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Section Thématique 8

Pour une politique des émotions
Toward a Politics of Emotions

Responsables

Alain FAURE (UMR Pacte, IEP Grenoble) alain.faure@sciencespo-grenoble.fr
Emmanuel NEGRIER (UMR Cepel, Université de Montpellier) negrier@univ-montp1.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

Dans différentes controverses académiques internationales en sciences sociales, on observe depuis une décennie une même tendance à la réévaluation de la place des émotions et des sentiments dans les travaux empiriques et dans les schémas explicatifs (en histoire avec l’hypothèse d’un affect turn mais aussi en géographie -l’émotivité de la vie socio-spatiale-, en philosophie -le désir dans la formation des idées et l’équipement politique des passions-, en neuroscience -les sources de la conscience et le libre arbitre-, en psychosociologie, en psychanalyse…). Coté science politique, Philippe Braud a exploré la voie sur les élections puis a progressivement élargi le spectre jusqu’à ses travaux récents sur la colère des foules et sur les engagements affectifs et moraux à long terme, impulsant des recherches fécondes sur des objets aussi divers que la démocratie, les violences, le pouvoir ou les identités (Sommier Crettiez 2012). La mise à l’épreuve des émotions fait dorénavant l’objet de recherches spécifiques dans le champ politique, à l’image par exemple des études menées sur les mobilisations collectives par Christophe Traïni et de George Marcus sur le citoyen sentimental, des travaux de sociologie sur la dimension passionnelle du pouvoir, des essais de psychologie sur les révoltes, des recherches historiographiques sur la violence des échanges en milieu parlementaire…
Cette effervescence questionne la façon dont les émotions influencent, orientent et parfois même structurent les comportements et les faits politiques. Au vu de la grande hétérogénéité de méthodes et de concepts mobilisés dans ces travaux, nous souhaitons ouvrir une « boite de dialogue » pour relier ces champs de connaissance spécialisés ou méconnus, pour dresser un bilan sur les différentes traditions intellectuelles en présence et pour engager un exercice prospectif sur de potentielles convergences et innovations intellectuelles. Trois pistes en constituent le fil rouge. La première, la socialisation politique des individus et les mobilisations collectives, concerne le repérage des empreintes émotives individuelles qui éclairent, a posteriori, des engagements forts dans l’action politique (qu’il s’agisse de traumatismes familiaux, d’épreuves personnelles, d’évènements marquants, de rencontres décisives, de contextes culturels saillants ou même de sentiers de dépendance aux institutions locales). La deuxième piste inscrit les passions exprimées dans la pratique du pouvoir et du leadership. Elle permet de revisiter différentes séquences qui marquent, par leur intensité émotive, le parcours et le métier des élites politiques. On pense aux ressorts personnalisés de l’éligibilité mais aussi à la dramaturgie des campagnes et des défaites électorales, aux affrontements et compromis dans les arènes politiques, aux pactes scellés au cœur des forums de politiques publiques. La troisième piste enfin porte sur l’action publique et la production des grands récits sur le bien commun. Elle concerne l’ensemble des pratiques discursives et narratives qui donnent aux émotions une place stratégique de réenchantement politique, que ce soit dans le champ plutôt sectoriel (et catégoriel) des mobilisations et des doctrines professionnelles, dans celui plus spatialisé (et identitaire) des stéréotypes territoriaux, ou encore dans celui plus idéologique (et emphatique) des discours sur la défense de l’intérêt général.
La focale des champs explorés se révèle résolument ouverte, embrassant des objets aussi divers que le personnel et les discours politiques, les controverses dans l’analyse des politiques publiques, la représentation et le comportement électoral. Elle s’intéresse également à différents moments politiques : la prise du pouvoir, la présentation de soi, les contestations, les alertes ou encore les scènes délibératives.
30 propositions ont été retenues, qui illustrent la diversité des angles d’attaque de la question, mais aussi l’intérêt que suscite la perspective d’une politique des émotions. Une dizaine de disciplines seront représentées, de la psychologie à la sociologie, en passant par l’histoire, l’anthropologie et, bien sûr, la science politique. Plusieurs pays seront représentés, selon une parité homme-femme parfaite, et avec deux tiers d’enseignants et chercheurs titulaires et un tiers de jeunes chercheurs, docteurs ou doctorants.
Ces communications posent, de façon variable selon les auteurs, la double question de l’émotion comme dimension du politique et comme ressort de politisation. La première acception pense l’émotion comme catégorie essentielle du politique, dont les sciences sociales et humaines ont insuffisamment pris la mesure. La seconde pense l’émotion dans une perspective plus instrumentale, mais aussi plus contextuelle. À cette dualité d’usage correspondent toute une série d’oppositions que nos échanges permettront d’établir et de falsifier. L’émotion est-elle de l’ordre de l’archaïsme ou de la modernité ; de l’essence ou de la manipulation ; de l’individualisation ou du bien commun ; de l’exaspération ou de la pacification des conflits ? Les interventions seront discutées sur différents objets d’études. Certains concernent les thèmes de l’honneur, des identités et de la fierté. Les émotions politiques sont ici étudiées dans la socialisation enfantine, en tant que marqueur genré, au sein des partis, au cœur de l’activité parlementaire, dans la structuration de certains groupuscules, dans les entreprises mémorielles portées par des communautés locales… D’autres concernent la politique des émotions à l’épreuve des colères, des contestations et des mobilisations. Les communications s’intéressent aux productions littéraires, à des groupes de pression, à des mobilisations sociales, à des politiques publiques contestées… D’autres encore concernent l’entrée connexe de l’émotion au cœur des processus de violence, de consensus et de contestations. Les analyses portent sur le traitement d’événements traumatiques, les récits de guerre, la défense des individus en milieu répressif, le rejet des actes de violence…
Compte tenu du nombre de participants retenus, les papiers ne seront pas présentés par leurs auteurs, mais synthétisés au sein de sessions critiques avec le concours de discutants et de « grands témoins ». Pour favoriser cette forme de mise en discussion, il a été demandé aux communicants de rédiger leur communication en détaillant un terrain puis en précisant le cadrage théorique et les passerelles rendues possibles ou souhaitables entre différentes traditions analytiques. Même si l’hypothèse d’un emotional turn est loin d’être validée dans les champs de la science politique et de la sociologie politique, la section thématique se fixe pour objectif d’amorcer un travail collectif résolument introspectif et exploratoire dans ce monde des émotions qui interfèrent avec la politique.
 

In the international world of the social sciences, we note a widespread trend towards a reassessment of the role of emotions and feelings both in empirical work and also in the schematic explanations and theorizations concerning their role in our varying disciplines (in history through references to a possible “emotional turn”; in geography too, through highlighting emotivity in socio-spatial life; in philosophy, through delving into the role of desire in the formation of ideas and political passions; in neuroscience, through probing the sources of conscience and free will; and in psychology or psychoanalysis as well ….). In the field of political science, Philippe Braud explored this perspective concerning elections and then gradually expanded the spectrum till his recent work on anger in crowd behaviour and its long-term effects on moral and emotional engagement, opening up fruitful research avenues on such diverse objects as democracy, violence, power and identities (Sommeiller Crettiez 2012). The thematic of emotions is now the subject of specific research in political science, with, for example, studies undertaken on collective mobilization by Christophe Traïni and on the sentimental citizen by George Marcus, or several works in sociology about the passionate dimension of power, in psychology about revolts, in historiographical research on the violence of exchanges in parliamentary settings…
This effervescent scholarly activity highlights ways in which emotions influence, guide and sometimes structure political behaviour and happenings. Given the heterogeneity of methods and concepts used in this field, our intention in proposing this theme has been to open up a "dialogue" to connect the fields of specialized and little-known knowledge, to take stock of the different intellectual traditions and to undertake the worthwhile exercise of establishing potential convergences and stimulating intellectual innovation. Three avenues for future research have been proposed, the first concerning processes of mobilization and political socialization, the second concerning passions expressed within leadership and the practice of power, and the third concerning public policy and the construction of grand narratives concerning the common good.
The focus of the fields to be explored remains deliberately open-ended and wide in scope, embracing such diverse items as personal as well as political speeches, controversies in public policy analysis, representation and voting behaviour. It also looks at different political moments: the seizure of power, types of self-presentation, ways of tackling disputes or managing discussion. 30 proposals have been selected, which illustrate the variety of perceptions of the issue but also reflect the shared interest in establishing scientific perspectives on the politics of emotion. Six countries will also be  represented, with a good parity between men and women, professors, researchers and young researchers, doctoral and post-doctoral students.
These communications address, in varying ways, the double issue of emotion as a dimension of politics and/or as an instrument of politicization. The first meaning considers emotion as an essential element of politics that the social sciences and humanities have failed to take sufficiently into account. The second considers emotion in a more instrumental, but also more contextual perspective. To this dual use corresponds a series of oppositions that our exchanges will both promote and also question: emotion as archaism or modernity; essence or instrumentalization; individualization or common good; exacerbating or reducing conflict? Given the number of selected participants, the papers will not be presented by their authors, but synthesized and discussed in critical sessions with contributions from key analysts. To promote this form of discussion, contributors of papers have been asked to write their communications by detailing their empirical case and specifying the theoretical framework and suggesting links made possible or desirable between different analytical traditions. Although the hypothesis of an « emotional turn » is far from being validated in the fields of political science and political sociology, our thematic section's objective is to initiate a collective work resolutely introspective and exploratory into this world of emotions that forms an integral part of the world of politics.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 3 : mardi 23 juin 9h00– 12h00
Session 4 : mercredi 24 juin 14h00 – 17h00

Lieu : informations bientôt disponibles


Programme

Mardi 23 juin 2015

9h00-9h10 : Contexte, enjeux et défis (Alain Faure & Emmanuel Négrier)

Discutants pour les deux journées : Philippe Braud, Crystal Cordell, Florence Delmotte, Christian Le Bart, Christophe Traïni, Sophie Wanhich

9h10-10h30 : Axe 1. Mobilisations

L’interdépendance entre carrières militante et professionnelle (Mathilde Arrigoni – CERSA CERI)
Expertise et amour dans la défense de la nature (Consuelo Biskupovic – EHESS)
Le militantisme islamique au Pakistan, une expérience émotionnelle (Amélie Blom - CEIAS)
Passions viriles, émotions féminines (Crystal Cordell - EHESS)
Les instituteurs en Résistance (Juliette Fontaine - CESSP)
Les guerilleros des FARC (Johana Gonzalez – Centre Durkheim)
Les victimes du Distilbène (Coline Salaris – Centre Durkheim)
La socialisation enfantine (Alice Simon - CEPEL)
Le prosélytisme des protecteurs des animaux (Christophe Traïni - CHERPA)
Les sensibilités des quartiers sensibles (Jean-Yves Trépos – 2L2S)

10h30-11h50 : Axe 2. Action publique

Au tribunal (Janine Barbot – CERMES3)
La tempête de 1999 (Véronique Dassié - IDEMEC)
Sentiment d’appartenance et indifférence à l’Europe (Florence Delmotte – FRS, Heidi Mercenier – St Louis, Virginie Van Ingelgom - FRS)
La Cimade dans les centres de rétention administrative (Nicolas Fischer - CESDIP)
Le mémorial de l’esclavage à Nantes (Renaud Hourcade - CURAPP)
La marchandisation des affects (Fabienne Martin-Juchat – GRESEC, Thierry Ménissier – PLC)
L’homo emoticus (Thierry Paulmier – Paris Est)
Les larmes du Prince (Laurent Smagghe - Sorbonne)
Les ressorts affectifs du 11 septembre européen (Gérôme Truc - CEMS-IMM)

11h50-12h00 : première esquisse de synthèse

Mercredi 24 juin 2015 (14h-17h)

14h00-15h20 : Axe 3. Leadership

Une ressource masculine (Clément Arambourou – Centre Durkheim)
Au sommet des partis (Carole Bachelot – Université Lorraine)
Les imaginaires polynésiens (Rudy Bessard – Centre Montesquieu)
Le fils préféré? (Marie Brossier - CIRAM)
Une campagne municipale (Laurent Godmer – Université Paris Est)
L’identité catalane (Jordi Gomez – Paris 2)
La musique marketing (Thibault Jeandemange - Triangle)
Des maires contre une réforme (Maurice Olive - CHERPA)

15h20-15h40 : Premier bilan avec les 6 discutants

15h40-17h00 : Axe 4. Table ronde prospective

Avec la participation de Marc Abélès (LAIOS), Paul Bacot (Triangle), Laurent Bègue (MSH), Damien Boquet (TELEME), Philippe Braud (CEVIPOF), Xavier Crettiez (CESDIP), Sarah Gensburger (ISP), George E. Marcus (Williams), Jean-Louis Marie (Triangle), Christophe Traïni (CHERPA), Yves Schemeil (PACTE) et Sophie Wahnich (IIAC)

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Résumés des contributions

Clément Arambourou (Centre Durkheim Bordeaux)

Le jeu sur les émotions en politique, une ressource potentiellement et paradoxalement masculine

C’est dans la lignée des lectures féministes de l’œuvre de Pierre Bourdieu qu’il est possible de proposer une conceptualisation du genre comme espace notamment structuré par les propriétés émotionnelles. En effet, devenir un homme, c’est dans la tradition de notre modernité mettre à distance les épanchements non maîtrisés des affects qui sont réservés aux femmes et aux enfants. Cette proposition conceptuelle permet de prolonger les travaux des études de genre appliqués au personnel politique d’une part et ceux du processus de « privatisation » de la vie politique d’autre part. Ces deux types de recherche peuvent se rejoindre autour de la notion d’informalisation (Cas Wouters) qui désigne un processus de relâchement contrôlé des émotions alors en opposition avec un des principes de construction des masculinités modernes. C’est à partir de l’étude des publications d’établis du champ politique que cette communication entend montrer qu’il n’y a en pratique pas de contradiction entre mise en récit de l’émotivité et production d’une masculinité politique. Bien au contraire, grâce à son association aux attentes supposées émanant des profanes, ce processus constitue une ressource pour la production du genre dominant en politique et pour la conservation des positions de domination d’ordres politique et sexuel en quête d’adaptation aux évolutions sociales.

Mathilde Arrigoni (CERSA CERI Paris)

L’interdépendance entre carrières militante et professionnelle

Cette communication cherche à élucider un angle mort de la sociologie du militantisme, à savoir le lien entre les sphères professionnelle, militante et privée, en partant du postulat que les conversions de ressources professionnelles dans la sphère militante ne relevaient pas seulement d’une capitalisation de pratiques mais de sensibilités primordiales. En s’intéressant aux carrières de trois militantes, nous montrons que les sensibilités primordiales sont formatées par la caritas, entendue comme le souci d’autrui mêlé de culpabilité et de compassion. Tandis que la culpabilité permet de se conformer au système de valeurs familiales, la compassion débouche sur des comportements transgressifs qui vont à l’encontre de ce système de valeurs. Ce faisant, la caritas devient une forme d’affirmation identitaire. Ce constat nous conduit à approfondir la notion d’intérêt au désintéressement : les causes défendues par ces militantes ont un lien étroit avec leur histoire la plus privée.

Carole Bachelot (Université de Lorraine)

La gestion des émotions au sommet des partis

Cette communication propose de s’intéresser au rôle joué par les émotions dans la régulation des institutions partisanes, au sein de leurs instances nationales de direction. La dimension émotionnelle est d’ordinaire évacuée par les théories générales des partis : ni les approches organisationnelles, qui se focalisent sur la quête du pouvoir et la circulation de ce dernier au sein des partis, ni celles qui traitent de l’ancrage social des partis (distinction établie par Georges Lavau, 1953) ne prennent spécifiquement en compte cette dimension. L’étude de la direction des partis, très marquée par le prisme de la professionnalisation (Panebianco, 1988) insiste bien davantage sur le recours à l’expertise et la technicité des tâches que sur le recours éventuel aux émotions, si ce n’est sous l’angle de la managérialisation (Aldrin 2007). Notre hypothèse est qu’au contraire, la gestion des émotions (les leurs, mais aussi celles des cadres intermédiaires et des militants) est une dimension essentielle du métier de ces élites politiques particulières, alors même que leur pouvoir effectif devient de plus en plus « symbolique ». A partir d’une étude de cas centrée sur le Parti socialiste et en utilisant des éclairages ponctuels sur le Parti travailliste britannique, nous proposons donc de montrer que la prise en compte de cette dimension émotionnelle est essentielle à la compréhension des carrières des dirigeants partisans comme du fonctionnement collectif de l’institution.

Janine Barbot (INSERM – Cermes3)

Les émotions au tribunal

Cette contribution s’appuie sur les récents travaux réalisés en collaboration avec Nicolas Dodier autour de la place des victimes au procès pénal. Nos travaux se sont intéressés aux différentes manières par lesquelles les juristes abordent la présence croissante des victimes dans les procédures judiciaires, tant dans le cadre de leur travail doctrinal, qu’à l’occasion des plaidoiries prononcées au cours de procès qui, conduits autour de drames collectifs, sont caractérisés par une forte participation des ‘parties civiles’ à l’audience. Nous discuterons l’intérêt de recourir à la notion de répertoire normatif pour rendre compte, au-delà de la pluralité des positions qui peuvent s’exprimer, de l’existence d’un socle commun aux juristes pour envisager la construction d’un rapport ajusté aux victimes. Le travail sur les émotions, que les victimes suscitent ou devraient susciter, occupe une place centrale dans ce répertoire normatif, opposant les juristes sur la contribution qu’elles peuvent apporter à la construction d’un procès juste et équitable.

Rudy Bessard (Centre Montesquieu Bordeaux – Laboratoire Gouvernance et Développement Insulaire Polynésie française)

Les imaginaires polynésiens

Les formes du leadership politique montrent des reliefs émotionnels qui participent à la compréhension d’une domination politique dans un espace local de pouvoir. L’objet de recherche relatif au leadership de l’ancien président de Polynésie française, Gaston Flosse – fort d’une carrière politique de presque soixante ans comprenant l’ensemble des mandats et des positions – s’inscrit dans un terrain de recherche aux caractéristiques originales. En effet, la collectivité d’outre-mer de Polynésie française jouit d’un statut d’autonomie dans la République française. Située à 17 000 km de Paris, les archipels polynésiens présentent non seulement une géographie particulière, mais aussi des logiques anthropologiques et sociologiques spécifiques, qui appartiennent à la fois aux registres occidentaux et océaniens. Il en émane une hybridité du politique, décelable dans les manifestations du leadership, qui illustre divers répertoires émotionnels. D’une part, ceux-ci traduisent la mobilisation de ressources politiques par le leader. D’autre part, ils permettent de préciser le rapport au pouvoir des suiveurs et des gouvernés, qui est repérable dans les imaginaires politiques. La dimension émotionnelle du politique apparaît dès lors à plusieurs niveaux. Sur le plan des ressources politiques, il s’agit de comprendre les ressorts de la formation du leadership, par l’analyse des interactions entre la mobilisation de ressources multidimensionnelles et les propriétés de l’espace sociopolitique dans lequel il évolue. Ainsi, la compréhension de la trajectoire de l’entrepreneur politique nécessite un regard sur ses ressources personnelles, en particulier sur la ressource de la mise en scène du charisme. Celle-ci s’appuie, dans le cas polynésien, sur la dimension non-verbale, la théâtralité, l’art oratoire, l’humour et la mise en avant des capacités exceptionnelles du leader. En outre, dans un espace caractérisé par une dimension émotionnelle importante dans la formation des représentations cognitives du politique, l’examen des imaginaires politiques met en perspective des mécanismes de légitimation (récit identitaire, personnalisation des symboles territoriaux…) et de domination (mobilisation de la ressource politique de la peur, violences symboliques), qui irriguent les représentations des suiveurs et renseignent sur les rapports des gouvernés au pouvoir et à la démocratie.

Consuelo Biskupovic (EHESS-IRIS)

Expertise et amour dans la défense de la nature

Cette enquête (2007-2011) s’interroge sur l’expérience politique d’une association citoyenne (Réseau de Défense de la Précordillère, RDP) crée en 2006 par les riverains du quartier de Lo Cañas de la commune de La Florida (362903 habitants) afin de protéger celle qu’ils considèrent la dernière forêt primaire de la précordillère de Santiago, Chili. Premièrement, ce travail expose le passage d’une revendication de la nature liée à la réaffirmation de l’identité du quartier Lo Cañas vers une expertisation de l’association pour défendre l’environnement. Ensuite, nous montrerons que si au sein de la « défense » de ce territoire le savoir citoyen joue un rôle central pour essayer d’avoir une incidence dans les affaires relatifs à la forêt, les affects sont déterminants pour s’engager, pour nouer une relation avec la nature et surpasser les heurts avec les fonctionnaires. Deux événements à Lo Cañas marquent la consolidation du Réseau de Défense de la Précordillère. Tout d’abord, la catastrophe occasionnée par les coulées de boue (appelé « el aluvión ») qui, en 1993, inondent une grande partie de Santiago, et qui affectent surtout la précordillère de La Florida. Deuxièmement, la découverte et ensuite la prise de conscience sur l’importance d’une forêt primaire d’environ cent hectares (« Panul »), cible d’un nouveau projet immobilier, va stimuler le processus d’action collective à Lo Cañas à partir de 2006. Depuis les années 1990, la précordillère est un espace convoité par différents acteurs : citoyens, autorités, entrepreneurs immobiliers projettent des idées diverses sur ce territoire qui est l’objet de controverses. Les citoyens vont à la rencontre d’autorités, de fonctionnaires, d’experts où tant les affects que l’expertise technique sont au centre de ces interactions. Si la « défense de la nature » rencontre une certaine légitimité auprès des publics grâce au savoir citoyen, la relation affective avec l’environnement n’est pas facilement transformable en argument valide. « Aimer » l’environnement, le quartier, l’entourage, les forêts existantes n’est pas un argument contraignant lorsqu’il s’agit d’évaluer des projets et des transformations. Cependant, l’enquête ethnographique montre que la dimension affective est inséparable de l’agir politique citoyen et du devenir de la nature. « Etre affecté », pour reprendre l’expression de Jeanne Favret-Saada, ouvre la possibilité d’une communication (1990). Cette communication ou « affectation » non seulement déclenche au début l’engagement envers ce qu’on aime (la nature) mais aussi elle fait perdurer la vie collective au sein de l’association. Il faut l’aimer pour vouloir le protéger, argumentent les membres du RDP. Dans un contexte marqué par l’absence de dispositifs de participation citoyens, l’expression des sentiments ou d’affection au cours des interactions – l’empathie, la rage ou la colère, par exemple – van a influencer le cours des rencontres.

Amélie Blom (CEIAS-CNRS/EHESS)

Crainte et tremblement : Parler émotions avec de jeunes militants de la “cause islamique” au Pakistan

James Jasper constate que “toute discussion sur les émotions en politique restera brouillée si l’on continue à prétendre qu’elles constituent une seule et même catégorie homogène”. Il propose, pour y remédier, une typologie – humeurs, émotions réflexes, sentiments moraux, etc. – auxquelles sont associées différentes fonctions politiques. Cette solution taxinomique simplifie à outrance un problème de connaissance dont la difficulté doit beaucoup à son caractère relativement récent: comment saisir en contexte la relation entre émotions et engagement politique? C’est au contraire en complexifiant cette relation, à l’aide entre autres de discussions méthodologiques élaborées à partir d’études de cas empiriques, que la compréhension des dynamiques émotionnelles de la mobilisation progressera; voire même, que des expériences émotionnelles jusque-là mal identifiées ont quelques chances d’être répertoriées. Visant donc à contribuer aux approches écologiques du rôle politique des émotions, la présente étude s’appuie sur une série d’entretiens ethnographiques menés avec de jeunes militant-e-s de la “cause de l’islam”, au Pakistan – à Lahore, Islamabad, Karachi – dans le courant des années 2000. Cette enquête démontre, tout d’abord, que, et à l’instar d’autres mobilisations, le militantisme islamique peut utilement être interprété comme une expérience émotionnelle, à savoir une séquence de situations concrètes et successives à laquelle le-la militant-e peut se rapporter, et qui lui sont intelligibles, par la médiation de ses affects. Il importe toutefois de s’interroger également sur les effets de connaissance spécifiques produits par les conditions d’accès à “l’émotion des militants”. A travers un repérage de l’expression des émotions en rapport à son environnement, deux situations sont ici identifiées: celle, narrée, de l’engagement (entrée, maintien, voire désengagement), et celle de l’entretien sociologique. Dans le premier cas, je distinguerai les émotions nommées par l’acteur comme explicatives de son comportement de celles qui s’insèrent dans une opération discursive de qualification et disqualification des choses, êtres, relations. Dans le second, le déroulement de l’entretien, il s’agira de déchiffrer un tout autre type de matériel: l'”affectivité obscure et silencieuse” (M. Neuberg) qui sont, soit déduites de la logique intrinsèque du récit de l’expérience militante, soit ressenties par l’observateur et dépendent alors des propriétés de l’interaction.

Marie Brossier (Université Laval Canada)

Le fils préféré ? Luttes entre héritiers politiques et biologiques au Sénégal depuis l’alternance (2000-2014)

Cette communication s’intéresse aux modalités de production du politique par la famille autour des formes de transmission familiale du pouvoir politique comme modes spécifiques de succession politique. En proposant d’ouvrir le chantier d’une « politique des affects » sur le terrain africain, nous travaillerons à partir du cas sénégalais où la transmission a échoué après avoir été largement envisagée du côté du camp du Président Wade lors de son deuxième mandat (2007-2012). Il s’agit d’identifier les conditions de possibilité et de non possibilité d’une transmission familiale du pouvoir politique ainsi que d’analyser l’impact de l’échec de cette tentative de transmission dans la restructuration du jeu politique et partisan post-alternance (2012). On s’intéressera particulièrement à la lutte entre héritiers politiques et biologiques, notamment entre Macky Sall (ancien Premier Ministre sous Wade (2004-2007) et président de l’Assemblée nationale (2007-2008), désavoué en 2008 puis élu président de la République (2012-) au 2ème tour contre Wade) et Karim Wade (fils du Président Wade, ancien ministre et actuellement poursuivi pour enrichissement illicite et en prison depuis avril 2013), dans les arguments, registres politiques, émotionnels et les effets notamment partisans et judicaires qu’elle implique sur l’espace de la compétition et celui de la succession politique au Sénégal. En identifiant les registres émotionnels mobilisés par les leaders dans le jeu politique (discours, campagnes électorales, etc.) et dans l’espace du politique et du public, on pourra esquisser une relecture des rapports de domination et de pouvoir dans les sociétés africaines contemporaines.

Crystal Cordell (Paris Cespra – EHESS – Sciences Po Menton)

Passions viriles, émotions féminines ? Généalogie de la construction genrée des affects politiques

Nous proposons de revenir sur la généalogie des émotions politiques du point de vue de la question du genre. Il s’agira d’analyser le rapport ambigu qu’entretient la politique avec les émotions depuis les débuts de la démocratie. D’une part, les émotions sont conçues comme antithétiques par rapport à un certain idéal de rationalisme politique. D’autre part, il s’agit pour les gouvernants à la fois de maîtriser leurs propres émotions et de maîtriser celles du peuple. Ainsi la rationalité constituerait-elle un principe nécessaire de domination par rapport à une émotivité qui ne contient pas en elle-même de principe directeur. Nous nous interrogerons dans un premier temps sur la symbolique genrée de ce rapport du supérieur à l’inférieur que représente le rapport entre raison et émotions, activité et passivité, masculin et féminin. Cette analyse nous conduira à repérer une distinction sémantique entre deux vocables employés pour signifier les affects en politique, à savoir « émotions » et « passions ». Nous montrerons dans quelle mesure cette distinction sémantique renvoie à une opposition entre féminité et virilité, cette dernière étant davantage associée à la dimension publique de la citoyenneté, la première symbolisant le caractère privé des intérêts et des activités n’ayant pas de dimension républicaine. Il conviendra enfin de considérer la manière dont se manifestent à l’époque contemporaine les dimensions genrées des émotions, entre affaiblissement et persistance.

Véronique Dassié (Idemec – CNRS- MMSH – Université Aix-Marseille)

Une émotion patrimoniale au service d’un engagement consensuel

En décembre 1999, le territoire français a été touché par une tempête qui a dévasté l’ensemble des massifs forestiers, du Nord au Sud. Le parc du château de Versailles, détruit par les vents, est alors devenu emblématique de la catastrophe, cristallisant une attention qui s’est traduite dans une mobilisation internationale en faveur sa replantation. De nombreux travaux ont mis en évidence les liens intimes entre patrimoine et politique. Mais, le plus souvent, il s’agit d’envisager alors la manière dont le pouvoir institué se déploie à travers ce qu’il désigne comme patrimoine. L’évènement Versaillais est révélateur d’un engagement patrimonial dont le point de départ semble moins être l’Etat que des citoyens atomisés sur la scène internationale. Cet exemple révèle que, dans certaines circonstances, le patrimoine peut soudainement et concrètement être ressenti comme un « bien commun » par tout un chacun au point de motiver un engagement en sa faveur. Une telle forme d’ancrage de la conscience collective, via le patrimoine, pose question. Si la relation entre patrimoine et identité a déjà été étudiée (Le Goff 1998), le cas présent invite en effet à sa relecture. Considérée d’ordinaire sous l’angle du local, du religieux, de l’ethnique ou du politique, l’appartenance à un groupe apparaît ici quelque peu mise à mal. L’émotion versaillaise a pu contre toute attente fédérer des individus issus d’horizons très divers et non spécialistes du patrimoine, révélant non seulement un changement des modalités d’inscription dans un groupe, mais aussi l’émergence d’une nouvelle forme d’action collective (Traïni 2009). Deux aspects seront pris en compte dans la présentation afin de démêler les rouages de cette mobilisation : d’une part la place de la nature et plus précisément des arbres dans le dispositif, d’autre part l’articulation des sphères publiques et privées. Entre les deux, des émotions contribuent au tricotage d’enjeux le plus souvent inconciliables par ailleurs. Des émotions multiples contribuent à la mise en ordre morale de la catastrophe et viennent imprégner la conscience patrimoniale. Elles mobilisent d’autant mieux que d’autres événements les réactivent. Les empreintes affectives qui préludent à l’engagement au nom du patrimoine sont donc multiples mais si elles impriment la conscience individuelle, c’est avant tout parce qu’elles sont partageables et qu’elles s’enracinent dans des végétaux propices aux instrumentalisations politiques. Les résultats présentés s’appuieront sur une enquête ethnographique menée entre 2000 et 2006 (Dassié 2014) dans le cadre d’un programme de recherche collectif sur les émotions patrimoniales piloté par Daniel Fabre (2013).

Florence Delmotte (F.R.S.-FNRS, Université Saint-Louis – Bruxelles), Heidi Mercenier (Université Saint-Louis – Bruxelles), Virginie Van Ingelgom (F.R.S.-FNRS, Université catholique de Louvain)

Émotions et indifférence dans le rapport à l’Europe. Quand des jeunes s’en mêlent (ou pas)

Cette communication aborde la question du rôle joué par les émotions des citoyens dans leur rapport à l’Europe, quand les études européennes s’en sont assez peu souciées. Certes, après 1992 (et la ratification difficile du traité de Maastricht), et plus encore après 2005 (et l’échec de la ratification du Traité Constitutionnel), des interrogations sur la « légitimité » du projet européen ont emmené dans leur sillage la question de l’attachement. Notamment à travers l’hypothèse d’un sentiment d’appartenance à l’Europe jugé globalement défaillant. Cependant, celui-ci demeure mal cerné par le biais des sondages Eurobaromètres, qui n’échappent pas à l’opposition dénoncée par Norbert Elias entre raison et sentiment. Dans le même temps, la question de l’indifférence des citoyens à l’Europe reste peu investiguée dans des schémas prisonniers des approches (« soutien versus rejet ») léguées par les études sur l’euroscepticisme. Dans le cadre d’une recherche collective portant sur l’acceptation sociale de l’UE comme espace de régulation, six entretiens collectifs avec des groupes de quatre à sept jeunes (âgés de 16 à 26 ans) ont été organisés en 2013-2014 dans différents quartiers de Bruxelles, offrant d’autres points de vue sur ces questions. L’enquête part de l’hypothèse qu’un ordre politique ne peut prétendre à la légitimité que si les citoyens s’orientent d’après les représentations qu’ils se font de cet ordre (Weber). Partant de là, on tentera de montrer que le « repérage d’empreintes émotives individuelles » n’est pas seulement utile pour rendre compte d’engagements politiques forts. Il l’est aussi pour comprendre des formes de désengagement et de retrait qui se révèlent irréductibles à une absence de sentiments vis-à-vis de l’Europe, et parfois compatibles avec une connaissance approfondie de « ce dont on parle ».

Nicolas Fischer (CESDIP)

La Cimade dans les centres de rétention administrative

Cette communication propose de réexaminer la production et la gestion sociale des émotions dans un cas particulier, celui des salariés associatifs assurant une assistance juridique individuelle auprès des étrangers en instance d’éloignement du territoire enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA). Cette configuration place d’emblée ces « intervenants » au cœur d’une tension entre deux loyautés peu compatibles : participant à la mise en œuvre d’une politique publique, ils sont des acteurs officiels de l’institution et se conforment donc à ses règles. Acteurs militants, ils revendiquent toutefois simultanément un engagement aux côtés des étrangers enfermés, qu’ils côtoient effectivement, et dont ils connaissent avec plus ou moins de précision les pratiques régulières comme irrégulières. La communication se fondera sur une série d’observations ethnographiques effectuées dans un centre de rétention, pour analyser la production émotionnelle particulière qui résulte de cette ambivalence, et le « travail émotionnel » qui devient alors indispensable pour contrer ou canaliser ses manifestations dans le travail quotidien. Si les trajectoires et les socialisations professionnelles jouent un rôle important dans cette gestion des émotions individuelles, on insistera particulièrement sur son articulation avec les dimensions matérielles et organisationnelles du travail – agencement du guichet, logique « humanitaire » de rapprochement et d’empathie vis-à-vis des personnes aidées. On s’efforcera ainsi de dégager quelques conclusions sur l’articulation entre la production des émotions et le cadre institutionnel de l’action publique.

Juliette Fontaine (CESSP)

Les instituteurs en Résistance

Notre communication se propose de montrer la manière dont les émotions peuvent guider l’entrée en « résistance » – sous différentes formes – des instituteurs durant la période de Vichy. Nous verrons que l’engagement politique des instituteurs est corrélé à de fortes « empreintes émotives », en lien avec les traditions sociologiques les plus classiques : interactionniste et déterministe. Les instituteurs résistants semblent en effet suivre une « carrière » au sens du concept développé par Howard Becker : la rencontre avec une personne déjà initiée ainsi qu’un événement « déclencheur » semblent déterminants pour expliquer l’entrée en résistance. Or, ces événements sont corrélés à des marqueurs émotifs majeurs : ils provoquent chez les instituteurs un véritable bouleversement. Nous verrons ainsi le cas de Bernard Brou, entré en résistance après avoir fait la « fascinante » rencontre de Gaby. Nous le verrons également dans le cas de d’Alix Lataillade, entrée quant à elle en résistance après avoir assisté impuissante à l’arrestation de trois enfants juifs dans sa classe. Face à un même risque ou à une même opportunité, les instituteurs ne réagissent cependant pas de manière identique. Revenir sur leurs caractéristiques sociales était donc nécessaire. Or, là aussi, les déterminismes sociaux liés à l’engagement se sont révélés affiliés à des empreintes émotives notables : l’entrée en résistance peut en effet s’analyser comme une forme d’affirmation et de valorisation de soi (estime de soi), en compensation d’un sentiment de déclassement, de rupture familiale ou professionnelle, ou de sociabilité réduite, donc d’un malaise social. Nous le verrons à travers l’exemple de Jean Doudin, instituteur déclassé, devenu grand résistant.

Laurent Godmer (LIPHA, Université Paris-Est)

Une campagne électorale

Les campagnes électorales « ordinaires » sont parfois présentées comme dépourvues d’émotions. En étudiant ethnographiquement une campagne municipale à Paris, nous avons observé au contraire la fréquence de leur présence. Trois phénomènes principaux furent visibles : premièrement, l’importance de la liesse « de basse intensité », la forme la plus visible des passions dans le cadre de cette campagne ; Deuxièmement, les nombreux effets des émotions sur la dramaturgie des campagnes des différentes listes, qui se construisent autour de tensions, de dramatisations, de souffrances, de joies, de peurs, de haines et de colères très diverses; Troisièmement, l’émergence de « nouvelles » émotions liées aux nouvelles technologies et aux nouveaux médias.

Jordi Gomez (Université Paris 2)

L’identité catalane au Nord des Pyrénées

Dans le Département des Pyrénées-Orientales, la mobilisation de référents identitaires semble depuis les années 2000 faire consensus. À cette période, un basculement se produit : « aimanter » par la croissance économique d’une Catalogne fière de son identité, des élus de tous bords entament un processus visant à éveiller le sentiment identitaire. Il s’agit de créer une identité collective, de fabriquer un « territoire imaginaire » transfrontalier, de faire émerger une « communauté émotionnelle » (B. Anderson) en partie définie contre un ordre ancien. Les élus tentent entre autres de compenser sur le plan psychosociologique les effets du sous-développement endémique et une fascination/répulsion par rapport au « grand frère » du Sud. L’identité véhicule une forme de réenchantement de l’action publique locale. Parce qu’elle touche à la construction existentielle de l’individu, à son rapport à l’espace et au temps, la « politique de l’identité » est une « politique des émotions » ; utiliser les symboles identitaires et territoriaux revient à mobiliser le registre émotionnel, à faire vibrer la corde de la passion. L’objectif de cette communication est d’analyser l’ancrage émotionnel d’une politique de l’identité au niveau territorial.

Johanna González (Centre Durkheim Bordeaux)

Le rôle des empreintes émotives émotionnelles dans l’engagement armé des guérilleros des FARC

Les explications traditionnelles de la violence (entre autres, la thèse de l’acteur rationnel, l’analyse des causes objectives de la violence, l’étude de la lutte pour la survie) s’étant révélées insuffisantes à établir la totalité des causes de l’engagement personnel des combattants (au cas particulier, les guérilleros des FARC) ou la pérennisation de la lutte armée, il est apparu nécessaire d’étudier l’action de la guérilla au travers d’une grille d’analyse qui prenne en compte des éléments subjectifs, moraux, symboliques et le rôle des émotions dans le conflit armée colombien. Ainsi, nous allons étudier le rôle des empreintes émotives émotionnelles dans l’engagement armé des combattants des FARC. Pour ce faire, nous allons d’abord nous concentrer sur l’étude des pratiques langagières des anciens guérilleros. En effet, les émotions se traduisent dans les pratiques langagières (avec des marqueurs discursifs des émotions) et peuvent donc être détectées par une analyse du discours. Par la suite, nous allons décrire le parcours biographique des combattants afin d’identifier leur processus de socialisation et de radicalisation : « quels sont donc les éléments biographiques qui éclairent, au moins partiellement, le choix de moyens violents par ces acteurs pour défendre leur cause ? », quelles sont les « correspondances entre des évènements émotionnellement investis et la radicalisation “violente” » ?

Renaud Hourcade (CRAPE – IEP de Rennes)

Gouverner les émotions ? La construction du Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes (1998-2012)

Implanté en 2012 dans une ville qui fut le plus important port négrier de France, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes est chargé d’incarner symboliquement le rapport de la ville à ce lourd passé. Il met en scène un ensemble d’émotions collectives, parfois contradictoires (sentiment de culpabilité, compassion pour les victimes, reconnaissance de leurs descendants, fierté de l’abolition…) portées et investies par des acteurs variés : élus, militants associatifs ou artistes. Cette communication analyse les rapports de force entre ces différentes approches des émotions légitimes liées à l’esclavage, en soulignant les cadres cognitifs qui les sous-tendent et les divers objectifs visés. Le chemin chaotique du mémorial, qui a mis plus de dix ans à sortir de terre, s’explique en partie par ces divergences. La communication s’intéresse aussi à la manière dont ces visions de l’émotion collective légitime sont traduites dans le symbolisme et l’esthétique du monument lui-même, ainsi que dans les interprétations proposées par les acteurs. Nous mettons ainsi en lumière les logiques qui façonnent et diffusent une certaine forme d’« émotion officielle », qui peine toutefois à s’imposer sur les autres rapports aux passé.

Thibault Jeandemange (Triangle Université de Lyon)

Les émotions musicales dans la communication politique : La musique participe-t-elle à la production des grands récits sur le bien commun ?

La musique, de par sa capacité à fédérer des émotions par des rituels, fait partie des outils symboliques privilégiés dans les stratégies de production et de légitimation de l’imaginaire, afin de produire et structurer les émotions (comme le sentiment d’appartenance, la sensation de « bien être », l’identité sociale, politique, culturelle, etc.).L’usage de plus en plus soutenu de ce médium dans la communication et le marketing politique nous invite à interroger l’opposition entre d’un côté, l’usage marketing de la musique pour produire des émotions, et de l’autre l’usage des émotions musicales pour produire un grand récit de « bien commun ». C’est à partir d’archives audiovisuelles (spots de campagne et morceaux de musique) des campagnes présidentielles françaises de 1981 à 2012 que cette communication propose de montrer pourquoi l’usage du système émotionnel, par le biais de la musique, peut participer à la production de grands récits sur le bien commun.

Fabienne Martin-Juchat (GRESEC Université de Grenoble – Alpes), Thierry Ménissier (Philosophie Langages & Cognition, Université de Grenoble – Alpes)

Quelle « puissance » politique pour le capitalisme affectif ?

Dans la modernité, le politique a été pensé à partir du prisme idéologique de l’agir communicationnel habermassien : parce qu’il est défini comme un être rationnel doté de langage et pour autant qu’il jouit des facultés de son entendement, l’individu humain se trouverait en capacité de déterminer des règles lui permettant d’agir de manière droite et juste, à partir de l’éthique de la discussion. A l’époque contemporaine, cette théorie de l’espace public, si elle a été critiquée, a fait reposer les capacités politiques sur le pouvoir du sujet dialectique et dialogique capable de prendre des décisions sur le rapport entre les moyens et les fins à partir de la force d’une argumentation. Elle n’a donc pas pu prévoir la puissance politique du capitalisme par sa capacité à construire et à capter les affects des collectifs. L’usage intensif addictif et quotidien des TIC dans un régime de multiactivités (Dumas, Martin-Juchat, Pierre 2014) par la génération dite Y est dominé par des logiques d’ambivalence affective entre aveux de dépendance et désir d’autonomie. Si bien que la politique, telle qu’elle a été définie à partir des théories modernes et contemporaines, semble inappropriée pour appréhender « les transformations de l’intimité » (Giddens 2004) aussi bien que « les sentiments à l’ère du capitalisme » (Illouz 2006), lesquels se manifestent dans une dynamique de marchandisation des affects par la communication numérique (Martin-Juchat 2014). L’usager des TIC semble littéralement à la recherche de son identité politique. Cette contribution vise à dessiner les formes politiques pertinentes pour l’usage contemporain des TIC, dans la perspective d’une anthropologie politique soucieuse de penser la condition humaine en regard de son activité, dans la perspective d’une notion de « puissance » qu’il faut repenser (en reprenant le concept de « power », in Arendt 2012) et en vue de la nécessaire redéfinition de l’espace public et du rôle des institutions dans le contexte de l’usage massif des TIC (Ménissier 2011 & 2014). A partir d’une présentation de résultats d’une étude récente sur les usages affectifs du numérique par la génération Y et du type de questionnements qu’ils soulèvent, nous centrerons notre propos sur la redéfinition des espaces privés, publics, professionnels, à l’ère de l’affectivisation des pratiques.

Maurice Olive (Aix-Marseille-Université, Cherpa – Sciences Po Aix)

Des maires contre une réforme. Épreuves des émotions dans des mobilisations d’élus locaux

Cette communication vise à éclairer la mobilisation de maires engagés dans des actions protestataires localisées – ici, contre l’intégration de leur commune à la gouvernance métropolitaine. Trois propositions, plus programmatiques que conclusives, y sont soumises à la discussion. Les entretiens réalisés avec les maires les plus mobilisés accréditent tout d’abord l’hypothèse suivant laquelle la propension des élus à éprouver et faire usage des émotions est socialement différenciée, et corrélée à leurs trajectoire et position dans l’espace municipal : elle sera d’autant plus vive que leur parcours politique s’y inscrit fortement. Les rétributions associées à leur mandat ne suffisent pourtant pas à rendre compte de la force de leur engagement. Seul un détour par l’histoire personnelle de ces élus permet d’identifier des dispositions à s’indigner du sort réservé à leur commune. L’usage politique de ces attaches ne va cependant pas de soi. Pour être mobilisateurs, les récits sur la dévotion communale doivent entrer en résonnance avec des configurations localisées, héritées de l’histoire sociale des lieux et de leur peuplement. Ils doivent aussi être indexés à des épreuves (actes, postures, savoir-être) que tous les élus ne sont pas en mesure d’engager.

Thierry Paulmier (Paris Est)

Les fondements émotionnels du comportement humain : L’hypothèse « homo emoticus »

On propose dans ce papier un nouveau modèle anthropologique pour la science politique permettant de fonder l’hypothèse de « l’homo emoticus ». Selon Alfred Adler, le comportement humain est déterminé par une lutte continuelle contre un sentiment d’infériorité qui conduit en permanence, suivant un processus de surcompensation, à désirer la puissance ou la supériorité. Il est possible de distinguer quatre facettes du sentiment d’infériorité ressenti par l’homme : le sentiment d’insécurité liée à sa vulnérabilité corporelle, laquelle donne lieu à la peur ; le sentiment de diminution, liée à son infériorité psychologique, laquelle donne lieu à l’envie ; le sentiment de petitesse, liée à sa perfectibilité, laquelle donne lieu à l’admiration ; enfin le sentiment de filialité liée à sa dépendance, laquelle donne lieu à la piété filiale. Ces quatre sentiments s’activent au contact d’un phénomène extra-ordinaire particulier, respectivement, le danger, l’obstacle, la perfection et le don. Ils donnent naissance chez le sujet, respectivement, aux soucis de conservation de soi, d’estime de soi, d’idéal de soi et d’origine de soi. Le sujet met en œuvre un style de vie qui a pour but final la sécurité, la supériorité, la perfection et la filiation. La peur, l’envie, l’admiration et la piété filiale définissent chacune une ligne de conduite expliquant le comportement humain. Elles permettent de décrire les quatre stades de la rencontre avec autrui, suivant qu’on perçoit celui-ci comme un danger, un obstacle, une perfection ou un don, et de décrire ainsi comment se fait la distinction ami/ennemi et le recours à la violence. Elles permettent également d’expliquer le comportement d’attachement à une figure supérieure, suivant que l’on a peur (d’où l’attachement à un protecteur), que l’on envie (d’où l’attachement à un magicien), que l’on admire (d’où l’attachement à un héros) ou que l’on aime filialement (d’où l’attachement à un père), ainsi que les motifs d’association politique en raison d’une émotion partagée : la peur, l’envie, l’admiration ou l’amour filial. Homo emoticus présente donc quatre visages, homo timidus, homo invidus, homo admirator et homo pius, qui permettent de décrire le comportement humain dans pratiquement toutes les circonstances de la vie en société.

Coline Salaris (Centre Emile Durkheim – Sciences Po Bordeaux)

Mobilisées par émotions, mobiliser les émotions: le cas des mobilisations de victimes du Distilbène®

L’étude des mobilisations de victimes dans des affaires de santé publique invite à considérer le lien majeur que cette forme d’action collective entretient avec la question des émotions. Les émotions constituent en effet un motif de passage à l’action pour ces individus blessés. Elles interviennent également dans la formation des collectifs de victimes où s’articulent rencontres de pairs et prise de conscience par ces individus de l’ampleur de l’injustice subie. Développant un fort sentiment d’adhésion, les émotions structurent l’identité collective du groupe de victimes et renforce son effet socialisateur (Broqua, Fillieule, 2009). La question émotionnelle intervient également dans le cadre de la mobilisation même, tantôt canalisée, tantôt renforcée par l’action collective (Braud, 1996, 8). Ni manifestations brutes, ni orchestration stratégique, les mobilisations victimaires opèrent in fine une mise en forme des émotions, les recueillent, les retravaillent. Les émotions liées à un processus de victimisation peuvent donc non seulement conduire à un engagement au sein d’un collectif victimaire; mais la rhétorique d’action collective des victimes et leur démarche de publicisation de la cause intègrent et réinterprètent aussi ces émotions. En s’appuyant sur l’étude de l’affaire du Distilbène® (DES) et sur une comparaison des trois associations de victimes existantes (« Réseau DES », « Les Filles DES » et « HHORAGES » (Halte aux Hormones Artificielles pour les Grossesses)), ce travail cherche à démontrer en quoi une analyse par les émotions des mobilisations victimaires permet d’articuler les mécanismes d’engagements individuels et les logiques de mobilisations collectives des victimes de santé publique. Il s’agit en d’autres termes de comprendre en quoi les émotions permettent de mesurer les interactions et constructions mutuelles entre expériences individuelles, collectifs victimaires, cause et problème public de santé.

Laurent Smagghe (Sorbonne)

Gouverner en larmes : rhétorique du pleur et célébration de l’ordre social dans les Pays-Bas bourguignons à la fin du Moyen-Âge.

A la fin du XIVe siècle apparaissent dans l’art occidental des motifs inédits d’expression de la douleur dans lesquels les larmes jouent un rôle essentiel. Mais bien plus qu’un signe d’affliction, les larmes constituent dès cette époque un véritable outil de gouvernement. Elles sont en conséquence soumises à une étroite surveillance. Les motifs de verser des larmes sont peu nombreux, plus pragmatiques que « sentimentaux », relevant pour l’essentiel de la sphère politique au sens large : même les larmes déclenchées par la mort d’un illustre combattant déplorent davantage l’amoindrissement du potentiel militaire et la disparition symbolique d’un idéal chevaleresque que la fin d’une vie humaine et la crainte pour son salut. Pleurer à ce moment constitue en outre une via media bien commode entre la colère, toujours d’une économie délicate, et la douleur démonstrative, qui paralyse l’action. S’il est donc permis au prince de pleurer, il doit le faire dans des circonstances particulières, de façon modérée et temporaire. Pleurer signifie également pour le prince fédérer autour de sa personne une communauté émotionnelle de la douleur grâce à une « communication lacrymale ». La peine du prince, maintenue sous contrôle, trouve un écho dans les pleurs unanimes et démonstratifs de la cour, contribuant à une atmosphère liquide qui lui permet de préserver sa dignité et de garder le cas échéant les yeux secs. Les mots adressés au peuple, lorsqu’ils ont pour but de renforcer la conviction et de remporter l’adhésion, peuvent également être ponctués de larmes aux moments les plus forts du discours. L’assistance trouve dans ses propres effusions la meilleure réponse à son prince et confirme le lien contractuel et amoureux qui garantit la concorde des états. Personne n’est dupe de ce jeu de rôles, mais chacun joue sa partition. Enfin, lorsque les larmes ne suffisent plus, c’est tout le macrocosme qui est convoqué pour valider la rupture ou le recouvrement de l’ordre social. Les larmes deviennent alors métaphoriques. Au-delà d’une expérience de l’intime, il existe donc sans aucun doute une pratique du pleur revendiquée par les auteurs. D’un point de vue méthodologique, la question de la vérité des larmes et sa valeur en tant qu’émotif peuvent se poser. Il est souvent difficile de répondre à cette question et de déterminer dans les récits la part de l’émotion « sincère » et de la stratégie narrative. L’important n’est pas de savoir cependant si le prince a pleuré, mais de comprendre qu’il lui fallait le faire compte tenu du dispositif émotionnel élaboré par les auteurs. Sans ignorer les caractères individuels du tempérament des princes bourguignons, on est ainsi renseigné sur les spécificités d’un appareil de la souffrance fortement marqué par la culture et l’histoire bourguignonne, si tant est que celui-ci se laisse réduire à des catégories.

Christophe Traïni (CHERPA Aix en Provence)

La politisation des sensibilités. Un détour par la protection des animaux.

Cette communication interroge la distance qui sépare l’engagement en faveur de la protection des animaux des formes d’engagement plus spécifiquement politiques. Les protecteurs des animaux peuvent être apparentés aux formes de militantisme qui intéressent généralement la science politique dès lors que le politiste peut observer une combinaison d’aptitudes affectives hétérogènes : d’une part une sensibilité aux malheurs des animaux, d’autre part une appétence pour le prosélytisme discursif, enfin et surtout une valorisation des excitations indissociables de l’engagement dans une lutte. Au final, ce détour par la protection animale conduit à formuler une hypothèse en ce qui concerne les dimensions affectives des formes les plus conventionnelles de la politique. Loin de requérir seulement la maîtrise de compétences cognitives, ces dernières exigent une appétence particulière pour une forme d’action qui permet d’éprouver, sous couvert d’échanges discursifs, des états affectifs de type agonistique.

Jean-Yves Trépos (Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales (2L2S) – Université de Lorraine)

Les sensibilités des quartiers sensibles

Si l’émotion est « particulière » (Papermann), voire « profane » (Battegay et al.), comment équipe-t-elle politiquement la société civile ? En résonance avec Hume (une politique des passions), le couple politisation / cristallisation (Trépos) nous sert à mesurer les tactiques au sein des « dispositifs passionnels » (vecteurs de causes dérisoires, de désespoirs et d’ironie, d’indignations à bas bruit, d’entreprises d’invisibilisation), lorsqu’ils sont confrontés aux dispositifs institutionnels. Pour éviter une approche trop naturaliste, on considère l’émotion comme : réaction, modulée dans la durée, à un différentiel au sein d’orientations en cours ou d’attentes (Livet) ; rationnelle autant qu’irrationnelle (Damasio) ; travaillant la relation autant qu’elle est travaillée par elle (Quéré) ; par sa dimension évaluative (appraisal), transaction au sein d’un environnement, voire au cœur de la réflexivité (I. Burkitt) ; mode de gestion des espaces à pluralisme normatif (Aranguren, Tonnelat). Avec Goffman comme horizon régulateur (le travail de réparation), on veut souligner les continuités, portées par les attachements (Callon) et les affinités (Manning, Holmes) en éclairant leurs voies de passage (J. Law). On dialectise les relations entre émotions faibles et scéniques (Aranguren, Tonnelat) qui équipent les chemins de contrôle du travail émotionnel (emotional labour), i.e. les continuités entre la dimension domestique (cura, éros et agapè), le travail privé de care (love labour : K. Lynch) et la dimension publique (care au sens usuel), pour les articuler avec les « dispositifs de sensibilisation » (Traïni). Des réponses ici, à partir d’entretiens, photo-elicitation, cartes mentales et focus groups, avec 110 habitants de quatre quartiers prioritaires en Lorraine. On repère lieux et moments de l’attachement (le quartier vécu), matériaux de réactivité restreinte (aux frontières de l’intime : joies, fiertés, peurs, hontes, colères), modalités de cristallisation publique (pratique des biens collectifs, solidarités, pratiques civiques, défections, coups de gueule). Des fractures générationnelles, plus ou moins masquées par des états de coexistence liquide (Bauman), émergent entre ceux qui s’y voient installés, en transit ou encalminés. Bricolages ou malentendus fonctionnels (la « tolérance » : principe a priori pour les insiders et bienveillance a posterioriSa Ma Ha – pour les migrants ?), des communautés d’émotions faibles demeurent de possibles accès à la Cité.

Gérôme Truc (Centre d’études des mouvements sociaux – Institut Marcel Mauss)

Face aux attentats

La vague d’émotion collective qui traverse une société en proie à une attaque terroriste est le plus souvent rapportée à la réaffirmation d’un sentiment de commune appartenance nationale. Ainsi des manifestations observées en France après les attentats de janvier 2015, interprétées comme des manifestations « d’unité nationale ». L’enquête sociologique attentive à ce qu’expriment les citoyens ordinaires dans ces moments d’effervescence sociale révèle pourtant que ce sentiment national n’est qu’une dimension parmi d’autres d’un entrelacs complexe de sentiments de commune appartenance d’échelles variées et de sentiments plus personnels, qui conduisent les individus à exprimer leur solidarité avec les victimes à la première personne du singulier, plutôt que du pluriel. C’est sur ce ressort individualiste des réactions populaires aux attentats, dont le slogan « Je suis Charlie » est aujourd’hui devenu le symbole, que cette communication se concentrera plus particulièrement. Fondée sur l’étude de plusieurs dizaines de milliers de messages rédigés par des individus ordinaires en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, du 11 mars 2004 à Madrid et du 7 juillet 2005 à Londres, elle s’attachera à mettre en lumière les facteurs sociologiques à même de favoriser son activation.


Participants

Abélès Marc abelesmarc@gmail.com
Arambourou Clément arambourouclement@yahoo.fr
Arrigoni Mathilde mathilde.arrigoni@gmail.com
Bachelot Carole carole.bachelot@univ-lorraine.fr
Bacot Paul paul.bacot@univ-lyon2.fr
Barbot Janine barbot@vjf.cnrs.fr
Bègue Laurent lbegue@msh-alpes.fr
Bessard Rudy rbessard7@gmail.com
Biskupovic Consuelo cbiskupovic@gmail.com
Blom Amélie amelie.blomkhan@gmail.com
Boquet Damien damien.boquet@gmail.com
Braud Philippe ph.braud.paris@orange.fr
Brossier Marie Marie.Brossier@pol.ulaval.ca
Cordell Crystal crystal.cordellparis@sciencespo.fr
Crettiez Xavier xavier.crettiez@wanadoo.fr
Dassié Véronique lionver@club-internet.fr
Delmotte Florence florence.delmotte@usaintlouis.be
Faure Alain alain.faure@sciencespo-grenoble.fr
Fischer Nicolas fischer@cesdip.fr
Fontaine Juliette Juliette.Fontaine@univ-paris1.fr
Gensburger Sarah sgensburger@yahoo.fr
Godmer Laurent Laurent.Godmer@u-pem.fr
Gomez Jordi jordi.gomez@orange.fr
Gonzalez Johana johisg@yahoo.com
Hourcade Renaud renaud.hourcade@gmail.com
Jeandemange Thibault thibault.jeandemange@sciencespo-lyon.fr
Marcus George E. gmarcus@williams.edu
Marie Jean-Louis jean-louis.marie@sciencespo-lyon.fr
Martin-Juchat Fabienne fabienne.martin-juchat@u-grenoble3.fr
Ménissier Thierry Thierry.Menissier@upmf-grenoble.fr
Mercenier Heidi heidi.mercenier@usaintlouis.be
Négrier Emmanuel negrier@univ-montp1.fr
Olive Maurice maurice.olive@univ-amu.fr
Paulmier Thierry paulmierthierry@gmail.com
Salaris Coline salaris.coline@live.fr
Schemeil Yves yves.schemeil@sciencespo-grenoble.fr
Simon Alice alicesimon@hotmail.fr
Smagghe Laurent laurent.smag@gmail.com
Traïni Christophe christophe.traini@wanadoo.fr
Trépos Jean-Yves jean-yves.trepos@univ-lorraine.fr
Truc Gérôme gerome.truc@ehess.fr
Van Ingelgom Virginie Virginie.Vaningelgom@uclouvain.be
Wahnich Sophie sophiw@club-internet.fr

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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