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Section Thématique 62

Les Nudges : Enjeux, applications et limites du paternalisme libertarien
Nudges and Libertarian Paternalism: Issues, Applications and Limits

Responsables

Sébastien CARE (ESPOL / Université Catholique de Lille) sebastien.care@univ‐catholille.fr
Pierre‐Yves NERON (Université Catholique de Lille) pierre‐yves.neron@icl‐lille.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Récemment conceptualisés par Richard H. Thaler et Cass. R. Sunstein, les nudges (littéralement « coup de pouce ») se définissent comme des techniques de gouvernement qui consistent à orienter, sans la contraindre de manière coercitive, la conduite des individus dans le sens de leur intérêt et de celui de la collectivité. Inspirés des travaux contemporains en économie comportementale qui ont pointé les limites de la rationalité humaine et rappelé que les êtres humains ne sont pas les homo oeconomicus décrits dans les manuels d’économie, le nudge consiste à corriger les faiblesses et la paresse des individus en les incitant à prendre par défaut les meilleures décisions. Ces instruments prétendent ainsi constituer une « méthode douce » visant à modeler, à travers des architectures de choix pertinentes, les comportements des individus dans des domaines divers allant de l’assurance maladie à la lutte contre le réchauffement climatique, en passant par la gestion de l’épargne individuelle, l’obésité, le don d’organe ou le choix d’une retraite complémentaire. A travers la promotion de ces outils simples et peu coûteux, Richard Thaler et Cass Sunstein prétendent livrer en contrebande une véritable doctrine politique désignée sous le syntagme de « paternalisme libertarien » qui réaliserait la prouesse de réconcilier, dans une synthèse théorique inédite, deux courants de pensées a priori contradictoires : d’un côté, le paternalisme résidant dans la supposition que le décideur politique sait mieux que son sujet ce qui est bon pour lui ; de l’autre côté, le libertarianisme sauvé par la possibilité laissée à ce sujet de suivre une autre voie que celle encouragée.
Cette section thématique se propose de croiser, en direction de cet objet, plusieurs regards méthodologiques et d’examiner ensemble ses enjeux éthiques et ses applications concrètes. Soucieux de faire collaborer divers champs disciplinaires sur un terrain pour le moment essentiellement investi par les économistes, et étrangement déserté par les philosophes et les politistes, nous aimerions explorer, en les articulant, les deux axes suivants.

Le premier axe, plus théorique, visera à clarifier le sens et les implications éthiques de ces nouvelles formes de normativité.
-      Il s’agira tout d’abord d’identifier et de cartographier les principaux concepts à l’œuvre dans un tel développement. Dans la littérature récente, une certaine ambiguïté règne dans l’utilisation du concept de « nudge », mais aussi dans ceux, qui lui sont associés, de « paternalisme libertarien », d’« architectures de choix », d’« incitants » ou encore de « défaillances comportementales des marchés » (behavioral market failures). Un travail conceptuel plus sophistiqué est requis.
-      Ensuite, il conviendra de penser la portée et les limites d’un tel modèle reposant très largement sur le développement et l’impact de l’économie comportementale. On pourra par exemple s’interroger sur la stabilité du compromis que ces instruments prétendent réaliser entre paternalisme et libertarianisme. Du point de vue libertarien tout d’abord, les nudges ne vont-ils pas trop loin dans le paternalisme, en confiant à une petite élite d’architectes du choix le pouvoir de contrôler insidieusement, et dans ses moindres recoins, la vie des individus ? En encourageant inéluctablement une convergence des comportements individuels, ne brisent-ils alors pas le principal ressort du libertarianisme, à savoir le pluralisme et la diversité permettant à chacun d’expérimenter des plans de vie pouvant se révéler profitables à la collectivité ? Par ailleurs, la rationalité des architectes du choix n’est-elle pas tout aussi limitée que celle des individus dont ils entendent diriger la conduite ? Si l’on soumet tous les acteurs au régime cognitif drastique que les paternalistes libertariens semblent réserver aux seuls sujets, ne doit-on pas considérer que l’individu reste toujours le mieux placé, et le mieux informé, pour déterminer les choix qui l’avantageront le mieux. Bref, les nudges ne sont-ils pas plus paternalistes que libertariens ? En prenant ensuite le point de vue inverse, on pourra aussi se demander si les nudges n’en font pas trop peu, et ne sont pas trop libertariens. Pourquoi ces économistes, partis d’un si bon pas paternaliste, s’interrompent-ils au seuil d’une protection plus contraignante d’individus si vulnérables ? A partir du moment où l’on sait, avec certitude, qu’une conduite désavantagera ceux qui s’y risquent, pourquoi au fond ne pas l’interdire ?

Le second axe explorera, en aval, les applications concrètes des nudges et architectures de choix dans des domaines particuliers de politiques publiques (notamment la santé, l’environnement, l’éducation et l’économie). Croisant les apports de l’éthique et de la sociologie de l’action publique, cet axe pourra s’orienter dans deux directions distinctes mais néanmoins coordonnées.
-      Il s’agira premièrement, dans le cadre d’une sociologie cognitive des politiques publiques (Hall, 1993 ; Jobert et Muller, 1987 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993)  qui appréhende les idées comme variable explicative de l’action publique, d’examiner la circulation des théories comportementalistes au fondement de ces dispositifs et d’apprécier leur influence dans l’adoption de politiques empiriquement observables. Dans cette perspective, l’influence sur la première administration Obama de Cass Sunstein, nommé en 2008 chef de l’autorité des régulations de la Maison Blanche, et celle de Richard Thaler sur la Nudge Unit mise en place en 2010 par David Cameron constituent de véritables cas d’école qui rappellent aussi la capacité de l’instrument à transcender les clivages partisans.
-      Une deuxième perspective appréhendera ces dispositifs à travers une sociologie des instruments de l’action publique. Sillonnée par les travaux de Max Weber sur les modes d’action de l’Etat moderne et de Michel Foucault sur les technologies du pouvoir, cette approche, aujourd’hui développée par Christopher Hood, Lester M. Salamon, Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, permettra de soumettre les nudges à trois types de questionnement. Il s’agira tout d’abord d’interroger la nature de ces instruments qui semblent s’inscrire dans la catégorie des politiques procédurales ou incitatives repérées par la célèbre typologie de Theodore Lowi. On pourra ensuite se demander si le recours croissant à ces instruments non coercitifs ne révèle pas une transformation récente de l’Etat vers un Etat souvent qualifié de régulateur. Peut-on alors parler, comme Rhys Jones l’a récemment proposé pour qualifier cette évolution d’un « essor de l’Etat psychologue » (Jones et al., 2013) ? Il conviendra enfin plus généralement de rappeler que ces instruments « ne sont pas axiologiquement neutres, et indifféremment disponibles » (Lascoumes et Le Galès, 2005), qu’ils contiennent une dimension politique que l’on pourra envisager à travers les justifications qui accompagnent leur emploi et les rapports au monde qu’ils sont susceptibles de façonner.
 

Recently articulated and putted forward by Richard H. Thaler and Cass. R. Sunstein,  nudges could be understood as “soft” techniques for influencing the decisions of individuals by incentivizing them to take “better” decisions. In reality, these measures seek out to modify the “architecture of individual choices” by strongly inciting people to take the choice that is “best” for them, without nevertheless forcing them to do so (Sunstein and Thaler, 2008). According to the proponents of it, such an approach leads to a satisfactory compromise between improving individual decision making and preserving individual freedom.
 These recent contributions draw largely on contemporary behavioral economics, which have casted light on the limits of the « rationality » of individual choices and our classical models of rationality more generally.
The goal of this workshop is to explore the following two research axes:
1)    This first axis aims is dedicated to the study of the theoretical foundations of the “nudges” agenda. Contributors will partly focus the elaboration of a genealogy of the « nudge » concept, mainly through the analysis of the contributions of various authors such as Mill and his infamous “harm principle” and Bentham and his notion of “indirect legislation”. The goal is partly to identify what is new in the current literature on nudges (and what is not so new).
The goal is also to identify and map the main concepts at work in the recent developments. The current use of concepts such as « libertarian paternalism », « architecture of choice », and « incentives » in the scientific literature is quite muddled and surely not without controversies. Even the very notion of “nudge” remains problematic according to some. Further, we aim to understand the scope and limits of such a model, which draws very largely (and maybe too enthusiastically) on the development and impact of behavioral economics.  
2)    In this third axis, we will explore the concrete implementation of nudges and choice architectures in specific public policy fields (health, environment, education, economy). These techniques of government which consists in orienting individual behavior without coercively doing so, are presumed to be applicable in many fields, from health insurance to the struggle against global warming, including personal finance management, obesity, organ donation or retirement. Contributors will cross-examine the contributions of the sociology of public action, the cognitive sociology of public policy; ethics and contemporary political philosophy.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00 – 12h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Implications théoriques

Axe 2 / Applications pratiques


Résumés des contributions

Alexandre Tanase (Centre de philosophie contemporaine / Université Paris 1)

Le paternalisme libertarien déresponsabilise-t-il les individus ?

Dans Why Nudge?: The Politics of Libertarian Paternalism, Cass Sunstein décrit le paternalisme libertarien à partir du concept de « défaillances de marché comportementales  » (behavioral market failures) : en plus des défaillances habituellement reconnues par la théorie économique, certains marchés seraient inefficients en raison des biais identifiés par l’économie comportementale, et seraient donc légitimement sujets à des interventions paternalistes de la part du régulateur. Nous essayerons, à partir de cette notion et de différents exemples d’intervention inspirées par le paternalisme libertarien, en particulier dans le domaine de l’épargne et du surendettement, de montrer que, malgré le reproche qui lui est souvent fait d’empiéter sur ce qui relève de l’autonomie et de la responsabilité individuelle, le paternalisme libertarien s’insère aussi dans un processus de responsabilisation des individus, dans la mesure où il accompagne souvent la substitution de dispositifs individualisés à des arrangements collectifs contraignants. Ce point permettra de souligner l’une des limites du paternalisme libertarien, à savoir la réduction des problèmes auxquels il tente de remédier à des défaillances dans la prise de décision individuelle, le contexte social n’étant éventuellement pris en compte que dans la mesure où il est susceptible d’accentuer l’effet des biais comportementaux.
 
Is Libertarian Paternalism Diminishing Individual Responsibility?

In Why Nudge?: The Politics of Libertarian Paternalism, Cass Sunstein grounds libertarian paternalism on the idea of “behavioral market failures”: beside the usual market failures described by economic theory, there seem to be failures resulting from the biases identified by behavioral economics, and the existence of such failures is said to justify regulatory paternalistic interventions. Based on this notion and various examples of interventions inspired by libertarian paternalism, especially within the field of savings and over-indebtedness, we will try to show how, despite the frequently expressed criticism that it infringes upon autonomy and individual responsibility, libertarian paternalism makes sense in a context where people are given more responsibility, insofar as it often accompanies the substitution of individual choice for collective arrangements. This point will enable us to underline one of the limits of libertarian paternalism, namely that it reduces the problems it tries to solve to failures in the process of individual decision, considering the social environment only inasmuch as it might increase the effect of behavioral biases.

 
John Pitseys (Université Catholique de Louvain)

De l’art d’apprendre à bien délibérer : la Nouvelle Gouvernance publique européenne et la traduction politique de l’idéal délibératif

Les nudges concernent l'application de choix politiques déjà déterminés mais aussi le processus de détermination de ces choix politiques. Le débat sur les nudges interroge ainsi notre conception de la justification politique. Notre contribution se propose à ces fins de revenir sur un objet d’études déjà abordé en sciences politiques mais délaissé par la philosophie politique : le discours de la « Nouvelle Gouvernance européenne », et plus précisément la méthode ouverte de coordination (MOC). Ma présentation montrera en quoi la MOC illustre et prolonge l’idée des nudges : devant définir et mettre en ?uvre des objectifs de politique économique et sociale en organisant de manière narrative (association des acteurs, mise en récit, construction collective de l’expertise, benchmarking) la co-opétition des acteurs, la MOC doit orienter la volonté de l’acteur vers une attitude jugée  réflexive/adéquate, dont le constat collectif alimente en retour le sentiment de confiance de l’acteur dans le processus. Elle exposera ensuite  en quoi le cas de la MOC – et des nudges – éclaire les limites des traductions politiques des modèles dits « épistémiques » ou « réflexives » de démocratie délibérative. Qu’elle se présente comme une technique de résolution rationnelle des conflits ou comme un mode alternatif de participation, le passage de la norme imposée au « faire faire/délibérer » suscite soit des problèmes de légitimité, soit des doutes sur sa capacité à produire des normes effectives.  

Learning to deliberate properly : the New European Public Governance and the deliberative ideal

Nudging not only concerns the implementation of already determined political choices but also their  formation process. The debates on nudges consequently touches upon the theme of the political justification of the decision making process. To this end, this presentation will intend to focus on a research topic which was largely broached in political science, but quite neglected by political philosophy : the discourse on the « New European Public Governance », and more especially the Open Method of Coordination (OMC). My presentation will show to what extent the OMC both illustrates and extends the idea of « nudge ». OMC are designed to define and implement various social and economic policy objectives through a ‘narrative’ type organization (stakeholders consultation, institutional storytellling, collective building of expertise, benchmarking) and through parties' co-opetition. OMCs are to direct/channel  actors’ wills towards a supposedly reflexive/appropriate attitude. The ‘collective acknowledgement’ of the narrative process is supposed to engender/ ensure, in turn, the actors' trust for the decision-making process. This piece will then expound the reasons why the OMCs – and more generally ‘nudging’ –  questions the limits of the « epistemic » or « reflexive » models of deliberative democracy. Whether OMCs be framed as a rational conflict resolution device or as an alternative mode of public participation, the shift from the command-and control model to a « make do/deliberate » model that OMCs stand for, raises either legitimacy issues, or arouses doubts on its capacity to yield effective norms.

 
Camille Boubal (CSO / Sciences Po Paris)

La (re)découverte du nudge et du marketing social en santé publique : le cas de la nutrition

Alors que le cadrage et la mise sur agenda des problèmes d’obésité insistent en France sur le rôle des facteurs socio-structurels, les instruments déployés pour lutter contre ce problème visent principalement à responsabiliser des individus conçus comme autonomes (Bergeron, et al. 2011). L’information et l’éducation de santé demeurent des instruments de politique publique privilégiés. Plus récemment, le nudge et le marketing social ont émergé en santé publique. Pour ses promoteurs, leur usage permettrait d’améliorer l’efficacité des actions de prévention, et notamment le changement de comportement. La réalisation d’entretiens avec les acteurs de prévention et chercheurs, complétée par des observations à l’Institut National de Prévention et d’Education à la Santé (INPES) et au sein d’un groupe de réflexion « nudge » d’un think tank, nous permet d’analyser les usages de ces disciplines. Bien qu’ils ne soient pas institutionnalisés, le marketing social et le nudge connaissent une lente diffusion dans les organisations de santé publique. Ces savoirs pratiques contribuent à apporter la preuve de l’efficacité des interventions tout en valorisant un déjà-là des actions de prévention. Ils participent également de la mise en problème de l’évaluation en prévention. Enfin, la mise sur l’agenda du « changement de comportement » représente une fenêtre d’opportunité utilisée par les praticiens et chercheurs en marketing et psychologie sociale pour valoriser leur expertise.
 
(Re)-discovering nudge and social marketing in public health: the case of nutrition

In France, the framing of obesity problems insists on socio-structural causes. However, public policy instruments target individuals, viewed as autonomous actors (Bergeron, et al. 2011). Information and health education remain the main instruments. We’ve assisted to the emergence of specific behavior sciences in public health, especially nudge and social marketing. Defenders of these disciplines explain that their use would help prevention intervention become more effective, especially to change behavior. I would like to highlight different uses of these behavioral sciences. This paper is based on three materials: an ethnographic observation in the National Institute for Public Health and Health Education (INPES), an observation in a ‘nudge group’ of a think tank and semi-structured interviews with prevention officials and academics. Even if they haven’t been institutionalized yet, social marketing and nudge have progressively diffused in public health organizations. These ‘practical’ disciplines prove effectiveness of public health interventions and help public health officials to display what they already do. They also contribute to the problematization of evaluation in prevention. Finally, agenda building of ‘behavioral change’ contributes to a ‘policy window’ for practitioners and researchers in marketing and social psychology to show their expertise.

 
Elisa Chelle (UMR PACTE / Sciences Po Grenoble)

Le nudge permet-il de gouverner les pauvres ? Le cas du transfert monétaire conditionnel Opportunity NYC

Cette communication se propose de présenter la portée et les limites d’une application du nudge dans une politique de lutte contre la pauvreté. Le programme Opportunity NYC, initié dans la ville de New York en 2007 par le maire Michael Bloomberg, reprend les principes de l’économie comportementale dans le but d’amener les pauvres « à faire ce qui est bien » (doing the right thing). En associant des récompenses financières (rewards) à l’accomplissement de comportements prédéfinis (assiduité scolaire des enfants, visite de contrôle chez le médecin, accroissement du nombre d’heures travaillées…), ce programme entend créer les conditions pour que ces « bons choix » soient reconnus comme tels puis intériorisés par les individus « ciblés ». Car il oriente l’autonomie sans contraindre, le nudge est voulu une solution non-partisane au « problème » de la « dépendance » aux aides sociales, selon une formule de « paternalisme libertarien ». Il n’est alors plus question de bénéficiaires ou de clients de l’aide sociale, mais de « participants ». Le répertoire participatif réactive un débat au cœur des fondements de la mécanique démocratique : comment réconcilier autorité et liberté ? Le nudge, forme de conditionnalité comportementale s’inscrivant dans le schéma général de l’opportunité à l’américaine, constitue une formule de commandement « doux » plus en phase avec les valeurs de la démocratie. En rendant des choix plus désirables que d’autres, c’est une conception toute particulière de la poursuite du bien commun qui est ainsi mise en œuvre.
 
Governing the Poor by Nudges? The Case of the Conditional Cash Tranfer Opportunity NYC

This contribution analyzes the scope and limits of integrating the nudge into an anti-poverty strategy. The Opportunity NYC program, launched in New York City in 2007 by Mayor Bloomberg, is based on behavioral economics principles. Its goal is to govern the poor for them to “do the right thing”. By associating monetary rewards to specific behaviors (school attendance, nonemergency checkups, working more hours…), this program is thought to create the conditions for people to identify and integrate “good choices”, and thus to get out of poverty. For it provides a choice architecture and not a constraint, the nudge was designed as a nonpartisan solution to the “problem” of welfare dependency, according to a “libertarian paternalism” philosophy. Whoever joins the program is named a “participant”, not recipient or client. This participative turn reactivates a fundamental democratic debate: how to reconcile authority and liberty? The nudge, a variant of behavioral conditionality, echoes the “opportunity” theme recurring in American social policy. Its softer tone would be more in phase with democratic values. Some choices are made more desirable than others, and so are some conceptions of the good life.

 
Benoit Granier (UMR IAO, Université de Lyon)

Appropriations, implications politiques et limites des nudges : Les enseignements des Smart Communities japonaises

Suite à la parution des travaux de Thaler et Sunstein sur le « paternalisme libertarien » en 2003 et les « nudges » en 2008, de vifs débats ont émergé au sujet des politiques de changement des comportements en Europe et en Amérique du Nord. La contribution propose d’analyser le transfert de ces notions et surtout leurs applications dans un contexte non-occidental, celui du Japon. En effet, au-delà de la célèbre politique cool biz mise en œuvre dès l’été 2005, le programme des Smart Communities initié par le gouvernement japonais en 2010 comprend de nombreuses mesures correspondant aux principes voire à des dispositifs explicitement préconisés par les deux universitaires américains. Il s’agit en effet de modifier les comportements afin de réduire et déplacer hors des périodes de pic la consommation d’énergie des ménages, en partant du constat que les individus n’étant pas rationnels, il convient d’agir sur leur environnement immédiat et sur les normes sociales. La communication présente dans un premier temps comment le Green New Deal lancé par Obama et la nomination d’une équipe de chercheurs en économie comportementale ont contribué à la mise en application des nudges dans la politique énergétique du Japon. Il conviendra dans un second temps d’analyser dans quelle mesure ces derniers atteignent-ils leurs objectifs en matière de changement des comportements, et de mettre en évidence les choix politiques implicites que la stratégie dans laquelle ils s’insèrent matérialise.
 
Nudges’ appropriations, political implications and limits: Learn lessons from Japanese ‘Smart Communities’

The publication of Thaler and Sunstein’s works on “libertarian paternalism” in 2003 and “nudges” in 2008 provoked lively discussions about behaviour change policies in Europe and the US. My presentation aims at analysing the transfer and the applications of these notions in a non-Western context, namely that of Japan. Indeed, beyond the famous “cool biz” policy put in place as early as in 2005, the “Smart Communities” programme launched by the Japanese government in 2010 encompasses a number of measures which resonate with Thaler and Sunstein’s theories, with some being even similar to their specific recommendations. Smart Communities effectively ambition to change behaviours in order to reduce and shift energy consumption from peak to off-peak period in the household sector, recognising that since human beings do not act rationally, it is required to act upon social norms and their immediate environment. I first examine how the Green New Deal initiated by the Obama administration, as well as the appointment of a team of Japanese behavioural economists, contributed to the implementation of “nudges” in Japan’s energy policy. I then analyse the extent to which nudge-based measures achieve the expected results in terms of changing behaviour, and highlight the implicit strategy and political choices they are imbued with.


Participants

Boubal Camille  camille.boubal@sciencespo.fr
Caré Sébastien sebastien.care@univ‐catholille.fr
Chelle Elisa elisa.chelle@sciencespo-grenoble.fr
Granier Benoit benoit.granier@universite-lyon.fr
Néron Pierre-Yves pierre‐yves.neron@icl‐lille.fr
Pitseys John John.Pitseys@uclouvain.be
Tanase Alexandre atanase@phare.normalesup.org

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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