer la légitimité de cette OI qui impose sa vision du développement.
 
The UNDP and the Making of Development Indicators
 
The promotion of human development measure as a "best practice" and the recommendation of specific development indicators for indigenous peoples on the basis of UNDP thought on this topic refers to its supposed universality suitable for its wide diffusion and acceptance. This communication proposes to study the making of development measure, such as standardized expert knowledge between science, expertise and political decision. By studying this "best practice", its application to a specific category of population, indigenous populations, and UNDP’s positioning, this communication argues that the definition of a practice that UNDP considers as "better" strengthens the institutional position of the technical and administrative actors of development the legitimacy of this OI imposing its vision of development.

 
Bartolomeo Cappellina (Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim)
 
Élaborer et promouvoir de « bonnes pratiques » pour les systèmes judiciaires : le Conseil de l’Europe et ses instruments
 
Cette contribution analyse la fabrique européenne de « bonnes pratiques » en milieu judiciaire, en développant une étude comparative de deux comités du Conseil de l’Europe : la Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ) et le Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE). Ces deux comités, chargés statutairement de l’élaboration d’instruments de politiques publiques à partir de l’observation des pratiques des systèmes judiciaires européens, partagent les mêmes règles administratives et le même personnel permanent, en se différenciant, d’autre coté, par leurs activités et par les objectifs qu’ils poursuivent au sein d’un même domaine de politiques publiques. En se concentrant sur la genèse de ces comités, sur leurs modalités de production de « bonnes pratiques », ainsi que sur la circulation et les usages qui sont faits de leurs instruments, cette contribution apportera une réflexion méthodologique sur le rôle fondamental que les acteurs impliqués, avec leurs équilibres de composition, jouent sur les dynamiques d’élaboration et promotion de « bonnes pratiques » au niveau européen.
 
Elaborating and promoting “best practices” for the judicial systems: the Council of Europe and its instruments
 
This contribution analyses the European space of production of “best practices” in the judicial domain, developing a comparative study of two Council of Europe committees: the European Commission for the Efficiency of Justice (CEPEJ) and the Consultative Council of European Judges (CCJE). These two committees are statutorily charged with the elaboration of policy instruments based on the observation of practices of European judicial systems. While sharing the same administrative framework and permanent personnel, they look quite different as to their activities and to the goals that they pursue in the same domain of public policy. Through a focus on the origin of these committees, on their way of production of policy instruments, as well as on the circulation and usages of their instruments, this contribution will bring a methodological reflection on the fundamental role played by the actors involved, with their composition balance, over the dynamics of elaboration and promotion of “best practices” at the European level.

 
Mélissa Haussaire (Université Lille 2, CERAPS)

 
« NEX » : la construction d’une bonne pratique de l’aide entre injonction internationale et intérêt local
 
Dans un contexte où la communauté internationale appelle à faire reposer l’aide publique au développement sur les stratégies, les institutions et les procédures nationales des pays bénéficiaires,  le NEX, pour National Execution, devient une bonne pratique incontournable. Modalité d’exécution de l’aide d’abord assez floue, la procédure est portée par le PNUD au Sénégal où une agence est créée pour favoriser sa mise en œuvre. Elle fait l’objet d’ateliers de partage, de guides de procédure, se durcit et se diffuse progressivement. Cette communication se propose d’étudier la circulation du NEX du niveau international, lieu d’élaboration de concepts généraux qui entourent les activités du développement, au niveau national, où ils deviennent des procédures concrètes, en interrogeant les transformations qu’elle connait au cours de sa diffusion.
 
NEX: a good development practice construction, between international demand and local interest
 
Since the 1990’s, the international community requires the assistance to be based on national strategies and institutions. In this context, NEX, for National Execution, is becoming an essential good practice. The procedure, at first unclear, is carried out by the PNUD in Senegal, where an agency is created to encourage its implementation. Workshop and guideline manuals stabilise and spread the procedure. This communication aims at studying NEX circulation from the international level, where the idea has emerged, to the local level, where it becomes concrete practices, examining its transformations during this diffusion.

 
Pablo Diaz (Global Studies Institute (GSI), Université de Genève, Université de Lausanne, ISS)
 
"La définition des "bonnes pratiques", entre expertise et négociation. Le cas des conditional cash transfers aux Philippines"
 
La présente contribution se propose d'affiner la compréhension de la manière dont les « bonnes pratiques » en matière de développement se définissent et se redéfinissent à travers les interactions entre organisations internationales (OI) et gouvernements nationaux. Elle se penche sur le cas des conditional cash transfers programs (CCTP), programmes sociaux nés au Mexique et au Brésil dans les années 1990 et dont la « communauté internationale » assure aujourd'hui une diffusion à grande échelle. Plus précisément, elle propose une réflexion sur  les « nouvelles » modalités d'action des OI qui, dans le but de paraître moins « coercitives » se profilent comme des « intermédiaires éclairés » entre des pays du Sud « fournisseurs » et « demandeurs » de « modèles » tout en instrumentalisant leurs « innovations » dans le but d'asseoir leur statut d'expert. Reposant sur différentes enquêtes effectuées en Amérique latine et aux Philippines, elle montrera comment, à travers des mécanismes complexes alternant « standardisation » et « réappropriation », une politique nationale peut se voir élevée au rang de « bonne pratique » internationale, voire même être déclinée en plusieurs variantes d'un même « modèle ».
 
"The definition of" good practice ", between expertise and negotiation. The case of conditional cash transfers in the Philippines"
 
This paper intends to refine the understanding of how development "good practices" are defined and redefined through interaction between international organizations (IOs) and national governments. It looks at the case of conditional cash transfers programs (CCTP), social programs born in Mexico and Brazil in the 1990s, now widely diffused by the "international community". More specifically, it proposes a reflection on the "new" modes of action of IOs, which in order to appear less "coercive", present themselves as "enlightened intermediaries" between southern countries  both "suppliers" and "seekers" of "models", while exploiting their "innovations" in order to establish their expert status. Based on fieldwork conducted in Latin America and the Philippines, this paper shows how, through complex mechanisms alternating "standardization" and "reclaiming" a national policy may be elevated to an international "good practice" or even be declined in several variants of the same "model".

 
Dorota Dakowska (Sciences Po Strasbourg, SAGE)
 
Lifelong learning & Co. Les organisations internationales et la diffusion de « bonnes pratiques » dans le domaine de l’enseignement supérieur
 
Cette contribution vise à interroger la manière dont les organisations internationales actives statutairement dans le domaine de l’éducation (UNESCO) ou qui ont progressivement acquis une notoriété en la matière (Conseil de l’Europe, l’OCDE, mais aussi la Commission européenne) construisent et diffusent leur conception de « bonnes pratiques » dans le secteur de l’enseignement supérieur. La notion de bonnes pratiques sera tout d’abord définie, en ce qu’elle peut prendre à la fois la forme de recommandations générales relatives au modèle légitime de l’organisation et de gouvernance de systèmes académiques et celle de dispositifs concrets présentés comme des modèles à suivre. Elle sera ensuite interrogée de manière critique, tant ses limites sont nombreuses. D’une part, l’éducation faisant officiellement partie des prérogatives nationales, les recommandations des organisations internationales ne peuvent être, en principe, que non contraignantes. D’autre part, dans certaines conditions, ces conseils peuvent s’accompagner d’une conditionnalité ou « pression de pairs » (peer pressure) qui leur confèrent un caractère astreignant suivi d’effets perceptibles sur l’action publique au niveau national. Ces observations indiquent que la notion de « bonnes pratiques » est à la fois vague et porteuse de contradictions intrinsèques potentielles.
 
Lifelong Learning & Co. International Organisations and the Diffusion of ‘Best Practices’ in Higher Education
 
This contribution seeks to analyse the way in which international organisations which have been statutory active in the area of Higher Education (UNESCO) or which have progressively gained a reputation in this domain (Council of Europe, OECD, European Commission) construct and diffuse their conceptions of ‘best practices’. First, the notion of best practices will be defined as they may take the form of both general recommendations relative to the organisation and governance of the academic systems and of more practical devices presented as models to be followed. Secondly, the notion will be analysed in a critical way, as its limits are numerous. On the one hand, as education remains a national prerogative, international recommendations must in principle remain facultative. On the other hand, in some cases conditionality or peer pressure give them a mandatory character and confer them visible effects at the domestic level. This shows the vagueness and potential for contradiction inherent in the concept of ‘best practices’.

 
Simon Tordjman (Sciences Po Toulouse, LassP)

 
Les bonnes pratiques comme vecteur et révélateur du changement au sein des organisations internationales : l’ONU face aux défis de la pacification
 
Depuis la fin des années 1990, l’identification et la diffusion des « bonnes pratiques » se trouvent au cœur d’efforts et de stratégies de transformation destinées à accroître simultanément la performance et la légitimé des organisations internationales. Le cas de l’ONU est à cet égard exemplaire. La fin de la bipolarité et, avec elle, du blocage systématique du Conseil de Sécurité se sont en effet traduits par l’expansion des opérations de maintien de la paix et des initiatives de résolution de conflit menées par l’Organisation. Cette évolution a alors révélé le manque d’expériences antérieures sur lesquelles l’Organisation pouvait s’appuyer pour définir les modalités de ses interventions. Dans ce contexte, sous l’impulsion et la coordination du Secrétariat, la mobilisation de « praticiens » s’est alors progressivement affirmée comme un ressort de transformation institutionnelle et opérationnelle.
A partir de l’étude conjointe de différents processus de réformes ayant trait à la résolution des conflits et au maintien de la paix, initiés au sein de l’ONU dans les années 2000, cette contribution entendra montrer que le recours aux bonnes pratiques ne saurait être réduit à de seules dynamiques centrifuges et hégémoniques de diffusion. Les bonnes pratiques interviennent en effet également en tant que processus instituant, à même d’initier ou de contribuer à la transformation politique des organisations dont elles émanent.
 
Good practices as a vector of change in international organizations: the progressive transformation of UN peacebuilding practice
 
The identification and dissemination of "best practices" are at the heart of the numerous efforts aimed at simultaneously improving the performance and the legitimacy of international organizations. In the 1990s, the UN peacekeeping missions, conflict resolution initiatives and peacebuilding programmes expanded both in number and in scope. However, the extension of UN interventions took place in the absence of any significant experience and internal expertise in this area. In this context, under the leadership and coordination of the UN Secretariat, the mobilization of "practitioners" progressively emerged as a resource, an instrument and a feature of the institutional and operational transformation of the Organization.
Through an analysis of various conflict resolution and peacekeeping reform processes introduced within the UN in the 2000s, the paper will argue that the identification and diffusion of best practices are not unequivocal movements. Good practices are not a neutral problem-solving instrument. They are also part of a political process aimed at establishing, initiating or contributing to the transformation of organizations from which they emanate.
By bringing back a field-level perspective, the paper aims to go beyond theoretical debates about the effectiveness of UN peacebuilding reforms to empirically focus on the sociological practices and political effects of good practices.

 
Fanny Badache (Université de Genève, Simon, Anderfuhren-Biget, Université de Genève)

 
L’évaluation de la performance des fonctionnaires internationaux : évaluation d’une “bonne pratique”
 
Cette communication étudie une pratique emblématique du tournant managérial au sein des organisations internationales (OI): l’évaluation individuelle de la performance des fonctionnaires internationaux. La gestion des ressources humaines dans les organisations internationales est un sujet peu étudié alors que ce domaine est central pour comprendre le fonctionnement de ces organisations.
Après avoir présenté les fondements théoriques de l’évaluation de la performance du personnel dans le service public, nous cherchons à voir d’une part quels sont ses mécanismes de diffusion au niveau des organisations internationales (acteurs, processus etc.). D’autre part, nous étudions les appropriations organisationnelles de cette pratique à l’aune de six études de cas (OMS, OMC, UNOPS, UNFPA, OCDE et Commission européenne). La pratique de l’évaluation de la performance se traduit-elle de la même manière dans toutes les OI ? Quelle est l’importance de la culture organisationnelle dans l’appropriation des pratiques en matière de gestion des ressources humaines ? Finalement, nous montrons que l’étude d’une pratique de gestion des ressources humaines peut nous en dire beaucoup sur les transformations des organisations internationales (organisations hybrides) mais aussi du système international (porosité des acteurs, globalisation).
 
The evaluation of the performance of international civil servants: evaluation of a "good practice"

This paper examines, in its theoretical and practical dimensions, an emblematic practice that characterises the managerial turn in international organizations (IOs): individual assessment of the performance of international civil servants. First, we show that human resource management in international organizations is a topic that has been little studied so that this area is central to understand the functioning of these organizations. After presenting the theoretical basis of the evaluation of the performance of staff in the public service, we want to see on the one hand what its dissemination mechanisms in international organizations. The following question is raised: What are the distribution channels (actors, processes, etc.)? On the other hand, we also study the organizational appropriations of this practice in the light of six case studies (WHO, WTO, UNOPS, UNFPA, OECD and European Commission). Is the practice of performance evaluation results in the same way in all OI? What is the importance of organizational culture in the appropriation of practices in human resource management? Finally, we show that the study of human resource management practice can tell us a lot about the transformations of international organizations (hybrid organizations) but also of the international system (porosity actors, globalization etc.).

 
Sabine Dini (Université Paris 13, CERAL)
 
Reconnaître la souveraineté de l’Etat-hôte comme « bonne pratique » : la stratégie de l’Organisation Internationale pour les Migrations pour concurrencer le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés à Djibouti  
 
L’OIM et le HCNUR sont deux organisations historiquement rivales. Le HCNUR a ouvert un bureau à Djibouti dans en 1977 afin d’assurer la protection des réfugiés somaliens arrivés dans le pays Suite à la guerre civile somalienne, une dynamique de sécurisation a été instituée dans la région. L’OIM s’est installé à Djibouti en 2009 afin de mettre en place des mesures de contrôle des populations migrantes. Or, les projets des deux organisations ciblent les flux de « migration mixte », et entrent dès lors en concurrence.
En effet, bien que les deux organisations mettent en place des projets relativement similaires, leur réception auprès des acteurs locaux diffère. L’OIM est considérée comme une organisation « respectueuse » de la souveraineté du pays ayant des bonnes pratiques de gouvernance, ses projets étant menés en partenariat avec les institutions du pays. A l’inverse, l’action du HCNUR est unanimement critiquée. Nos deux années d’observation participante dans ces organisations ont montré que la réception contrastée de leur action est fondée, d’une part sur la manière dont s’organise la répartition des tâches, dans la mise en œuvre des projets, entre employés nationaux et internationaux et, d’autre part sur l’impact que cette répartition a sur la stratification sociale au sein des institutions djiboutiennes. Si l’organisation du travail au sein du HCNUR met en question le système local de stratification sociale et institutionnelle, à l’inverse le système de division du travail au sein de l’OIM le renforce.
 
To recognize the sovereignty of the host-country as "good practice": the International Organization for Migrations strategy to overcome the United Nations High Commissioner for Refugees in Djibouti
 
IOM and UNHCR are two historically rivals organizations. UNHCR opened an office in Djibouti in 1977 in order to ensure the protection of Somali refugees arrived in the country. Following the civil war in Somalia an international security dynamics has been set up. This dynamic is partly based on a military-humanitarian apparatus for securing the movement of people. IOM moved to Djibouti in 2009 in order to establish migrant population control measures.
On the field, projects of the two IOs, targeting both "mixed migration”, come into competition. Although both organizations implement relatively similar projects, their reception differs greatly from the standpoint of local actors. IOM is considered as "respectful" of the country’s sovereignty, implementing good governance practices in carrying its projects in partnership with the country. Conversely, the action of the UNHCR is widely criticized. The observations made in both organizations allow us to assume that the contrast within the receiving of the projects of the two IOs is based on two issues.It is based first on how the distribution of tasks is organized within the implementation of projects, between national and international staff, and, secondly, on how, this organization of labor impacts the social stratification that prevails in the Djiboutian institutions. If the organization of work within the UNHCR puts into question the local institutional and social stratification, conversely, IOM organization of work reinforces it.

 
Jan Woerlein (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, ISP)
 
Les « bonnes pratiques » de coordination en Haïti après le séisme de 2010
 
Le discours sur les « bonnes » ou « meilleures pratiques », mais aussi sur les « leçons apprises » s'est largement répandu dans le monde humanitaire à partir des années 1990. Si ces notions rassemblent des éléments divers comme la « responsabilité » (accountability), le « leadership », le « partenariat » (partnership) et la « gestion de l'information » (information management), elles sont souvent comprises comme une demande de coordination planifiée de l'action humanitaire, comme la condition nécessaire pour la mise en œuvre des bonnes pratiques.
Cette communication s'intéresse à la fois à la fabrique et à la mise en œuvre des bonnes pratiques de la coordination humanitaire dans le cas d'Haïti après le séisme. Elle s'interroge sur l'hypothèse selon laquelle le discours sur les bonnes pratiques de coordination constitue une tentative de transformation des rapports de pouvoir au sein de l'humanitaire en Haïti pour mieux centraliser le pouvoir et normaliser les standards des instances de coordination. La communication montrera que la mise en place de différentes arènes de coordination et la logique de comparaison qui préside toute discussion sur les « bonnes » ou les « meilleures pratiques » ont généré une compétition accrue entre différents modèles d'action humanitaire plutôt qu’une véritable harmonisation des pratiques.
 
Good practices and coordination in Haiti after the earthquake of 2010
 
The concepts of “good” and “best practices”, but also the notion of “lessons learned” have been largely widespread among humanitarian actors since the 1990s. Although those notions refer to different other notions like accountability, leadership, partnership or information management, they are often understood as a larger demand for planned and coordinated humanitarian action, as the necessary condition to implement good practices.
This paper focuses on the production and implementation of good practices of humanitarian coordination in the case of Haiti after the earthquake. It supports the hypothesis that discourses of good practices and coordination are attempts at transforming power relations in order to centralize decisions and normalize standards inside the humanitarian sector in Haiti. The paper will however also insist on a secondary effect. The emergence of different arenas of coordination and the comparative logic of any discussion on “good” or “best practices” has rather reinforced competition between different models of humanitarian action, rather than produced a real harmonization of practices.

 
Victoria Lickert (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, CESSP)
 
« Bonnes pratiques » et mauvaises habitudes : la lutte contre la corruption, des organisations internationales aux entreprises françaises en Afrique
 
Depuis une quinzaine d’années, les expressions comme « bonnes pratiques »,  « éthique des affaires » ou de « lutte contre la corruption » sont entrées dans le vocabulaire commun des dirigeants d’entreprises françaises implantées en Afrique, comme dans le reste du monde. Ce discours éthique, soutenu par des réglementations promues par des organisations internationales, a ainsi conduit à l’édiction de règles internes (codes de conduites, règlements internes, chartes etc.) et d’outil de régulation des relations de l’entreprise avec son environnement (partenariat avec des ONG, consécration d’une nouvelle profession de « responsable éthique », campagnes de communication etc.). Mais la circulation de normes morales produites en dehors du monde de l’entreprise entraine de fait des processus de traduction et d’acculturation : « les bonnes pratiques » ne sont pas toujours celles auxquelles on pense. Les entreprises françaises ont su combiner le discours sur le respect des réglementations internationales avec le jeu sur les marges juridiques, et le jeu entre opacité de certaines pratiques (commissions, zones grises non réglementées) et visibilisation d’autres (codes de conduite, certifications etc.). Ces processus ont néanmoins offerts de nouveaux outils de justification sociale à un capitalisme en crise de légitimité.
 
« Best practices » and bad habits: the fight against corruption, from the international organisation to French firms in Africa
 
Since about fifteen years, expressions like “best practices”, “business ethics” and “fight against corruption” are commonly used in the vocabulary of French business leaders working in Africa, and elsewhere. This ethical appeal, diffused notably through regulations launched by international organizations, has led to the enactment of internal business rules (ethics codes, internal guidelines etc.) and working tools fixing the frame of external relations between firms and their direct environment (partnerships with NGO’s, promotion of new management practices through the generalization of compliance jobs, communication campaigns on business ethics etc.). Indeed, the spread of these moral norms, shaped initially outside the business world, produces various translation and acculturation processes: “best practices” in business terms are not always those we think of. French businesses have indeed combined the respect of international legislations with the play of certain legal vacuums, and the opacity in certain domains (commissions, grey zones without regulations) is hidden by the visibility of others (ethics codes, certifications etc.). These processes, never the less, offered new opportunities in order to socially relegitimate capitalism.


Participants

Anderfuhren-Biget Simon anderbige@hotmail.com 
Badache Fanny fanny.badache@gmail.com 
Cappellina Bartolomeo bartolomeo.cappellina@gmail.com 
Dakowska Dorota dorota.dakowska@unistra.fr
Delpeuch Thierry delpeuch@cmb.hu-berlin.de
Devin Guillaume guillaume.devin@sciencespo.fr 
Diaz Pablo pablo.diaz@unige.ch
Dini Sabine sabine.dini@gmail.com
Haussaire Mélissa melissa.haussaire@univ-lille2.fr 
Klein Asmara asmara.klein@sciencespo.fr 
Laporte Camille camille.laporte@sciencespo.fr 
Lickert Victoria victoria_lickert@yahoo.fr
Parizet Raphaëlle raphaëlle.parizet@gmail.com
Saiget Marie marie.saiget@sciences.po.fr
Tordjman Simon s.tordjman@free.fr
Vion Antoine antoine.vion@univ-amu.fr
Woerlein Jan janwoerlein@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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