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L’acheminement vers une science politique « normale » ? (1979-1988)

Avec l’arrivée de Jean-Luc Parodi à la tête du Secrétariat général de l’Association Française de Science Politique, cette dernière va connaître une nouvelle étape déterminante de son histoire. Et ce pas seulement parce que ce dernier, sans bien sûr le savoir en 1979, va incarner avec élégance l’AFSP pendant plus de vingt ans au point que l’on évoque aujourd’hui à juste titre les années « Parodi » avec souvent comme point de comparaison implicite les années « Touchard » dont nous avons vu l’importance fondatrice pour l’association. Le poids de cette 4ème décennie de l’histoire de l’AFSP tient aussi aux transformations scientifiques de la discipline dont l’activité de l’association est à la fois le reflet et l’un des acteurs.
sallesiegfried2De manière révélatrice, cette décennie commence symboliquement par une nouvelle manifestation d’introspection collective avec la préparation, puis l’organisation, le 19 juin 1980, d’une Journée d’études intitulée « Regards sur la science politique française » ambitionnant – en miroir avec la manifestation du 8 mars 1969 – de faire un nouveau bilan d’étape de la professionnalisation de la discipline. Bilan que la publication en 1985 des quatre volumes du Traité de science politique édités aux Presses Universitaires de France, à l’initiative de Madeleine Grawitz et de Jean Leca1, poursuivra en symbolisant fortement l’existence contemporaine d’un ensemble de savoirs constitutifs d’une science politique en voie de normalisation2. De son côté, Pierre Favre, alors tout jeune professeur agrégé de science politique à l’Université de Clermont-Ferrand, engage son enquête devenue classique sur les Naissances de la science politique en France qu’il publiera chez Fayard en 1989. Bref, tous les indices convergent pour faire de cette décennie des années 1980 un moment essentiel dans l’affirmation publique d’une science politique enfin devenue une science sociale reconnue en France. Là est d’ailleurs implicitement l’enjeu de la Journée d’études du 19 juin 1980. Malheureusement pour nous, les archives de l’association ne conservent que des traces lacunaires de cette dernière3. Les débats seront introduits par quatre exposés liminaires : le premier est prononcé par Jean Leca et vise à présenter les « domaines de recherche et l’organisation de la discipline ». Exposé qui préfigure très probablement l’entreprise éditoriale évoquée plus haut. Le deuxième exposé, dont vous trouverez ici de larges extraits, a été rédigé par Pierre Favre et entend faire l’inventaire des « problématiques » de la discipline. À partir d’une préoccupation plus institutionnelle, Albert Mabileau s’intéresse lui à l’enracinement (encore fragile) de la science politique dans le paysage universitaire français. Enfin, Serge Hurtig propose un exposé sur « la science politique française dans le contexte international ». La relecture du rapport de P. Favre, qui publie aussi plusieurs autres bilans de la discipline dans les années suivantes4, atteste bien des préoccupations et des perceptions de l’époque. Il nous aide à mieux comprendre l’état de la discipline à un moment où cette dernière semble avoir « achevé une des étapes de son développement » : celle de « la vigoureuse période de la conquête universitaire ». Loin de se satisfaire de cette victoire encore fragile au demeurant, Pierre Favre indique clairement que l’objectif de la réflexion collective engagée sous les auspices de l’AFSP doit être de « penser à ses faiblesses, puisqu’elle paraît peu unifiée quant aux méthodes utilisées et aux objets étudiés, concurrencée par d’autres disciplines, et cela à un moment où ses forces ne s’accroissent plus »5. S’interrogeant sur les conséquences de l’absence d’œuvre fondatrice de la discipline, P. Favre pointe une difficulté structurelle : « l’absence d’une communauté scientifique ayant les véritables traits d’une communauté condamne les entreprises de défense de la science politique à n’être que sectoriels, voire à apparaître corporatistes »6. D’où la difficulté et, en même temps l’urgence symbolique, pour l’AFSP – à l’époque comme aujourd’hui – d’unifier plus encore de « représenter »7 une communauté traversée par de nombreuses divisions statutaires et segmentée en plusieurs spécialisations disciplinaires qui rendent improbable toute accumulation des connaissances produites et par là même leur transmission universitaire. Face à cet éclatement tendanciel (P. Favre évoque « la dispersion acceptée de la science politique »), la programmation scientifique de l’AFSP doit proposer, tout au long de cette période, un savant dosage entre les différents secteurs de la discipline pour tenter, quand même, de faire dialoguer les divers « paradigmes » qui la traversent et éviter que cette diversité ne se traduise pas une remise en cause complète du procès de « normalisation » évoqué plus haut. Normalisation bien chimérique certes mais pourtant essentielle pour faire « mûrir »8 une discipline. Cette nécessaire mais impossible « normalisation » pose des problèmes d’autant plus redoutables que la science politique n’a jamais réussi, observe de manière complémentaire P. Favre, à revendiquer avec succès le monopole du discours savant sur son objet. Cette prétention lui est contestée non seulement par les acteurs sociaux ou les journalistes9 mais aussi par d’autres disciplines :  la philosophie, le droit public et la sociologie. Aux yeux de Pierre Favre, la contestation la moins « inquiétante » vient de la philosophie et ce parce que la science politique de l’époque a déjà largement opéré le travail de détachement à l’égard des préoccupations normatives qui est cœur du discours philosophique traditionnel. La relation avec le droit public, et notamment avec « les constitutionnalistes », est perçue comme lourde de menaces beaucoup plus sérieuses. Il faudrait bien sûr, comme le propose d’emblée P. Favre, rapporter ici son discours à la position marginale qui est la sienne en tant que professeur agrégé de science politique dans une Faculté de Droit provinciale où l’essentiel des enseignements de « science politique » est assuré par des juristes qui entendent affirmer, souvent fortement, « l’identité du droit constitutionnel et de la science politique ». Plus encore, qui entendent dénoncer parfois violemment l’égarement de la science politique française telle qu’elle se fait : une discipline qui aurait (déjà ?) « perdu de vue les problèmes intéressants, notamment ceux relatifs au fonctionnement des institutions et à l’évolution des forces politiques »10. Du côté de la « sociologie », les relations semblent plus complexes : faites à la fois d’évitement (la science politique, beaucoup moins qu’aujourd’hui, ne fait « d’incursion dans le territoire institutionnel des sociologues » et reste prudemment rattachée au premier groupe du CCU) et d’emprunts tant du point de vue des méthodes que de « l’épistémologie du soupçon » (la formule est de Gaston Bachelard) que de nombreux politistes adoptent de plus en plus dans la décennie des années 1980. De son côté, la sociologie, notamment celle proche de Pierre Bourdieu, conteste « à la science politique l’exclusivité du discours savant sur l’objet politique »11.
grenoble2Face à une telle configuration, l’AFSP va tenter d’adapter, une fois encore, son répertoire d’action scientifique pour renforcer la « reconnaissance » de la discipline tout en sachant qu’elle ne peut le faire qu’imparfaitement12. L’une des illustrations la plus manifeste de cette nouvelle étape dans l’institutionnalisation de la discipline est probablement la décision prise par le Conseil d’Administration de l’AFSP d’organiser de manière régulière un Congrès national de l’association dont la première édition aura lieu à Paris, dans les locaux de la FNSP, du 22 au 24 octobre 1981 et rassemblera plus de 200 membres de l’association. Fortement soutenue par le CNRS13, le succès de cette manifestation d’unité de la discipline débouchera sur l’organisation régulière de tels Congrès aujourd’hui devenus bi-annuels. La 2ème édition sera organisée en partenariat avec l’IEP de Grenoble en 1984. La 3ème édition aura lieu à l’IEP de Bordeaux du 5 au 8 octobre 1988. Il s’agit là d’une innovation déterminante dans le répertoire d’action scientifique de l’association, innovation qui contribue encore aujourd’hui largement à sa reconnaissance publique et à la socialisation des nouvelles générations qui y trouveront progressivement un espace d’interventions et de débats précieux. Si le choix d’organiser de tels Congrès n’est pas propre à l’AFSP et se retrouve dans de nombreuses associations disciplinaires nationales ou internationales (l’AISP-IPSA fonctionne, dès 1950, sur la base de Congrès mondiaux réguliers dont la 13ème édition aura lieu à Paris du 15 au 20 juillet 1985 avec l’aide de la FNSP et de l’AFSP), la singularité de l’AFSP est de ne pas limiter son offre d’activités scientifiques à ce type de manifestation. Tout au long de la décennie qui nous intéresse ici, elle va poursuivre une politique de diversification de ses activités tant du point de vue des groupes de travail de l’association14 que des manifestations ponctuelles inscrites à son agenda scientifique15. En phase avec les transformations de la discipline, plusieurs orientations dominent cette programmation scientifique particulièrement intense qui débouchera sur un développement important de la production éditoriale issue des manifestations scientifiques de l’AFSP. Le graphique suivant atteste du caractère charnière de la décennie des années 1980 de ce point de vue aussi.

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grenoblePoursuivant une tradition présente dès l’origine de l’association, le traitement des questions institutionnelles, souvent sous l’angle des usages politiques de la règle constitutionnelle, font l’objet d’une attention renouvelée probablement de par l’intérêt que leur portent tant François Goguel, qui préside les destinées de l’association jusqu’en 1982, que Georges Vedel qui lui succède alors ou encore Jean-Luc Parodi qui co-anime le Groupe sur les problèmes parlementaires contemporains depuis son origine. Il faut aussi voir dans cette densité des questions institutionnelles une façon de répondre aux critiques lancinantes des « constitutionnalistes » qui reprochent, comme nous l’avons évoqué plus haut, à la science politique d’oublier trop souvent l’importance du cadre constitutionnel et institutionnel de la vie politique. Plus encore, il s’agit dans bien des cas de monter la plus value d’un regard de science politique sur « la logique cachée » ((Pour reprendre l’une des problématiques de l’ouvrage issu de l’activité de l’AFSP et dirigé par Olivier Duhamel et Jean-Luc Parodi, La Constitution de la Cinquième République, Paris, Presses de la FNSP, 1985.)) des arrangements constitutionnels et des règles institutionnelles. Cette problématique conduit, par exemple, l’association à proposer le 18 mai 1979, à trois semaines des premières élections parlementaires européennes au suffrage universel direct, une Journée d’études sur « Les règles du jeu pour l’élection directe de l’Assemblée des Communautés européennes » (sous la responsabilité scientifique de Jacques Cadart et Jean Charlot) ; à aborder les 6-7 novembre 1980 les « Techniques institutionnelles et [le] fonctionnement des systèmes politiques. Réflexions sur les exemples italiens et français » (Table ronde sous la responsabilité scientifique de Geneviève Bibes). Trois colloques importants complètent ce premier volant de l’activité décennale de l’AFSP : les 21-22 novembre 1985 sur le thème de « L’Assemblée nationale aujourd’hui » (en partenariat avec la revue Pouvoir) ; les 8-9 mars 1984 à propos de « La Constitution de la Vème République. Colloque du 25ème anniversaire » (dont Olivier Duhamel est le rapporteur général et qui donnera lieu à une publication collective devenue classique dans les cursus des IEP et des Facultés de Droit) et, les 8-9 octobre 1988, à Aix-en-Provence, sur « L’écriture de la Constitution : colloque du 30ème anniversaire de la Constitution du 4 octobre 1958 » (organisé en partenariat avec l’Association Française des Constitutionnalistes). Enfin, les 17-18 novembre 1988, un autre colloque consacré aux « Rapports entre le Président et le Premier ministre sous la Ve République » est proposé en partenariat avec l’Institut Charles de Gaulle. Cette problématique sera aussi au cœur de l’une des Tables rondes du Congrès de Bordeaux consacrée aux usages et genèses d’une institution : celle de « Président de la République » (sous la responsabilité scientifique de Bernard Lacroix et Jacques Lagroye).

Cette forte préoccupation institutionnaliste n’empêche pas l’AFSP de continuer à proposer plusieurs manifestations consacrées à l’élucidation des attitudes politiques et des comportements électoraux qui, d’après l’enquête réalisée par Pierre Favre pour la journée du 19 juin 1980 représente un pôle important de l’activité professionnelle des membres de l’AFSP de l’époque16 :

  • 26 septembre 1980 : Journée d’études sur « Écologisme et politique » (sous la responsabilité scientifique de Daniel Boy et d’Alain Lancelot) ;
  • 27-29 novembre 1980 : Table ronde « Les classes moyennes et la politique : enjeu, stratégies et mobilisation » (sous la responsabilité scientifique de Georges Lavau) ;
  • 20 février 1981 : Journée d’études sur « Deux perspectives sur la droite et la gauche en France » (sous la responsabilité scientifique de Jean-Luc Parodi) ;
  • 23 mars 1982 : Journée d’études sur « Chômage et politique » (sous la responsabilité scientifique de Dominique Schnapper) ;
  • 17-18 novembre 1983 : Colloque « Les élections législatives britanniques du 9 juin 1983 » (sous la responsabilité scientifique de Monica Charlot) ;
  • 8 juin 1984 : Colloque sur « Les élections européennes de juin 1984 : une élection européenne ou dix élections nationales », qui manifeste l’intérêt nouveau de la science politique française pour les questions européennes ;
  • 1er mars 1985 : Colloque « A la recherche du local dans les élections » (sous la responsabilité du Groupe Local et politique)
  • 9-10 janvier 1986 : Colloque « La tradition politique. Problèmes et perspectives » (sous la responsabilité scientifique de Raoul Girardet et d’Annick Percheron) ;
  • 5-6 mai 1986 : Colloque « Mars 1986 : les premières élections régionales au suffrage universel » (en partenariat avec l’OIP, sous la responsabilité scientifique de Pascal Perrineau) ;
  • 29-30 janvier 1987 : Colloque « Les musulmans dans la société française » (sous la responsabilité scientifique de Rémy Leveau et Gilles Kepel) ;
  • 1er-2 octobre 1987 : Journées d’études sur « Les élections britanniques du 11 juin 1987. Campagne, résultats, perspectives » (sous la responsabilité scientifique de Monica Charlot et Jacques Leruez) ;
  • 30 novembre-2 décembre 1987 : Colloque « Les agriculteurs et la politique depuis 1970 » (sous la responsabilité scientifique de Pierre Coulomb, Hélène Delorme et Bertrand Hervieu) ;
  • 7-8 mars 1988 : Journées d’études sur « Le Front National » (sous la responsabilité scientifique de Nonna Mayer, Pascal Perrineau, François Platone, Jean Ranger et Colette Ysmal).

aixEtat qui, on le sait, caractérise alors une des évolutions importantes du paysage des sciences sociales français17. Qu’il s’agisse des questions relatives à la politisation de la haute administration française (Table ronde 30 novembre-1er décembre 1979 : Table ronde sur « Administration et politique en France sous la Vème République » sous la direction scientifique de Francis de Baecque et Jean-Louis Quermonne, en collaboration avec l’Institut Français des Sciences Administratives), des réactions de « L’État devant les cultures régionales et communautaires » (Colloque des 23-25 janvier 1986 organisé en partenariat avec l’IEP d’Aix-en-Provence et sous la responsabilité scientifique de Jean Leca) ou encore des transformations historiques du Welfare State en Grande-Bretagne (Colloque des 20-21 novembre 1981 organisé en partenariat avec l’Association franco-britannique), la problématique de l’État fait ainsi l’objet d’une attention d’autant plus forte que les études consacrées à l’État « au concret » ou « en action » se multiplient alors dans la discipline. C’est, en effet, dans cette décennie des années 1980 que l’AFSP contribue, avec d’autres instances de la discipline, au développement d’une « nouvelle approche de l’État », celle de l’analyse des politiques publiques, dont Lucien Nizard, Bruno Jobert et Pierre Muller évoquaient la pertinence dès 197718 et dont Jean-Claude Thoenig fera le premier bilan, quelques années plus tard dans le 4ème volume du Traité de science politique évoqué plus haut avant de devenir la sous-discipline que nous connaissons aujourd’hui. Lors du 1er Congrès national de l’association en octobre 1981 à Paris, Jean Leca et Jean-Louis Quermonne animeront une Table ronde consacrée à « L’Analyse des politiques publiques ». Trois autres colloques illustrent dans cette décennie cette mise sur l’agenda de la problématique renouvelée de l’action publique :

  • 23-24 avril 1982 : Table ronde sur « La protection sociale : enjeu politique et professionnel » (organisé en partenariat avec l’Association Française pour l’Etudes des Relations Professionnelles) ;
  • 26-27 mai 1983 : Colloque « La politique extérieure de Valéry Giscard d’Estaing » (sous la responsabilité scientifique de Marie-Claude Smouts et Samy Cohen) ;
  • 17-18 janvier 1985 : Colloque « Alternances et changements de politique » (sous la responsabilité scientifique de Bruno Jobert et Pierre Muller).

Signalons encore l’intérêt que porte alors l’association pour « L’anthropologie politique aujourd’hui » (Colloque des 29-30 mai 1986 sous la direction scientifique de Michel Izard). Une façon de s’ouvrir à un autrui disciplinaire19 apte non seulement à penser le va-et-vient entre sociétés lointaines et sociétés modernes mais plus encore à rappeler à l’AFSP la nécessité de revenir régulièrement à des questionnements fondamentaux sur « l’animal politique » qu’elle ausculte avec passion depuis 1949. Une façon aussi de satisfaire l’imagination scientifique d’un nombre de plus en plus élevé de membres (près de 950 à la fin de la décennie dont près de 70 % de cotisants réguliers).

 

Notice historique rédigée par Yves Déloye


Notes


  1. Jean Leca est alors membre du Conseil d’administration de l’AFSP : il a été élu lors du renouvellement partiel du 28 février 1976. Le Traité de science politique se compose de 4 volumes, 36 chapitres et 50 contributions. Chiffre qui reproduit, involontairement, celui du nombre des membres cooptés au moment de la fondation de l’AFSP en 1949… Profitant de la publication du Traité de science politique, l’AFSP et le CNRS organiseront le 7 juin 1986 une autre journée d’introspection sur la discipline sur « La situation de la science politique en France en 1986 ». La journée est construite autour de deux préoccupations centrales : faire un bilan des évolutions récentes de la discipline tant du point de vue de l’enseignement que de la recherche publique ; établir une cartographie de la discipline dans les Universités, les IEP et le CNRS. 

  2. Par « normalisation », nous faisons implicitement référence à la définition que donne Thomas Kuhn au terme de « science normale », soit une « recherche solidement fondée sur un ou plusieurs accomplissements scientifiques passés, accomplissements que tel groupe scientifique considère comme suffisants pour fournir le point de départ d’autres travaux » [T. Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Champs Flammarion, 1983 (1ère édition 1962), p. 29, souligné par nous]. 

  3. Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 2. Ce carton conserve outre la correspondance relative à cette journée, les rapports dactylographiés de Pierre Favre et d’Albert Mabileau. Ces derniers sont aussi consultables à la Bibliothèques de Sciences Po sous la côte : AFSP – 4° 013 604 01-02). 

  4. Pierre Favre, « La science politique en France depuis 1945 », International Political Science Review, 2(1), 1981, p. 95-120. (Traduction de « Political Science in France », in Williams Andrews ed., International Handbook of Political Science, Westport, Greenwood Press, 1982, p. 154-168). Il publiera aussi dans le premier volume du Traité de science politique un chapitre consacré à « L’histoire de la science politique » (Paris, PUF, 1985, p. 4-45). Le lecteur est invité à se rendre sur la page Repères de ce site pour trouver une bibliographie complète des publications de Pierre Favre relatives à cette question. 

  5. Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 2, 1ère version du rapport signé par Pierre Favre, « La science politique française et ses problématiques », p. 1. Le rapport donne quelques chiffres que l’internaute doit conserver en mémoire : depuis 1973, quinze postes de professeurs de science politique ont été pourvus par le concours d’agrégation (soit moins de 2 par an en moyenne). En 1979, lors du premier concours pour le recrutement des Maîtres-assistants, trois postes concernent la science politique contre 30 pour le Droit privé, 27 en science économique, 20 en gestion et 16 en droit public. Du côté du CNRS, il semble que la situation sot encore pire car aucun poste n’a été mis au concours en 1979 contre à peine 4 ou 5 les années précédentes (Idem, p. 19). De son côté, l’AFSP comprend, en 1980, 580 membres (Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 1, Brève note sur l’état de l’AFSP au 31 décembre 1981). 

  6. Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 2, 1ère version du rapport signé par Pierre Favre, « La science politique française et ses problématiques », p. 7. Cette situation n’empêche toutefois pas l’AFSP de poursuivre son action en faveur d’un renforcement institutionnel de la science politique dans le paysage académique français. Ainsi, en 1982, Jean Leca transmet au nom de l’association un texte aux « Assises Nationales de la Recherche » lancées par le nouveau gouvernement socialiste. Ce texte a été élaboré avec Annick Percheron, Pierre Favre et Jean-Luc Parodi (Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 1, PV du Conseil d’Administration de l’AFSP du 22 mars 1982). Cette action débouchera sur la création d’une nouvelle section au sein du Comité national du CNRS où la place de la science politique s’affirmera. 

  7. Au sens ancien de rendre présent (d’« exhiber » pour reprendre la définition de Furetière) une… absence. 

  8. Le terme est emprunté à Alan F. Chalmers, Qu’est-ce que la science ?, Paris, Le Livre de poche, 1993 (1ère édition anglaise 1976), p. 152. 

  9. À ce propos, P. Favre note, de manière prémonitoire avec certains débats récents, que la « proximité du journaliste et du politologue » peut entraîner « une certaine confusion des genres » (Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 2, 1ère version du rapport signé par Pierre Favre, « La science politique française et ses problématiques », p. 11). 

  10. Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 2, 1ère version du rapport signé par Pierre Favre, « La science politique française et ses problématiques », p. 15. 

  11. Ibid., p. 18. Sur la prétention de la sociologie de P. Bourdieu à englober l’étude des faits politiques, considérés comme des « faits sociaux comme les autres » (P. Favre), il suffit de relire l’ouvrage que publie le sociologue en 1979 : La distinction. Critique sociale du jugement (Paris, Editions de Minuit, Coll. « Le sens commun »). 

  12. Cette adaptation nouvelle du répertoire d’action scientifique de l’AFSP montre le dynamisme de association dont les statuts de 1949 stipule déjà (article 2) que les « moyens d’action de l’Association sont notamment : l’organisation d’enquêtes, de réunions d’études et de congrès ; l’établissement de fichiers de documentation, l’édition de publications scientifiques ». Cette adaptation se retrouve aussi dans l’évolution donnée par Jean-Luc Parodi à la formule des Entretiens du samedi qui deviennent dès 1980 les Matinées de l’AFSP. 

  13. Le CNRS consacrera la moitié de sa dotation annuelle consacrée au financement des colloques dans le domaine juridique et politique à cette manifestation nationale en accordant 20 000,00 francs de l’époque (Archives AFSP, Fonds J.-L. Parodi, carton 2 AFSP 1, procès-verbal du Conseil de l’AFSP en date du 4 mai 1981). 

  14. De nouveaux groupes de travail sont créés lors de cette décennie, notamment un groupe de Théorie politique animé par Pierre Birnbaum et Jean Leca. Théorie politique qui sera aussi au cœur du colloque consacré à l’œuvre de Pierre Clastres et proposé les 27 et 28 mai 1982 à l’initiative de Miguel Abensour. Le 18 février 1983, une réunion constitutive sera organisée pour inaugurer les activités du Groupe d’études sur le fait politique juif en France piloté scientifiquement par Dominique Schnapper, Pierre Birnbaum et Georges Lavau. Le 8 mars 1985, le Conseil d’Administration de l’AFSP acceptera aussi la création d’un groupe de travail animé par Ran Halevi (EHESS) consacré au thème : « Bilans et mémoires de la Révolution Constituante » qui se réunira, sous forme de séminaire restreint tout au long des années 1985-1987. 

  15. Plusieurs réunions seront ainsi organisées, à l’initiative de Jean-Luc Parodi pour commenter à chaud les résultats des principaux scrutins français (élections présidentielles de 1981, élections cantonales de 1982, élections municipales de 1983, élections législatives de 1986, élections présidentielles de 1988…). D’autres épisodes de la vie politique contemporaine feront l’objet de journées d’études : Journées d’études consacrées à « Un an de cohabitation à la française » (Paris, 3-4 avril 1987),  Journée d’études pour « Comprendre les élections européennes (1979-1984) » (Paris, 8 juin 1984). Les transformations contemporaines des sociétés et partis communistes font également l’objet d’une attention soutenue : Colloque sur « le Parti communiste, la mémoire et l’histoire » (Paris, 15-16 décembre 1983), Colloque international sur « L’évolution du communisme  en Europe occidentale » (Paris, 19-21 mars 1987). De son côté, Henri Mendras proposera, le 29 avril 1983, une Journée d’études consacrées aux « Transformations de la société française vues de l’échelon local ». 

  16. Les Congrès de cette décennie inscriront régulièrement cette thématique électorale à leur programme : Table ronde sur « Génération et politique » lors du Congrès de Paris en 1981 (rapporteur général : Annick Percheron) ; Table ronde sur les études du comportement électoral lors du Congrès de Grenoble en 1984 (rapporteur général : Daniel Gaxie). 

  17. En 1984, le CNRS « souhaitant contribuer au renouveau de l’étude du politique en France », programme une action thématique que la « genèse de l’État moderne » qui suscita un vif intérêt tant en histoire qu’en science politique. En 1988, la Fondation européenne de la science (FES) mi en chantier, à son tour, une enquête pluridisciplinaire sur les « origines de l’État moderne ». D’objet négligé par les sciences sociales, l’État est désormais au cœur de nombreuses stratégies de recherche qu’illustre bien la sortie, en 1979 chez Grasset, de la Sociologie de l’État de Bertrand Badie et Pierre Birnbaum. Dans le chapitre que ce dernier rédigé pour le Traité de science politique, P. Birnbaum atteste bien du renouveau de ces études en écrivant d’emblée : « Lieu par excellence de l’exercice du pouvoir, l’État a néanmoins longtemps presque disparu de la science politique contemporaine » (volume 2, Paris, PUF, 1985, p. 643). 

  18. Voir Lucien Nizard, Bruno Jobert & Pierre Muller, Eléments pour une nouvelle approche de l’Etat dans la France d’aujourd’hui, Grenoble, CERAT-Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, 1977. Sur « l’école grenobloise des politiques publiques, voir les témoignages rassemblés dans Anne-Cécile Douillet & Jean-Paul Zuanon, Quarante ans de recherche en sciences sociales. Regards sur le CERAT 1963-2003, Grenoble, PUG, 2004, notamment p. 83 et suiv. 

  19. Cette ouverture aux autres disciplines des SHS se retrouve dans le colloque organisé les 21-22 janvier 1988 sur les « Logiques d’entreprise et [les] formes de légitimité » sous la responsabilité de Luc Boltanski, Steven Kaplan et Laurent Thévenot. Ou encore dans le colloque sur « La communication politique. Fondements et nouvelles approches » (Paris, 14-15 mai 1987, sous la responsabilité scientifique de Dominique Wolton). La discipline historique est aussi sollicitée : Journée d’études sur « La politique sous le signe de la mémoire » avec Pierre Nora au moment où ce dernier publie les premiers tomes des Lieux de mémoire (Paris, 22-23 octobre 1984) ou la journée d’études consacrées à « La promotion républicaine » (Paris, 5 mai 1987, sous la responsabilité scientifique de Serge Berstein et d’Odile Rudelle). 

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