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Section Thématique du groupe de projet GRAM

Les crises dans les négociations internationales
Crisis in international negotiations

Responsables

Auriane GUILBAUD (Université Paris 8 / Cresppa-LabTop) auriane.guilbaud@gmail.com
Franck PETITEVILLE (IEP Grenoble / PACTE) franck.petiteville@sciencespo-grenoble.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Les négociations multilatérales qui ont cours dans le monde sur d’innombrables enjeux d’interdépendance sont à la fois une pratique sociale inhérente au multilatéralisme (Petiteville, Placidi-Frot, 2013) et un « baromètre » de la fonctionnalité de celui-ci (Devin, 2007). On considère en effet couramment que le multilatéralisme « fonctionne », que les organisations internationales « travaillent » et que la « gouvernance globale » progresse quand les négociations internationales suivent leur cours et aboutissent à des « résultats » tangibles : production de droit (accords, traités, etc.), régulation, résolution de conflits, etc.
 
Lorsqu’au contraire les négociations internationales se grippent, et que l’action collective internationale paraît empêchée, le multilatéralisme est alors décrié pour son « obsolescence »  en tant que forme de coopération intergouvernementale traditionnelle (Hale, Held, Young, 2013) ; l’efficacité et l’utilité des organisations internationales sont mises en cause ; et la gouvernance globale est ravalée au rang de mythe. En un mot, on passe insensiblement d’un diagnostic de crise des négociations internationales à celui de crise du multilatéralisme.
 
La période actuelle est caractérisée par une telle situation. Plusieurs grandes négociations internationales emblématiques du multilatéralisme sont couramment décrites comme étant en situation de « crise » ou de « blocage ». Les négociations commerciales du cycle de Doha, initiées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, se sont enlisées depuis dix ans, suscitant des commentaires réguliers sur le déclin de l’OMC. En matière environnementale, les négociations entre les Etats parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, visant à donner une suite au Protocole de Kyoto, se prolongent également dans une « négociation climatique sans fin » (Gemenne, 2013) et désormais jugée illusoire (Dahan, 2014). Dans le champ de la sécurité internationale, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est révélé durablement paralysé par les vetos russo-chinois à l’encontre de toute décision occidentale forte sur la gestion du conflit en Syrie, pourtant le conflit plus meurtrier de la période contemporaine. Là encore, les critiques ne manquent pas pour fustiger la perte de « crédibilité » du Conseil de sécurité et des mécanismes de sécurité collective incarnés par l’ONU.
 
Comment interpréter la paralysie simultanée de toutes ces scènes de négociations internationales ? Faut-il en déduire que le multilatéralisme, tel qu’il s’articule dans une forme de coopération principalement intergouvernementale, est devenu dysfonctionnel dans un monde qui compte près de 200 Etats et où les équilibres de puissance sont devenus très changeants ? Ou faut-il plutôt interroger la notion de crise elle-même (Dobry, 2009) dès lors qu’elle est appliquée à des processus de négociation multilatérale complexe en situation de « blocage » (Narlikar, 2010) ?
 
On l’aura compris, cette section thématique vise à renouveler l’étude des négociations internationales en s’intéressant à un état spécifique des processus de négociation, qualifié de « crise ». Ces crises peuvent prendre différentes formes (le « blocage », un état d’inaction ou  de neutralisation entre acteurs), mais la crise renvoie toujours à la perturbation d’un état perçu comme stable. Elle introduit de l’instabilité dans la stabilité, et notamment ici dans l’organisation de la négociation (sa structure, ses objectifs, son déroulement, les acteurs qui y participent…).
 
Les causes des crises et des blocages des négociations internationales sont à mieux comprendre (inégalités de ressources, changements dans la structure des intérêts…), mais l’objectif de la ST est d’aller au-delà. Etudier les crises des négociations internationales, ce n’est pas seulement analyser leur origine, il ne s’agit pas de découper les négociations selon un processus séquentiel au sein duquel interviendrait à un moment donné une « crise », bloquant ou remettant en cause le processus de négociation tel qu’il avait été compris par les acteurs. Il y a en effet une continuité dans le processus de négociation, et si les crises constituent des moments particuliers, on retrouve à l’œuvre certains mécanismes (formation de coalitions, marchandages…) caractéristiques des phases routinières de la négociation. Analyser les crises des négociations internationales permet donc de mieux comprendre le processus de négociation dans son ensemble.
 
De plus, à bien des égards, les crises des négociations internationales semblent quasiment faire partie du processus « normal » de négociations, et ce serait finalement tout l’enjeu que de les surmonter. D’où l’importance de s’intéresser aux usages de la notion de crise, à son instrumentalisation par les acteurs, afin de s’interroger sur son statut au sein du processus de négociation.
 
Afin d’enrichir l’analyse des négociations internationales, quatre objectifs guideront les travaux de la ST :
 
1.    Effectuer un travail de définition de la notion de « crise » dans les négociations internationales (et parvenir à une typologie par exemple) qui va de paire avec un travail de déconstruction de la notion (la crise doit-elle être considérée comme une exception ou « consubstantielle » à la négociation internationale dont la configuration est changeante ?) ;
2.    S’intéresser aux usages de la notion de « crise » dans les négociations internationales ;
3.    Analyser les effets des crises sur les négociations (déstructuration, mise en place de stratégies spécifiques, influence sur la nature des accords conclus…) et la manière dont celles-ci peuvent être surmontées ;
4.    S’interroger sur la signification des crises des négociations internationales, qui peuvent apparaître comme le signe d’une mutation structurelle du multilatéralisme historique de Bretton Woods vers un multilatéralisme multipolaire.
 
La section thématique traitera aussi bien de scénarios de crise dans le champ de la sécurité internationale que dans celui de la régulation de la globalisation.
 

Multilateral negotiations are both a social practice intrinsic to multilateralism and a barometer of its functionality. But when these negotiations gridlock, multilateralism is criticized as an outdated and inefficient way to ensure global cooperation. This has recently been the case, as some crucial multilateral negotiations are said to be “in crisis” or “in a deadlock”. The Doha commercial negotiations have been in a stalemate for more than a decade, prompting comments on WTO’s decline. Ongoing climate change negotiations to follow the Kyoto Protocol drag on in an apparently endless negotiation process. During negotiations on the Syrian conflict, the Security Council of the United Nations was paralyzed by the Chinese and Russian veto, blocking any forceful intervention to put an end to this deadly conflict. How can we make sense of the simultaneous stalemate in various international negotiations? Has multilateralism become dysfunctional in a world of almost 200 States and a rapidly changing balance of power? Or should we rather question the term of “crisis” as applied to complex multilateral negotiation processes in a deadlock?
This panel aims at renewing the study of international negotiations by focusing on a specific state of the negotiation process: the “crisis”. Crises can take different forms, but they always refer to the disrupting of a state perceived as stable. They introduce instability into stability, for instance in the organization of the negotiation process (its structure, its goals, the participants…). Causes of deadlock and crisis in international negotiations need to be better understood (resource inequalities, changes in the structure of interests, etc.), but this panel intends to go beyond a mere sequential conception of the negotiation process where a “crisis” would happen at a certain point, disrupting or blocking the negotiations as actors understood it. There is continuity in the negotiation process, and even crises feature the use of mechanisms (coalition, bargaining, etc.) characteristic of routine negotiation phases. To a certain extent, crises in international negotiations seem to be part of the regular negotiation process. This is why this panel will pay special attention to the use of the notion of crisis, especially its instrumental use, in order to question its status in the negotiation process.
Four goals will thus guide the work of the panel: 1. Define and question the notion of crisis (can we establish a typology? Are crises exceptional or consubstantial to the negotiation process?); 2. Analyze how negotiating actors use the notion of “crisis”; 3. Analyze the consequences of crises on the negotiation process (specific strategies, influence over the nature of agreements reached, etc.) and how they could be overcome; 4. Question the significance of crises in international negotiations (are they the symptom of a structural change from the Bretton Woods multilateralism to a multipolar multilateralism?). The panel will deal with crisis in international negotiations in the fields of international security and of the regulation of globalization.

Bibliographie

Amy Dahan, « L’impasse de la gouvernance climatique globale depuis vingt ans. Pour un  autre ordre de gouvernementalité », Critique internationale, 62, janvier-mars 2014, p. 21-37.
Guillaume Devin, « Le multilatéralisme est-il fonctionnel ? » dans Bertrand Badie, Guillaume Devin (dir.), Le multilatéralisme, Paris, La Découverte, 2007.
Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, Presses de Sciences Po, 3e ed, 2009 (1ère ed. 1986).
Francois Gemenne, « Les négociations internationales sur le climat : une histoire sans fin ? » dans F. Petiteville, D. Placidi-Frot, Négociations internationales, Presses de Sciences Po, Paris, 2013.
Thomas Hale, David Held, Kevin Young, Gridlock: why global cooperation is failing when we need it most, Cambridge, Polity Press, 2013.
Amrita Narlikar (ed.), Deadlocks in Multilateral Negotiations, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
Franck Petiteville, Delphine Placidi-Frot (dir.), Négociations internationales, Presses de Sciences Po, Paris, 2013.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Axe 1 / Les crises dans les négociations dans le champ de la sécurité internationale

Axe 2 / Les crises dans les négociations en matière de régulation de la globalisation


Résumés des contributions

Milena Dieckhoff (SciencesPo/CERI)  

Les négociations internationales dans le conflit israélo-palestinien : un état de « crise » permanent ?
 
À travers l’exemple des négociations internationales menées depuis les années 2000 dans le conflit israélo-palestinien – notamment les négociations de Camp David de 2000, l’initiative de Genève de 2003, la conférence d’Annapolis de 2007 et les récentes initiatives de John Kerry – cette communication questionne la qualification d’une négociation comme étant en « crise ». L’enjeu est d’une importance particulière pour ce conflit, qui voit se multiplier les initiatives de négociations alors même qu’il est souvent considéré comme insoluble et semble donc être caractérisé par un état de « crise » permanent.
Afin d’éclairer ce paradoxe, il est nécessaire d’interroger le terme même crise. Il s’agira bien ici de dépasser l’approche qui tend à établir une équivalence entre crise et dysfonctionnement et qui cherche alors à distinguer de bonnes et de mauvaises crises pour les négociations. Suivant en cela l’analyse développée par Michel Dobry, nous réfléchirons ainsi aux fonctions des négociations mais aussi de leurs crises, qui varient selon les stratégies et les intérêts des protagonistes, qu’il s’agisse des parties en conflit ou des acteurs extérieurs.
L’enjeu est donc de montrer que qualifier des négociations comme étant en état de crise peut relever au moins de deux logiques fort différentes : soit d’une analyse très réductrice des négociations et de leurs crises, soit d’une stratégie délibérée des acteurs.
 
International negotiations in the Israeli-Palestinian conflict: A state of permanent crisis?
 
Through the example of the international negotiations led since the years 2000 in the Israeli-Palestinian conflict – such as Camp David in 2000, the Geneva initiative in 2003, the Annapolis conference in 2007 or the more recent initiatives of John Kerry – the paper questions the way one qualifies a negotiation as being in crisis. The stake is particularly high for this conflict, witnessing multiple initiatives while being at the same time often characterized as intractable, therefore hinting to a state of permanent crisis.
In order to shed light on this paradox, it is necessary to question the concept of crisis itself. The perspective that will be used here will be based on two broad premises. First, the aim is clearly to go beyond the approach that tends to equate a crisis with a dysfunctional system.  Following then the analysis proposed for example by Michel Dobry, we would like to reflect on the functions of negotiations and their crisis, which differ according to the strategies and interests of the different actors, be they parties to the conflict or third parties.
The aim is therefore to demonstrate that to qualify a negotiation as being in crisis can be explained at least by two reasons: a narrow understanding of negotiations and their crises or a deliberate strategy of the actors involved.

 
Alice Pannier (Sciences Po/CERI & King’s College London/War Studies)
 
Une crise dans la crise ? Les relations franco-britanniques  lors de l’entrée en guerre en Libye en 2011
 
« Libye : batailles diplomatiques en coulisse » ; « L’alliance franco-britannique à l’épreuve » ; « La stratégie pour la Libye divise la France et la Grande-Bretagne ». Voici comment titraient les journaux français et britanniques pendant la période de février-mars 2011 lors de laquelle fut décidée et déclenchée l’intervention coalisée contre le régime de Mouammar Kadhafi. Cette situation intervint seulement quatre mois après que le Président Nicolas Sarkozy et son homologue britannique David Cameron aient signé un traité renforçant de façon significative la coopération militaire entre les deux pays. Ainsi que l’illustrent ces titres de journaux, la relation bilatérale fut mise au défi par les événements en Libye qui entrainèrent de vifs désaccords sur la pertinence d’une intervention et les moyens de sa mise en œuvre, notamment au sujet du rôle de l’OTAN. Malgré ces développements, la guerre en Libye est devenue a posteriori, pour les dirigeants, diplomates et militaires français et britanniques, l’illustration d’un succès conjoint qui a consolidé leur partenariat et démontré toute sa pertinence. Au vu de cette apparente contradiction, on se demandera, d’abord, pour quelles raisons les rapports franco-britanniques ont connu une période de crise au moment de l’entrée en guerre. De là, on analysera pourquoi et par quels processus la Libye est ensuite devenue le symbole du partenariat militaire entre France et Grande-Bretagne et le socle de leur coopération future.
 
A crisis within the crisis? Franco-British relations at the outset of the war in Libya, 2011
 
“Libya: diplomatic battles behind the scene”; “The Franco-British alliance put to the test”; “The strategy in Libya divides France and Britain”. This is the sort of headlines French and British newspapers ran during the period of February-March 2011 when the allied intervention against the regime of Muammar Gaddafi was decided and launched. The situation took place only four months after President Nicolas Sarkozy and his British counterpart Prime Minister David Cameron signed a treaty, which significantly reinforced military cooperation between the two countries. As the newspaper headlines illustrate, the events in Libya were a challenge for the bilateral relationship, as they prompted disagreements about the pertinence of military intervention, the means of its implementation and the role of the Atlantic Alliance. Despite these developments, the war in Libya became a posteriori, for French and British policy-makers, diplomats and militaries, the illustration of a joint success that consolidated their partnership and demonstrated its relevance. Given this apparent contradiction, this contribution will ask first, why the Franco-British relationship faced such a crisis at the outset of the intervention. From there, it will analyse why and through which processes Libya subsequently became a symbol for the military partnership between Britain and France, and the baseline for their future cooperation.

 
Florent Pouponneau (Université libre de Bruxelles)
  
Deux usages opposés d’un blocage du Conseil de sécurité. La politique française dans les « crises » irakienne et syrienne
 
Face aux « blocages » du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) sur la question de la guerre en Irak en 2002-2003 et la question syrienne entre 2011 et 2013, la diplomatie française a eu deux comportements contrastés. Sur l’Irak, la France s’est activement opposée à l’idée d’une intervention militaire et a dénoncé le contournement du CSNU par les Etats-Unis ; sur la Syrie, après l’utilisation meurtrière d’armes chimiques près de Damas en août 2013, les autorités françaises se sont dit prêtent, aux côtés des Etats-Unis, à mener des frappes aériennes contre la Syrie, malgré l’absence d’autorisation du CSNU. Dans les deux cas, la position prise dans ces marchandages internationaux est justifiée en se servant du droit international. Dans les deux cas, il y a également un décalage entre les actions de la France ou de ceux qui agissent en son nom et les résultats, pour l’essentiel non intentionnels, de ces actions. En dépit de l’opposition française, les États-Unis sont entrés en guerre contre l’Irak comme ils l’avaient prévu, et, après la conclusion d’un accord entre les Etats-Unis et la Russie, le gouvernement français est contraint de renoncer à l’intervention militaire en Syrie. Cette communication cherche à apporter des éléments d’explication aux pratiques diplomatiques de la France dans ces deux « crises » des négociations au CSNU et à saisir ce que cette analyse peut révéler sur les transformations en cours de la politique internationale.
 
Two opposed uses of deadlocks at the UN Security Council. French foreign policy on crises in Iraq and Syria.
 
The UN Security Council (UNSC) deadlocked on Iraq (2002-2003) and Syria (2011-2013). Faced with these similar situations, France adopted two different postures. On Iraq, France refused the war and denounced the US unilateralism; on Syria, after the use of chemical weapons near Damascus, the French government promoted a military intervention with support of the United States. In both cases, the French foreign policy was justified by international law. In both cases, there was a gap between the intentions of French officials and the often-unintended results of their policy. Despite French opposition, the United States went to war in Iraq as it had intended and, after a bilateral agreement between the United States and Russia, the French government was forced to renounce the use of force in Syria. This paper seeks to explain the French diplomatic practices in these two crises in international negotiations and to identify what this analysis can reveal about the ongoing transformations of international politics.
 
 
Olivier Schmitt (CÉRIUM)

Gérer la crise permanente. La planification de défense au sein de l'OTAN
 
L’OTAN est l’alliance militaire la plus intégrée de l’histoire, conséquence de la profonde modification du contexte stratégique après la Seconde Guerre Mondiale. La révolution nucléaire signifia qu’il devenait possible d’infliger de terribles dommages à l’ennemi autrement que dans des combats conventionnels ; les progrès des troupes aéroportées et de la guerre maritime augmentèrent fortement la capacité des Etats-Unis à projeter leur puissance, tandis que la proximité géographique des Etats européens et leurs réseaux routiers et ferrés denses les rendaient de plus en plus interdépendants en matière de sécurité.
En conséquence, les membres de l’OTAN étaient incités à penser que si un autre Allié pouvait être convaincu d’en faire plus, eux-mêmes pourraient en faire moins et réinvestir les économies ainsi réalisées dans des programmes plus porteurs électoralement.  Ainsi, dès l’origine, la question du partage du fardeau a été au cœur des relations entre Alliés lors de la planification de défense, l’OTAN étant une organisation qui est structurellement en tension permanente sur cette question. Pour gérer ce climat de crise permanente, un certain nombre de pratiques diplomatiques, de routines bureaucratiques et de procédures ont été mises en place, qui ont fini par créer un processus de planification de défense dysfonctionnel, mais satisfaisant pour les Etats. Cette contribution étudie la manière dont une politique publique est créée comme volontairement sous-optimale.
 
Defence planning within NATO: managing the permanent crisis
 
NATO is the most integrated alliance in history, which is the consequence of the deep transformation of the strategic context that followed the end of World War II. The nuclear revolution meant that it had become possible to inflict terrible damages upon the enemy other than in conventional war ; progresses in airborne troops and naval warfare strongly raised the US capability to project their military power ; and the geographical proximity of the European states as well as the density of their road and rail networks made them increasingly interdependent for their security.
Consequently, NATO members were incentivized to try to convince another ally to do more for collective security, so that they could do less and spend the saved money on policies that would be electorally more rewarding. As such, from the beginning, burden-sharing has been at the heart of the NATO defence planning process, the alliance being regularly under tension over this issue. To manage this climate of permanent crisis, a number of diplomatic practices, bureaucratic routines and procedures have been developed, which ended up creating a dysfunctional yet satisfying for the member-states defence planning process. This contribution examines the way a public policy is created as voluntarily sub-optimal.

 
Pauline Ségard (Université Bordeaux 4 / UQAM)
 
Négocier ou ne pas négocier avec les rogue states ? Une étude comparative de la politique diplomatique des Etats-Unis à l’égard de l’Iran et de la Corée du Nord.
 
Au cours des deux mandats de George W. Bush, les négociations à propos du programme nucléaire iranien ont connu une crise originale : alors que les Etats-Unis refusaient d’y participer et tentaient d’isoler l’Iran, ils discutaient avec les Européens des incitations à lui offrir dans le cadre des négociations. Parallèlement, ils acceptaient de négocier avec la Corée du Nord sur un sujet similaire, cette dernière étant pourtant qualifiée de rogue state au même titre que l’Iran. Cette communication vise, d’une part, à examiner le choix politique américain différencié en matière de négociation, et, d’autre part, à analyser les modalités du refus américain de négocier, afin d’éclairer l’usage de la négociation multilatérale par les Etats-Unis. Premièrement, le concept constructiviste d’imaginaire sécuritaire nous permettra de présenter la grille de lecture à partir de laquelle l’administration Bush a analysé les programmes nucléaires iranien et nord-coréen et de comprendre comment des politiques distinctes en ont découlé. Deuxièmement, nous verrons comment l’administration Bush, à la fois en raison de son imaginaire sécuritaire et de son refus répété de négocier avec l’Iran, est tombée dans un norm entrapment l’empêchant par la suite de modifier sa politique à l’égard de ce dernier. Enfin, les concepts d’imaginaire sécuritaire et de norm entrapment contribueront à caractériser les origines de la crise qu’ont traversée les négociations portant sur le programme nucléaire iranien.
 
To negotiate or not to negotiate with rogue States? A comparative study of US foreign policy towards Iran and North Korea.
 
In the time of George W. Bush, the negotiations over Iran's nuclear program were in an unusual crisis: the United States was discussing incentives to Iran with the European troika, even though it did not want to take part in the talks with Iran. At the same time, it negotiated with North Korea over a similar topic as it called it a “rogue state” in the same way as Iran. This statement aims to examine the differentiated American political choice regarding negotiation on one hand and to analyze the terms of the American refusal to negotiate on the other hand, in order to enlighten the American use of multilateral talks. First, the constructivist concept of security imaginary allows to determinate how Bush’s administration interpreted the respective nuclear programs of Iran and North Korea and to understand how various policies resulted from this interpretative frame. Second, Bush’s administration fell in a norm entrapment because of its security imaginary and its repeated refusal to negotiate with Iran. The norm entrapment prevented it from modifying its policy with regard to Iran. Finally, the concepts of imaginary security and norm entrapment contribute to characterize the crisis’ sources of the negotiations over Iran’s nuclear program.

 
Charles Tenenbaum (Sciences Po Lille / CERAPS)
 
Négociations de crises, crises des négociations. Les médiateurs dans le processus de paix israélo-palestinien
 
Le cas du processus de négociations entre Israéliens et Palestiniens, notamment dans les différentes phases qui ont suivi la signature des Accords d’Oslo (1993) illustre les profondes mutations que connaît aujourd’hui la notion de crise politique internationale. L’instabilité des relations d’interactions entre les partenaires de la négociation, la multiplication des affrontements violents comme la longévité d’un processus de paix sans cesse « relancé » rendent caduques les critères traditionnels d’analyse des crises autant que les méthodes dédiées à leur gestion.
Cette communication questionnera ainsi le rôle et l’efficacité du médiateur lorsque les négociations sont « en crise ». Entre négociations larvées et ruptures du dialogue, la crise apparaît comme un instrument de pression sur le médiateur et la partie adverse. La crise devient un enjeu dans la négociation, entre préalable et menace, intégrant ainsi le répertoire d’actions diplomatiques et stratégiques de partenaires d’un processus enlisé.
A l’appui d’une étude des crises dans le processus de paix israélo-palestinien, cette communication mettra l’accent sur les enjeux des mutations du concept de crise pour les organisations internationales à vocation pacificatrice.
 
Crises Negotiations, Negotiations in crisis. Mediators in the Israeli-Palestinian Peace process.
 
Over the past two decades, both the notion and the management of international political crises have gone through radical transformations. Peace negotiations between Israelis and Palestinians, especially during the phases following the Oslo agreement of 1993, provide an accurate illustration of these evolutions. Characterized by the instability of their relationship, parties to the negotiations have engaged in a series of continued violent confrontations while still committed to an ever-restarted dialogue. A contradiction that makes traditional criteria of crisis analysis, as well as techniques used for their management, look obsolete.
This presentation will raise questions on the role and efficiency of the mediator when negotiations are “in crisis”. Between simmering negotiations and dialogue interruptions, negotiations’ crises appear to be used as leverage to increase political pressure on all parties around the table – including the mediator. Half threat, and half pre-condition element, crises have, hence, become an issue within the negotiating process. In other words, crises can be can be counted among the various diplomatic and strategic instruments that parties to an intractable conflict choose to mobilize.
Based on a study of past crises in the Israeli-Palestinian peace process, this communication will insist on the issues at stake in regard to the transformation of crises, especially as far as international peacemaking organizations are concerned.

 
Daniel Compagnon (Sciences Po Bordeaux / Centre Emile Durkheim)

L’Organisation de l'Aviation Civile Internationale et la "crise" de l'ETS aérien européen : conflits de normes, d'agendas et d'intérêts
 
La directive de 2008 de l'UE intégrant l'aviation internationale au marché européen des droits d'émission de CO2 a suscité une large protestation des non Européens à l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI), surtout après l'entrée en vigueur de la directive en 2010. La tension entre l'Europe et ses partenaires (notamment les Emergents), accompagnée de sanctions, a suscité un climat de 'crise' au sein d'une organisation plus habituée au consensus discret. Le différend fut surmonté, provisoirement, après la condamnation de l'UE par l'Assemblée de l'OACI en octobre 2013, via la suspension de l'application de la directive pour les vols extra-européens. En nous appuyant sur des entretiens et des documents de première main, nous retracerons cette séquence, en insistant sur le conflit de normes et de cultures politiques entre l'UE et l'OACI, en soulignant les changements introduits par cette 'crise' dans les dynamiques internes, mais aussi le rôle joué par l'industrie dans la mobilisation des Etats comme dans le dénouement. La notion de 'crise' telle que mise en avant par les acteurs concernés doit être relativisée : l'OACI a surmonté un conflit apparemment insoluble et paraît engagée dans une dynamique plus positive depuis lors. De plus et parallèlement aux joutes des Etats, l'organisation a poursuivi le travail routinisée sur les mesures de réduction de CO2, soulignant la résilience des OI dans la longue durée.
 
ICAO and the EU aviation ETS 'crisis': norms, agendas and interests in conflict
 
The EU 2008 directive extending the European emission trading system (ETS) for CO2 to the international civil aviation generated huge protests from non-European members of the International Civil Aviation Organisation (ICAO), especially when the directive's implementation began in 2010. The growing tension between the EU and its partners (in particular emerging powers), worsened by economic sanctions, created a 'crisis' situation in an organisation used to quiet consensus. The dispute was settled--although temporarily--after the EU was lambasted at the ICAO Assembly in October 2013. The EU suspended the implementation of its legislation for non-European flights. Relying on some interviews and a set of original and confidential documents, we will provide an analysis of this process while emphasizing the conflict of norms and political cultures between the UE and the ICAO, underlying the subtle changes in the latter’s internal dynamics, but also pointing at the role of the industry both in stirring up anti-EU mobilisation and in building up the outcome to the 'crisis'. The latter concept comes under particular scrutiny as ICAO has overcome a purportedly intractable conflict and seems to be now on a more constructive path.  Moreover and alongside antagonistic posturing from the states, ICAO went on routinely on CO2 reduction measures, thus highlighting the organisation resiliency in a long-term perspective.

 
Louise Dangy (Ecole Nationale des Services Vétérinaires / TRIANGLE)

L'affaire du "boeuf aux hormones" dans les organisations internationales : qu'implique un état de crise permanente sur la régulation du commerce mondial ?
 
Depuis les années 1980, les hormones de croissance sont au cœur d’un conflit commercial entre l’Europe, les États-Unis et le Canada. Ces derniers, qui utilisent couramment ce type de médicaments vétérinaires pour augmenter les rendements en élevage, ne peuvent pas exporter de viande vers l’Europe, où les hormones sont interdites sur une base sanitaire, économique et sociale. Deux organisations internationales sont devenues les arènes de cette crise : le Codex alimentarius, qui établit les normes internationales de sécurité sanitaire pour le commerce des aliments, et l’OMC, dont les débuts ont été marqués par un contentieux sur le bœuf aux hormones.
Ces deux organisations n’ont plus cessé d’être le lieu de crises récurrentes, qui y restent en général confinées mais influent sur leur climat, leurs procédures, et en deviennent des références culturelles. En montrant que les rhétoriques scientifiques ou économiques néolibérales qui entourent cette affaire ne suffisent pas à en comprendre les ressorts, nous proposons deux pistes pour explorer la crise. L’affrontement transatlantique sur le bœuf aux hormones donne d’abord à voir quel modèle de régulation les États imaginent, quelle place doivent y occuper les institutions régulatrices multilatérales  et les moyens d’agir sur les contours de ces dernières. D’un point de vue anthropologique, la crise produit en outre une clé d’identification et de socialisation au milieu international qui conduit à perpétuer sa configuration d’origine.
 
The “growth hormone” case in international organizations: what does a permanent state of crisis means for global trade regulation?
 
Since the eighties, growth hormone promoters have been at the core of a trade war between Europe on the one hand, and the United States and Canada on the other. American meat cannot be exported to the European market because of a ban on growth hormones adopted for sanitary, economic, and social reasons. Two international organizations have become arenas for this crisis: the Codex alimentarius Commission, which is in charge of establishing international safety standards for food trade, and the WTO, where a formal litigation was settled on hormone beef. The recurrent crises generally stay confined within the two organizations, influencing however their environment, their procedures, and eventually becoming cultural references for their communities. As the scientific and neoliberal economic arguments do not offer a full perspective of the hormone beef dispute, this paper seeks to explore two other dimensions. On the one hand, the transatlantic confrontation on hormone beef reveals how States conceive global trade regulation, the role international regulatory organizations should play in this respect, as well as ways to best shape these institutions. On the other hand, from an anthropological perspective, the crisis offers a means of identification and socialization for people to international institutions, perpetuating its original antagonism.
 

Pascal Razanakoto (Université Toulouse I Capitole)

Crises et défis du multilatéralisme dans les négociations du commerce mondial: vers une réforme de l’OMC après le Cycle de Doha?
 
La crise du système commercial multilatéral a révélé toute sa complexité dans les négociations du Cycle de Doha face aux défis de convergence des politiques publiques mondiales et de régulation de la globalisation économique. Par l’observation du mécanisme de coalitions étatiques et de clivages multipartites à l’OMC, cette communication vise à comprendre les antagonismes et paquets de négociations controversés. Les blocs et coalitions conditionnent la conclusion des accords multilatéraux à leurs enjeux respectifs, d’où le blocage du Cycle de Doha depuis 1994 sur la facilitation des échanges et l’aide au développement durant 10 ans. Les pays riches réclament moins de barrières à l’industrie et aux services, et davantages commerciaux réduits accordés aux économies émergentes jugées déjà compétitives. Les pays du Sud sollicitent la flexibilité agricole, et la réforme des subventions dans la négociation du volet de sécurité alimentaire. Acteur institutionnel central du système multilatéral, l’OMC dispose toutefois d’une faible capacité de régulation due aux rapports de forces internes. En référence aux travaux de Susan Strange et de Charles Kindleberger sur le postulat de prédominance d’intérêts économiques comme moteur des relations internationales, et s’appuyant sur des recherches et investigations à l’OMC, l’approche du modèle multilatéral retrace l’issue de crise en 2013 dans la perspective de cohérence du système commercial multilatéral avec les politiques publiques globales.
 
Crisis and challenges of multilateralism in the world trade negotiations: Toward a reform of WTO after Doha Round?
 
The crisis of the multilateral trading system reveals all its intricacy through tricky trade negotiations in Doha Round, facing challenges of world public policies convergence, and regulation of globalization. Within observation of state coalitions and alliances mechanism related to conflicted stakes among WTO members, this paper aims to understand antagonisms and controversial topics of negotiations. Coalitions and blocs of countries used to deal the conclusion of multilateral treaties with their own economic interests. WTO’s inability to find out consensus has frozen during 10 years major agreements of Doha Round since 1994 on trade facilitation, and aid for development. Rich nations claim less industrial commodities and services barriers, but also limitation of trade favors to emerging economies deemed to be competitive enough. Developing countries request flexibility of farm exchanges, and a reform of subsidies linked to food security negotiation. As core actor of multilateral trade negotiation, WTO’s however hold low control of system due to strong enforcement powers of states coalitions. Referring to Susan Strange and Charles Kindleberger scheme of economic interests states leading as power of international relations, and field researches conducted at WTO headquarter, this approach of the multilateral pattern thus reviews the crisis exit on 2013 through monitoring of the multilateral trading system into global economic policy-making.


Participants

Compagnon Daniel d.compagnon@sciencespobordeaux.fr 
Dangy Louise louise.dangy@ensv.vetagro-sup.fr
Dieckhoff Milena milena.dieckhoff@sciencespo.fr 
Ehrenstein Véra v.ehrenstein@gold.ac.uk
Guilbaud Auriane auriane.guilbaud@gmail.com
Pannier Alice alice.pannier@gmail.com 
Petiteville Franck franck.petiteville@sciencespo-grenoble.fr
Pouponneau Florent f.pouponneau@gmail.com
Razanakoto Pascal pascal_29@hotmail.com
Schmitt Olivier olivier.schmitt@graduateinstitute.ch
Ségard Pauline pauline.segard@gmail.com 
Tenenbaum Charles charles.tenenbaum@sciencespo-lille.eu 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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