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Section Thématique 48

L'ordre social nocturne en questions. Régulations politiques et dispositifs de contrôle
Night-Time Social Order: Political Regulations and Control Dispositives

Responsables

Thomas ALAM (CERAPS-Lille 2) thomas.alam-3@univ-lille2.fr
Sidonie VERHAEGHE (CERAPS-Lille 2) sidonie.verhaeghe@orange.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Cette section thématique entend interroger la nuit en tant que séquence temporelle porteuse d’enjeux sociaux et politiques spécifiques. Si différents historiens, anthropologues et géographes (Durand 1969, Ginzburg 1984, Melbin 1987, Verdon 1994, Deleuil 1994, Delattre 2000, Gwiazdzinski 2005, Cabantous 2009, Di Meo 2011) se sont efforcés d’analyser les singularités de la vie nocturne (dans les espaces urbains notamment) et les problèmes ainsi posés aux pouvoirs publics, les sciences sociales ont jusqu’à présent trop peu investi l’étude de ce qui se joue la nuit, à l’exception de quelques travaux focalisés sur les pratiques festives (Hadfield 2006, Salomon 2007, Allemand 2010, Hae 2011, Evans 2012, Bordin 2012) ou sur les contraintes du travail de nuit (Ladsous, Pachès 2004). Implicitement définie comme le temps de l’inactivité, du repos ou de la fête, la nuit a dès lors été rarement définie comme objet de recherche à part entière et/ou comme « moment » propice à l’observation sociologique. Bien évidemment, cette observation mériterait d’être nuancée par la mise en regard d’autres formes de « modernités » que celle des sociétés démocratiques occidentales (largement) sécularisées. L’exercice ferait sans doute apparaître d’autres formes de politiques de la nuit, à travers la centralité des pratiques oniriques dans les choix quotidiens et politiques des Indiens Zápara (Bilhaut 2011), les croyances associées à l’occultisme et à la magie noire, au fondement des légitimités du pouvoir des sorciers Douala (de Rosny 1981), des conseillers des dirigeants indonésiens (Bertrand 2002), des chamanes Otomi (Galinier 2011) ou encore l’anthropophagie symbolique des sorciers camerounais à des fins économiques – « sorcellerie de la richesse » et exploitation nocturne des « zombies » chez Peter Geschiere (1995) – pour ne citer que quelques exemples.

Pour autant, concevoir la nuit en tant qu’objet de questionnements sociologiques et politologiques ne va pas de soi. Il faut notamment s’affranchir de toute approche naïvement objectiviste qui poserait que l’entrée dans les « heures sombres » produirait, en soi et de façon mécanique, un basculement homogène dans l’espace et dans le temps. Il s’agit, au contraire, de saisir dans quelle mesure la nuit est construite (ou non) comme un problème par les acteurs institutionnels et met en jeu, selon les territoires, des modalités spécifiques d’arbitrage des intérêts en présence et d’interventions des pouvoirs publics. Quelles sont les définitions concurrentes de la nuit ? A quelles occasions et dans quels espaces sociaux apparaissent-elles ? Par qui et comment sont-elles arbitrées ? Saisir les différentes « nuits » implique d’analyser les acteurs sociaux et institutionnels en présence ou en lutte dans la définition de la nuit et de ses usages. Autrement dit, il convient d’identifier comment le passage du jour à la nuit est susceptible de reconfigurer les rapports sociaux, de transformer les modalités d’occupation des espaces publics, de générer des clivages singuliers (noctambules bruyants vs. riverains soucieux de profiter du calme de la sphère domestique), d’entraîner une redéfinition des comportements légitimes, bref de mettre en opposition différentes conceptions de l’ordre social nocturne. A partir d’enquêtes monographiques menées dans différentes villes françaises et étrangères, et en croisant plusieurs disciplines (science politique, sociologie, géographie, anthropologie) et sous-champs disciplinaires (sociologie urbaine, sociologie de l’action publique locale ou encore sociologie du genre), l’objectif de cette ST est précisément d’interroger la production de cet ordre, à travers deux axes principaux : la régulation de la vie nocturne et l’inscription spatiale des rapports sociaux.

1. Politiques publiques et régulation des pratiques nocturnes.
Il convient tout d’abord de se demander comment les institutions politiques agissent la nuit et régulent la vie nocturne. Il s’agit, d’une part, d’analyser l’activité des protagonistes qui contribuent à la production, à l’entretien et aux tentatives de subversion de l’ordre social nocturne. Patrons de bars ou de discothèques (eux-mêmes divisés en collectifs dont les principes de regroupement tiennent à la composition sociale de leur clientèle ainsi qu’aux activités proposées), associations de riverains, clients des établissements, municipalité qui se décline en services aux perspectives potentiellement divergentes (culture, vie nocturne, ordre public), police nationale, préfecture, etc. forment autant d’acteurs dont les logiques d’action et de mobilisation doivent être prises en compte pour parvenir à mettre au jour les conditions de production et d’évolution de l’ordre nocturne. Il faut, d’autre part, étudier la nature des transactions potentiellement collusives entre ces différentes catégories d’acteurs et leurs effets sur l’évolution des normes édictées par les pouvoirs publics pour encadrer le marché des espaces de sortie nocturne, réguler leurs activités et définir l’acceptabilité sociale et policière des pratiques de leurs clients.
Plus généralement, le cadre temporel de l’action publique pertinente est-il toujours calé sur un découpage entre le jour et la nuit ? A quelle(s) occasion(s), à quel(s) endroit(s) et sous quelle(s) forme(s) la nuit fait-elle son apparition ? Dans quelle mesure les pouvoirs publics et les acteurs engagés dans la régulation de la vie nocturne participent-ils de la définition des frontières entre, d’un côté des pratiques tolérées mais encadrées (la consommation d’alcool notamment), et de l’autre côté des pratiques consacrées comme déviantes par les pouvoirs publics qui cherchent alors à édicter des normes permettant de les exclure de la ville ?

2. Nuit, spatialité, mixité
La nuit comme enjeu est-elle systématiquement une opposition entre le sommeil des uns et les activités festives des autres (Gwiazdzinski 2005) ? Cette logique mérite d’être interrogée en abordant la proximité spatiale et du même coup la mixité sociale dans les espaces publics et les lieux de sortie. Si la nuit est objet de régulation, c’est notamment parce qu’elle a ses « scènes » (la boîte de nuit, le club, la maison close ou la « rue de la soif »), mais aussi ses publics. Or la nuit et les pratiques qui lui sont associées sont souvent perçues comme abolissant les différences sociales. La convivialité dont elles sont le siège serait – par opposition au temps diurne du travail qui incarne le lieu de la hiérarchie sociale – vectrice de communion. Plutôt que de considérer a priori que nous serions tous identiques et égaux dans nos pratiques récréatives et festives, ce second versant de la ST vise à interroger les diverses appropriations spatiales de la nuit.
Il est donc nécessaire de penser l’inscription dans l’espace des inégalités d’accès aux lieux publics : sous cet angle, la nuit apparaît alors aussi comme un espace de conflits entre l’usage de la liberté de circulation des uns et les relatives (im)mobilités des autres. En effet, la nuit apporte un éclairage particulier sur les rapports de domination qui se jouent dans les espaces publics et affectent les mobilités. Il s’agit alors d’interroger une asymétrie du « droit à la ville » (Lefebvre 2009) où les sorties nocturnes sont marquées par les rapports sociaux de sexe, de sexualités, de classe, de racialisation et d’âge (Koskella 1999, Bacqué, Fol 2007, Lieber 2008).
 
  
Holding the night as an object of social sciences entails a shift from a naturalistic approach considering that the beginning of “dark hours” mechanistically engenders radical transformations in social practices. On the contrary, it requires grasping to what extent the night is constructed by a diversity of actors as a specific time-space with its own divisions – one of many being noisy night birds vs. local residents wanting to be at peace – and definitional struggles regarding occupation of the public space, legitimate behaviours; in other words, competing conceptions of night-time social order. Drawing on monographic investigations in France and abroad, the production of the social order at night will be addressed from various disciplines (political science, sociology, geography and anthropology) along two main axes: the regulation of night-life and the spatial translation of social relations.
 
First, public policies and political institutions’ interventions regarding night-time practices have to be addressed. It is crucial to study the activities of the protagonists partaking in the reproduction or subversion of the night-time social order (city councils, police departments, State administrations, bar and club owners, local residents, consumers, night time workers...). One has to consider how the implementation of public policies regulating night-time activities are dividing night-users between “good” and “bad” publics since certain practices are tolerated while others are labelled as deviant and cracked down on.
 
Second, nightlife should not be summed as an opposition between the “partying city” and the “sleeping city” (Gwiazdzinski 2005). Spatial proximity and social mixity in the city after dark should be questioned. Although nightlife is often portrayed as abolishing social divisions, in comparison with working days, the question of who own the night should be taken seriously. Rather than assuming we are all equal in our night-time practices, it is crucial to analyse how social inequalities are translated in the night-time public space, a space divided between the free movement of certain groups and the more or less (im)mobility of others. As such, the night sheds a new light on the relationships of domination at stake in public spaces which impact on mobilities. How is going out at night structured by social relations, i.e gender, sexualities, class, racialised and age relations?
 
 
Bibliographie
 
ALLEMAND R., « De la mystification des pratiques à la négation du réel ? Ethnographie de discothèques montpelliéraines », Déviance et Société, 1, vol. 34, n°1, 2010, p.29-48.
BACQUE M.-H., FOL S. « L'inégalité face à la mobilité : du constat à l'injonction », Revue suisse de sociologie, vol. 33, n°1, 2007, p.89-104.
BERTRAND R., Indonésie : la démocratie invisible. Violence, magie et politique à Java, Paris, Karthala, 2002.
BILHAUT A. –G., Des nuits et des rêves. Construire le monde zápara en Haute Amazonie, Nanterre, Société d'ethnologie, 2011.
BORDIN G., On dansait seulement la nuit. Fêtes chez les Inuits du nord de la Terre de Baffin, Nanterre, Société d'ethnologie, 2012.
CABANTOUS A., Histoire de la nuit (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 2009.
CHALLEAT S., “Sauver la nuit”. Empreinte lumineuse, urbanisme et gouvernance des territoires, Thèse de doctorat de géographie, Dijon, Université de Bourgogne, 13 octobre 2010.
DELATTRE S., Les douze heures noires : la nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000.
DELEUIL J.-M., Lyon la nuit. Lieux, pratiques et images, PU de Lyon, 1994.
DE ROSNY E., Les yeux de ma chèvre. Sur les pas des maîtres de la nuit en pays douala (Cameroun), Paris, Plon, 1981.
DESJEUX D., CHARVIN M., TAPONIER S. (dir.), Regards anthropologiques sur les bars de nuit. Espaces et sociabilités, Paris, L’Harmattan, 1999.
DI MEO G., Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris, Armand Colin, 2011.
DURAND G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1969.
EVANS G., « Hold back the night : Nuit Blanche and all-night events in capital cities », Current Issues in Tourism, vol. 15, n°1–2, 2012, p. 35-49.
FLEURY A., « De la rue-faubourg à la rue “branchée” : Oberkampf ou l'émergence d'une centralité des loisirs à Paris », L'Espace géographique, vol. 32, n°3, 2003 p.239-252.
GALINIER J., Une nuit d’épouvante. Les indiens Otomi dans l’obscurité, Nanterre, Société d'ethnologie, 2011.
GESCHIERE P., Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, 1995.
GINZBURG C., Les batailles nocturnes. Sorcellerie et rituels agraires au XVIe et XVIIe siècle, Paris, Champs Flammarion, 1984.
GUIBERT G., « Les musiques amplifiées en France. Phénomènes de surfaces et dynamiques invisibles », Réseaux, 2007, 2-3, n° 141-142, p.297-324.
GWIAZDZINSKI L., La nuit, dernière frontière de la ville, Paris, éd. de l'Aube, 2005.
KOSKELA H., Fear, Control and Space: Geographies of Gender, Fear of Violence, and Video Surveillance, Publications of the Department of Geography, A 137, University of Helsinki, 1999.
HADFIELD P., Bar Wars: Contesting the Night in Contemporary British Cities, Oxford, Oxford University Press, 2006.
HAE L., “Gentrification and Politicization of Nightlife in New York City”, ACME: An International E-Journal for Critical Geographies, vol. 11, n°3, 2011, p. 564-584.
LADSOUS J., PACHES V. (dir.), Le travail de la nuit, Paris, CEMEA, 2004.
LEFEBVRE H., Le droit à la ville, Paris, Economica, 2009.
LIEBER M., Genre, violences et espaces publics. La vulnérabilité des femmes en question, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
MELBIN M., Night as Frontier. Colonising the World after Dark, New York, Free Press, 1987.
MASSE B., « Rites scolaires et rites festifs : les « manières de boire » dans les grandes écoles », Sociétés contemporaines, no 47, 2002/3, p.101-129.
SALOMON C., « Jungle Fever. Genre, âge, race et classe dans une discothèque parisienne », Genèses, n°69, 2007/4, p.92-111.
VERDON J., La nuit au Moyen Age, Paris, Perrin, 1994.
ZUKIN S., « Où sont passés les cafés du coin? », Ethnologie française, vol.36, n°4, 2006, p.749-752.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 1 : lundi 22 juin 9h00 – 12h00

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Thomas Alam et Sidonie Verhaeghe (CERAPS, Université de Lille 2)
Introduction et présentation

Discutants : Nicolas Kaciaf (CERAPS, IEP de Lille) et David Gueranger (CERAPS, LATTS)


Résumés des contributions

Etienne WALKER (Espaces et Sociétés, Université de Caen Basse-Normandie)
 
De la discipline au contrôle des pratiques festives nocturnes : actualisation des modes d’exercice du pouvoir institutionnel à partir de l’exemple de Rennes

Déconstruisant les régulations institutionnelles des pratiques festives nocturnes à Rennes et de son histoire sur les 20 dernières années, nous questionnerons la logique de la production de l’ordre social nocturne urbain. Le basculement − incomplet − entre régulation répressive (recours aux CRS, au canon à eau contre les « fêtards » en 2004 et 2005) et progressivement offre festive alternative (soirées Dazibao dès 2006) pose en effet question. D’un côté, ce changement dans les modes d’exercice du pouvoir par les formes particulières de l’institution (préfecture, mairie, SCHS, CRIJ, etc.) peut témoigner d'une légitimation des pratiques festives, traduisant une dialectique instituant/institué [LOURAU, 1970]. Nous pensons surtout que cette institutionnalisation procède au contraire d’une inclusion partielle [CÉFAÏ, 2007] de ces pratiques festives, en ayant pris soin d’en élaguer tout potentiel subversif, signe du lobby associatif pratiqué par certains habitants dès les années 1990 [BONNY et al., 2012 ; PLÉVEN & BONNY, 2006]. Les soirées Dazibao s’assimilent, par leur clôture (entrées filtrées, absence de voisinage immédiat), la contrainte (assujettissement aux normes du lieu et à une offre culturelle hégémonique) et le souci de l’utilité (le lendemain, par la limitation de la fatigue et l'interdiction de l’alcoolisation le soir même) à une institution disciplinaire [FOUCAULT, 1993 (1975)], mais constituent également un dispositif de contrôle [DELEUZE, 1990], par leur apparente permissivité : coopérations d’associations étudiantes dûment sélectionnées, « auto-responsabilisation » par des dispositifs de prévention et sensibilisation aux « risques », reproduction d'une "bonne" manière de faire la fête. La fête nocturne est en cela toujours contrôlée par l'institution.
 
From discipline to control of celebrating nocturnal practises: the new forms of institutional exercise of power through the example of Rennes

Over the past twenty years, institutional regulations have been evolving, as far as celebrating nocturnal practises are concerned. This evolution leads to questioning what can be thought as the production of social order in nocturnal cities. The incomplete shift from repressive regulation (use of a water canon and riot squads against night owls in 2005 and 2006) to an alternative festal offer ("Dazibao" parties from 2006) must be analysed. On the one hand, that institutional switch can be understood as the fact that celebrating practises are more and more legitimate, according to an instituting/instituted dialectical movement [LOURAU, 1970]. On the other hand, we rather think that the institutionalization of celebrating practises is also made of a partial inclusion [CÉFAÏ, 2007] of these very practises, once their subversive potential have been removed. By the way, this removal is to be seen as a consequence of inhabitants associations' lobby for a couple of decades [BONNY et al., 2012 ; PLÉVEN & BONNY, 2006]. Dazibao parties affiliate with "disciplinary institutions" [FOUCAULT, 1993 (1975)] in so far as they induce enclosure (selected entrance by bouncers, direct neighborhood avoided), constraint (subjection to local customs and hegemonic cultural products) and purpose of productive usefulness (the day after, by avoiding tiredness and forbidding alcohol that very evening). At the same time, these parties also affiliate with "societies of control" [DELEUZE, 1990] by the permissiveness they pretend to provide: cooperation with student organizations that are nonetheless filtered, prevention and awareness measures against what is called "risks" aiming at self-regulation, and eventually, "proper" celebrating practices' social reproduction. Thus, celebrating nocturnal practices are still controlled by institutions.

 
Anna ZAYTSEVA (CERCEC/EHESS/CNRS)
 
« Faire comme chez soi » dans des lieux pour des « cercles élargis des siens » : mécanismes de sélection et d’homogénéisation sociales dans des clubs de musiques actuelles (exemple de Saint-Pétersbourg)

La communication analysera les techniques élaborées par des gérants de clubs musicaux à Saint-Pétersbourg, afin d’homogénéiser leur public et de fidéliser son noyau, dit « cercle élargi des siens ».Via le face control, l’emplacement caché, la diffusion limitée d’information, la spécificité esthétique, mais aussi à travers diverses mises en valeur d’un « chez soi », ces lieux visent à écarter les visiteurs indésirables, ainsi qu’à procurer aux « siens »(socialement proches des gérants) une sensation d’aise.
Un tel noyauextensible est censé conjurer les risques inhérents à l’évènementiel et consolider l’économie de clubs misant sur la « logique de lieu » (avoir un public stable quel que soit l’évènement). Mais l’enjeu des « siens » ne se réduit pas à (et contredit même) la pure rationalité économique.
Ces endroits sont mus par des hiérarchies internes, celles de divers « passe-droits » inégalement distribués entre divers publics. Au-delà d’une dichotomie « privé/public », les clubs pétersbourgeois seront ainsi analysés en tant que lieux formant en leur sein des communautés mouvantes en cercles concentriques, dessinant des degrés variables de familiarité/anonymat, d’intégration/marginalité vis-à-vis du noyau des « siens ».
La communication se fondera surun chapitre de notre thèse rédigé à partir du terrain mené à Saint-Pétersbourg en 2002-2009 (entretiens avec des gérants de clubs, des musiciens, des publics, observation d’interactions, analyses d’auto-présentations écrites des clubs)et sera enrichie de comparaisons franco-russes.
 
« Feeling at home » in the places for « large circles of intimates » : mechanisms of social selection and homogenization in rock music clubs (the case of St. Petersburg)

The paper explores a range of technichs, elaborated by some managers of music clubs in St. Petersburg, in order to homogenize and to retain the core of their public, the so-called « large circle of intimates ». A face control, a hidden position, a limited diffusion of information, the aesthetic specificity,various ways of valuing a « homely » spirit - all these means aim to move away indesirable visitors, while garanteeing to the « intimates » (sociallysimilar to place’s holders) a feeling at ease.
Nurturing such an extendable core of « intimates » is supposed to prevent the risks usual for the event production and to consolidate the economyof the clubs adopting the « logic of place » (stressing a stable core of audience regardless of this or that event). Nevertheless, this stress on « intimates »can’t be reduced to (and sometimes contradicts) a mereeconomic rationality.
These places are alsoanimated by their inner hierarchies, distributing inequally various privileges among different audiences. Thus, going beyond the « private/public » dichotomy, St. Petersburg clubs will be analysed as places generating a flexible communitieswithin them, that could be represented as concentric circles depicting variable degrees of familiarity / anonymity, of integration / marginality vis-à-vis the core of « intimates ».
The communication draws on a chapter of our PhD based on a fieldwork carried out in St. Petersburg in 2002-2009 (interviews with club owners/managers, musicians, different audiences, observations of interactions and analysis of clubs’ written self-representations), it’ll be enriched by some french-russian comparisons.

 
Patrick BRUNETEAUX (Centre Européen de Sociologie et de Science politique, Université Paris 1)
 
La transformation du mode de traitement nocturne des sous-prolétaires à la rue à Paris : du hors-droit autoritaire de l’urgence sociale à sa profilisation humanitaire. 1980-2010

Ce que le langage dominant culturaliste et auto-centré appelle « la question SDF » renvoie principalement à une problématique de la présence dans l’espace public des désaffiliés de l’économie capitaliste. Ces personnes vivent au sein d’un Etat ayant déployé le plus souvent une panoplie répressive à leur encontre. Or, au regard des politiques assistantielles et des dispositifs bricolés par les associations, le traitement de cette visibilité contrariante, pour un pays riche imbu de ses droits de l’homme est bien différents le jour et la nuit. Comment expliquer cette différence qui joua longtemps dans le sens d’une plus forte répression ? Et comment expliquer une logique d’inversion radicale en une trentaine d’année avec la banalisation de  pratiques humanitaires qui font coexister le vide juridique avec la sensibilité compassionnelle ?
Si « la nuit » semble être un facteur pertinent d’intelligibilité des modes d’action publics envers les surnuméraires trop présents dans l’espace urbain, il reste à comprendre pourquoi on a assisté à cette évolution des prises en charge de ce public d’indésirables. Pourquoi semble t’on avoir fabriqué un « devoir d’ingérence » en faveur des « bénéficiaires », surtout pour agir la nuit ? On abordera ainsi autant les pratiques du pouvoir et celle des délégataires de l’action publique (la police spéciale des SDF, le Samu social, les maraudes) que les « cultures » des sous-prolétaires concernées (tactiques d’invisibilité, prédations, genre). On abordera aussi la question de l’opinion publique qui s’inscrit dans une dialectique complexe entre les processus de précarisations globaux et la médiatisation des exclus lors des « grands froids »).
 
The transformation of night-treatment mode of subproletarian people in Paris’s streets : from the authoritarian out-law emergency system to its humanitarian profilization. 1980-2010

What the cultural dominant and auto-centered language call “the homeless issue” refers mainly to a problem of presence in the public space of disaffiliated people of the capitalist economy. These people live within a state having deployed most of time a repressive outfit against them. However, with regard to the assistantial policies and tinkered solutions by associations, the treatment of this annoying visibility, for a very rich country imbued of its human rights, is very different in the daytime and at night. How to explain this difference which played for a long time in the direction of a stronger repression ? And how to explain a logic of radical inversion within about thirty years with the everyday acceptance of humanitarian practices which make coexist the legal vacuum with the compassional sensibility ?
If the night seems to be a relevant factor of comprehensibility about modalities of public policy toward the too present subproletarian people in the urban space, it remains to be seen why we attended this care’s evolution of this undesirable people. Why do we appear to have made a " duty-of-intervention " in favour of the "beneficiaries", especially to act at night ? We shall approach as much the practices of the power and that of the agents of the public action (special cops of homeless people, “samu social” and “maraudes”) as subproletarian cultures concerned (invisibility tactics, predatory behaviors, gender). We shall also approach the issue of public opinion which is part of a complex dialectic between the global processes of casualization and of mediatization of the outcasts during the so-called “grands froids".


Thomas FOUQUET (IMAF)
 
« Filles de la nuit, aventurières de la cité. Cosmopolitique de la nuit urbaine à Dakar »

Basée sur une enquête ethnographique de plusieurs années dans l’univers noctambule de Dakar et auprès de jeunes femmes qui s’y produisent chaque soir, cette communication interrogera la nuit urbaine sous l’angle des débats contradictoires de la modernité qu’elle focalise au Sénégal. Je considérerai d’abord certains usages de la nuit comme un moment de réinvention de soi et de son positionnement social. L’ « exil imaginaire » que les actrices organisent à travers une série de recompositions spatiales, temporelles, morales et matérielles sera ainsi examiné sous l’angle des désirs d’ailleurs qu’il réfracte, des postures critiques qui s’y rapportent mais aussi des compétences particulières qu’il requiert et mobilise. Je reviendrai ensuite sur les discours sociaux dominants au Sénégal qui évoquent ces jeunes femmes à travers l’expression de « filles de la nuit ». Cette périphrase, qui formule une condamnation morale très explicite, introduit un examen des dispositifs de contrôle qui entourent les actrices. Elle évoque plus largement l’idée d’un mal venu d’ailleurs – i.e. un dévoiement social, moral et culturel dont l’influence néfaste de modèles culturels « d’importation » est censée être la cause – dont ces figures féminines « de la nuit » sont considérées comme emblématiques dans le Sénégal contemporain.
 
This paper builds upon field work conducted among young Dakar women who frequent bars and nightclubs daily. It deals with an interpretation of the Dakar by night as a focus point for “debates of modernity” in contemporary Senegal. I’ll first engage the urban night as a time and place of self-reinventions. The “imaginary exile” the girls organize inside of the night-city can be seen as a mean to overcome social and moral boundaries, through an art of shifting with local constraints whilst reaching larger worlds by proxy. Then I’ll return to the dominant social narratives in Senegal that evoke these young women as “night girls”. This widely shared popular metaphor expresses a very strong moral condemnation. It refers more broadly to the idea of ​​an “evil coming from elsewhere” – i.e. social, moral and cultural corruption that is supposed to derive from a noxious “imported modernity” – about which these young “night-owl” women are seen as iconic in contemporary Senegal.


Participants

Alam Thomas thomas.alam-3@univ-lille2.fr
Bruneteaux Patrick pbx@univ-paris1.fr
Fouquet Thomas tfouquet@ehess.fr
Gueranger David david.gueranger@enpc.fr
Kaciaf Nicolas kaciaf@yahoo.fr
Verhaeghe Sidonie sidonie.verhaeghe@orange.fr
Walker Etienne etienne.walker@unicaen.fr
Zaytseva Anna clineau@gmail.com

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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