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Section Thématique 61

Les approches non-occidentales des relations internationales
Non-Western international relations : theories and practices

Responsables

Delphine ALLES (Université Paris Est Créteil) delphine.alles@u-pec.fr
Youssef EL CHAZLI (Université de Lausanne et Université Paris 1) youssef.elchazli@unil.ch

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

La pratique des relations internationales modernes, selon une convention durablement établie, serait née avec l’émergence de l’Etat-nation en Europe occidentale et la formulation du principe de souveraineté par les traités de Westphalie. Les racines théoriques de la discipline se réfèrent quant à elles aux auteurs européens identifiés comme étant à la source des réflexions sur les relations entre agencements politiques, de Thucydide à Machiavel, Hobbes ou Rousseau. La théorisation des relations entre des collectivités parfois différentes de l’Etat tel qu’il est classiquement défini en science politique n’est pourtant pas l’apanage des théoriciens et philosophes européens. Dès l’antiquité, différentes conceptions de ces relations, ou du rapport des agencements politiques à l’altérité et à l’extérieur, peuvent être relevées dans des textes classiques chinois, indiens, perses ou arabes.
 
L’intérêt pour une approche décentrée de la théorie des relations internationales, popularisée par l’émergence de nouvelles puissances revendiquant des visions du monde fondées sur des principes différents de ceux mis en avant par les traditions dites classiques ou dominantes, se développe depuis plusieurs années. Un nombre croissant de publications explorent ainsi l’idée d’une « théorie non-occidentale des relations internationales » (ACHARYA & BUZAN, 2010). Malgré le développement de ce champ d’investigation (proposé par exemple parmi les thématiques du Congrès 2015 de l’International Studies Association), peu de travaux ont été publiés alors que le corpus de textes et d’expériences à analyser est infini. Les publications existantes tendent en outre à se limiter à une seule aire géographique, sans la dimension comparative qu’entend promouvoir cette section thématique qui a vocation à s’étendre aux traditions philosophiques et politiques asiatiques, moyen-orientales, africaines et latino-américaines. En intégrant à la théorie des relations internationales l’apport d’approches antérieures ou extérieures à l’émergence de l’Etat-nation, elle propose ainsi d’enrichir les perspectives de « la plus occidentale des sciences sociales » (FOX & SANDLER, 2004).
 
Souvent réduits aux travaux des stratèges enseignés dans les écoles militaires (SUN TZU, KAUTILYA), ou à l’inverse aux visions pacifistes du Bouddha et du Mahatma Gandhi, les approches des relations internationales originaires de Chine et du sous-continent indien présentent par exemple une richesse de réflexions qui fait écho à des questionnements récurrents en philosophie des relations internationales, qu’il s’agisse des justifications de la guerre, de la définition de la paix et de la sécurité (SHOGIMEN & SPENCER, 2014) ou encore de celle de la souveraineté (ibid.). Les agencements politiques qui ont dominé l’Asie durant la période précoloniale (empires, systèmes tributaires, cités-Etats en réseau ou groupes nomades) ont quant à eux noué des relations bien différentes des relations internationales classiquement définies comme le contact entre entités souveraines et « distinctes, mais similaires » (définition de la guerre par Quincy Wright).
D’autres aires culturelles ou traditions philosophiques ont fait l’objet de travaux qui s’efforcent de développer cette perspective. L’idée d’une théorie islamique des relations internationales, développée dès les années 1990 (ABUSULAYMAN, 1993), éclaire par exemple la transposition des concepts d’Oumma et de dar al-Islam au sein de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI). Les défis posés à la théorie des relations internationales par l’expérience africaine ont également été étudiés, incitant à re-conceptualiser les notions de souveraineté et de puissance (DUNN & SHAW, 2001).
 
Ces approches soulèvent plusieurs problématiques, au cœur de la section thématique proposée : dans quelle mesure sont-elles susceptibles de fonder le socle de théories alternatives ? Leurs apports peuvent-ils être intégrés pour en relever des enseignements communs, qui constitueraient la base d’une compréhension plus globale et inclusive des relations internationales ? Peuvent-elles éclairer certains aspects de la pratique de ces relations dans les aires politiques et culturelles où l’importation de l’Etat-nation ne s’est généralisée qu’à l’issue de la Seconde guerre mondiale ?
 
Ces questions peuvent être abordées sous les angles suivants, qui n’excluent pas la possibilité d’autres propositions :
-      Les apports spécifiques de différentes traditions philosophiques à des concepts classiques en relations internationales, tels que la guerre juste, la paix, la sécurité ou la souveraineté
-      L’éclairage de ces traditions sur les aspects des relations internationales qui échappent aux approches classiques
-      Leur résilience et leur réinterprétation dans les doctrines diplomatiques contemporaines des Etats du « sud »
 
La première session de trois heures sera consacrée à l’apport de différents auteurs et traditions philosophiques pour une diversification de la théorie des relations internationales. La seconde développera des cas d’étude, historiques ou contemporains, susceptibles de contribuer à cette re-conceptualisation.
 

Modern International Relations (IR) supposedly emerged with the creation of the nation-state in Western Europe and the formulation of the principle of sovereignty by the treaties of Westphalia. The theoretical roots of the discipline usually refer to European authors as the forefathers of reflections on relations between political groupings, from Thucydides to Machiavelli, Hobbes or Rousseau. Nevertheless, theorizing relations between polities – whether similar or different from the classical definition of a State – never was the exclusive prerogative of European theorists and philosophers.
 
Different conceptions of these types of relations can be found in classical Chinese, Indian, Persian, and Arabic texts, as well as in the works of anthropologists. Chinese or Indian approaches of IR for instance echo some of the recurring issues addressed in IR philosophy, such as the justifications of war, or the definitions of peace, security and sovereignty (SHOGIMEN & SPENCER, 2014). The idea of an Islamic theory of IR, developed as soon as the 1990s (ABUSULAYMAN, 1993) sheds light on the concepts of Umma or dar al-Islam and their transposition to political organizations such as the Organization of Islamic Cooperation (OIC). The challenges posed to IR theory by African experiences have also prompted a re-conceptualization of the notions of power and sovereignty (DUNN & SHAW, 2001).
 
The interest for non-Western approaches of IR theory has grown within the past years. This has been partially the consequence of the emergence of new powers, mobilizing worldviews (or Weltanschauung) based on principles different from those pushed forward by the so-called classical or dominant traditions. Numerous publications thus explore the idea of « non western IR theories » (ACHARYA & BUZAN, 2010). However, most of these publications tend to restrain the study to a particular cultural or geographical area. Conversely, this panel aims to promote a comparative approach in order to bridge political and philosophical traditions from Asia, the Middle East, Africa and Latina America. By integrating approaches that preceded or are exterior to the emergence of the nation-state, this panel tries to enrich the « most western » of social sciences (FOX & SANDLER, 2004).
 
The following questions are at the heart of this panel: To what extent could these alternative worldviews be the foundation of renewed IR theories? Can their inputs be integrated in order to form the basis for a more inclusive understanding of IR? May they enlighten certain aspects of the contemporary practice of IR in cultural and political areas where the Nation-state model was only imported after WWII?

 
Bibliographie

ABUSULAYMAN Abdulhamid, Towards an islamic theory of international relations : New Directions for Methodology and Thought, Herndon, USA : International Institute of Islamic Thought, 1993.
ACHARYA Amitav, BUZAN Barry (eds.), Non-Western international relations theory – Perspectives on and beyond Asia, Routledge, 2010.
DUNN, Kevin C., SHAW, Timothy M. (dir.), Africa's challenge to international relations theory, Houndmills, U.K et New York: Palgrave, 2001.
FOX Jonathan, SANDLER Shmuel, Bringing religion into international relations, New York : Palgrave MacMillan, 2004.
IAIN JOHNSTON Alastair, « What (if anything) does East Asia tell us about international relations theory? », Annual Review of Political Science, Juin 2012, Vol. 15, pp. 53-78.
KANG David : « International relations theory and East Asian history: an overview », Journal of East Asian studies, no. 13, 2013, pp. 181-205.
RAMEL Frédéric (dir.), Philosophie des relations internationales, Paris : Presses de Sciences Po, 2011 (2ème éd.).
SHOGIMEN Takashi, SPENCER Vicki A., Visions of peace – Asia and the West, Farnham, UK: Ashgate, 2014.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Regards décentrés sur la théorie des relations internationales

Axe 2 / Les relations internationales dans leur diversité : études de cas comparées


Résumés des contributions

Audrey Alejandro (Sciences Po Bordeaux)

L’intérêt de la non-violence pour la réflexivité : une solution théorique et pratique au problème de la diversité

Depuis les années 1990, un courant « critique » dénonçant l’eurocentrisme et le manque de diversité des Relations Internationales est apparu dans cette discipline. D’une part, la littérature met avant la prépondérance des concepts et de l’histoire européenne comme source de théorisation. D’autre part, la relation qui lie les chercheurs européens aux chercheurs non-européens est accusée de représenter les premiers comme des sujets actifs face à « une périphérie » passive et dominée. Compte tenu de l’implicite de cette situation, la réflexivité – pratique qui consiste à rendre conscientes et explicites nos dispositions jusque-là implicites – est décrite comme une solution méthodologique prometteuse. Cependant, vingt ans après l’émergence de ce mouvement, le bilan est mitigé et les critiques se demandent s’ils ne participent pas eux-mêmes de l’eurocentrisme qu’ils cherchent à dénoncer.
Poursuivant ce programme de recherche, notre travail propose de mettre en œuvre les principes gandhiens de la non-violence pour résoudre les difficultés rencontrées par les chercheurs réflexivistes en RI  face au problème de la diversité. En termes théoriques, la non-violence propose un autre rapport sujet-objet en plaçant la responsabilité de la situation du côté des « victimes » désignées. En termes pratiques, son application illustre le pluralisme et le dialogue que la littérature cherche à favoriser en incorporant à la pratique méthodologique des sources non-européennes.
 
The interest of non-violence for reflexivity: a theoretical and practical answer to the problem of diversity in IR

Since the 1990’s, « critical » studies denouncing eurocentrism and the lack of diversity of International Relations have gained importance in this discipline. On the one hand, the literature puts forward the dominance of European concepts and history as sources of theorization. On the other hand, the relation linking European scholars to their non-European counterparts is accused of representing the former as active subjects and the later as a passive and dominated «periphery». Considering the implicit character of the situation, reflexivity – the practice of making conscious and explicit our implicit dispositions – has been described as a promising solution. However, twenty years after the emergence of the reflexivist movement, results are disappointing and critical scholars wonder whether they may themselves participate to the same eurocentrism they denounce.
Following this research program, this paper aims to implement the gandhian principles of non-violence in order to solve the difficulties encountered by IR reflexivist scholars dealing with the problem of diversity. In theoretical terms, non-violence offers an alternative to the subject-object dichotomy by endowing the designed “victims” with the responsibility of the relationship. In practical terms, this implementation embodies the pluralism and dialogue that the literature aims to promote by integrating to non-European sources’ methodological practices.


Hamit Bozarslan (EHESS)

Ibn Khaldûn, la violence et la guerre

Le penseur et historien magrébin Ibn Khaldûn (m. 1406) a proposé une lecture originale du pouvoir. Il ne fait guère de distinction entre la violence interne et la guerre opposant les Etats entre eux. Mais sa théorie a de nombreuses implications dans le domaine de relations internationales : ainsi, selon lui, un prince affaibli en interne cherchera des protecteurs, mal-islamisés voire chrétiens, dont il deviendra inévitablement le client. Plus important encore, le pouvoir est systématiquement associé dans sa lecture à un groupe ethnique (ou « macro-ethnique »). Les rapports interethniques dont il a une conscience aigue, sont en réalité des rapports de domination.
Par cette approche, Ibn Khaldûn s’éloigne très nettement de l’héritage des légistes musulmans des 7ème- 10ème siècles qui avaient divisé le monde en trois espaces : la « maison de la Paix » dominée par les musulmans où le recours à la violence est strictement banni, la « Maison de la Guerre » et la « Maison de la trêve ». Dès lors, les rapports interétatiques apparaissent non pas comme ceux opposant les musulmans aux chrétiens, mais comme des rapports de pouvoir « internationaux » au sens étymologique du terme. Les dominés, privés de pouvoir ainsi que de tout destin historique sont condamnés à un épuisement certain par dépit ou par les conditions mélancoliques auxquels ils se trouvent condamnés.
 
Ibn Khaldûn, violence and war

North-African historian Ibn Khaldûn (d. 1406) proposed an original take on power. He makes little distinction between domestic violence and inter-state violence. However, his theory has numerous implications in the field of international relations : according to him, a Prince who is weakened domestically is bound to seek protectors, whether poorly Islamized or even Christian, and will inevitably become their client. More importantly, in his understanding, power is systematically associated to an ethnic (or « macro-ethnic ») group. Interethnic relations, of which he has an acute awareness, are in fact domination relations.
With this approach, Ibn Khaldûn clearly departs from the legacy of Muslim jurists from the 7th-10th centuries, who had divided the world into three areas : the « House of Peace », dominated by Muslims, where the resort to violence is strictly prohibited ; the « House of War », and the « House of Truce ». Interstate relations therefore no longer appear as opposing Muslims against Christians, but as « international » power relationships in the etymological sense of the term. Those who are dominated, deprived from power but also from any historical destiny, are condemned to an unavoidable exhaustion due to the disappointment or to the melancholic condition to which they find themselves confined.

 
Isabel Ruck (Sciences Po Paris – CERI) et Timothy Poirson (St. Andrews University, UK)

Les Relations Internationales comme Système Culturel: Comprendre l’émergence d’approches contestataires pour l’étude des Relations Internationales

Notre étude part du constat qu’il n’existe pas de Relations Internationales (RI) occidentales ou non-occidentales. Poser le problème dans ces termes culturalistes, comporte le risque d’un enfermement intellectuel dans des catégories conceptuelles en considérant ces dernières comme des vérités absolues.  Rien ne serait plus fatal pour l’analyse des RI, puisqu’une approche culturaliste s’inscrit dans la continuité des fantasmes des acteurs les plus intégristes des deux côtés du spectre des RI. Devant ce fait, notre étude propose de promouvoir l’utilité des méthodes interprétatives pour rendre compte de l’émergence de nouvelles approches des Relations Internationales. Ainsi, nous croyons pouvoir (a) tracer comment les différents systèmes de signification des Relations Internationales sont socialement construits et exprimés, et  (b) expliquer les dissonances sociales et politiques qui peuvent surgir lorsque ces systèmes ne parviennent pas à fournir des interprétations convaincantes des événements mondiaux, ou lorsque des systèmes de signification opposants entrent en collision et en concurrence. Dans un premier temps, nous étudierons les RI comme système culturel, puis nous analyserons la construction sociale des différents systèmes de signification au sein des RI. Enfin, nous montrerons comment et pourquoi les interprétations de certains groupes au sein de différents systèmes de significations peuvent converger, créant ainsi des contre-courants envers les systèmes de signification dominants.

International Relations as a cultural system: Understanding the emergence of non-compliant approaches to the study of International Relations

Our study starts from the premise that there is no such a thing as Western and Non-Western International Relations. Framing the problem in such culturalist terms, carries the risk of an intellectual retreat into rigidified conceptual categories while considering these as absolute truths. Nothing would be more fatal to the analysis of International Relations, since such a discourse constitutes a mere continuation of the most fundamentalist actors’ fantasies on both sides of the IR spectrum. Therefore, our study proposes to promote the usefulness of interpretive methods to account for the emergence of new approaches to the study of international relations. Thus, we hope to (a) trace how different meaning systems of International Relations are socially constructed and expressed, and (b) explain for the social and political dissonance that can arise when these systems fail to provide convincing interpretations for worldly events, or when competing meaning systems collide and compete. In order to do so, we will first study International Relations as a cultural system, then analyse the social construction of different meaning systems within the cultural system of IR. Finally, we will show how and why the interpretations of certain groups within different meanings systems may converge, thereby creating countercurrents toward the dominant meaning systems.


Yves Schemeil (Sciences Po Grenoble)

Une vision orientale de la coopération ? La réfutation de Hobbes en Asie, du sud-ouest au nord-est

Des théories non occidentales de la coopération internationale existent-elles ? Oui, mais elles ne reposent pas sur la « constante de Hobbes » –  le postulat selon lequel la délégation à la base des Etats ne peut se reproduire à l’échelle mondiale, de même que dans la théorie d’Einstein rien ne peut aller plus vite que la lumière.
Au contraire, les textes arabes, ottomans, indiens, japonais et chinois postulent la continuité entre ordre interne et ordre externe. Ils sont en quête d’un ordre harmonieux et non pas agonistique. Ils n’opposent pas politique et éthique. Selon eux la véritable coopération n’est possible que dans un univers culturel partagé.
Les auteurs « orientaux » se résignent donc tous à une collaboration minimale avec l’Occident,  juste ce qu’il faut pour préserver l’autonomie de leurs sociétés. Au-delà, des nuances apparaissent : les Asiatiques  se voient au centre d’un monde qui converge vers eux (la coopération est alors à ses marges), tandis que les Moyen-Orientaux se croient à l’origine d’un univers en expansion vers sa périphérie (la coopération n’est possible qu’en son centre).
Négligence bénigne ou expansionnisme sont les seuls choix possibles quand l’Autre est à la fois méprisé et craint : la coopération avec lui n’étant pas équilibrée, on lui préfère l’évitement. Les relations entre peuples et entre Etats s’en ressentent : s’agit-il d’alliance  ou d’allégeance ? Dans la première hypothèse, le monde serait fait de désordres, sur un modèle anarchique, interétatique et stratégique. Dans le second cas, le monde serait ordonné, que ce soit sur un mode tribal ou un mode féodal, une distinction déjà présente dans les textes de l’English School, mais justifiée par une cosmogonie.
 
An Eastern Vision of Cooperation: South-western and North-western Asia’s Refutation of Hobbes  

Do non-Western theories of international cooperation exist? They do, although they are not grounded on “Hobbes’ constant” – the assumption that delegating power, which is at the roots of State building, stops at States’ borders just as in Einstein’s theory nothing can go faster than light speed.
According to Arab, Ottoman, Indian, Japanese and Chinese texts, to the opposite, continuity exist between the internal and external orders. The universe is harmonious and not agonistic. They don’t oppose politics and ethics. They just presume that true collaboration is only possible within a shared cultural universe.
‘Oriental’ scholars accept a limited cooperation with the West to preserve the autonomy of their societies. Beyond such consensus, nuances separate Asians and Middle Easterners: the former believe they are in the middle of the world, other regions converging towards its heart (cooperation exists at the periphery); the latter assume that their region is at the origins of the world (cooperation is only possible at the centre).
When the Other is both despised and feared, either benign neglect or expansionism are the only options: since cooperation is unbalanced, avoidance is the rule. This in turn impacts on relations among peoples and between States: is alliance privileged over allegiance or is it the other way around? Were the first hypothesis true, the world would be made of disorder, anarchy, interstate relations and strategy. If the second were validated, then order would prevail, be it tribal or feudal – a distinction already reckoned by the English School, and now justified within a cosmogony.


Mohamed-Ali Adraoui (Institut Universitaire Européen de Florence)

Les islamistes et les relations internationales. Quelle vision du monde ? Quelles pratiques diplomatiques ? Emergence, évolution et amendement d’une théorie culturaliste et antagonique de l’espace mondial

Portés par une lecture culturaliste de la scène internationale, les mouvements de l’islam politique ont dès leur naissance mis les relations internationales au cœur de leur doctrine, en raison notamment de leur désir de réunifier les peuples musulmans sous l’égide d’un pouvoir fort chargé de mettre fin à la domination occidentale sur ces derniers.
Notre présentation traitera de ces différents éléments en mobilisant une grille de lecture constructiviste des relations internationales. En nous intéressant aux mécanismes sociaux de la production d’un discours et d’une pratique de la politique extérieure se voulant révisionniste du système international, nous montrerons également pour quelles raisons la vision islamiste du monde constitue matière de choix pour qui souhaite analyser les constantes et les ruptures idéologiques au sein de ces différents mouvements.

Islamists and International Relations. Which vision of the world ? Which diplomatic practices ? Emergence, evolution and amendment to a culturalist and antagonistic theory of world politics

Loyal to a culturalist view of the international scene, movements referring to Political Islam have since their emergence put International Relations on the top of their agenda, principally because they wanted to reunify Muslim peoples under the aegis of a strong power dedicated to putting an end to Western domination.
Our paper will deal with this vision by using a constructivist approach to International Relations. By focusing on social mechanisms through which Islamists try to conduct a revisionist diplomacy within the international system, we will emphasize the reasons why this field of research (International Relations and Foreign Policy studies) is particularly relevant to study constant points and ruptures within this ideology.


Shaimaa Magued (Université du Caire)


La « profondeur stratégique » dans la politique étrangère turque comme un « paradigme alternatif » à l’ordre mondial établi : la morale dans les Relations Internationales comme cas d’étude

La question de la morale dans la théorisation des Relations Internationales en termes de justification intellectuelle et de pratique a pris une grande importance dans les différentes études portant sur les rapports interétatiques et l’ordre mondial établi après la seconde guerre mondiale. Depuis 2002, la politique étrangère turque présente dans la pratique internationale une vision paradigmatique alternative à l’ordre mondial visant à établir une pratique morale brisant la domination du prisme occidental comme l’unique référence normative et justification légale des relations internationales. Conçue par Davutoglu, l’ex ministre des affaires étrangères turques, la notion de profondeur stratégique investit l’héritage culturel et religieux turc partant d’une conscience identitaire cristallisée dans un espace de civilisation affiliée à une appartenance communautaire musulmane qui se métamorphose en une dynamique de rectification des carences structurelles, fonctionnelles et idéologiques de l’ordre mondial.
Le but de cette communication est de comprendre comment la politique étrangère turque, à partir de son investissement culturel et géostratégique, présente une tentative d’intégration des valeurs morales dans la pratique internationale. Comment la notion de profondeur stratégique partant d’une reconsidération de la narration nationale de l’histoire, d’une dénonciation de l’inconscience culturelle dans la diplomatie turque et d’une vision du monde et perception communautaire empruntées de la civilisation islamique peut-elle produire un paradigme normatif et moral alternatif dans la conceptualisation de la morale dans la discipline des RI?

The "Strategic Depth" in the Turkish Foreign Policy as an "Alternative Paradigm" to the Established World Order: Morality in International Relations as a Case Study

The question of morality in the theorization of International Relations, in terms of intellectual justification and practice, has gained a great importance in the different studies dealing with inter-state relations and the established World Order after the Second World War (Beitz, 1979; Waltzer, 1978 and Colonomos, 2004). Since 2002, the Turkish foreign policy has presented a paradigmatic alternative to the World Order to establish an international moral practice that breaks up with the domination of the Western paradigm as the sole normative reference and dominant legal basis in International Relations. Coined by Davutoglu, the former Turkish Minister of Foreign Affairs, the concept of “strategic depth” invests the Turkish cultural and religious heritage based on an identity affiliated to the Islamic space of civilization and its metamorphosis into a corrective dynamic of the structural, functional and ideological deficiencies of the World Order.
The main purpose of this communication is to understand how the Turkish foreign policy, based on its cultural and geo-strategic investment, attempts to integrate moral values in the international practice. In other words, how would the concept of “strategic depth” starting from the reconsideration of the national narrative of history, the denunciation of the cultural unconsciousness in the Turkish diplomacy as well as the adoption of a worldview and a community perception borrowed from the Islamic civilization, produce a normative paradigm and a moral alternative in the conceptualization of morality in the discipline of International Relations?

 
Frédéric Puppatti (Université de Lille 2, CERAPS)

Les « valeurs asiatiques » au 21ème siècle : une solution pour repenser la gouvernance mondiale dans un ordre multipolaire ?

La théorie des relations internationales n’est pas immuable: elle s’enrichit au gré de la mondialisation des pratiques, ainsi qu’au gré de nouveaux apports qui viennent réaffirmer les caractéristiques d’un ordre mondial davantage globalisé.
Kishore Mahbubani, ancien diplomate singapourien et l’un des porte-parole les plus influents de ce qu’il est devenu courant d’appeler les « valeurs asiatiques », propose de soustraire l’analyse des relations internationales contemporaines au carcan théorique formulé dans la seconde moitié du 20ème siècle. Selon lui, le monde ne formerait plus qu’un ensemble d’entités régionales dans lequel les intérêts nationaux des acteurs étatiques convergent et se complètent afin de répondre aux nouveaux impératifs mondiaux. Cet argument renvoie vers le débat contemporain sur la refonte des institutions internationales, et la manière dont ces dernières devraient s’adapter à l’émergence d’un ordre mondial multipolaire.
Nous assistons aux prémices de ces transformations à l’échelle régionale. Si les « valeurs asiatiques » ont émaillé le discours de certaines élites politiques locales (notamment Mahathir bin Mohamad et Lee Kuan Yew, tous deux anciens Premier ministres et présentés comme les artisans des succès économiques de la Malaisie et de Singapour), elles sont susceptibles, toujours selon Mahbubani, d’être transposées à l’échelle internationale en vue de proposer une alternative dépassant les limites du modèle promu par l’Occident.

‘Asian Values’ for the 21st Century: a Sustainable Impetus for the Overhaul of Global Governance in a Multipolar World Order?

International Relations’ (IR) theory is all but not unchangeable: it keeps enriching at the whim of increased globalization of practices, especially thanks to other concepts that reaffirm the core nature of an even more globalized world order.
Kishore Mahbubani, a former Singaporean diplomat, is recognized as one of the world’s most influential defenders of what is nowadays known as ‘Asian Values’. His analysis of contemporary IR theory happens to get rid of the previously accepted dogmatic version dating back from the second half of the 20th century. According to him, today’s world is made of one single sphere which gathers several regional subdivisions whose respective national interests and priorities tend to aggregate, and tentatively accommodate to each other in order to respond to new emerging global imperatives. This argument refers to the pending debate focused on how to reshape major international institutions, and further underlines the methods those institutions need to follow in order to catch up with multipolarity.
We are witnessing those current changes on the regional scale. Given the fact that such ‘Asian Values’ theory has been expressed in local political figure’s speeches for the past two decades (e.g. Mahathir bin Mohamad and Lee Kuan Yew, both former Prime Ministers respectively in Malaysia and Singapore, and viewed as the main figures behind their country’s economic successes), it is very likely (according to Mahbubani’s analysis) that this theory will acquire a decisive global dimension so as to offer an alternative that would outstrip the traditional model defended by a Western-dominant perspective.


Juliette Schwak (City University of Hong Kong)

L’Asie du Nord-Est avant l’Occident : une société internationale confucéenne ?

L’étude du corpus intellectuel confucéen peut être une fondation pour construire une théorie post-occidentale des relations internationales. Cet article ne prétend pas offrir une analyse approfondie de la philosophie politique confucéenne, mais d’ouvrir un dialogue entre théoriciens des relations internationales et spécialistes de l’aire culturelle nord-asiatique, afin de dé-provincialiser (Chakrabarty, 2009) la discipline des relations internationales.
La première partie de cette communication présente un état de la recherche et des débats sur les approches non ou post-occidentales des relations internationales (Acharya and Buzan 2010 ; Kang 2003, 2013 ; Bilgin 2008; Said 1979 ; Shani 2008).
Dans un second temps, elle montre que jusqu’à la guerre de l’Opium (1842), il est possible d’avancer que la région fonctionnait selon un ordre politique confucéen (comprenant Chine, Japon, Corée, Vietnam, Ryukyu), qui pourrait être analysé comme une société internationale confucéenne, permettant ainsi de décentrer le concept occidentalo-centré de Bull (1977).
Une lecture politique des Entretiens de Confucius esquisse les normes partagées fondant cette société confucéenne (souveraineté, harmonie, hiérarchie et légitimité, attractivité du système politique chinois).
Afin d’éviter une approche essentialiste, je montre également les limites de l’ordre normatif confucéen et le rôle de l’hégémonie chinoise dans la stabilité régionale jusqu’au 19ème siècle.
Le cas d’étude soutenant cette démonstration est la relation de vassalité établie entre le royaume néo- confucéen de Choson, dans la péninsule coréenne, et la dynastie Manchue des Qing en Chine, de 1644 (établissement de la dynastie Qing) a 1876 (traité de Kanghwa).
 
Northeast Asia before the West : a Confucian international society ?

Studying the Confucian intellectual corpus has the potential to be an intellectual foundation on which to build a post-Western International Relations Theory (Acharya, 2000). This paper does not pretend to offer a deep analysis of Confucian political philosophy, but rather to open a dialogue between International Relations scholars and Area Studies scholars specialized in Northeast Asia, in order to attempt to “de-provincialize” international relations (Chakrabarty, 2009).
This communication first presents a state of the research and the debates on non or post-Western international relations theory (Acharya and Buzan 2010; Kang 2003, 2013; Bilgin 2008; Said 1979 ; Shani 2008).
I then show that before the Opium War, we can argue that Northeast Asia (comprising the polities of modern China, Japan, Korean peninsula, Vietnam and the Ryukyu islands) functioned according to a Confucian political order, relying on Confucian norms, which could be analyzed as a Confucian international society, an argument that can potentially decenter Bull’s Western-centered concept (Bull 1977).
A political reading of the Lunyu, together with analyses produced within the field of Chinese Studies, tries to define the shared norms binding this Confucian society (sovereignty, harmony, hierarchy and legitimacy, attractiveness of Chinese cultural and political system).
This should not, nevertheless, conceal the limits of this Confucian normative order and the centrality of Chinese hegemony behind this Sino-centric society.
The case study illustrating my arguments is the relationship of vassalage between the neo-Confucian kingdom of Choson Korea, and the Chinese Ming and Qing dynasties, from 1392 (foundation of Choson dynasty) to 1876 (Kanghwa Treaty).  


Participants

Adraoui Mohamed-Ali mohamed-ali.adraoui@eui.eu
Alejandro Audrey Audrey.alejandro@scpobx.fr
Alles Delphine delphine.alles@u-pec.fr
Bozarslan Hamit Hamit.Bozarslan@ehess.fr
El-Chazli Youssef youssef.elchazli@unil.ch
Magued Shaimaa shaimaamagued@yahoo.com
Poirson Timothy tmp@st-andrews.ac.uk
Puppatti Frédéric frederic.puppatti@gmail.com
Ramel Frédéric frederic.ramel@sciencespo.fr
Ruck Isabel isabel.ruck@sciencespo.fr
Schemeil Yves yves.schemeil@sciencespo-grenoble.fr
Schwak Juliette jsschwak2-c@my.cityu.edu.hk

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

© Copyright 2014 Association Française de Science Politique (AFSP)
27 rue Saint-Guillaume 75337 Paris Cedex 07 France
Téléphone : 01 45 49 77 51
Courriel : afsp@sciencespo.fr