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Section Thématique 59

Rencontrer l’administration en Afrique et dans le monde arabe : pratiques, interactions et économie(s) du consentement
Bureaucratic Encounters in Africa and in the Arab World. Practices, interactions and the negotiation of political consent

Responsables

Assia BOUTALEB (Université Paris 8, Centre Jacques Berque / USR 3136) assia.boutaleb@cjb.ma
Mehdi LABZAE (Université Paris 1, CESSP) mehdi.labzae@gmail.com 

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Réputées pléthoriques, souvent accusées d’être inefficaces et coûteuses, parfois pointées du doigt dans les débats et controverses politiques, les administrations des pays africains et arabes n’en sont pas moins un puissant outil d’analyse du fonctionnement de ces Etats.

Ces dernières années et depuis le travail, devenu classique, de M. Lipsky (2010 [1980]), les pratiques et les relations administratives ont été l’objet de nombreuses études et ont renouvelé les recherches aussi bien sur la catégorie d’agents de l’Etat que sur le fonctionnement même de l’institution étatique (Dubois, 2010 ; Hajjat 2012 ; Siblot, 2006 ; Spire, 2008 ; Watkins-Hayes, 2009 ; Weller, 1999). Ainsi l’attention et l’analyse  des multiples facettes de la street-level bureaucracy s’est imposée aussi bien en sociologie qu’en science politique, répandant dans le même temps la conception selon laquelle les fonctionnaires sont les principaux agents par lequel l’Etat est incarné. Reste que du point de vue de la circulation des idées et du « voyage des concepts », force est de constater que peu d’études sur les administrations, et a fortiori sur les interactions administratives, ont été menées dans des pays non occidentaux et encore moins de travaux ont été amorcés sur la question au niveau de la rive sud de la Méditerranée, et ce malgré une importante activité de transferts et d’externalisation des standards néo-managériaux circulant à l’échelle mondiale (Hibou, 2013).

La rareté relative des études des rencontres administratives en Afrique et dans le monde arabe s’explique en partie le fait que l’attention portée par les sociologues et analystes au thème de la « réforme » des appareils d’Etat des pays du Sud (Darbon, 2003 ; Jacob, 1998 ; Olowu, 1999 ; Razafindrakoto et Roubaud, 2001) a eu pour effet de masquer l’administration en tant qu’objet d’étude pour elle-même. L’invisibilité du fonctionnement concret de l’Etat dans ces aires géographiques marque aussi un paradoxe. En effet, s’il est clair qu’ici comme ailleurs, l’Etat est bien l’objet d’étude principal des politistes, c’est un Etat isolé de son fonctionnement concret qui est à l’étude : on pense l’Etat en occultant les principaux théâtres de son action concrète. L’Etat réel (Olivier de Sardan, 2004), tel qu’il fonctionne « pour de vrai » (Jaffré, 1999), est délaissé au profit d’analyses générales entraînant par ailleurs la multiplication des adjectifs qualificatifs typologiques censés le caractériser (clientéliste, prédateur, sorcier, patrimonial, néopatrimonial, malfaiteur, importé, kleptocrate, failli, voyou, etc.). De ces étiquettes accolées à l’Etat, la mieux partagée par les pays d’Afrique et du monde arabe est sans conteste celle d’« autoritaire » (Camau et Geisser, 2003). Erigé en concept analytique, l’« autoritarisme » a alors pour effet à la fois d’écraser l’historicité propre des régimes (Rowell, 2006), d’empêcher de penser le détail et de masquer les pratiques qui contribuent au quotidien à la consistance d’un Etat dit autoritaire. Dès lors, se tourner vers les pratiques administratives et les relations de guichet devient une manière de dés-essentialiser l’autoritarisme comme catégorie analytique, ou, mieux, d’en comprendre les dimensions et traductions réelles et concrètes.

Cette section thématique vise à étendre les cadres du thème de la rencontre administrative, non seulement géographiquement mais aussi et surtout conceptuellement, en réfléchissant d’un point de vue à la fois normatif et sociologique sur le rôle et le poids des dispositifs publics dans la fabrique du consentement et, partant, de la légitimation de l’ordre politique. En effet, ce qui se joue dans les administrations, lors des rencontres entre fonctionnaires et administrés, ce sont aussi des perceptions du juste et de l’injuste, des explicitations des attentes d’horizon vis-à-vis de l’Etat et des évaluations ordinaires de l’effectivité de la justice sociale. Pour le dire autrement, c’est dans ces interactions et ces pratiques administratives, en fonction des perceptions de l’autorité, de son efficace et de sa performativité que se joue le « soutien précis » non sans lien avec le « soutien diffus » (Easton, 1976). L’intérêt des administrations en tant que site d’observation et de terrain privilégié est de recueillir pareilles perceptions et jugements enchâssées dans les activités quotidiennes des membres de la société.

Fondé le plus possible sur un matériau ethnographique (ou documents d’archives) visant à restituer les interactions en situation, les participants à la section étudieront les pratiques administratives et leurs vis-à-vis en s’attachant à rendre au mieux le sens donné par les acteurs. Seule manière, selon nous, d’appréhender pratiquement des modalités de légitimation dans toute leur diversité. En effet, chercher à « voir » fonctionner les mécanismes d’indexation et articuler perceptions des pratiques administratives et évaluations des performances d’un Etat permet d’approcher au plus près des conceptions ordinaires de la justice sociale.

Les contributions prendront appui sur des terrains variés (Afrique sub-saharienne, Maghreb, Machrek) et pourront se concentrer sur trois axes principaux, mais également proposer un croisement de ces trois axes :

Servir l’Etat en Afrique et dans le monde arabe
Les présentations se concentreront sur le déroulement concret du travail administratif. L’attention sera, ici, portée sur les tactiques et tours de main des fonctionnaires dans la pratique de leur métier, les formes prises par les interventions coercitives, les formes d’encadrement dans la fonction publique, les rapports de force induits et leurs perceptions et compréhensions de leurs rôles. L’extraversion marquée des appareils administratifs africains et arabes, matérialisée par la présence et l’action de programmes de développement internationaux jusqu’au sein même des bureaux administratifs, pousse également à considérer le poids des injonctions internationales sur les pratiques administratives (Darbon, 2003).

Les administrations comme espaces de tâches et de routines
Les administrations sont par définition productrices de documents, rapports, circulaires et correspondances qui peuvent être utilisés pour resituer des interactions administratives passées, et pour accéder à des jugements et perceptions – en particulier ceux des fonctionnaires depuis l’intérieur de la machine bureaucratique (Escudié, 2003 ; Rowell, 2006). Grâce à ces archives, une « observation historique du travail administratif » (Buton, 2008) devient possible, permettant de restituer l’historicité de certaines pratiques, en plus d’ouvrir de nouvelles perspectives d’un point de vue méthodologique.

Les interactions bureaucratiques comme lieux de jugement et du (non) consentement
L’objectif, ici, est de s’intéresser aux perceptions des administrés. A travers la question des perceptions, énoncées  à travers d’entretiens ou de conversations collectées ou explicitées lors d’interactions observables directement, il s’agit, ici de rendre compte des résistances et négociations des usagers, et plus largement des stratégies des acteurs qui déroulent devant et autour du guichet. Le propos est d’envisager leurs articulations avec la fabrique du consentement, et au-delà, de la légitimation (ou pas) de l’ordre politique.

Le choix de présentations axées sur des matériaux (observation ethnographique, archives, etc.) de première main pousse à l'explicitation de certains enjeux méthodologiques et des « tours de mains » des sociologues dans la construction de leurs données. L'administration demeurant en règle générale un lieu relativement peu ouvert à l'observation ethnographique libre – et ce de manière plus prégnante encore au sein des régimes étudiés -, ces coulisses de la construction des données incluent l'accès au terrain et les techniques d'enquêtes dans les administrations envisagées.


The last three decades have shown how fruitful the analysis of bureaucratic encounters can be for the understanding of state domination. Drawing on Michael Lipsky's seminal work (1980), many sociologists embraced the conception of 'street-level bureaucrats' as policy-makers, i.e the concrete embodiments of the state at local level (Dubois 2010; Watkins-Hayes 2009). In this respect, street-level bureaucrats are the individuals through whom citizens practically encounter the state, the government, and public action. Unfortunately, these studies were kept confined to a mostly European and North-American environment. Paradoxically enough, political scientists working in Africa were ignoring public bureaucracies while at the same time writing about ‘the African state’ in its many forms, thus creating the image of a ‘state without civil servants’ (Copans 2001). One had to wait until the second half of the 1990s to see many works on African bureaucracies being published, mainly by the Niamey-based APAD (see Bierschenk and Olivier de Sardan 2014). Up to this point, Arab and African states had most of time been considered as ‘authoritarian’, ‘dictatorial’ or ‘totalitarian’. Although they might be needed for opponents to politically denounce the regimes they depict, these labels both push towards the ignoring of historical trajectories and prevent too many researchers to look for the real state practices at the heart of those regimes (Rowell 2006).
This panel questions the roles and forms of bureaucratic encounters in three cumulative ways:

Working for the state in Africa and in the Arab world
The aim is to analyse the concrete tasks at the heart of civil servants’ job: tricks, know-how and day-to-day manners of coping with the imperatives of their work. These practices are shaped by the hierarchical structures (systems of control, procedures of evaluation) and the protracted conflicts civil servants are caught in. International norms spread throughout public bureaucracies also partake in the determination of civil servants’ ways of handling their tasks (Darbon 2003). Norms, and the manners of coping with it, play a crucial role in the way civil servants conceive their role and their activity.
 
Public services as document producers
By definition, administrations produce papers, documents, files, reports, decrees and letters that can be used as first-hand sources for researchers who seek to analyse past interactions. These documents carry perceptions and judgements made by bureaucrats writing from the inside (Escudié 2003 ; Rowell 2006). Reading archives with a sociologist’s eye allows a ‘historical observation of administrative work’ (Buton 2008) that both opens new methodological perspectives and forces to take historical trajectories into account.

Bureaucratic encounters, perceptions of justice and legitimisation
As situations where citizens forge their own definitions of justice, interactions with street-level bureaucrats are at the heart of the legitimatisation processes of the regimes. Detailed observation of street-level bureaucracies and interviews with queue-makers help to grasp the multiple operations through which populations judge the action of the state and the political order it undermines.

Bibliographie

Bierschenk T. & Olivier de Sardan O. (2014), States at work. Dynamics of African bureaucracies, Leiden, Brill.
Buton F. (2008), « L’observation historique du travail administratif », Genèses, n°72, pp. 2‑3.
Camau M. (2006), « Globalisation démocratique et exception autoritaire arabe », Critique internationale, n°30, pp. 59‑81.
Camau M. et Geisser V. (2003), Le syndrome autoritaire, Paris, Presses de SciencesPo
Copans J. (2001), « Afrique noire: un Etat sans fonctionnaires ? », Autrepart, n°20, pp. 11‑26.
Darbon D. (2003), « Réformer ou reformer les administrations projetées des Afriques ? Entre routine anti-politique et ingénierie politique contextuelle », Revue française d’administration publique, n°105-106, pp. 135‑152.
Dubois V. (2010), La vie au guichet, Paris, Économica.
Escudié F. (2003), « Le fonctionnaire et la machine bureaucratique. Contrôle biographique et construction des carrières dans l’appareil régional du SED », Genèses, n°53, pp. 93‑112.
Hajjat A. (2012), Les frontières de « l’identité nationale ». L’injonction à l’assimilation en France métropolitaine et coloniale, Paris, la Découverte.
Hibou B. (2013), La bureaucratisation néolibérale, Paris, La Découverte.
Lipsky M. (2010 [1980]), Street-level bureaucracy: dilemmas of the individual in public services, 30th anniversary expanded ed, New York, Russell Sage Foundation.
Olivier de Sardan J.-P. et Blundo G. (2007), État et corruption en Afrique. Une anthropologie comparative des relations entre fonctionnaires et usagers (Bénin, Niger, Sénégal), Marseille/Paris, APAD/Karthala.
Padioleau J.-G. (1982), L’Etat au concret, Paris, Presses Universitaires de France.
Razafindrakoto M. et Roubaud F. (2001), « Vingt ans de réforme de la fonction publique à Madagascar », Autrepart, n°20, pp. 43‑60.
Rowell J. (2006), Le totalitarisme au concret. Les politiques du logement en RDA, Paris, Economica.
Siblot Y. (2006), Faire valoir ses droits au quotidien. Les services publics dans les quartiers populaires, Paris, Presses de SciencesPo.
Spire A. (2008), Accueillir ou reconduire: enquête sur les guichets de l’immigration, Paris, Raison d’agir éd.
Watkins-Hayes C. (2009), The new welfare bureaucrats. Entanglements of race, class, and policy reform, Chicago, University of Chicago Press.
Weller J.-M. (1999), L’Etat au guichet, Paris, Desclée de Brouwer.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00 – 12h00
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Servir l’Etat en Afrique et dans le monde arabe
Session présidée par Assia Boutaleb (Université Paris 8, Centre Jacques Berque - USR 3136)

Axe 2 / Les interactions bureaucratiques comme lieux de jugement et de (non) consentement
Session présidée par Mehdi Labzaé (Université Paris 1, CESSP)


Résumés des contributions

Mélissa Haussaire (CERAPS-UMR 8026)

Entre la fonction publique et les projets : les rôles et métiers flous des agents de l’Etat sénégalais
 
Cette communication s’intéresse à l’administration centrale et aux activités d’encadrement et de formulation des politiques, un niveau de l’Etat où les liens avec la sphère internationale sont d’autant plus étroits que les métiers et les formations des agents de l’administration et des salariés des organisations internationales se ressemblent. Dans ce contexte hybride, il est intéressant de se demander comment se positionnent les agents de l’Etat. Il s’agira de comprendre le poids des injonctions internationales sur les pratiques administratives et les représentations des fonctionnaires en se demandant comment servir l’Etat extraverti.
 
Between the State and the projects: the blurred roles and professions of Senegalese civil servants
 
This communication focuses on central administration and policy formulation activities, a level where links between the State and the international arena are very close, in part because civil servants and international organisation employees have similar professions and training. In this context, it’s interesting to examine how state official act. This communication aims at understanding the weight of the international community’s demands on the practices and representations of state agents. Thus, we will ask how to serve extravert state.

 
Camille Al Dabaghy (IRIS- EHESS)

Pour une sociohistoire du gouvernement municipal postcolonial, analyser la lutte contre la corruption et l’inefficacité à travers les écrits ordinaires à Diégo-Suarez (Madagscar)

A Madagascar comme ailleurs, les pouvoirs publics sont brocardés pour leur corruption et leur inefficacité, tant par les usagers que par les observateurs, en particulier les acteurs étrangers de l’aide internationale.  En première ligne des services au public, les communes ne sont pas épargnées.
Certes les fonctionnaires africains ont fait leur entrée tant attendue dans le champ des études de l’État en Afrique. En particulier, les appropriations, arrangements et négociations auxquels donnent lieu la coexistence et la conflictualité des normes bureaucratiques officielles, des normes informelles internes à l'administration et des normes sociales sont mieux décrits, grâce par exemple aux travaux de l’APAD. Mais en général, l’historicité des pratiques et représentations considérées ne fait pas l’objet d’une analyse spécifique : rien n’est dit, ou presque, de la manière dont le passé participe de configurer le présent.
Par une étude de cas à Diégo-Suarez (capitale du Nord malgache), en croisant données d’observation et archives communales, je propose d’explorer ces appropriations et conflits normatifs non pas tels qu’ils s’expriment aujourd’hui dans les interactions entre usagers et administration communale, mais tels qu’ils se jouent dans les coulisses de l’institution communale, au fil de la formation de cette échelle de gouvernement sur les 120 dernières années. Comment qualifie-t-on et s’explique-t-on la déviance à la norme bureaucratique officielle ? Comment tente-t-on, en interne, de prévenir ou limiter cette déviance ? Comment la sanctionne-t-on ? Je répondrai à ces questions en étudiant, au fil du XXe siècle, la mise en place et l’usage d’instruments administratifs et juridiques visant à lutter contre la corruption et l’inefficacité : des formes d’organisation du travail, des dispositifs de contrôle interne ou externe, des documents de type organigramme, plan de travail, rapports d’activité, procédures d’inspection…Je montrerai ainsi comment s’articulent, de manière mouvante, appropriations et usages de la norme bureaucratique, rapports de domination et alliances stratégiques au sein d’organisations qui sont à la fois fortement contraintes par leur extraversion et la configuration développementiste et traversées par des clivages politiques, générationnels, professionnels, religieux et ethniques qu’on ne peut négliger.
Ma communication illustre l’intérêt d’une telle approche diachronique des processus de dépatrimonialisation et de « mise en administration » adossée à l’analyse des écrits ordinaires des agents et élus communaux et des instruments du gouvernement municipal. Elle constitue un contre-point utile à une analyse « au guichet » pour envisager collectivement une approche du fonctionnement concret des pouvoirs publics et des mécanismes de leur légitimation qui soit empiriquement solide, sensible à la singularité et à l’historicité des configurations nationales et locales comme à la dimension processuelle du droit, aux interactions entre individus et institutions et à ce qu’elles produisent effectivement.

Understanding the formation of postcolonial municipal government on the basis of its paperwork, a case study in Diégo-Suarez (Madagascar)

In Madagascar, public administrations users and observers (especially international aid practitioners) stigmatize its corruption and inefficacy. Being on the front line of the services to the public, municipalities are not spared.
It is true that, in the past 15 years, the study of the state in Africa has been including more and more empirically-based enquiries focusing on public servants and inner workings of bureaucracies. In particular, some of these studies describe the processes of appropriation, negotiation and arrangement generated by the conflictual coexistence of legal bureaucratic norms, practical bureaucratic norms and social norms. But most of the time, historicity of practices and understandings is not analyzed for itself: almost nothing is said about the way the past is shaping the present.
On the basis of municipal archives and observation data collected in Diego-Suarez (capital of the North of Madagascar), I propose to explore these appropriations and normative conflicts, not as they appear today in the interactions between service users and the municipal administration, but as they have been happening behind the scene at the Town hall over the last 120 years – the period that covers the formation process of the municipal government. How is designated the deviation from official bureaucratic norms, how is it characterized and explained? How do mayors, councilors and municipal executives attempt to prevent or to limit this deviation? How is it sanctioned? I will answer these questions by examining, throughout the twentieth century, the administrative and judicial tools created and used to fight against corruption and inefficacy: ways of organizing work, internal or external control instruments, documents (like working plans or activity reports), inspection procedures… This way, I will show how appropriations and usages of legal bureaucratic norms, domination relationships and strategic alliances get differently combined through the years inside organizations which are, like the Municipality of Diego-Suarez, severely constrained by their dependence on development aid, and plagued by strong divisions in terms of political affiliation, generation, professional, religious or ethnical identity.
I hope to illustrate the interest of a diachronic approach of bureaucratization processes based on an analyze of, first, paperwork produced by municipal employees and elected officials, and finally, instrumentation of municipal government.

 
Mehdi Labzaé (CESSP-Paris 1)

« On fait selon les leçons de l’Etat… Et on n’en voit pas le résultat ». Pratiques administratives et perceptions paysannes de l’action de l’Etat dans l’Ethiopie rurale
 
Cette communication porte sur l’étude des interactions administratives entre paysans et fonctionnaires ayant lieu dans le cadre de la mise en cadastre des terres rurales éthiopiennes. L’action étatique dans le domaine foncier est particulièrement révélatrice des dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans les sociétés paysannes, et la formalisation des droits fonciers est un outil d’encadrement de la paysannerie par de nombreuses structures étatiques et partisanes.
Dressée sur la base d’une observation ethnographique située et répétée dans le temps, cette communication aborde deux aspects de l’interface bureaucratique que sont les champs. Elle décrit d’abord les interactions concrètes entre agents de l’administration foncière et paysans, qui prennent généralement la forme d’une relation de type « professeur – élève ». Il s’agit, pour les fonctionnaires, d’enseigner des techniques, d’organiser les « leçons » de développement promues par le gouvernement, et de rappeler à l’ordre des paysans généralement considérés comme têtus et peu ouverts au changement.
Dans un second temps, la communication restitue des discours et pratiques révélant certains jugements des paysans sur l’action de l’Etat et le régime en place. L’observation des interactions et la répétition d’entretiens informels montrent que la soumission à l’encadrement peut être à la fois ancrée dans une conscience profonde de l’inégalité des rapports entre l’Etat et la paysannerie et laisser place à des pratiques d’acceptation de façade et d’évitement de la part des paysans.  C’est l’occasion de souligner la pluralité des regards de ces derniers sur l’action étatique, la « paysannerie » étant loin d’être uniforme.

« We work the way the state teaches us… and we see no result! ». Administrative practices and peasant perceptions of state action in rural Ethiopia

This presentation focuses on administrative encounters taking place within the framework of the setting-up of a rural cadastre in Ethiopia. State action in land issues reveals many power relations in rural societies; and the formalisation of land rights is a means to ‘capture’ the peasantry into many state and party structures.
Drawing on a locally-situated and reiterated ethnographic observation, the presentation analyses two aspects of rural bureaucratic encounters. It first describes interactions between land administration agents and the peasants. Most of time, these interactions take the shape of a “teacher-pupils” relationship. Civil servants teach techniques, give government-sponsored ‘developmental’ lessons, and reprimand peasants they generally conceive as stubborn and reluctant to embrace change.
The paper then presents some of the peasants’ discourses and practices, unveiling how they judge state action and the current regime. The observation of interactions and the practice of informal interviews show how acceptance of domination can be bothrooted in a strong conscience of inequality in the state-peasantry relationship, and give place to anobedience-without-consent attitude and escaping strategies from the peasants. This underlines the plurality of peasant judgements on state action – the peasantry being far from monolithic.

 
Pauline Brücker (CERI-CEDEJ)

Administration de l’asile en Egypte : entre jeu(x) diplomatique(s), bureaucratie et pratiques autoritaires

Cette communication s’interroge sur les modalités du contrôle étatique en Egypte dans un pan administratif laissé en apparence sous contrôle international : l’administration des réfugiés. Le but est de comprendre les formes d’expression de contrôle politique dans un espace mêlant normes et exécutants international et étatique, dualité commune en Afrique et dans le Monde Arabe. La communication entend donc saisir le fonctionnement de la domination dans des espaces mixtes, aux normes globalisées importées dans des administrations arabes et africaines. Nous nous interrogeons d’une part sur le rôle et poids des dispositifs publics dans la fabrique du consentement et d’autre part sur ce que les études des rencontres administratives et des mobilisations locales nous disent des perceptions et conceptions du juste et de l’injuste de la part des usagers.
Le jeu diplomatique égyptien favorise tour à tour ses intérêts internationaux et régionaux et souligne les atermoiements conjoncturels de son autoritarisme. D’une part, l’Egypte cherche à être le bon élève du Moyen Orient d’un point de vue diplomatique et juridique et l’ONU, et par conséquent le HCR, bénéficie d’une très large tolérance. L’Egypte, contrairement à son voisin soudanais par exemple, protège ces organisations et cherche à s’attirer leurs bonnes grâces. D’autre part, l’Egypte accueille principalement des populations de pays voisins comme le Soudan, avec lequel Le Caire entretient des relations diplomatiques soutenues. Or, donner l’asile est indirectement s’opposer à la politique du pays d’origine, ce que ne souhaite pas l’Egypte.
Les subtils rôles conjoints de l’Etat et du HCR comme « entrepreneurs de morale » législatif et exécutif nous permettent de décrire le fonctionnement de la domination des populations réfugiées en respect des intérêts diplomatiques égyptiens. Premièrement, quatre modalités de contrôle permettent à l’Etat d’asseoir de fait son autorité sur des populations non citoyennes : (i) le parcours administratif pour l’obtention d’un statut légal – en lien avec le HCR ; (ii) le parcours administratif pour l’obtention de documents de résidence ; (iii) le contrôle des activités politiques : (iv) l’attribution ou la dénégation arbitraires de certains droits. Ces quatre points soulignent la prégnance de la bureaucratie et des pratiques autoritaires dans la gouvernance des administrés. Deuxièmement, l’Egypte place le HCR dans un rôle ambigu qui doit respecter son mandat international tout en respectant les souhaits de l’Etat égyptien. Les conséquences sur les modalités d’action de l’organisation transforment et dégradent sa propre relation aux réfugiés, qui n’y voient plus qu’un avatar d’institution égyptienne.
Cette étude se fonde sur un travail ethnographique de terrain et une insertion auprès des communautés refugiées, des différents « guichets » administratifs ainsi que la section d’attribution du statut de réfugié du HCR au Caire. Travail de sociologie politique, il emprunte méthodologiquement à l’ethnologie. L’immersion et l’observation de ces interactions d’acteurs, la formation en tant qu’officier d’attribution du statut au HCR fonde la majeure partie des données recueillies, faute d’un accès suffisant et direct aux espaces nationaux administratifs.
 
Administration of asylum in Egypt: between diplomatic game(s), bureaucracy and authoritarian practices
 
This communication examines the methods of state control in Egypt in an administrative pan left apparently under international control: the administration of refugees. The goal here is to understand the forms of political control expression in a space where norms and executors are both national and international, a common duality in Africa and the Arab world. It intends to understand the modus operandi of domination in mixed areas, with globalized standards imported in Arab and African governments. We question on the one hand the role and importance of public disposals in the fabrication of consent and on the other hand the meaning of local mobilizations with regards to the users’ – here, refugees - perception and conception of justice.
Egyptian diplomatic game promotes jointly its international and regional interests, that emphasizes the variation in its authoritarianism. On the one hand, Egypt seeks to be the “good student” of the Middle East in a diplomatic and legal point of view and the UN in that perspective, benefits from a wide tolerance. Egypt, unlike its neighbouring Sudan, for example, protects these organizations and seeks to attract their good graces. On the other hand, Egypt hosts mainly people from neighbouring countries like Sudan, with whom Cairo maintains sustained diplomatic relations. Yet, providing asylum indirectly opposes the country of origin’s policy, which does not want Egypt.
The subtle joint roles of the Egyptian government and the UNHCR as legislative and executive "moral entrepreneurs" allows us to describe the operation of the dominance of refugee populations in the respect of Egyptian diplomatic interests. First, four control tools allow the state to establish de facto authority over non-citizen populations: (i) the administrative process for obtaining legal status - in conjunction with the UNHCR; (ii) the administrative process for obtaining residency documents; (iii) the control of political activities: (iv) the award or the arbitrary denial of certain rights. These four points underscore the significance of the bureaucracy and authoritarian practices in the governance of the governed. Second, Egypt places UNHCR in an ambiguous role that must respect its international mandate while respecting the wishes of the Egyptian state. The consequences on the modes of action of the organization transform and degrade its own relationship to refugees, who see it more than ever as an avatar of Egyptian institutions.
This study is based on ethnographic fieldwork and an insert with refugee communities, different administrative "windows" and the UNHR-Cairo unit of Refugee Status Determination (RSD). This is a work of political sociology that borrows methodologically to the ethnology. The immersion and observation of actors interactions, the training as an eligibility officer at the UNHCR RSD Unit found much of the data collected, considering the lack of a sufficient and direct access to national administrative spaces
.
 
Nadia Khrouz (PACTE-CJB)

Négociations et déploiements du raisonnement juridique : l’administration marocaine face à l’étranger en situation administrative irrégulière dans une affaire de reconnaissance de paternité
 
A partir du cas pratique d’un étranger engagé dans des démarches de reconnaissance de sa paternité vis-à-vis d’un enfant considéré légalement comme orphelin, je porterai dans un premier temps mon attention sur le déroulement et les séquences constitutives de cette affaire, au travers des rencontres avec des acteurs de plusieurs administrations marocaines (hôpital, orphelinat, tribunal familial). Les interactions observées avec les acteurs de l’administration, « petits fonctionnaires » ou agents « intermédiaires » sont également impactées par les interventions d’acteurs extérieurs (associatif, diplomates de l’Etat d’origine). En réinterrogeant la notion de personnalité juridique, je me pencherai dans un second temps sur les inférences et catégorisations, en particulier en termes de moralité et de déviance, qui apparaissent dans ces interactions, en intégrant les effets pratiques des négociations et de mon intervention en tant qu’accompagnatrice associative. Dans un troisième temps, je me centrerai sur ce que les interactions administratives observées nous disent du fonctionnement de ces administrations, de la grammaire du droit en action, en réinterrogeant la figure de l’ « usager » qu’est l’étranger en séjour irrégulier sur le territoire. Cette affaire permettra ainsi d’éclairer des dimensions plus larges liées aux relations entretenues entre ces administrations, aux marges de manœuvre des acteurs et aux déploiements du raisonnement juridique en contexte.
 
Negotiations and the Deployment of Legal Reasoning: the Example of the Moroccan Administration Faced with an Irregular Migrant’s Paternity Case

From the concrete case of a foreigner engaged in paternity recognition vis-à-vis a child legally considered an orphan, I would like firstly to turn my attention on the process and constitutive sequences of this case through encounters with actors of different Moroccan administrations (hospital, orphanage, family court). The interactions observed with administrative officers, "petty bureaucrats" or "intermediate" officers are also impacted by interventions of external actors (NGOs, diplomats of the state of origin). Questioning the concept of legal personality, I will discuss secondly, inferences and categorizations, particularly in terms of morality and deviance, which are made in these interactions. It will include the practical effects of the negotiations as well as my intervention as a legal associative assistant. Thirdly, I will focus on what the administrative interactions tell us about the functioning of these administrations and about the grammar of law-in-action. This will lead me to question the figure of the foreigner in an irregular administrative situation as a “user” of administration services. This case sheds light on broader dimensions related to relations between those administrations, actors' room for maneuver and deployments of legal reasoning in context.
 
Assia Boutaleb (Paris 8 – LabTop/CRESPPA – CJB)

« Etre malade, ici, c’est un métier » : patients et administration hospitalière. Etude de cas au CHU de Rabat
 
Administration d’interface par excellence, l’hôpital est un milieu professionnalisé dans lequel différentes catégories de personnes se côtoient et négocient l’obtention et la dispense de soins. Dans le cas marocain, cette administration pèse d’un poids considérable dans le système sanitaire au point de se substituer à la médecine de proximité et de prendre en charge un nombre toujours plus important de patients. Au-delà de la dimension de « l’inhospitalité » de la médecine prodiguée en son sein c’est la question des parcours thérapeutiques, des stations et des étapes de soins qui sera abordée dans cette communication. Ces derniers, tout entiers, marqués et produits par les interactions entre les patients et les personnels administratif et médical constituent dès lors des moments de production de jugements et de perceptions de la qualité ou de l’efficacité des « rencontres publiques » enchâssés dans le quotidien et l’aspect le plus concret de la dispense de soins.
A travers des observations et des entretiens menés dans deux départements hospitaliers, les admissions et le service de prise de rendez-vous du service de consultations du CHU Avicennes de Rabat, nous chercherons dans un premier temps à retracer les cheminements thérapeutiques et à restituer les enjeux des rencontres bureaucratiques sanctionnées par de nombreux tampons, moult documents et encore plus d’autorisations à obtenir. Dans un deuxième temps, nous nous attacherons à restituer les perceptions des deux catégories d’acteurs impliqués dans l’interaction hospitalière préalable à la dispense de soins, à savoir les patients et les personnels administratif et para-médical et ainsi, les évaluations ordinaires de la relation établie et, au-delà, du traitement administratif. Ces dernières nous permettront, dans un dernier temps, de proposer certaines hypothèses quant aux modalités de construction et d’élaboration des raisonnements ordinaires de justice sociale.
 
« Being sick, here, is a full-time job » : patients and hospital administration. Case study from the centre hospitalier universitaire of Rabat

Considered as a typical interface administration par excellence, the hospital is a professional environment where several categories of people exist side by side and are engaged in negociating the obtention and the dispense of health care. In Morocco, this administration plays a key role in the health care system. It acts as a substitute for local medical care and it’s assigned to take over a growing number of patients. Beyond the dimension of the « inhospitality » of the care provided this communication will focus on the therapeutic processses and the various stages of care. Produced by the interactions between the patients, administrative and medical staff, these constitute privileged moments in the production of jugements and perceptions about the quality or the efficiency of those kinds of « public encounters ».
Through observations and interviews conducted in two specific hospital departments, the admissions and the center of diagnostic and consultations of the Centre hospitalier universitaire Avicennes of Rabat, we’ll seek, in a first step, to trace the therapeutic pathways and to emphasize the bureaucratic euncounters’ issues sanctioned by numerous stamps, different documents and a higher amount of authorizations to be obtained. In a second step, we’ll aim to analyze the mutual perceptions of the three actors involved in the hospital interaction prior to the dispense of the health care, namely the patients, administrayive staff and the nurses. These will allow us, finally, to make some propositions about the ways ordinary social justice evaluations’ and reasonings are made.


Participants

Al Dabaghy Camille dabaghy@ehess.fr
Boutaleb Assia aboutaleb@univ-paris8.fr
Brücker Pauline po.brucker@gmail.com
Debain Mathilde mdebain@hotmail.com
Haussaire Mélissa melissa.haussaire@univ-lille2.fr
Khrouz Nadia khrouz.nadia@gmail.com
Labzaé Mehdi mehdi.labzae@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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