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Section Thématique 9

A quoi sert la psychologie politique ?
Is political psychology useful ?

Responsables

Jean-Louis MARIE (Sciences po Lyon) jean-louis.marie@sciencespo-lyon.fr
Yves SCHEMEIL (Sciences po Grenoble) yves.schemeil@sciencespo-grenoble.fr

Présentation scientifiqueDates des sessions Programme Résumés Participants

 

Présentation scientifique

La session interroge la complexité des relations entre la science politique et les différentes psychologies (cognitive, sociale, politique). Elle montre comment des clivages disciplinaires forgés au 19ème sont en profonde reconfiguration. Les paradigmes de l’individualisme méthodologique et ceux qui sont issus de la tradition durkheimienne se croisent en effet aujourd’hui, et se fécondent mutuellement plus qu’ils ne se heurtent. Les objections classiquement adressées en France aux psychologies par ceux qui étudient les comportements, les attitudes et les représentations politiques, sont nuancées. On le constate au vu de méthodes nouvelles, d’objets inédits ou de l’adoption simultanée d’objectifs stratégiques d’explication et de compréhension.

Comment prendre en compte les dispositions psychologiques des acteurs sans régresser vers une philosophie idéaliste du sujet ? Si l’émotion est objectivable à un niveau individuel, elle se déploie dans des cadres sociaux qui l’inhibent ou la stimulent. Il faut donc s’interroger sur la possibilité d’intégrer au contexte français des protocoles conçus dans d’autres contextes politiques, historiques et culturels. Comment s’articulent situations et conjonctures, par définitions relatives, fluctuantes historiquement, et mécanismes psychiques stables par lesquels des choix s’élaborent mentalement au niveau individuel ? Pour penser la relation à l’évidence artificielle entre « individu et société », l’étude des émotions et des effets des techniques de mobilisation doit être complétée par une autre approche : dans quelle mesure la psyché d’un décideur éclaire les décisions qu’il prend et comment s’ajuste-t-il aux influences qu’il reçoit de groupes et d’institutions qui l’entourent ? Comment penser les relations entre élaboration collective et individuelle d’une décision ?

Les conditions et la portée de divers dispositifs de recueil et d’analyse des données sont également discutables. Selon l’objection classique aux échanges entre disciplines, on ne peut transposer les résultats obtenus en laboratoire avec des objets artificiellement délimités, à l’étude d’objets sélectionnés et construits à l’échelle infiniment plus vaste et complexe de la vie politique. Les travaux présentés suggèrent qu’elle n’est pas rédhibitoire. Les techniques de construction des échantillons liées à Internet, les possibilités nouvelles d’exposer des groupes à des stimuli sophistiqués, renouvellent en effet les conditions du débat sur l’expérimentation en science politique.

Cette session montre le bien fondé d’une approche en termes de psychologie politique en dépit d’appréhensions ou de préventions souvent non étayées par des arguments solides, parfois minés par l’absence de familiarité avec un domaine longtemps aux marges de la discipline – pour le critiquer, il faut d’abord le connaître tel qu’il est devenu, et non pas tel qu’il est présumé avoir été dans le passé.

La session est ainsi organisée. Philippe Braud traite des « mésusages » de la psychologie politique en se demandant à quoi elle ne doit surtout pas servir. Pointant les risques de malentendus sur les capacités qui lui sont attribuées il souligne le danger de privilégier indûment le Sujet, au détriment des pratiques sociales. Il évoque aussi la possible sous-estimation des processus de construction des situations sociales, alors qu’ils impliquent la mise en place de systèmes de gratifications et de coûts d’ordre émotionnel. Il s’interroge enfin sur le caractère opérationnel des méthodes qualitatives ou quantitatives.

Grâce aux données du Making Electoral Democracy Work project de 2014 sur deux régions françaises, Pavlos Vasilopoulos et George Marcus, s’intéressent aux liens entre anxiété, colère et polarisation politique. A l’encontre de modèles attribuant l’extrémisme à la division de l’espace idéologique, aux cadrages médiatiques et aux conditions économiques, ils usent de la théorie de l’intelligence affective pour évaluer le rôle des émotions dans l’adoption d’une position extrême. Ils testent deux hypothèses : l’indignation renforce les opinions établies donc l’extrémisme, tandis que l’inquiétude stimule le processus délibératif, accroissant de ce fait la probabilité d’adopter une attitude modérée.

Se situant dans le prolongement des travaux pionniers de Stanley Milgram, Laurent Bègue montre les apports de la psychologie sociale à la réflexion politique et philosophique sur l’obéissance. A partir d’un dispositif expérimental imitant un jeu de téléréalité il établit que la télévision représente une autorité pouvant conduire des téléspectateurs à infliger volontairement des mauvais traitements à des inconnus. Cette autorité n’explique cependant  pas à elle seule la destructivité humaine.  Il est en effet  nécessaire d’articuler  plusieurs jeux de variables : les pressions circonstancielles (autorité de l’animateur télé et public), les facteurs historiques et culturels (expériences passées et mobilisations collectives), la personnalité des individus qui obéissent.

Abel François se penche, à l’aide de réponses à 1500 questionnaires distribués à des étudiants de Strasbourg, sur les relations entre intuition et perception de l’économie de marché. Pour en appréhender positivement le fonctionnement, il faut en avoir une perspective raisonnée. Inversement, les personnes les plus intuitives devraient en avoir une perception négative. Pour tester cette hypothèse, sa communication trie les réponses à des questions posées dans l’EVS sur la concurrence, l’égalité et les rémunérations incitatives, la propriété des moyens de production. Un indicateur de perception de l’économie de marché mesurant l’adhésion ou la défiance à l’égard de ce système économique est construit, et un « cognitive reflection test » administré.

Au cours de la seconde partie de la session, Pierre Lefébure analyse l’attention aux campagnes électorales. Une psychologie politique opérant à l’échelle de l’individu comme niveau d’observation mais aussi comme niveau d’explication est particulièrement appropriée à l’étude des processus de court terme et aux effets de contexte. S’en servir permet d’évaluer le rôle des variations interindividuelles et intra-individuelles dans l’ajustement à des conjonctures, quand les électeurs sont sollicités par leur entourage, les candidats et les médias. Cela rend possible aussi une comparaison des effets de cadrage, des configurations d’attention à la communication des candidats, des activations émotionnelles ou normatives, qui ne convergent pas forcément.
 
C’est justement l’effet de framing, que Christophe Piar teste à l’aide d’une expérimentation en ligne faite en mai 2014 sur 500 personnes assignées aléatoirement à deux groupes d’expérience, chacun constituant le groupe de contrôle de l’autre (méthode du post only). Alors que les participants du groupe A ont visionné un reportage de JT cadrant les élections européennes comme un test pour le pouvoir exécutif national (cadrage national), ceux du groupe B en ont visionné un sur le rôle des députés européens et leur mode d’élection (cadrage européen). A l’analyse des résultats on détecte un effet statistiquement significatif : les considérations européennes sont plus importantes dans le vote des individus du groupe B. L’exposition au stimulus n’influence pas l’intention de voter ou non en faveur d’une liste PS mais les intentions de vote en faveur d’EELV diffèrent selon l’exposition au cadrage national ou européen.
 
Quittant la politique interne, Charles Sitzenstuhl redécouvre la variable individuelle en politique étrangère. Au lieu de postuler l’existence d’un acteur groupal, l’étude du « domaine réservé » montre que l’approche bureaucratique surestime le poids des structures formelles de décision. Une biographie de Wilson montre comment ses traits de caractère expliquent la non ratification par les Etats-Unis du traité sur la SDN. Un travail récent impute à la personnalité de Tony Blair l’engagement de son pays en Irak. Des études sur les systèmes de croyance, les schémas et les codes opérationnels expliquent l’influence des valeurs et de l’identité du décideur sur la décision. Les neurosciences imposent une attention accrue aux manifestations de l’affect chez les décideurs. Faisant coexister logiques systémiques et logiques individuelles fortes, la politique étrangère prouve l’utilité de la psychologie en science politique.


The impact or Psychology on Political Science must be revisited. Disciplinary cleavages dating to the 19th are now obsolete: there is a new dialogue between methodological individualism and structuralism, and new methods contribute to mutual cross-fertilization. The issue at stake is nonetheless unchanged: how to explain social facts with the help of individual processes without indulging into an excessive consideration for the Subject? Individuals live in social contexts, either constraining or stimulating. Hence, cross-national comparisons as well as studies on decision-making and preference-settings may be difficult.

The tools used to apply psychological findings to politics are also debatable. Whereas experimentation is valued in political psychology, is it feasible with real-life and less artificially defined samples? The answer is yes, since new research protocols help building quasi experiments in political science. The same could be said of a mix of quantitative and qualitative tools to study internal and external conditions: it is increasingly accepted since scholars are more fluent with such techniques than was the case in the past.  

Ph. Braud discusses possible misuses and misunderstandings about the import of an over evaluated psychology in PS. Social interactions and context matter as much as mental states, although they ultimately rely on emotional costs and premiums. P. Vasilopoulos and G. Marcus point out links between anger anxiety and political extremism. Contrary to existing models attributing polarization to social sources they test the hypotheses that anger leads individuals to reinforce their pre-existing views and hence increases extremism, while anxiety enhances deliberative processes, hence the likelihood of a moderate response to a political stimuli. Abel François processes 1500 answers to a questionnaire on intuition vs. reason in the perception of market economy. He shows that, to positively assess it, one must use knowledge; to the opposite, merely intuitive persons should have negative views.

In the second half of the session, P. Lefébure uses awareness to assess the respective contribution of inter-individual and intra-individual variations in adjusting to conjunctures. Comparing various effects, he concludes that they may be combined although this is not necessarily true. The framing effect in particular is tested by C. Piar on 500 persons interviewed online. Respondents are randomly split into two experimental conditions: a national faming and a European one. A strong statistical effect opposes the two groups, according to their exposition to national or European TV news. Finally, Ch. Sitzenstuhl turns to foreign Policy: he finds that groupthink and bureaucratic politics have a less explanatory potential than personality traits. Ideas, values, identity and affects should be combined with neuroscience’s advancement to give an exhaustive description of decision making on non-domestic issues.


Sessions

Les travaux de la Section Thématique se dérouleront sur les sessions suivantes :
Session 2 : lundi 22 juin 14h45 – 17h45

Lieu : voir le planning des sessions


Programme

Discutant : Alessandro Nai (Université de Genève) 


Résumés des contributions

Philippe Braud (CEVIPOF)

La psychologie politique entre impasses et perspectives

L’expression : Psychologie politique, fait-elle sens ou contresens ? L’auteur se propose d’attirer l’attention sur les risques de régression scientifique qui se situent dans certaines formes de malentendus sur son objet réel ou sur son utilité dans la réduction de certaines lacunes de la recherche en science politique.  Il suggère une clarification de son rapport à la Psychologie comme à la Sociologie en dégageant des problématiques qui lui semblent prioritaires. Elles sont constitutives d’angles d’attaque spécifiques plutôt que de domaines réservés.

Political psychology: breaking the deadlocks and looking to the future

Does the expression: political psychology, makes right meaning or kind of misinterpretation? The author intends to draw attention to the risks of scientific reverse located in some misunderstandings about its real subject or its usefulness in reducing some gaps in political science research. He suggests a clarification of its relationship to Psychology as well as Sociology, in highlighting paradigms that seem to him having priority. They are made more of specific angles than closed realms.

George Marcus (Williams College) et Pavlos Vasilopoulos (CEVIPOF SciencesPo)

La Peur, La Colère et La Polarisation politique

La polarisation politique fait l’objet de recherches empiriques de plus en plus nombreuses en Europe en vue de l’essor des partis d’extrêmes dans les élections d’après-crise partout sur le continent. La littérature existante explique la polarisation en se basant sur des modélisations spatiales, par une sélectivité médiatique accrue ainsi que par des réactions des élites politiques à la crise économique. Cet article nous aide à mieux comprendre les processus de polarisation électorale en s’interrogeant sur l’effet différencié des émotions sur la polarisation. En s’appuyant sur la théorie de l’Intelligence affective, nous évaluons l’effet de deux émotions clé – la peur et la colère – sur la propension des électeurs à adopter des positions extrêmes sur un ensemble d’enjeux politiques. En particulier, nous testons les hypothèses suivantes: a) que la colère amène les individus à renforcer leurs positions préexistantes, contribuant ainsi à renforcer l’extrémisme, et b) que la peur favorise des processus déliberatifs, lesquels augmentent la probabilité d’une réponse modérée à un stimuli politique. Nous basons cette étude sur des données issues du projet “Making Electoral Democracy Work” qui mesurent des attitudes des électeurs originaires de deux régions françaises pendant les élections européennes de 2014

Anxiety, Anger and Political Polarization

Political polarization has gained increased scholarly attention in Europe in the light of the growing success of far and extreme parties in post-crisis elections throughout the continent. Current literature provides explanations of polarization based on spatial modeling, increased selectivity in media exposure and responses to the economic crisis by political elites. This paper adds to our understanding on voter polarization by investigating the differential impact of voters’ emotions on polarization. We draw on the theory of Affective Intelligence to assess the effect of two key emotions, anxiety and anger, on voters’ propensity to adopt extreme positions on a series of political issues. In particular, we test the hypotheses that a) anger leads individuals to reinforce their preexisting views and hence increases extremism, while b) anxiety enhances deliberative processes, which increase the likelihood of a moderate response to the political stimuli. Data come from the Making Electoral Democracy Work project, measuring attitudes on two French regions during the 2014 European Election campaign.

Laurent Begue (Université de Grenoble Alpes)

Personnalité et soumission à l'autorité : une étude post-milgramienne

Cette étude, menée dans le cadre paradigmatique de Milgram, analyse la manière dont l'obéissance est susceptible d'être reliée à des différences interindividuelles. 66 personnes de la population générale âgées de 26-54 ans ont été contactées 8 mois après leur participation à une étude transposant le protocole d'obéissance de Milgram à un faux jeu télévisé. Le questionnaire était présenté comme une enquête d'opinion n'ayant aucun lien avec l'expérimentation. Les variables de personnalité on fait l'objet d'une mesure au moyen du test des mini marqueurs des Big Five (Saucier, 1994). L'orientation politique et l'activisme social ont également été mesurés. Les résultats ont confirmé l'hypothèse d'un lien entre les dimensions Esprit consciencieux, Amabilité et la tendance à administrer des chocs plus élevés à une victime. L'orientation politique et l'activisme social étaient également liés à l'obéissance. Nos résultats apportent des preuves empiriques suggérant que des différences inter-individuelles dans le domaine de la politique et de la personnalité ont de l'importance pour expliquer la soumission à l'autorité.

Personality and obedience to authority : a post milgramian-study

This study investigates how obedience in a Milgram-like experiment is predicted by interindividual differences. Participants were 35 males and 31 females aged 26–54 from the general population who were contacted by phone 8 months after their participation in a study transposing Milgram’s obedience paradigm to the context of a fake television game show. Interviews were presented as opinion polls with no stated ties to the earlier experiment. Personality was assessed by the Big Five
Mini-Markers questionnaire (Saucier, 1994). Political orientation and social activism were also measured. Results confirmed hypotheses that Conscientiousness and Agreeableness would be associated with willingness to administer higher-intensity electric shocks to a victim.Political orientation and social activism were also related to obedience.Our results provide empirical
evidence suggesting that individual differences in personality and political variables matter in the explanation of obedience to authoriy.


Abel François (Université de Strasbourg - LaRGE)

Perception de l’économie de marché et intuition. Ce que la psychologie peut apporter à l’étude de l’opinion

Cette communication étude les opinions à l’égard de l’économie de marché en cherchant à mettre en évidence l’incidence de l’intuition des répondants. L’hypothèse est la suivante. Le fonctionnement de l’économie de marché échappe à l’intuition, à la fois ses mécanismes et ses résultats. En d’autres termes, il est nécessaire d’avoir une perspective raisonnée du fonctionnement de l’économie et de ses conséquences pour pouvoir l’appréhender positivement. Inversement, les personnes plus intuitives doivent avoir une perception plus négative de l’économie de marché. La prédiction empirique suivante peut alors être proposée : les personnes les plus (moins) intuitives sont les plus (moins) enclins à avoir une opinion défavorable à l’égard de l’économie de marché. La prédiction est testée à l’aide d’une enquête menée auprès des étudiants de première année de licence de l’université de Strasbourg. Environ 1500 étudiants ont répondu à des questions d’appréciation de l’économie de marché tirées de l’European Value Survey ainsi qu’au « cognitive reflection test » (CRT) qui permet de construite un indicateur d’intuition et symétriquement de raisonnement. Les résultats montrent que la prédiction est vérifiée : les répondants les plus intuitifs ont une appréhension plus négative de l’économie de marché.
 
Respondents’ Intuition and perception of free-market economy
 
This paper deals with the opinion about the free-market economy and seeks to highlight the impact of the person’s intuition degree on his opinion. Our hypothesis is that the perception of the free-market economy, about both it working and it achievements, is not easy and intuitive. A positive perception of the free-market economy is based on a reasoned opinion. And inversely, intuitive people have more negative opinion about free-market economy. I propose this empirical prediction: person more (less) intuitive has less (more) positive view of the free-market economy. This prediction is tested using a large survey of students of the Strasbourg University. All the students are in first year in various cursus. Around 1500 students responded to questions about the economy taken from the European Value Survey and the cognitive reflection test that gives a measurement of the respondents’ intuition. Finally, the empirical estimations show the support for free-market economy decreases with the intuition degree of the respondent, which confirms our prediction.


Pierre Lefebure (Université Paris 13)

Psychologie politique et analyse des processus d’attention et d’intérêt des citoyens pour les campagnes électorales

Attentive aux mécanismes d’attention, de décision et d’émotion, la psychologie est utile pour étudier les processus de court terme tels qu’une campagne électorale. Il ne s’agit cependant pas de contribuer directement à l’explication du vote mais d’analyser les types de relation à la campagne selon les incitations qu’elle génère. Malgré des résultats pionniers sur les effets modérés sur le vote, la campagne comme intensification du rapport des citoyens au politique peut s’analyser à partir de concepts tels que le cadrage  pour établir quels éléments de la mise en récit de la campagne en suggèrent une trame interprétative dominante. De même, les configurations d’attention pour la communication des candidats ou les dispositions émotionnelles des citoyens éclairent comment certains messages sont plus intelligibles que d’autres pour les publics. Enfin, la mise en tension des diverses orientations normatives des citoyens par les candidats inhibe ou stimule le suivi de la campagne et le vote.
En l’absence d’homogénéité des stratégies inspirées par le recours à la psychologie, cette contribution en propose un bilan raisonné. Elle discute aussi la transposition au contexte politique français et présente quelques résultats sur les campagnes de 2007 et de 2012 avant d’envisager de futures stratégies d’enquête.

Political psychology and the analysis of citizens’ awareness and interest in presidential campaigns

As psychology focuses primarily on awareness, decision and emotion, it is useful to study short term processes such as an election campaign, with no intent to directly help explaining vote choice but rather the connection with the campaign depending on the incentives it provides.
Despite pioneering results on the limited effects on voting,  the campaign understood as an increased connection of citizens with the political world can be fruitfully studied with concepts such as media frames  in order to explain which parts of the media discourse are the most effective for building a whole understanding of the campaign. Similarly, expectations about candidates’ communication  as well as affective dispositions  enables to understand why some messages are more effective than others regarding what citizens consider and believe. How candidates put pressure on citizens regarding their diverging value preferences  also impacts their awareness of the campaign.
Given that all these possible research questions are not connected to each other, this paper aims at clarifying their relevance. It also discusses how such research questions are more or less transferable into the French context, presents some results about the 2007 and 2012 presidential campaigns, and raises research design issues for future research.


Christophe Piar (Institut CSA)

Etudier l’effet de cadrage des médias sur les choix électoraux : intérêts et limites de l’expérimentation en ligne

Cette communication vise à explorer grâce à la méthode expérimentale un mécanisme d’abord étudié en psychologie, puis observé dans de nombreux domaines des sciences sociales, notamment dans celui des effets des médias sur les opinions des citoyens : l’effet de cadrage. Les élections européennes constituent un terrain particulièrement intéressant pour étudier cet effet. A quelques jours du scrutin de 2014, nous avons ainsi réalisé une enquête expérimentale sur Internet auprès d’un échantillon de 500 personnes. Ces sujets ont été assignés aléatoirement dans deux conditions expérimentales avant de répondre au même questionnaire. Alors que les participants du groupe A ont visionné un reportage d’un JT cadrant le scrutin comme un test pour l’exécutif national (cadrage national), les participants du groupe B ont visionné un reportage portant sur le rôle des députés européens et leur mode d’élection (cadrage européen).
Les résultats permettent de détecter un effet de cadrage statistiquement significatif. Les considérations européennes sont en effet plus importantes dans le choix électoral des individus du groupe B (qui viennent d’être exposés au cadrage européen) que dans celui des personnes du groupe A (exposées au cadrage national). Toutefois, l’exposition au stimulus n’influence pas l’intention de voter en faveur d’une liste du PS. Le parti au pouvoir apparaît ainsi tout autant sanctionné dans le contexte d’un cadrage national que dans celui d’un cadrage européen du scrutin.

Exploring media framing effect on electoral choices: results of an online experiment

This communication aims to explore with an online experiment a cognitive bias first studied in psychology and observed in many domains of social sciences, particularly by studies on media influence on citizens' political judgments: the framing effect. It is particularly interesting to study this effect in European elections. A few days before the 2014 vote in France, an online experiment was thus conducted on a representative sample of 500 individuals. These 500 subjects were randomly assigned in two different experimental conditions, before filling the same questionnaire, each group being the control group of the other. While participants in group A watched a television news report framing the European elections as a test for the national government (national framing), participants in group B watched a television news report on the role of MEPs and their mode of election (European framing).
Results show a statistically significant framing effect. Indeed, European considerations are significantly more important in the voting choices of subjects in group B (who have been exposed to the European framing) than in those of subjects in group A (exposed to the national framing). However, concerning the voting orientation, exposition to the stimulus does not influence the intention to vote for the Socialist Party. This party is equally punished in the context of a national framing of the European elections than in a European framing.


Charles Sitzenstuhl (Sciences Po-CERI)

Redécouvrir la variable individuelle dans la prise de décision : de l’utilité de la psychologie politique dans l’analyse de la politique étrangère

En politique étrangère, dans les Etats à exécutif fort, lors de situations de crise ou sur des enjeux sensibles, il est fréquent qu’un seul individu (en général un chef d’Etat ou de gouvernement) décide seul et soit in fine l’unité de décision. Ces situations à « leader prédominant » doivent obliger à considérer de façon plus systématique la variable individuelle dans l’étude des processus et des acteurs de la décision. Or l’individu qui décide est un être humain, avec son histoire propre, sa vision du monde, ses préférences, ses calculs, ses capacités mentales, sa personnalité, ses émotions. Il a sa psychologie et celle-ci n’est pas sans effet sur les décisions qu’il prend, donc sur la politique de l’Etat dont il a la charge.
Ces rapports entre psychologie et politique sont le terrain d’investigation de la psychologie politique. Des travaux désormais classiques, basés sur des études de cas, ont fait émerger des concepts aujourd’hui solidement ancrés (les perceptions, les analogies, la pensée de groupe) et ont permis d’appréhender l’influence réelle de la personnalité ou des idées du décideur sur une politique étrangère. Malgré les prudences nécessaires à l’incorporation de cette littérature en science politique, la psychologie politique montre son utilité en affinant l’analyse jusqu’au niveau individuel de la décision.

Rediscovering the Individual Variable in Decision-Making: Utility of Political Psychology in Foreign Policy Analysis

In foreign policy, in states where there is a strong executive power, when crisis situations do occur, on sensitive subjects, it is frequent that one person (generally a head of state or government) decides and is in fine the decision unit. These situations of “predominant leader” lead to focus more and more on the individual variable in the study of decision-making processes and actors. But the individual who decides is a human being, with his own background, his own vision of the world, his choices and bias, his interests, his mental skills, his personality, his emotions. He has his own psychology and it is not without effects and consequences on decisions that he takes, therefore on the state policy that he is in charge of.
These links between psychology and policy are the field of inquiry of political psychology. Seminal works based on case studies made up well known concepts (perceptions, analogies, and groupthink) and allowed to apprehend the real influence of the personality or the ideas of the decision-maker on a foreign policy. Despite the necessary caution concerning the incorporation of this literature in political science, political psychology shows its utility sharpening the analysis at the individual level of the decision.


Participants

Begue Laurent laurent.begue@upmf-grenoble.fr
Braud Philippe ph.braud.paris@orange.fr
François Abel abel.francois@unistra.fr
Lefebure Pierre pierre.lefebure@univ-paris13.fr
Marcus George E gmarcus@williams.edu
Marie Jean-Louis jean-louis.marie@sciencespo-lyon.fr
Nai Alessandro Alessandro.Nai@unige.ch
Pair Christophe christophepiar@hotmail.fr
Schemeil Yves yves-schemeil@sciencespo-grenoble.fr
Sitzenstuhl Charles Charles.sitzenstuhl@sciencespo.fr
Vasilopoulos Pavlos pavlos.vasilopoulos@sciencespo.fr   

 

13ème Congrès de l’AFSP à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015 à Sciences Po Aix

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